1ère Chambre
ARRÊT N° 439/2015
R.G : 14/08577
M. [P] [D]
Mme [K] [H] épouse [D]
C/
M. [V] [T]
M. [A] [T]
M. [I] [T]
Mme [U] [T]
Me [Q] [N]
Me [E] [F]
SCP [Y]- [Z]- [F] - [C] - [G] - [B]
SA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD
SAS FONCIA TRANSACTION LOIRE-ATLANTIQUE
SCP [N] - [O] - [M]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport,
Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Octobre 2015
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Novembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [P] [D]
né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 4]
[Adresse 7]
[Adresse 14]
Représenté par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
Madame [K] [H] épouse [D]
née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 4]
[Adresse 7]
[Adresse 14]
Représentée par Me Emmanuel KIERZKOWSKI-CHATAL de la SELARL POLYTHETIS, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
INTIMÉS :
Monsieur [V] [T]
né le [Date naissance 4] 1934 à [Localité 1]
[Adresse 19]
[Adresse 22]
Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Harry ORHON de la SELARL MAKOSSO ORHON FERNANDES-BENCHETRIT, Plaidant, avocat au barreau de CRETEIL
Monsieur [A] [T]
né le [Date naissance 4] 1963 à [Localité 3]
[Adresse 6]
[Adresse 17]
Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Harry ORHON de la SELARL MAKOSSO ORHON FERNANDES-BENCHETRIT, Plaidant, avocat au barreau de CRETEIL
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 2]
[Adresse 8]
[Adresse 20]
Représenté par Me Hélène LAUDIC-BARON,Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Harry ORHON de la SELARL MAKOSSO ORHON FERNANDES-BENCHETRIT, Plaidant, avocat au barreau de CRETEIL
Madame [U] [T]
née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 3]
[Adresse 21]
[Adresse 2]S -BELGIQUE-
Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Harry ORHON de la SELARL MAKOSSO ORHON FERNANDES-BENCHETRIT, Plaidant, avocat au barreau de CRETEIL
Maître [Q] [N]
[Adresse 16]
[Adresse 12]
Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
Maître [E] [F]
né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 6]
[Adresse 9] du 19 Mars 1962
[Adresse 24]
[Adresse 13]
Représenté par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
SCP [Y]- [Z]- [F] - [C] - [G] prise en la personne de ses représentants légaux domicilués en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 15]
Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
SA MUTUELLE DU MANS ASSURANCES IARD prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 18]
Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
SAS FONCIA TRANSACTION LOIRE-ATLANTIQUE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 10]
Représentée par Me Charlotte LALLEMENT de la SELARL LALLEMENT SOUBEILLE ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES
SCP [N] - [O] - [M] prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège
[Adresse 16]
[Adresse 11]
Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE:
Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse, ont, dans l'intention de faire construire une maison pour leur retraite, voulu acquérir un terrain à bâtir de 576 m², sur lequel était implanté un hangar, situé [Adresse 23], vendu par Monsieur [V] [T], Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] et Madame [U] [T] (consorts [T]).
Un acte de vente sous seing privé rédigé par la société Foncia Transaction Loire-Atlantique, a été signé des parties le 24 juillet 2012, pour le prix principal de 160 000 €, sous condition suspensive de l'obtention d'un certificat d'urbanisme opérationnel, un acte authentique devant être reçu par Maître [Q] [N], notaire à Saint-Sébastien-sur-Loire, au plus tard le 31 octobre 2012.
Le maire de La Baule a délivré le 11 octobre 2012 un certificat d'urbanisme opérationnel positif, qui mentionnait toutefois que toute demande d'autorisation d'urbanisme ferait l'objet d'une décision de sursis à statuer dans l'attente d'un nouveau plan local d'urbanisme (Plu), susceptible de rendre le terrain en cause inconstructible.
L'acte authentique a été reçu le 30 novembre 2012 par Maître [N], assisté de Maître [E] [F], notaire à [Localité 4], qui avait procédé à la vente de la précédente maison des époux [D] en 2011.
Ces derniers avaient déposé eux-mêmes le 16 novembre 2012 une demande de permis de construire, à laquelle le maire de la Baule a répondu le 7 décembre 2012 par une décision de sursis à statuer dans l'attente de la délibération sur le nouveau Plu qui prévoyait de classer le terrain en zone naturelle autorisant uniquement les extensions en volume des constructions existantes, observant que le projet présenté, qui prévoyait l'édification d'une nouvelle construction à usage d'habitation, serait de nature à compromettre l'exécution du futur plan.
Cette décision informait en outre le pétitionnaire de ce que d'une part, le dossier était incomplet, et d'autre part, que celui-ci aurait fait l'objet d'un refus pour ne pas avoir respecter les règles actuelles du plan d'occupation des sols.
Le permis de construire a été refusé par un arrêté du maire en date du 2 mai 2013, visant le Plu approuvé le 22 février 2013, au motif que le projet consistait en l'édification d'une nouvelle construction à usage d'habitation, et que le Plu autorisait uniquement l'extension des habitations existantes et non la création de nouvelle construction.
Les époux [D] ont alors saisi le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire d'une demande d'annulation de la vente et de réparation de leurs préjudices, et assigné les consorts [T], vendeurs, la société Foncia Transaction Loire-Atlantique, Maître [N] et la Scp [N] - [O]-[M], notaires à Saint-Sébastien-sur-Loire, Maître [F] et la Scp [Z] - [F] - [C], notaires à Guérande, et la compagnie MMA Iard, assureur des notaires.
Par jugement du 9 octobre 2014, le tribunal a :
déclaré l'action des époux [D] recevable, mais non fondée, et les en a déboutés,
dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
mis les dépens à la charge des époux [D], avec la faculté de recouvrement direct prévue par l'article 699 du même code.
Les époux [D] ont interjeté appel de ce jugement le 30 octobre 2014.
Par conclusions du 3 septembre 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, ils demandent à la cour :
de constater la publication de l'assignation au service de la publicité foncière,
de confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a déclaré leur action recevable,
de le réformer pour le surplus,
de déclarer nulle ou prononcer la résolution, avec toutes conséquences de droit, de la vente intervenue le 30 novembre 2012,
d'ordonner la publication foncière 'du jugement à intervenir' aux frais des défendeurs in solidum,
de condamner in solidum les consorts [T] à leur restituer le prix principal de vente du terrain, soit 160 000 €, outre intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 30 novembre 2012, et subsidiairement à compter de 'la présente assignation', et jusqu'à parfait paiement,
de condamner in solidum les consorts [T], la société Foncia Transaction Loire-Atlantique, Maître [N], la Scp [N] - [O]-[M], Maître [F], la Scp [X] - [Z] - [F] - [C] et la compagnie MMA Iard à leur rembourser les droits de mutation payés à l'occasion de la vente soit 8 144 €, les frais et émoluments des notaires, dont le décompte précis ne leur a pas encore été fourni à ce jour, et toutes les taxes foncières réglées par eux au titre du terrain en cause à compter du 30 novembre 2012, sur présentation des justificatifs,
à titre subsidiaire, de condamner in solidum les mêmes à leur payer la somme de 155 000 € représentant la perte de valeur vénale du terrain acquis, résultant de son inconstructibilité,
en tout état de cause, de condamner in solidum les mêmes à leur payer la somme de 25 000 € en réparation du préjudice financier résultant de l'obligation de racheter deux contrats d'assurance-vie, celle de 69 035,94 € en réparation du préjudice financier résultant de l'obligation de souscrire un prêt, celle de 15 000 € à chacun d'eux en réparation de leur préjudice moral,
de condamner in solidum les mêmes à leur payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de condamner in solidum les mêmes aux dépens de première instance et d'appel,
de débouter les intimés de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires, reconventionnelles ou plus amples.
Par conclusions du 30 juillet 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, les consorts [T] demandent à la cour :
à titre principal, de confirmer le jugement déféré,
à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société Foncia Transaction Loire-Atlantique, Maître [N], la Scp [N] - [O]-[M], Maître [F], la Scp [X] - [Z] - [F] - [C] et la compagnie MMA Iard, pour avoir failli à leur obligation d'information, de conseil et de mise en garde, à les garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à leur encontre,
de condamner in solidum Maître [N], la Scp [N] - [O]-[M], Maître [F], la Scp [X] - [Z] - [F] - [C] et la compagnie MMA Iard à leur payer la somme de 34 196 € au titre de la plus-value dont ils ont du s'acquitter,
de condamner la société Foncia Transaction Loire-Atlantique à leur restituer la somme de 10 000 € perçue au titre de sa commission d'agence,
de condamner les époux [D] à restituer les lieux dans l'état qui était le leur au jour de la vente,
de leur accorder les plus larges délais de paiement,
en tout état de cause, de condamner l'ensemble des défendeurs et demandeurs à leur payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec la faculté de recouvrement direct prévue par l'article 699 du même code.
Par conclusions du 9 février 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, la société Foncia Transaction demande à la cour :
à titre principal, de confirmer le jugement déféré,
à titre subsidiaire, de débouter les époux [D] de toutes demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,
plus subsidiairement encore, de débouter les époux [D] de leur demande reconventionnelle d'être relevés et garantis par elle de toutes condamnations prononcées à leur encontre,
de les débouter de leur demande de la voir leur rembourser la somme de 10 000 € acquittée au titre de sa commission,
de les condamner, ou toute autre partie succombante, à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de les condamner aux entiers dépens, avec la faculté de recouvrement direct prévue par l'article 699 du même code.
Par conclusions du 5 janvier 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Maître [N], la Scp [N] - [O]-[M], Maître [F], la Scp [X] - [Z] - [F] - [C] et la compagnie MMA Iard demandent à la cour :
de confirmer le jugement déféré,
de débouter les époux [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre,
de débouter les consorts [T] de leur demande en garantie à leur encontre,
de les débouter notamment de leur demande tendant à obtenir le remboursement de l'impôt sur la plus-value acquitté lors de la vente,
de condamner les époux [D] à verser à Maître [N] d'une part, et Maître [F] d'autre part, une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
de les condamner en tous les dépens, avec la faculté de recouvrement direct prévue par l'article 699 du même code.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 22 septembre 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR :
1/ Sur la recevabilité de l'action :
La recevabilité de l'action des époux [D] n'est pas contestée devant la cour et la disposition du jugement qui l'a admise sera confirmée.
2/ Au fond :
A/ Sur la nullité de la vente :
L'acte de vente signé le 24 juillet 2012 portait sur un bien expressément qualifié de terrain à bâtir.
Il stipulait notamment que 'la présente vente, sur justification, sans qu'il y ait faute des parties, sera considérée comme nulle et non avenue (dans le cas où)... l'immeuble se révèle faire l'objet de servitudes ou mesures administratives de nature à rendre impossible la destination'.
Il précisait que sa signature constituait un accord définitif sur la chose et sur le prix, sous réserve, à titre de condition suspensive, de l'obtention d'un certificat d'urbanisme opérationnel ; ce certificat a été délivré par la mairie de La Baule Escoublac le 11 octobre 2012 et était positif, indiquant que l'opération était réalisable en l'état des règles d'urbanisme alors applicables, mais qu'il serait néanmoins sursis à statuer sur une demande de permis de construire dans l'attente du nouveau Plu.
La condition suspensive était alors accomplie, et la vente parfaite ; l'établissement d'un acte authentique avait en effet été convenu entre les parties non pour assurer la perfection de la vente, mais pour opérer le transfert de propriété et permettre les mesures de publicité foncière, et la stipulation qui a été introduite à l'acte notarié du 30 novembre 2012, selon laquelle les parties déclaraient 'qu'elles n'ont jamais fait de l'obtention d'un certificat d'urbanisme préopérationnel et de la possibilité d'exécuter des travaux nécessitant l'obtention préalable d'un permis de construire une condition des présentes', clause de style contradictoire avec celle de l'acte sous seing privé qui correspondait, elle, à la destination du terrain voulue par les parties et clairement indiquée, doit être considérée comme sans portée.
Mais il s'est avéré que, ainsi que l'annonçait le certificat d'urbanisme, le maire a, le 7 décembre 2012, décidé de surseoir à statuer sur la demande de permis de construire que les époux [D] lui avaient présentée le 16 novembre précédent, et il est constant que le Plu approuvé le 22 février 2013 a rendu le terrain inconstructible, ce pourquoi le permis de construire sollicité par les époux [D] a été refusé par arrêté du 2 mai 2013.
Le bien acquis s'est ainsi révélé faire l'objet d'une mesure administrative de nature à rendre impossible la destination qui était la sienne, à savoir l'édification d'une maison d'habitation.
Les époux [D] sont donc fondés, en vertu des dispositions contractuelles, à obtenir l'annulation de la vente qu'ils réclament au premier chef.
B/ Sur les effets de l'annulation :
a) Restitutions :
L'annulation replace les parties en l'état antérieur à la vente annulée, et les oblige à restitutions intégrales réciproques de la chose et du prix.
Les consorts [T] seront en conséquence condamnés, in solidum, à restituer aux époux [D] le prix principal de vente du terrain, soit 160 000 €, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de l'assignation du 28 mai 2013 aux termes de laquelle les époux [D] ont sollicité cette restitution, et jusqu'à parfait paiement ; la demande de délai de paiement, non motivée, sera rejetée.
Les époux [D] sont tenus quant à eux de restituer le terrain objet de la vente annulée, dans l'état qui était le sien au jour de celle-ci.
La société Foncia Transaction devra restituer aux consorts [T] la somme de 10 000 € qu'ils lui ont versée à titre d'honoraires de négociation, dès lors que l'annulation de la vente ne résulte ni de l'accord entre vendeur et acquéreur, ni de la mise en oeuvre de la clause résolutoire prévue au contrat du 24 juillet 2012, ni encore d'une préemption légale, causes prévues au contrat comme exclusives de la restitution.
b) Publication de la décision d'annulation :
Il convient d'ordonner la publication foncière du présent arrêt prononçant l'annulation de la vente, aux frais partagés des vendeurs et des acquéreurs.
C/ Sur la réparation des préjudices :
Au titre de la réparation des préjudices qu'ils prétendent subir du fait des fautes commises par les vendeurs, l'agent immobilier et les notaires, les époux [D] sollicitent d'une part, la condamnation de ceux-ci et de leur assureur à leur rembourser les droits de mutation payés à l'occasion de la vente, soit 8 144 €, et toutes les taxes foncières réglées par eux au titre du terrain en cause à compter du 30 novembre 2012, ainsi que les frais et émoluments des notaires, sur présentation des justificatifs.
Ils soutiennent, d'autre part, qu'ils se sont vus dans l'obligation de procéder à une autre acquisition et, pour ce faire, de racheter deux contrats d'assurance-vie et de souscrire un emprunt bancaire, et qu'ils n'ont pu réaliser le projet de construction qu'ils souhaitaient ; ils sollicitent en conséquence l'indemnisation du préjudice matériel et moral ainsi subi.
Les consorts [T], qui font valoir qu'ils ont du acquitter une somme totale de 34 196 € au titre de l'imposition sur la plus-value à raison de la vente annulée, ce dont ils justifient par le décompte notarié de règlement du prix de vente, demandent quant à eux condamnation des notaires et de leur assureur à leur rembourser cette somme, sans cependant préciser le fondement en droit de cette prétention.
Les demandes afférentes aux droits et taxes et aux émoluments ne relèvent pas du régime des restitutions découlant de l'annulation de la vente, mais présentent, comme celles qui se rapportent au préjudice matériel et moral invoqué, un caractère indemnitaire.
Le fondement de la responsabilité, à l'égard des acquéreurs, de préjudices non réparés par le simple jeu des restitutions est en principe délictuel, puisque le contrat est anéanti.
A ce titre, il appartient aux époux [D] de démontrer les fautes qu'ils reprochent aux consorts [T], vendeurs, à la société Foncia Transaction qui détenait son mandat de ceux-ci, et à Maître [N], qui était chargé, en sa qualité d'officier public, de recevoir l'acte authentique.
Il ressort en revanche de cet acte que Maître [F], notaire exerçant au sein de la Scp [X] - [Z] - [F] - [C], est intervenu en qualité d'assistant des époux [D], de sorte que c'est sur le fondement contractuel que la responsabilité de ce notaire est susceptible d'être engagée, et il revient aux époux [D] de prouver le manquement de ce notaire à ses obligations contractuelles.
a) Sur les fautes :
i) Imputées aux vendeurs :
Les époux [D] reprochent aux consorts [T] de ne pas avoir rempli de bonne foi leurs obligations contractuelles en ayant sollicité et obtenu le 12 septembre 2012 un certificat d'urbanisme dont il était convenu à l'acte du 24 juillet 2012 qu'il devait être demandé par les acquéreurs.
Mais d'une part, ainsi qu'il a été dit, il ne peut être reproché aux consorts [T] un manquement à des obligations nées d'un contrat anéanti.
D'autre part, il résulte du certificat d'urbanisme d'information daté du 12 septembre 2012 que celui-ci, qui d'ailleurs ne mentionnait aucune observation ni prescription particulière, n'a pas été demandé par les consorts [T] mais par Maître [N].
