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27/10/2015 | FRANCE | N°14/06922

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 27 octobre 2015, 14/06922


6ème Chambre B

ARRÊT No 634

R. G : 14/ 06922

M LE PRESIDENT du CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Yala X... Y... Mme Annick Z...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU,

lors des débats et lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur François TOURET de COUCY, substitut général, lequel pris des réquisitions ...

6ème Chambre B

ARRÊT No 634

R. G : 14/ 06922

M LE PRESIDENT du CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Yala X... Y... Mme Annick Z...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2015

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur François TOURET de COUCY, substitut général, lequel pris des réquisitions écrites et Monsieur Martial GUILLOIS, substitut général, lequel a pris des réquisitions à l'audience

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 21 Septembre 2015 devant Monsieur Jean-Luc BUCKEL et Monsieur Pierre FONTAINE, magistrats délégués à la protection des majeurs, tenant l'audience en double rapporteur sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 27 Octobre 2015 par mise en disposition comme indiqué à l'issue des débats **** ENTRE :

APPELANT : MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant représenté par Me Yvonnick GAUTIER, SCP GAUTIER LHERMITTE, avocats au barreau de RENNES et par Mme A....

ET :
Mademoiselle Yala X... Y... Chez B...Mélanie ...35000 RENNES comparante assistée de Me Jennifer LELOUEY

Madame Annick Z..., en qualité d'administratrice ad'hoc de la mineure Yala X... Y... ... 35650 LE RHEU comparante

Yala X... Y..., se disant née le 11 septembre 1999 à Luanda (République d'Angola), et être de nationalité angolaise, déclarait être arrivée en France le 6 juin 2014.

Elle exposait que sa mère avait disparu alors qu'elle avait trois ans ; que son père, Enrico Joao Y..., négociant en véhicules automobiles, exerçant également un ministère de pasteur pour le compte d'une église évangélique, se servait de cette fonction pour faire passer un message à caractère politique aux jeunes, si bien qu'il était arrêté par la police en mai 2014, comme opposant au régime en place ; que l'associé de son père, prénommé Samuel, l'avait recueilli à son domicile ; que cet individu avait abusé d'elle et qu'elle s'était retrouvée enceinte de ses oeuvres, son épouse l'obligeant à avorter ; que c'est dans ces conditions que le dénommé Samuel lui avait fait prendre l'avion à destination de la France le 5 juin 2014, la contraignant à voyager sous couvert du passeport de sa fille ; qu'arrivés à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, ils avaient pris le train jusqu'à Rennes ; que dans la matinée du 6 juin 2014, elle avait été déposée à la Plate-forme d'accueil pour demandeurs d'asile, puis recueillie provisoirement par la Mission mineurs étrangers isolés du département d'Ille-et-Vilaine jusqu'au 18 juin 2014, date à laquelle il lui était notifié la fin de cette prise en charge à compter du même jour.
Par requête du 27 juin 2014, reçue au greffe du juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Rennes le 30 juin 014, Yala X... Y... sollicitait l'ouverture d'une mesure de tutelle à son profit ; la constatation de sa vacance ; son défèrement au Président du conseil général du département d'Ille-et-Vilaine et la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de l'assister dans les démarches visant à établir son identité.
Par ordonnance du 17 juillet 2014, le magistrat saisi, faisant droit à la requête, ouvrait une mesure de tutelle au bénéfice de Yala X... Y..., en constatait la vacance, la déférait au Président du conseil général du département d'Ille-et-Vilaine, à charge pour lui de la déléguer au Service de l'aide sociale à l'enfance et désignait Madame Z... en qualité d'administrateur ad hoc chargée de représenter la mineure dans toutes les démarches relatives à l'obtention de documents d'identité non contestables.
Cette décision était notifiée au Président du conseil général du département d'Ille-et-Vilaine par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 17 juillet 2014, l'accusé de réception étant signé par le destinataire le 21 juillet 2014.
Par courrier recommandé posté le 23 juillet 2014, reçu au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 28 juillet 2014, le Président du conseil général du département d'Ille-et-Vilaine interjetait appel de l'ordonnance dont s'agit.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a essentiellement retenu que le Cedula Pessoal produit en original par Yala X... Y..., présentant les caractéristiques d'un document authentique, constituait un premier élément écrit de nature à établir la minorité de l'intéressée, même si ce document ne peut être qualifié d'acte de l'état civil au sens de l'article 47 du Code civil ; que le rapport d'évaluation sociale établi le 20 juin 2014 par la Mission Mineurs Isolés Étrangers du département d'Ille-et-Vilaine concluait à la majorité de la susnommée sur le fondement d'éléments sans aucun rapport avec l'objet de cette évaluation ; que le contenu de ce document mettait en évidence l'attitude particulièrement suspicieuse de ce service envers les candidats au statut de mineur étranger isolé, attitude peu compatible avec l'établissement d'une relation d'écoute minimale permettant aux jeunes de se confier dans le bref laps de temps qui lui est imparti ; que ni l'apparence physique, ni la physionomie du candidat ne sauraient être prises en considération pour justifier le refus de prise en charge ; que les autres arguments développés par le Président du conseil général pour s'opposer à la demande d'ouverture de tutelle relevaient de motifs d'ordre général ou de pétitions de principe sans lien avec le cas d'espèce.
Au soutien de son recours, le Président du conseil général du département d'Ille-et-Vilaine fait valoir que le Cedula Pessoal (livret personnel) délivré par les autorités angolaises ne constitue ni une pièce d'identité, ni un acte de l'état civil susceptible de bénéficier de la présomption de régularité édictée par l'article 47 du Code civil ; qu'au demeurant, quand bien même il serait considéré qu'un tel document pourrait être qualifié d'acte de l'état civil, il y aurait alors lieu de constater qu'il ne comporte aucune mention relative à sa légalisation ; que l'appréciation formulée par les éducateurs de la Mission Mineurs Isolés Étrangers, professionnels spécialement formés à l'accueil de tels mineurs et à l'évaluation du degré de prise en charge nécessité par chacun d'entre eux, ont clairement donné leur avis dans le sens d'un état de majorité de Yala X... Y... ; que l'intéressée, postérieurement au refus de prise en charge, s'est montrée parfaitement autonome, sans crainte de se retrouver seule dans un hôtel ou au restaurant, dans un pays qu'elle ne connaît pas et dont elle ne parle pas la langue ; que résidant en famille d'accueil depuis le 4 septembre 2014, elle n'a pas cherché à s'y intégrer, ni à entreprendre un apprentissage du français.
Il demande, en conséquence, à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée ; de débouter Yala X... Y... de sa demande d'ouverture de tutelle et de prise en charge par les services de l'Aide sociale à l'enfance ; de constater l'état de majorité de l'intéressée et de la débouter de toutes autres demandes, fins et conclusions ; de statuer ce que de droit sur les dépens.
Par l'intermédiaire de son conseil, Yala X... Y... conclut à l'application de la présomption de régularité résultant des dispositions de l'article 47 du Code civil au Cedula Pessoal qu'elle produit, élément de nature à établir sa minorité. Elle invoque également la présomption de minorité et de danger énoncée à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Elle soutient que son comportement est comparable à celui d'une adolescente mineure, ayant l'âge qu'elle revendique.
Elle demande à la cour l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, la confirmation de l'ordonnance querellée et la condamnation du président du conseil général du département d'Ille et Vilaine à lui payer la somme de 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et des articles 35 et 75 de le loi 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée rerlative à l'aide juridictionnelle, moyennant la renonciation de l'avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
SUR CE :
Aux termes de l'article 47 du Code civil : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "
Une circulaire de la Direction générale des Affaires juridiques, consulaires et contentieuses du Ministère des relations extérieures de la République d'Angola du 10 juin 2003 stipule que le Cedula Pessoal " est un document à usage interne. Aussi, toutes les représentations des États étrangers accréditées en Angola et autres autorités étrangères doivent-elles catégoriquement les rejeter ".
Par ailleurs, une circulaire du 30 décembre 2008 du Ministère de l'immigration énonce que : " Pour l'Angola, la production d'un document spécifique est exigée : l'assento de nascimento, qui équivaut à notre copie intégrale d'acte de naissance. Les autres documents, tels que le certidão de narrativa et le cedula pessoal ne sont pas acceptés ".
Il résulte de ce qui précède que le document dont s'agit ne saurait être considéré comme constituant un acte de l'état civil. Par conséquent, la présomption de régularité édictée par l'article 47 du Code civil ne lui est pas applicable, ce d'autant qu'il ne comporte aucune mention de légalisation.
Dès lors, Yala X... Y... n'est en mesure de faire la preuve ni de son identité précise, ni, surtout, de son état de minorité, l'administrateur ad hoc chargé de l'assister dans ses démarches ayant indiqué, à l'audience de la cour, qu'il était impossible d'obtenir tout passeport ou autre document de la part des autorités de la République d'Angola.
C'est à la lumière de ces éléments que doivent être appréciées les observations formulées par les éducateurs de la Mission Mineurs Isolés Étrangers du département d'Ille et Vilaine, les ayant amenés à conclure à l'état de majorité de la susnommée, en raison notamment de la grande capacité d'autonomie dont elle a fait preuve dès son arrivée à Rennes, alors qu'elle ne maîtrisait pourtant pas la langue française.
Il a été indiqué à l'audience de la cour qu'une demande d'asile avait été introduite dans l'intérêt de Yala X... Y... le 3 septembre 2015. Outre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pas encore statué sur cette requête, la décision que cet organisme sera amené à prendre est sans incidence sur la solution du présent litige.

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance querellée et de dire qu'à la date de sa requête, Yala X... Y... était majeure.
Dans la mesure où il est jugé que la susnommée n'est pas mineure, il ne saurait y avoir de violation des dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant.
L'intimée succombant, elle sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare l'appel régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Accorde à Yala X... Y... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
Infirme l'ordonnance entreprise ;
Dit que Yala X... Y... était majeure à la date de sa requête ;
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle à son profit ;
Rejette toutes autres demandes ;
Laisse les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 14/06922
Date de la décision : 27/10/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2015-10-27;14.06922 ?
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