La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2015 | FRANCE | N°14/06921

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 26 mai 2015, 14/06921


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 MAI 20156ème Chambre B

ARRÊT No. 338

R. G : 14/ 06921

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Corene X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :


Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions ;
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 16 Mars 2015 devan...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 MAI 20156ème Chambre B

ARRÊT No. 338

R. G : 14/ 06921

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Corene X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions ;
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 16 Mars 2015 devant Monsieur Jean-Luc BUCKEL, et Monsieur Pierre FONTAINE, magistrats rapporteurs tenant l'audience sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 26 Mai 2015 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats près prorogation du délibéré.

****

ENTRE :
APPELANT :
Monsieur LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant représenté par Me Yvonnick GAUTIER, (SCP GAUTIER-LHERMITTE) avocat au barreau de RENNES en présence de Mme COLLIN et Mme MAHOT, conseillers juridiques

ET :

Mademoiselle Corene X...Chez Me LE VERGER ... 35000 RENNES comparante assistée de Me LELOUEY, substituant Me LE VERGER avocat

Corene X..., se disant née le 8 août 1997 à Kinshasa (République démocratique du Congo) et être de nationalité congolaise, déclarait être arrivée en France le 12 juillet 2013.
Elle exposait que ses parents tenaient un commerce et qu'ils étaient décédés des suites de maladies courant 2011 et 2012 ; que la famille paternelle avait récupéré les biens et chassé les enfants ; qu'elle était alors prise en charge par une tante maternelle qui la maltraitait et la contraignait à se prostituer ; qu'elle se confiait à un ami de son père, lequel l'aidait à quitter le pays ; qu'arrivée en France, à Beauvais (60), elle y était déclarée majeure ; qu'après avoir vécu dans la rue, elle se rendait à Rennes, ville dans laquelle elle était d'abord prise en charge par la Mission Mineurs Étrangers Isolés, organisme qui, à l'issue de trois entretiens successifs, concluait qu'elle était majeure, l'excluant ainsi du dispositif de protection à compter du 18 septembre 2013.
Par requête du 20 mai 2014, reçue au greffe du juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs du Tribunal de grande instance de Rennes le 21 mai 2014, Corene X...sollicitait l'ouverture d'une mesure de tutelle à son profit et la désignation du Président du Conseil Général du département d'Ille et Vilaine pour l'exécuter.
Par ordonnance du 17 juillet 2014, le magistrat saisi faisait droit à la requête.
Cette décision était notifiée notamment au Président du Conseil Général du département d'Ille et Vilaine par lettre recommandée du 21 juillet 2014 dont l'accusé de réception était signé le 22 juillet 2014. Par lettre postée le 23 juillet 2014, reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 28 juillet 2014, le Président du Conseil général du département d'Ille et Vilaine interjetait appel de cette décision.
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a retenu que l'état de minorité de la requérante résultait suffisamment du passeport biométrique qui lui a été délivré le 13 mars 2014 par les autorités de la République démocratique du Congo, nécessairement après vérification par ces dernières des registres de l'état civil dans le pays d'origine ; que ce document ne faisait que confirmer la véracité des mentions figurant sur l'attestation de naissance légalisée qu'elle avait auparavant produite et dont l'authenticité avait été reconnue après examen le 1eraoût 2013 par le service de fraude documentaire de la Police aux Frontières ; que la Mission Mineurs Étrangers Isolés avait elle-même conclu, après l'évaluation du 16 juillet 2013, à la minorité de Corene X....
Au soutien de son recours, le Président du Conseil général du département d'Ille et Vilaine fait valoir que la susnommée était entrée en France avec un faux passeport comportant une fausse date de naissance ; qu'elle n'a versé aux débats qu'une médiocre copie d'un passeport dont il est permis de s'interroger sur les conditions dans lesquelles elle a pu l'obtenir ; que l'attestation de naissance dont elle se prévaut ne constitue pas un acte d'état civil et ne peut, par conséquent, bénéficier de la présomption de régularité édictée par l'article 47 du Code civil ; que l'examen médical et osseux pratiqué à la demande du Parquet du Tribunal de grande instance de Beauvais a déterminé qu Corene X...était âgée de plus de 18 ans ; que cet état de majorité était, en outre, corroboré par l'appréciation des éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés.
L'appelant demande à la cour :
* d'ordonner la vérification de l'authenticité du passeport par la Police aux Frontières ; * à défaut : o d'autoriser le Président du Conseil général du département d'Ille et Vilaine à faire une demande d'authentification du passeport de Corene X...par la Police aux Frontières ; o d'ordonner la remise du passeport litigieux par Corene X.... o de surseoir à statuer dans l'attente des résultats de cette demande d'authentification ; * en tout état de cause : + de débouter Corene X...de sa demande d'ouverture de tutelle et de prise en charge par les services de l'Aide Sociale à l'Enfance ; + de constater l'état de majorité de la susnommée ; + de la débouter de toutes autres demandes, fins et conclusions ; * de statuer ce que de droit sur les dépens.

Corene X..., pour sa part, expose que l'attestation de naissance et le passeport biométrique produits confirmaient son identité et sa minorité ; qu'en application des dispositions de l'article 47 du Code civil, il appartient au Président du Conseil général du département d'Ille et Vilaine de combattre la présomption de sincérité qui s'y attache ; que son comportement est comparable à celui d'une adolescente ; que l'examen médical pratiqué à Beauvais est dépourvu de toute validité ; qu'aux termes des dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant, la présomption de minorité doit prévaloir sur tout autre considération, dans l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle demande ainsi à la cour de : * l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; * confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ; * condamner le président du Conseil général d'Ille et Vilaine à payer à son conseil la somme de 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et sur celui des articles 37 et 75 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle, moyennant renonciation de celui-ci à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

SUR CE :

L'article 47 du Code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "
Il résulte de l'examen technique de l'attestation de naissance produite par l'intimée, effectué le 1er août 2013 par la Cellule de fraude documentaire de la Direction zonale de la Police aux Frontières à Rennes, que si le support présentait les caractéristiques d'un document authentique, les informations figurant sur ce document n'avaient aucune valeur juridique et qu'il ne pouvait tenir lieu d'acte de l'état civil, même auprès des autorités congolaises ; qu'en effet, aucune référence à l'acte de naissance lui-même et à l'enregistrement de ce dernier sur les registres congolais n'y était mentionnée ; qu'une telle attestation n'était établie que sur simple déclaration verbale ou présentation de documents non officiels.
L'article 47 du Code civil n'est donc pas applicable à cette attestation de naissance.
Le passeport biométrique délivré le 13 mars 2014 à Corene X...par les autorités congolaises ayant été établi sur le fondement d'une attestation de naissance dépourvue de toute force probante au sens de l'article 47 du Code civil, il ne peut être pris en compte pour déterminer la minorité de l'intéressée.
Par ailleurs, les éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés, dans leur note éducative du 2 juin 2014, font état de ce que Corene X...leur avait déclaré que, lors de son passage à Beauvais, elle avait rencontré un homme qui lui avait proposé de devenir son épouse ; qu'elle avait tout d'abord accepté, puis refusé ; que cet individu lui avait alors payé le billet lui permettant de se rendre à Rennes par le train. Ils soulignaient la totale autonomie de la susnommée, laquelle ne sollicitait pas les adultes, exprimant leurs sérieux doutes quant à la minorité alléguée.
De fait, l'examen médical pratiqué au Centre hospitalier de Beauvais le 10 mai 2013 déterminait que Corene X...était âgée de plus de 18 ans, indice supplémentaire de l'état de majorité de l'intimée.
Dans la mesure où il sera jugé que Corene X...n'est pas mineure, une violation des dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant ne saurait être utilement invoquée.
Il y a, en conséquence, lieu d'infirmer l'ordonnance déférée et de dire qu'à la date de sa requête, Corene X...était majeure.
L'intimée succombant, elle sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour,
Déclare l'appel régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Accorde l'aide juridictionnelle provisoire à Corene X...;
Infirme l'ordonnance entreprise ;
Constate que Corene X...était majeure à la date de sa requête ;
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle à son profit ;
Rejette toutes autres demandes ;
Laisse les dépens à la charge de l'État.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 14/06921
Date de la décision : 26/05/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2015-05-26;14.06921 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award