Aucune faute délictuelle n'est établie à la charge des vendeurs.
ii) Imputées aux notaires :
Il est constant que l'acte authentique dressé le 30 novembre 2012 par Maître [N], avec la participation de Maître [F], comportait les mentions suivantes :
'Certificat d'urbanisme positif:
Un certificat d'urbanisme demandé au titre de l'article L 410-1 du Code de l'urbanisme a été délivré le 11 octobre 2012 par la mairie de La Baule-Escoublac sous le numéro CU 044 055 12 B0035.
Le contenu de ce certificat dont le détail a été intégralement porté à la connaissance des parties, ce qu'elles reconnaissent, est le suivant :
- les dispositions d'urbanisme applicables au terrain,
- les limitations administratives au droit de propriété affectant le terrain,
- les équipements publics existants et prévus,
- le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables au terrain,
- la mention que le terrain peut être utilisé pour l'opération mentionnée dans la demande, ou si le terrain ne peut pas être utilisé pour l'opération envisagée, les raisons qui justifient cette impossibilité,
- la mention précisant que le terrain est situé à l'intérieur d'une zone de préemption , définie par le code de l'urbanisme'.
Ces dispositions sont ambiguës puisque le contenu du certificat tel que transcrit, dont il est dit qu'il a été porté à la connaissance des époux [D], ne reprend pas les termes de ce certificat sur le point essentiel, qui était l'information de ceux-ci sur la décision de sursis à statuer que prendrait certainement le maire eu égard à l'évolution en cours des règles d'urbanisme concernant la commune.
De plus, et comme il a déjà été vu, l'acte ne reflétait pas la commune intention des parties, qui avaient entendu vendre et acquérir un terrain constructible, dès lors qu'il contenait une mention selon laquelle cette constructibilité n'était pas une condition de la convention, mention qui ne pouvait qu'accroître la confusion dans l'esprit des époux [D] relativement à la portée de ses stipulations.
Or il appartenait aux notaires, tenus de s'assurer de l'efficacité de l'acte auquel ils prêtaient leur concours, d'attirer spécialement l'attention des époux [D] sur les conséquences d'un sursis à statuer sur leur demande de permis de construire dans l'attente de l'approbation d'un Plu destiné à rendre le terrain acquis inconstructible.
Les mentions précitées, ni aucune autre disposition prise par les notaires, ne démontrent que ceux-ci ont rempli leur obligation.
iii) Imputées à l'agence immobilière :
La société Foncia Tansaction n'a pas commis de faute dès lors qu'elle a fait figurer à l'acte sous seing privé du 24 juillet 2012, seul objet de son intervention, la condition suspensive d'obtention de certificat d'urbanisme opérationnel et la clause d'annulation au cas où les mesures administratives, que ce certificat pourrait révéler, seraient contraires à la destination voulue, stipulations dont la combinaison conduit précisément à l'annulation de la vente telle qu'ordonnée par la présente décision.
b) Sur les préjudices et le lien de causalité :
Quel qu'en soit le fondement, la responsabilité des notaires ne peut cependant les obliger qu'à la réparation des préjudices que leurs fautes ou manquements ont certainement et directement causés.
i) Préjudices invoqués par les époux [D] :
D'une part, si la vente, qui était parfaite dès le 11 octobre 2012, a été annulée, c'est par le jeu des stipulations de la convention du 24 juillet 2012 au regard de l'impossibilité de réaliser la destination du bien qui en était l'objet ; et la faute ou le manquement commis par les notaires lors de l'établissement de l'acte authentique du 30 novembre 2012 n'est pas la cause du préjudice découlant de cette annulation.
D'autre part, pas plus qu'en première instance, les époux [D], auxquels pourtant l'objection a été faite à plusieurs reprises dans les écritures de leurs adversaires, ne produisent quelqu'élément que ce soit relatif aux taxes foncières, aux frais et émoluments réglés au notaire si tel a été le cas, à l'acquisition nouvelle, au rachat de contrats d'assurance-vie, à la souscription d'un emprunt, et au préjudice moral allégués.
S'agissant des droits d'enregistrement applicables à la mutation, il ressort de l'acte notarié qu'ils se sont élevés à la somme de 8 144 € ; mais, ainsi que le font valoir les notaires et leur assureur, ces droits sont, selon l'article 1961 du Code général des impôts, restituables par l'administration fiscale dès lors que l'annulation de la vente est prononcée par une décision passée en force de chose jugée, ce que sera le présent arrêt à son prononcé.
Le préjudice invoqué n'est ainsi pas certain et les époux [D] ne sont pas fondés à réclamer le remboursement de ces droits aux parties à l'instance.
ii) Préjudice invoqué par les consorts [T] :
Les consorts [T], qui font valoir qu'ils ont du acquitter une somme totale de 34 196 € au titre de l'imposition sur la plus-value à raison de la vente annulée, ce dont ils justifient par le décompte notarié de règlement du prix de vente, demandent condamnation des notaires et de leur assureur à leur rembourser cette somme, sans cependant préciser le fondement en droit de cette prétention.
S'agissant du paiement de l'impôt sur la plus-value par les consorts [T], il y a lieu de relever là encore que, dans le cas où le contrat de vente d'un bien immobilier est annulé, le contribuable peut obtenir, sur réclamation, une restitution partielle ou totale des droits indûment perçus à ce titre, la demande de dégrèvement de l'imposition initialement établie pouvant être présentée dans un délai dont le point de départ est constitué par la date de l'annulation, et qui expire le 31 décembre de la deuxième année suivant cette date.
Le préjudice invoqué par les consorts [T] n'est donc pas davantage certain, et ceux-ci ne sont pas fondés à voir condamner les notaires et leur assureur au remboursement de l'impôt payé.
c/ Appel en garantie :
Les consorts [T] prétendent à la garantie de l'agence immobilière et des notaires pour toute condamnation prononcée à leur encontre.
Ils sont tenus par la présente décision de restituer le prix de vente ; cette obligation n'est que la contrepartie de la restitution entre leurs mains du terrain objet de la vente annulée et ne constitue pas un dommage dont la réparation peut être garantie par des tiers.
Ils sont par ailleurs tenus à la moitié des frais de publication du présent arrêt.
Mais la faute des notaires n'est pas la cause de l'annulation de l'acte de vente, et il a été dit précédemment que l'agence immobilière n'avait pas manqué à ses obligations.
L'appel en garantie formé par les consorts [T] est ainsi sans objet ni fondement.
3/ Sur les frais et dépens :
Il n'y a pas davantage lieu à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en appel qu'en première instance.
Les intimés seront condamnés, in solidum, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Après rapport fait à l'audience ;
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse, recevable ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau :
Prononce la nullité de la vente par Monsieur [V] [T], Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T] à Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse, d'un terrain à bâtir situé à [Localité 5], lieudit [Adresse 1], cadastré:
- section [Cadastre 1], pour une superficie de 00 ha 02 a 07 ca,
- section [Cadastre 2], pour une superficie de 00 ha 00 a 98 ca,
- section [Cadastre 3], pour une superficie de 00 ha 01 a 69 ca,
- section [Cadastre 4], pour une superficie de 00 ha 01 a 02 ca,
soit une superficie totale de 00 ha 05 a 76 ca, intervenue par acte sous seing privé du 24 juillet 2012 et acte authentique reçu le 30 novembre 2012 par Maître [Q] [N], notaire à Saint-Sébastien-sur-Loire (Loire-Atlantique), publié à la conservation des hypothèques de [Localité 7], 2ème bureau, le 12 décembre 2012 Volume 2012 P n° 5129 ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de Saint-Nazaire, aux frais, pour moitié, de Monsieur [V] [T] Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T], et pour l'autre moitié de Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse ;
Ordonne la restitution par Monsieur [V] [T], Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T] à Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse, du prix de vente, soit la somme de 160 000 €, augmentée des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 28 mai 2013 ;
Ordonne la restitution par Monsieur [P] [D] et Madame [K] [H], son épouse, à Monsieur [V] [T] Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T] du terrain ci-dessus désigné, dans l'état qui était le sien à la date du 24 juillet 2012 ;
Ordonne la restitution par la société Foncia Transaction Loire-Atlantique à Monsieur [V] [T], Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T] de la somme de 10 000 € qu'ils lui ont versée à titre d'honoraires de négociation ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne in solidum Monsieur [V] [T], Monsieur [A] [T], Monsieur [I] [T] Madame [U] [T], in solidum entre eux et avec la société Foncia Transaction Loire-Atlantique, Maître [Q] [N] et la Scp [N] - [O]-[M], notaires à Saint-Sébastien-sur-Loire, et Maître [E] [F] et la Scp [Z] - [F] - [C], notaires à Guérande, aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT