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28/10/2014 | FRANCE | N°14/01051

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 28 octobre 2014, 14/01051


6ème Chambre B

ARRÊT No599

R. G : 14/ 01051

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Ibrahima X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors

des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites et Mo...

6ème Chambre B

ARRÊT No599

R. G : 14/ 01051

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Ibrahima X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites et Monsieur Gérard ZAUG, substitut général, lequel a pris des réquisitions à l'audience.

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 15 Septembre 2014
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 28 Octobre 2014 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE :

APPELANT : M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant représenté par Monsieur Emmanuel MORVAN par délégation, et par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :

Monsieur Ibrahima X... Chez Mme B...Danielle ...35700 RENNES comparant assisté de Me Frédéric SALIN substituant Me LE VERGER, avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14/ 8576 du 03/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

M. Ibrahima X..., venant de GUINEE et se disant né le 9 octobre 1996, indique qu'il est arrivé en France au mois de mai 2013, avec l'aide d'un passeur qui l'a abandonné à Paris, où il aurait rencontré un africain qui lui a donné un billet de train pour Nantes. Il explique avoir fui son pays en raison de persécutions politiques dont sa famille était victime.
Par ordonnance du 16 juillet 2013 le juge des enfants de Rennes a déclaré irrecevable la requête de M. X... tendant à être placé à l'Aide sociale à l'enfance, et ce, au motif de la majorité de l'intéressé, né le 9 novembre 1987.
Sur sa requête enregistrée le 10 décembre 2013, le juge aux affaires familiales de Rennes a, par ordonnance du 14 janvier 2014, ouvert une mesure de tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine après en avoir constaté la vacance. Le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine a interjeté appel de ce jugement selon déclaration reçue au greffe du tribunal le 24 janvier 2014.

Le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine demande l'infirmation de l'ordonnance, la constatation de la majorité de M. X... et le débouté des prétentions de ce dernier.
Le Ministère Public s'est associé dans ses réquisitions, aux moyens de l'appelant, pour demander l'infirmation de la décision déférée.
M. X... demande à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de confirmer l'ordonnance et de condamner le Conseil général à verser à l'avocate de l'intimé la somme de 500 ¿, sur le fondement de l'article à 700 du code de procédure civile et sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant renonciation de celle-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
SUR CE,
- Sur l'ouverture de la tutelle :
Pour accueillir la requête le juge aux affaires familiales a retenu que l'état de minorité résultait du passeport produit par l'intéressé, de l'extrait d'acte de naissance obtenu postérieurement à son audition par les services de police et des déclarations du jeune confirmant l'usurpation de ses empreintes par un tiers.
Au soutien de son appel, le Conseil Général invoque l'absence de validité de l'acte de naissance et du passeport présentés par l'intéressé. Il ajoute que l'expertise médicale conclut à la majorité de ce dernier tout comme les appréciations des éducateurs.
M. X... fait valoir qu'il a été victime d'une escroquerie de la part d'un libanais, plusieurs demandes de visas en France ayant été effectuées avec ses empreintes. Il souligne être titulaire d'un passeport et d'un acte de naissance légalisés. Il conteste l'expertise médicale.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
M. X... a présenté à son arrivée à Nantes un acte mentionnant une naissance le 9 octobre 1996.
L'enquête a cependant révélé que les empreintes de M. X..., référencées dans le fichier VISABIO, correspondent à celles figurant sur un passeport délivré au nom de M. Ibrahima Khalil X..., né le 9 novembre 1987 à Conakry (Guinée), cette personne ayant obtenu un visa en 2010 pour se rendre en France en qualité d'étudiant, étant établi qu'il a été inscrit à l'université d'Avignon. La photographie figurant sur le second passeport mentionnant une naissance en 1996 correspond à celle figurant dans le fichier VISABIO relative à une personne né en 1987.
L'intimé n'apparaît pas crédible lorsqu'il indique avoir accepté un relevé d'empreintes en Guinée par des inconnus contre la promesse de jeux vidéos, alors même qu'il a précisé à la mission MIE être issu d'une famille aisée et n'avoir manqué de rien.

Il résulte, en outre, de la seconde analyse réalisée le 1er septembre 2014 par le service de fraude documentaire de la police aux frontières que le passeport produit par l'intéressé en cours de procédure et visant une naissance en 1996, est un document falsifié par contrefaçon du timbre humide de l'autorité (faute d'orthographe : " Adjoim " au lieu de " Adjoint ", manque de finesse, peu lisible).

