1ère Chambre
ARRÊT N° 432/2015
R.G : 14/08434
Mme [C] [J] divorcée [I]
C/
M. [U] [V] [I]
Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller, entendu en son rapport
Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,
GREFFIER :
Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Octobre 2015
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Novembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [C] [J] divorcée [I]
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [U] [V] [I]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Pierre STICHELBAUT, avocat au barreau de [Localité 3]
FAITS ET PROCÉDURE:
Monsieur [N] [I] et Madame [C] [J], qui se sont mariés le [Date mariage 1] 1996 après avoir adopté, par contrat reçu le 21 octobre précédent par Maître [O], notaire à [Localité 3], le régime de la participation aux acquêts, ont constitué entre eux et à égalité de parts, le 26 avril 1997, la Sci de la Roupie, laquelle a fait le 15 mai 1997 l'acquisition d'une maison d'habitation à [Localité 2] (Ille-et-Vilaine) moyennant un prix total de 770 000 F, dont 720 000 F pour l'immeuble et 50 000 F pour le mobilier le garnissant.
Monsieur [I] et Madame [J] ont divorcé par consentement mutuel suivant un jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de [Localité 3] en date du 27 novembre 2002, qui a homologué la convention définitive réglant les conséquences de leur divorce.
Faisant valoir que Madame [J] et lui-même avaient convenu qu'il rachèterait les parts de son épouse dans la Sci au prix de 50 765,52 €, sur lequel il avait déjà versé à celle-ci une somme de 23 000 €, Monsieur [I] a assigné Madame [J] devant le tribunal de grande instance de [Localité 3] pour voir constater l'accord des parties et dire qu'à défaut pour Madame [J] d'avoir régularisé l'acte de cession dans le délai contractuellement prévu, le jugement à intervenir vaudra acte de cession à son profit.
Par jugement du 10 septembre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de [Localité 3] a:
- constaté que l'exception d'incompétence soulevée par Madame [J] était sans objet,
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Madame [J],
- constaté que la vente des parts sociales est parfaite entre les parties à la date du 31 mai 2002 et que Monsieur [I] est redevable de la somme de 27 765 € à Madame [J],
- dit qu'à défaut de régularisation d'un acte entre les parties, la décision vaudra acte de cession à la date précitée, pour être déposée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 3] ainsi qu'à la recette des impôts,
- débouté Madame [J] de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Madame [J] à payer à Monsieur [I] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Madame [J] aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code,
- ordonné l'exécution provisoire de ces dispositions.
Madame [J] a interjeté appel de ce jugement le 24 octobre 2014.
Par conclusions du 20 janvier 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, elle demande à la cour:
- de réformer le jugement déféré,
- de constater qu'elle n'a jamais donné son accord pour la cession des parts sociales de la Sci lui appartenant aux conditions énoncées par Monsieur [I],
- à défaut, de dire que les conventions invoquées sont nulles pour être atteintes de lésion et pour vileté du prix,
- de dire en conséquence qu'elle est demeurée propriétaire des parts numérotées 371 à 740 dont elle est titulaire dans la Sci de la Roupie,
- de dire qu'elle est fondée dans sa réclamation tendant à bénéficier de la moitié du résultat net que la Sci aurait enregistré si Monsieur [I] avait satisfait à ses obligations locatives à compter du 27 novembre 2002,
- de désigner un expert, aux frais avancés de Monsieur [I], pour estimer la valeur vénale et la valeur locative de l'immeuble appartenant à la Sci, ainsi que les charges de la Sci depuis le 27 novembre 2002,
- de condamner dès à présent Monsieur [I] à lui verser une provision à valoir sur résultat de 108 000 €,
- subsidiairement et pour le cas où les parts sociales constituent des acquêts, d'ordonner un partage complémentaire entre Monsieur [I] et elle pour parvenir à la liquidation complète de leur régime matrimonial,
- de la dire en ce cas fondée dans sa réclamation tendant à bénéficier de la moitié du résultat net que la Sci aurait enregistré si Monsieur [I] avait satisfait à ses obligations locatives à compter du 27 novembre 2002,
- de désigner un expert, aux frais avancés de Monsieur [I], pour déterminer ce résultat,
- de condamner également en ce cas Monsieur [I] à lui verser une provision à valoir sur résultat de 108 000 €,
- de le condamner à lui verser une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de dire irrecevable ou en tous cas mal fondé Monsieur [I] en ses prétentions et l'en débouter,
- de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
Par conclusions du 19 mars 2015, auxquelles il sera renvoyé pour l'exposé des moyens et arguments, Monsieur [I] demande à la cour:
- de débouter Madame [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de confirmer le jugement déféré,
- y ajoutant, de condamner Madame [J] au paiement de la somme de 1 500 € à titre de dommages-intérêts,
- de la condamner au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 22 septembre 2015.
MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:
Lorsqu'ils ont comparu le 27 novembre 2002 devant le juge aux affaires familiales pour voir prononcer leur divorce par consentement mutuel, Monsieur [I] et Madame [J], alors diplômée d'aptitude aux fonctions de notaire et exerçant comme clerc de notaire, ont l'un et l'autre confirmé leur volonté de voir homologuer la convention définitive destinée à régler les effets complets de leur divorce, laquelle convention ne mentionnait aucune disposition relative à la liquidation du régime matrimonial, et notamment au sort des parts sociales de la Sci de la Roupie.
