La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2015 | FRANCE | N°14/09609

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 15 septembre 2015, 14/09609


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2015 6ème Chambre B

ARRÊT No 546
R. G : 14/09609

Mme Martine X...

C/
M. François Y... L'APASE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller, magistrats délégués à la protection des majeurs,

GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU

, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Martial GUILLOIS, substitut général lequel a pris des réquisition...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2015 6ème Chambre B

ARRÊT No 546
R. G : 14/09609

Mme Martine X...

C/
M. François Y... L'APASE

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller, magistrats délégués à la protection des majeurs,

GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Martial GUILLOIS, substitut général lequel a pris des réquisitions,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 22 Juin 2015 devant Monsieur Jean-Luc BUCKEL, magistrat délégué à la protection des majeurs, tenant seul l'audience, sans opposition des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 15 Septembre 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE
APPELANTE :
Madame Martine X...... 35000 RENNES comparante assisté de Me Tangi NOEL, avocat au barreau de RENNES

ET :

Monsieur François Y..., majeur protégé...... 35000 RENNES non comparant

L'APASE 63 rue de Rochester 35079 RENNES CEDEX comparante représentée par Mme GIROLAMI, munie d'un pouvoir

Par requête du 17 juin 2014, Madame Martine Y... épouse X... sollicitait du juge des tutelles du tribunal d'instance de Rennes le placement sous curatelle renforcée de son père, Monsieur François Y..., né le 1er février 1930, en indiquant qu'ayant exercé la profession de clerc de notaire, elle était candidate pour exercer la mesure.

Le certificat médical, rédigé le 12 juin 2014 par le Docteur Philippe C..., médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Rennes sur le fondement des dispositions de l'article 431 du Code civil, mentionnait que la personne à protéger présentait un handicap sensoriel, sous forme d'hypoacousie et de troubles de la vision, avec troubles cognitifs modérés associés et difficultés d'organisation temporelle et spatiale. Ce praticien estimait que Monsieur François Y... se trouvait dans l'incapacité d'assurer la gestion autonome de ses biens et que l'instauration d'une mesure de curatelle à son égard était nécessaire.
Le 16 juin 2014, Madame Martine Y... épouse X... adressait un courrier à son avocat, par lequel elle déclarait ne pas souhaiter exercer la mesure de curatelle susceptible d'être prononcée pour son père, préférant que cette fonction soit confiée à l'A. P. A. S. E. de Rennes, précisant que les relations avec Monsieur François Y... avaient été interrompues depuis 2006. Elle ajoutait toutefois vouloir conserver la gestion des biens immobiliers implantés aux lieux-dits "... " et " ... " à Augan (56), en indiquant qu'elle disposait, avec son fils, de la nue-propriété de ces immeubles, tandis que son père bénéficiait de leur usufruit, et qu'un contrat de prêt à usage avait été souscrit à son profit s'agissant de l'étage de la maison d'habitation sise au lieu-dit "... ".
Lors de son audition par le juge des tutelles saisi de la procédure le 26 septembre 2014, Monsieur François Y..., admettait avoir besoin d'être aidé et indiquait accepter que sa fille, avec laquelle il avait renoué des contacts fréquents, soit désignée comme curatrice.
Madame Martine Y... épouse X..., entendue le même jour, précisait qu'elle gérait désormais les affaires de son père.
Par décision du 13 octobre 2014, le juge des tutelles du Tribunal d'instance de Rennes plaçait Monsieur François Y... sous le régime de la curatelle renforcée pour une durée de 60 mois et désignait, en qualité de curateur, l'Association pour l'Action Sociale et Educative (A. P. A. S. E.) de Rennes, mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Ce jugement était régulièrement notifié à l'ensemble des parties par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception du 13 octobre 2014. Madame Martine Y... épouse X... en signait l'accusé de réception le 20 octobre 2014.

Par déclaration souscrite le 24 octobre 2014 au greffe du Tribunal d'instance de Rennes, le conseil de Madame Martine Y... épouse X... interjetait appel de cette décision, en limitant expressément son recours à la question de la désignation du curateur.

Pour écarter la candidature de Madame Martine Y... épouse X..., le premier juge a relevé : * qu'au cours des 7 années précédant le dépôt de la requête, Monsieur Y... et sa fille unique avaient cessé tout contact en raison d'une profonde mésentente ; * que les relations entre eux étaient très conflictuelles, la fille mettant en demeure son père de cesser ses propos outrageants et diffamatoires à son égard, le motif de cette discorde étant constitué par la maison sise au lieu-dit "... " à Augan (56), bien sur lequel Monsieur Y... a consenti à sa fille, Madame X..., un prêt à usage gratuit courant 2004 ; * que cette dernière est nue-propriétaire des biens immobiliers implantés à Augan, tandis que la personne protégée dispose de leur usufruit ; * que lors du dépôt de sa demande de mise sous protection concernant son père, Madame X... a souligné que la maison d'habitation susvisée avait besoin d'être remise en état, ces opérations incombant à son père aux termes de l'acte de donation souscrit par ce dernier au profit de sa fille ; qu'un tel contexte était de nature à générer une opposition d'intérêts, faisant obstacle à toute possibilité de gestion de la part de Madame X... si elle devait se voir désigner comme curatrice de son père ; * que le 17 juin 2014, elle déclarait être candidate à la fonction de curatrice, tandis que dans un courrier daté de la veille, destiné à son avocat, elle indiquait y renoncer, mais vouloir assurer la gestion des biens immobiliers situés à Augan (56) ; que cette attitude fait planer un doute sur la réelle motivation de Madame X... ; * que compte tenu de ces éléments, il n'était pas certain que le seul intérêt de Monsieur Y... fût au centre des préoccupations de la susnommée, alors que la reprise des relations entre le père et la fille était récente et encore fragile ; * que l'intérêt de Monsieur Y... était de se voir assister dans la gestion de ses biens sans heurts et de façon neutre, un tel objectif risquant de ne pas être atteint si sa fille était nommée comme curatrice.

Au soutien de son appel, Madame Martine Y... épouse X... fait valoir que : + les relations entre elle et son père se sont dégradées en raison de troubles du comportement manifestés par ce dernier, désormais médicalement reconnus et soignés ; + elle ne l'a jamais abandonné et a toujours accompli des démarches pour son compte ;

+ dès la reprise de leurs relations, Monsieur François Y... lui a immédiatement donné mandat pour gérer sa personne ; + il n'existe aucun conflit d'intérêts entre eux au sujet de la maison située à Augan ; + le courrier adressé à son avocat le 16 juin 2014 a été rédigé alors qu'hospitalisé à Rennes pour des troubles importants de la personnalité, les médecins gériatres s'occupant de son père avaient décidé de tenter un retour à domicile, solution qui aurait conduit à un suivi administratif très complexe ; que ces médecins ayant changé d'avis, amenant Monsieur François Y... à être placé en Établissement Hospitalier pour Personnes Âgées Dépendantes, la mission du curateur s'en trouvait simplifiée, raison pour laquelle elle s'est finalement déclarée candidate à l'exercice de cette fonction ; + l'intervention de l'A. P. A. S. E. de Rennes n'est pas gratuite et que ce mandataire judiciaire à la protection des majeurs ne se déplacerait pas dans le département du Morbihan pour gérer les biens immobiliers situés à Augan, ses interventions éventuelles donnant lieu à une lourde facturation.

Par conclusions écrites notifiées le 30 janvier 2015, développées oralement à l'audience de la cour, le conseil de l'appelante a, pour l'essentiel, souligné : o les difficultés rencontrées avec l'A. P. A. S. E. pour régler le problème de l'hébergement définitif de Monsieur Y... en E. H. P. A. D ; o celles relatives au manque d'argent du majeur protégé, ne lui permettant pas d'acquérir les produits de première nécessité, ni de faire face à des dépenses qu'il souhaiterait pouvoir payer lui-même ; o l'impossibilité pour le curateur désigné de prendre en charge correctement la gestion des biens immobiliers à Augan, au contraire de l'appelante, laquelle a une bonne connaissance des lieux et du voisinage.

Elle sollicite, en conséquence, de la cour l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a désigné l'A. P. A. S. E. de Rennes comme curateur de son père, et sa nomination en cette qualité, aux lieu et place de l'organisme précité.
L'A. P. A. S. E. de Rennes a fait parvenir à la cour une note de situation en date du 10 juin 2015, indiquant que dès la nomination de cet organisme comme curateur de Monsieur François Y..., sa fille, madame X..., n'a cessé de mettre ce service en accusation, souhaitant la satisfaction immédiate des demandes qu'elle formulait, interpellant directement le juge des tutelles si celles-ci n'étaient pas suivies d'effet. Le curateur précisait avoir refusé de délivrer un pouvoir à l'appelante à l'effet de valider les inscriptions de son père en EHPAD, aucune délégation à cette fin ne pouvant lui être consentie. Il mentionnait que l'admission définitive en EHPAD de la personne protégée s'était faite laborieusement, en raison de l'attitude difficultueuse de sa fille envers les membres du personnel des établissements pressentis.
L'A. P. A. S. E. soulignait également le comportement inadapté de Madame X... s'agissant de l'établissement de l'inventaire initial des biens du majeur placé sous curatelle.
De manière générale, le curateur désigné faisait observer que l'appelante, laquelle se référait fréquemment à sa formation de clerc de notaire, ne maîtrisait pas la compréhension du fonctionnement du régime juridique de la curatelle et tendait à occuper toutes les places, se substituant non seulement au curateur, mais aussi à son père, dans un climat de suspicion envers le service tutélaire.
Le ministère public a émis, le 18 juin 2015, un avis tendant à la confirmation du jugement querellé.

SUR CE :

La nécessité de placer Monsieur François Y... sous le régime de la curatelle renforcée et la durée pour laquelle il convient d'ordonner cette mesure n'étant contestées par aucune des parties, le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs. Seule reste en discussion la question du choix du curateur.
Aux termes de l'article 450 du Code civil, ce n'est que lorsqu'aucun membre de la famille ou aucun proche de la personne à protéger ne peut assumer la curatelle que le juge des tutelles peut désigner un mandataire judiciaire à la protection des majeurs inscrit sur la liste prévue à l'article 471-2 du Code de l'action sociale et des familles.
Par ailleurs, l'article 449 du Code civil dispose que s'il existe une cause empêchant de confier la mesure à un membre de la famille ou à un proche, le magistrat saisi de la procédure peut faire application de l'article 450 du Code précité.
En l'espèce, la cour retient que l'imbrication entre les patrimoines du majeur protégé et de l'appelante, résultant de la situation juridique des biens immobiliers implantés à Augan (56), risque de générer, à terme, une opposition d'intérêts entre eux.
En outre, le rapport de situation établi par l'A. P. A. S. E. de Rennes a mis en évidence le comportement difficultueux adopté par Madame Martine Y... épouse X..., notamment à l'égard des membres du personnel de l'EHPAD accueillant son père, une telle attitude n'allant pas dans le sens de l'intérêt bien compris de Monsieur François Y..., ni d'un fonctionnement harmonieux de la mesure de protection au cas où elle lui serait confiée.
Ces éléments apparaissent ainsi constitutifs d'une cause d'empêchement au sens de l'article 449 du Code civil, conduisant la cour à écarter la candidature de Madame Martine Y... épouse X... et à confirmer purement et simplement la décision querellée en ce qu'elle a désigné l'A. P. A. S. E. de Rennes en qualité de curateur de Monsieur François Y....

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Déclare l'appel régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Laisse les dépens à la charge de l'État.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 14/09609
Date de la décision : 15/09/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2015-09-15;14.09609 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award