Il existe également en l'espèce un acte de naissance visant une naissance le 9 novembre 1987, confisqué par la Police aux frontières à Nantes. L'acte établi en 1996, ci dessus visé a, lui, été légalisé et M. X... l'a reçu directement au domicile d'un bénévole l'hébergeant.
La comparaison de ces deux actes permet de constater une différence dans l'identité de la mère : Fanta C...dans l'acte de 1987 et Fanta D...dans celui de 1996, une autre dans le rang de naissance de l'enfant, 3ème dans le premier acte et 4ème dans le second.
Force est de constater que le passeport falsifié ainsi que l'acte de naissance contredit par les éléments du fichier VISABIO se trouvent dépourvus de toute force probante au regard de l'article 47 du code civil, et ne permettent pas à l'intimé de justifier de sa minorité.
Il sera rappelé que M. X... a été débouté de sa demande d'asile, et que la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé le jugement du tribunal administratif qui a retenu sa majorité.
Il convient encore d'observer que le récit de vie du jeune homme présente des discordances. En effet, lors de son audition à Nantes il a indiqué que sa mère est décédée lorsqu'il était en bas âge, qu'il serait parti de Conakry le 17 mai 2013 alors qu'à la mission MIE à Rennes il a précisé que le décès de sa mère est survenu en 2011, donc lorsqu'il avait 15 ans selon l'âge invoqué, qu'il a vécu quelques mois au Sénégal d'où il est parti pour la France le 11 mai 2013.
En outre, l'examen effectué par le Docteur E..., médecin radiologue pédiatrique au CHU de Nantes, mentionne que la radiographie du poignet gauche montre une " maturation osseuse estimée à au moins 19 ans selon l'atlas de Greulich et Pyle. "
Le docteur F..., médecin légiste, qui a effectué une double lecture des résultats et a procédé à un examen médico-légal du jeune homme conclut, en ce qui le concerne, que " l'ensemble de ces constations permet de retenir un âge biologique compatible avec l'âge osseux (soit plus de 18 ans). "
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimé, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et il conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
En l'espèce, il n'est pas établi que le jeune homme, accompagné par son éducateur, n'ait pas été traité avec le respect et la dignité dûs à sa personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'il ne justifie d'aucun grief.
Il ressort des documents médicaux qu'il a été procédé non seulement à un examen osseux par un radiologue pédiatrique mais également à un examen médico-légal par un médecin légiste.
Ainsi que le fait valoir le Conseil Général, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie a précisé également que sont relativement rares les situations où âge de développement et âge réel comportent des dissociations et lorsque c'est le cas, la plupart d'entre elles conduisent à une sous estimation de l'âge réel.
Il est, en outre, à noter que le Comité Consultatif National d'Ethique " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
En cas de doute sur les déclarations du jeune et sur la fiabilité des documents d'état civil étranger et au regard des garanties juridiques s'attachant à l'état de minorité, le recours à une expertise médicale est admis.
En l'espèce, les conclusions des médecins sur la majorité de M. X... sont corroborées par les constatations des éducateurs ayant eu à connaître de ce jeune.

En effet, les éducateurs du Conseil Général, diplômés et formés à l'accueil des mineurs isolés étrangers, ont noté dès le départ la grande autonomie de ce jeune dans la gestion de son quotidien et l'absence de nécessité d'un accompagnement éducatif. Il est logé dans un foyer de jeunes travailleurs, ce qui lui paraît satisfaisant. Il est décrit comme sachant très bien gérer son quotidien, ses seules demandes étant matérielles.
Les mêmes éducateurs ont noté que M. X... a beaucoup de mal a décrire son histoire et que les questions posées sur son enfance et sa vie quotidienne en Guinée le " déstabilisent ".
L'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour constitue ainsi un faisceau d'indices permettent de conclure à la majorité de M. X....
Il n'y a pas en l'espèce de violation des dispositions de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant dans la mesure il est jugé que l'intimé n'est pas mineur.
Il convient donc d'infirmer l'ordonnance et de dire qu'à la date de sa requête, M. X... était majeur.
M. X... qui succombe sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que M. X... était majeur à la date de sa requête,
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une mesure de tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 14/01051
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2014-10-28;14.01051 ?
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