Il ressort de trois attestations de Maître [D] [Y], notaire à [Localité 1], en date des 3 mai, 31 mai et 4 novembre 2002, ainsi toutes antérieures au jugement d'homologation:
- que dans le cadre de leur divorce, Monsieur [I] et Madame [J] avaient convenu de ce que celle-ci céderait à son conjoint, pour le prix de 333 000 F, ou 50 765,52 €, la totalité des parts qu'elle détenait dans la Sci de la Roupie, sauf une cédée à un tiers pour éviter la dissolution de la société,
- que Monsieur [I] a remis le 31 mai 2002 un chèque de 23 000 € à Madame [J] en règlement de partie du prix de la cession, le solde, soit la somme de 27 765 €, devant être payé à la signature de l'acte de cession ou au plus tard dans les deux mois suivant la date du jugement de divorce,
- enfin qu'il ne dépendait aucun bien immobilier du régime matrimonial des époux [S].
Madame [J] ne conteste pas avoir reçu et encaissé le chèque de 23 000 €.
Et le 4 février 2003, elle a, comme Monsieur [I], approuvé et signé un avenant au contrat de prêt qu'ils avaient conclu avec la Banque de Bretagne en 1997, lors de l'acquisition de la maison de [Localité 2] par la Sci de la Roupie, avenant selon lequel, de convention expresse, ce contrat était modifié, au motif que l'intégralité des parts de la Sci devait être attribuée à Monsieur [I], en ce sens que ce dernier devait poursuivre seul le remboursement des échéances du prêt jusqu'à son terme et que la banque acceptait de libérer Madame [J] de son obligation de codébitrice solidaire et d'annuler l'adhésion de celle-ci à l'assurance-groupe garantissant cette obligation.
Il résulte suffisamment de ce qui précède au regard des dispositions des articles 1582 et 1583 du Code civil, qui ne soumettent le consentement des parties à aucune condition de forme, et alors que rien ne démontre que celui de Madame [J] a pu être vicié, que la vente par celle-ci à Monsieur [I] des parts sociales, numérotées 371 à 740, dont elle était propriétaire dans la Sci de la Roupie était parfaite dès avant le prononcé de leur divorce, les courriers adressés par Monsieur [I] à son ex épouse en 2005 et 2006 devant se comprendre comme constituant, de sa part, des tentatives amiables de discussion pour mettre fin au litige les opposant quant à l'exécution de la convention de cession.
S'agissant d'une cession de parts de nature mobilière et ne relevant ainsi pas des dispositions de l'article 1674 du Code civil applicables aux seules ventes d'immeubles, il ne saurait y avoir lieu à rescision pour cause de lésion.
Et le prix convenu, de 50 765,52 € pour la moitié des parts du capital de la Sci dont le patrimoine se composait du seul immeuble de [Adresse 3] acquis cinq ans auparavant pour 720 000 F, soit 109 763,29 €, ne peut être considéré comme dérisoire et fonder une annulation de la vente pour vileté du prix, au seul vu d'une 'note d'expert' intervenu 'au soutien des intérêts de Madame [J]' en juillet 2013, qui propose une évaluation de l'immeuble sans l'avoir visité, sur les dires et descriptions de la seule Madame [J] et au vu de spéculations sur la création éventuelle de lots à bâtir par division, comme telle dépourvue de toute valeur probante.
Par ailleurs, la cession des parts est, au vu de la première des attestations de Maître [Y], intervenue postérieurement au dépôt, le 2 mai 2002, de la requête conjointe en divorce, date à laquelle le prononcé ultérieur du divorce a produit la dissolution du régime matrimonial de la participation aux acquêts conformément aux dispositions de l'article 1571 alinéa 1er du Code civil.
Madame [J], dont la qualité professionnelle particulière doit être soulignée, et Monsieur [I] se sont accordés pour procéder à la liquidation de ce régime par une convention qui ne faisait pas mention des parts qui se trouvaient donc dans le patrimoine final de Madame [J] au moment de la dissolution de leur régime matrimonial, convention qu'ils ont soumise à l'homologation du juge aux affaires familiales pour obtenir le prononcé de leur divorce.
Si Madame [J] considère que cette convention n'a pas liquidé le régime matrimonial, il y a lieu de rappeler d'abord qu'en vertu des dispositions de l'article 279 du même code, la convention homologuée ne peut être modifiée que par une nouvelle convention, également soumise à homologation, ensuite que les parts cédées n'ont à aucun moment été indivises entre les époux, de sorte qu'il n'y aurait pas lieu à partage complémentaire, enfin que l'action en liquidation judiciaire ouverte, à défaut de règlement conventionnel, par l'article 1578 du Code civil, se prescrit par trois ans à compter du jour de la décision ordonnant la dissolution du régime matrimonial.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Madame [J] a, antérieurement au prononcé du divorce mais alors que le régime de participation aux acquêts qui la liait à Monsieur [I] était déjà dissous par l'effet de ce prononcé, cédé à celui-ci les parts sociales dont elle était propriétaire dans le capital de la Sci de la Roupie, ce qu'elle pouvait faire sans procéder par acte notarié puisque la cession ne portait pas sur des droits immobiliers et n'était pas soumise à publicité foncière, conformément aux dispositions de l'article 1450 du Code civil alors en vigueur.
Elle ne peut donc prétendre à aucune part sur les bénéfices de la société depuis le prononcé du divorce comme elle le réclame.
Elle sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses prétentions, et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens de première instance et aux frais non compris en ceux-ci.
La demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [I], qui n'est soutenue dans ses écritures par aucun moyen de droit ni de fait, sera rejetée.
Madame [J] sera condamnée au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens de cette instance, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
PAR CES MOTIFS:
La cour,
Après rapport fait à l'audience ;
Déboute Madame [C] [J] de l'ensemble de ses demandes ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par Monsieur [N] [I] ;
Ajoutant au jugement, condamne Madame [C] [J] à payer à Monsieur [N] [I] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT