1ère Chambre
ARRÊT N° 247
R.G : 14/08000
ASSOCIATION L214
C/
Mme [K] [J] épouse [I]
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 JUIN 2015
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller, entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Marlène ANGER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Mai 2015
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 16 Juin 2015, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
ASSOCIATION L214 Prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité au dit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Assistée de Me Caroline LANTY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [K] [I] née [J]
née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Jean-pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE/SINQUIN/ DAUGAN/QUESNEL, avocat au barreau de RENNES
Madame [K] [I] exerce en nom propre une activité d'élevage de lapins reproducteurs.
Par l'intermédiaire de son site internet et d'un réseau social, l'Association L214 a diffusé une vidéo et des clichés photographiques semblant avoir été pris à l'intérieur du bâtiment d'élevage de Madame [I], accompagnés de commentaires et de la possibilité offerte aux internautes de signer une pétition.
Madame [I] a déposé plainte pour violation de domicile, atteinte à la vie privée et diffamation.
Autorisée par ordonnance du président de la juridiction, elle a assigné d'heure à heure, par acte du 10 Juillet 2014 l'Association L214 devant le juge des référés afin de solliciter le retrait des vidéos et photos du site de l'association, leur saisie, et l'allocation de dommages et intérêts.
Par ordonnance du 11 septembre 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Vannes a :
- fait interdiction à l'Association L214 d'utiliser ou de diffuser tous les supports en sa possession provenant de l'exploitation cunicole de Madame [I], sous astreinte de 1.200 euros par infraction constatée.
- condamné l'Association L214 aux dépens avec droit de recouvrement,
- condamné l'Association L214 à payer à Madame [I]:
- la somme de 1.000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur son préjudice,
- celle de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Appelante de ce jugement, l'Association L214, par conclusions du 17 avril 2015, a demandé que la Cour :
- annule l'assignation lui ayant été délivrée,
- subsidiairement, infirme le jugement déféré, dise n'y avoir lieu à référé et renvoie les parties à se pourvoir,
- rejette l'intégralité des demandes de Madame [I],
- la condamne à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.
Par conclusions du 22 avril 2015, Madame [K] [I] a sollicité que la Cour :
- confirme le jugement déféré sauf la disposition relative au montant de l'indemnité provisionnelle lui ayant été allouée,
- déboute l'Association L214 de ses demandes,
- la condamne au paiement d'une indemnité provisionnelle de 25.000 euros à valoir sur le préjudice subi,
- la condamne au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamne aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION
L'assignation délivrée le 10 juillet 2014 par Madame [I] à l'association L214 contient les termes suivants :
« (') l'association L214 a néanmoins diffusé sur son site internet et sur son adresse FACEBOOK une vidéo et des clichés photographiques destinés à jeter le discrédit sur la requérante et sur son exploitation qui constitue son outil de travail. Cette vidéo et quatre clichés photographiques qui n'ont pu être pris qu'à l'intérieur du bâtiment, propriété de la requérante ; il y a donc eu intrusion illicite dans ce bâtiment d'élevage, qui doit être qualifiée de violation de domicile et de voie de fait. Cette intrusion a eu lieu sans que cela soit le fait du hasard, la nuit, avec utilisation de flash et autres signaux lumineux en pleine période de reproduction afin de créer les conditions d'un stress maximal pour les animaux (') L'association a également incité les internautes à signer une pétition sur la base des éléments qu'elle a recueillis de manière frauduleuse et au mépris des règles de droit les plus élémentaires à la fois au titre du droit de tout citoyen au respect de sa vie privée et au droit de pouvoir se défendre avant toute accusation diffusée publiquement. (') Malgré ces condamnations, l'association L214 persiste dans ses pratiques pénalement répréhensibles et sa stratégie de diffamation ('). Il y a la plus grande urgence à faire cesser ce trouble manifestement illicite relevant d'une voie de fait en ordonnant la saisie des documents obtenus frauduleusement et qui constituent une atteinte manifeste aux droits de la défense et en contraignant l'association L214 à retirer de son site internet et de tout support les vidéos et clichés photographiques obtenus frauduleusement au sein de l'élevage de Madame [I]. Il y a lieu également d'ordonner par tout moyen et par toute personne dépositaire de l'autorité publique la saisie des supports photographiques et films représentant l'intérieur des bâtiments d'exploitation du requérant. Enfin, toute utilisation de ces documents photographiques ou vidéos sera sanctionnée par une astreinte de 50.000 euros par infraction constatée (') L'attitude de l'association L214 est inadmissible. Elle a agi au mépris des droits de toute personne au mépris de sa vie privée et de l'inviolabilité de son domicile. Elle a diffusé à des tiers avec une intention de nuire évidente les éléments qu'elle détenait tout en sachant qu'ils ont été obtenus frauduleusement (') » (souligné par la Cour).
Les termes précis contenus dans l'assignation démontrent que Madame [I] reproche à l'association L214 la diffusion des images prises dans son élevage et leur articulation avec des allégations de mauvaise foi de nature à lui porter publiquement préjudice en jetant le discrédit sur son élevage ; ainsi elle reproche à l'association L214 d'avoir pris des photos dans des conditions telles que les animaux ne pouvaient apparaître qu'en état de stress, pour ensuite les avoir diffusées publiquement en faisant apparaître son nom et en lui imputant à tort des mauvais traitements responsables de l'état des animaux photographiés.
Le reproche tenant au caractère illicite de l'obtention des photographies est indissociable de celui relatif à leur diffusion en les accompagnant d'allégations mensongères et nominatives.
Par conséquent, l'association L214 était fondée in limine litis à invoquer devant le premier juge la protection qui lui est accordée par les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, qui est applicable aux infractions de presse commises par l'intermédiaire des sites internet.
Le juge des référés était parfaitement compétent pour les faire cesser pour autant que la plaignante ait respecté les dispositions procédurales de la loi précitée et ait notamment qualifié précisément les infractions reprochées à l'association ; il est toutefois incontestable que tel n'a pas été le cas.
En outre, Madame [I] a multiplié les incriminations dans son assignation, faisant état tout à la fois de faits de diffamation, d'atteintes à la vie privée, d'atteintes à ses droits de la défense, violant ainsi les dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881.
Consécutivement, il est fait droit aux exceptions soulevées par l'appelante et l'assignation lui ayant été délivrée par acte du 10 juillet 2014 est annulée.
Madame [I], qui succombe, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et paiera à l'association L214 la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l'ordonnance déférée.
Statuant à nouveau :
Annule l'assignation délivrée le 10 juillet 2014 par Madame [K] [I] à l'Association L214.
Condamne Madame [I] aux dépens de première instance et d'appel.
Condamne Madame [I] à payer à l'association L214 la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT