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28/10/2014 | FRANCE | N°14/00158

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 28 octobre 2014, 14/00158


6ème Chambre B

ARRÊT No598

R. G : 14/ 00158

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Giresse X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU,

lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites ...

6ème Chambre B

ARRÊT No598

R. G : 14/ 00158

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Giresse X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites et Monsieur Gérard ZAUG, substitut général, lequel a pris des réquisitions à l'audience.
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 15 Septembre 2014
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 28 Octobre 2014 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE :

APPELANT : MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant représenté par Monsieur Emmanuel MORVAN par délégation, et par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :

Monsieur Giresse X... Chez Me Mélanie LE VERGER 2, rue le Bastard 35000 RENNES non comparant représenté par Me Frédéric SALIN substituant Me Mélanie LE VERGER, avocat au barreau de RENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14/ 8582 du 03/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Monsieur X... Giresse, se disant né le 3 janvier 1996 à Kinshasa (République Démocratique du Congo) et être de nationalité congolaise, a déclaré être arrivé en France le 19 novembre 2012. Il expliquait avoir quitté son pays courant juillet 2012 suite aux violences dont ses parents, sa soeur et lui-même avaient été l'objet de la part des policiers congolais. Conduit par un inconnu au Congo-Brazzaville, il était hébergé par un homme chez lequel il restait pendant environ un mois, avant de prendre l'avion pour la France en compagnie du nommé C...Jean-Pierre, muni d'un faux passeport, revendu par la suite. Arrivé à Paris, il était amené à Rennes en voiture trois jours plus tard. Il était muni d'une attestation de naissance censée avoir été établie par l'officier d'état civil de la ville de Kinshasa le 25 août 2009.

Sur requête du susnommé en date du 7 janvier 2013, reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 11janvier 2013, le juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs de cette juridiction a, par ordonnance du 19 décembre 2013, ouvert une mesure de tutelle à son endroit qu'il confiait au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Par déclaration souscrite le 30 décembre 2013, reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 31 décembre 2013, le Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine interjetait appel de cette décision.
Pour ouvrir la tutelle et la déclarer vacante, le premier juge a estimé que l'état de majorité du requérant ne pouvait être déduit du seul fait que l'attestation de naissance qu'il a produit ait été considérée comme contrefaite par les services de la Police aux frontières ; qu'il est en attente d'un passeport sous l'identité qu'il déclare ; qu'admonesté par le juge des enfants le 28 mai 2013, le ministère public n'avait pas alors contesté l'état de minorité de Giresse X... ; que l'expertise médicale diligentée n'était pas fiable ; que les photographies retrouvées sur le réseau social Facebook par la Mission Mineurs Étrangers Isolés ne pouvaient être considérées comme ayant date certaine.
Au soutien de son appel, le Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine expose que nonobstant l'état de majorité du requérant à la date de l'audience en cause d'appel, la mesure de tutelle devra être néanmoins annulée en raison des incidences du prononcé d'une telle mesure, ses effets se prolongeant au-delà de la majorité du demandeur. Il conteste la validité des attestations de naissance et d'attente d'un passeport figurant dans la procédure initiale ou versés aux débats et considère comme pertinentes les conclusions des examens osseux et clinique, corroborées par les observations des éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés, orientant vers un état de majorité de Monsieur X... Giresse.
Le ministère public demande à la cour de déclarer l'appel sans objet, Monsieur X... étant désormais majeur et la mesure de tutelle ayant cessé.
Le conseil de Monsieur X... soutient, à titre principal, la même position que le ministère public et, subsidiairement, sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR CE :

Sur l'intérêt à statuer :
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du Code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter, le cas échéant, des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du Président du Conseil Général.
Par conséquent, l'appel présente toujours un intérêt et ne peut être déclaré sans objet.

Au fond :

1) S'agissant de la validité des documents d'état civil figurant à la procédure :
L'article 47 du Code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "
En l'espèce, pour quitter son pays natal et se rendre en France, Monsieur X... a reconnu avoir été muni d'un faux passeport. Au moment de son arrivée à Paris, il était en possession d'une attestation d'acte de naissance établi par l'officier d'état civil de Kinshasa en République Démocratique du Congo.
Or, l'examen technique de ce document auquel a procédé l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la Direction de la police aux frontières-Zone Ouest a démontré qu'il s'agissait d'une contrefaçon par grattage avec personnalisation laser tramée. De plus, une attestation de naissance ne constitue pas un acte de l'état civil au sens de l'article 47 du Code civil. Enfin, quand bien même ce document serait qualifié d'acte de l'état civil, il resterait alors à s'interroger sur le point de savoir comment Monsieur X... a pu se procurer une telle pièce, les dispositions de l'article 129 du Code de la famille congolais précisant qu'elle est délivrée :
. soit à une personne majeure ;
. soit au représentant légal d'un mineur, ou à une personne autorisée pour ce faire.
Le dossier soumis à l'appréciation de la cour ne contient aucun élément à cet égard.
Pour ce qui est de l'attestation d'attente d'un passeport, datée du 13 septembre 2013, émanant de l'Ambassade de la République Démocratique du Congo en France, outre qu'il s'agit d'une télécopie de photocopie ne permettant de diligenter aucune vérification, ce document ne constitue pas davantage un acte de l'état civil, échappant ainsi au champ d'application de l'article 47 du Code civil.
Il résulte de ce qui précède que ces documents sont dépourvus de toute force probante et ne permettent pas à l'intimé de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du Code civil.

2) Sur l'examen osseux et l'examen clinique :

En premier lieu, il n'est pas allégué que Monsieur X... n'aurait pas été traité avec le respect et la dignité dus à sa personne.
Le Docteur D...a procédé à ces investigations médicales le 9 janvier 2013. Il a interprété les clichés radiologiques du poignet et de la main gauche de Monsieur X... en ce sens que la soudure des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras étant complète, l'existence d'une maturation osseuse complète pouvait être retenue. Les données cliniques montraient un développement staturo-pondéral adulte jeune, ce qui était confirmé par l'examen de la denture et des organes génitaux externes. Le praticien précité concluait à un état de majorité du patient.
Il convient de relever que l'Académie nationale de médecine, dans un rapport du 16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité consultatif national d'éthique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir de la radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour. " Elle a précisé, en outre, qu'étaient relativement rares les situations dans lesquelles l'âge de développement et l'âge réel ne correspondaient pas, ajoutant que lorsque tel était le cas, c'était l'âge réel qui était généralement sous-estimé.
Dans son avis no88 du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et la santé indique que " il ne récuse pas a priori l'emploi de ces tests " mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement ".
L'état de majorité retenu par l'expertise médicale est corroborée par les observations des éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés. Ceux-ci ont remarqué que l'apparence physique de Monsieur X... correspondait à celle d'une personne adulte, mais en aucun cas à celle des adolescents de 17 ans originaires du même pays que lui ; qu'il était parfaitement autonome et prenait seul ses décisions sans solliciter l'avis de quiconque ; qu'il n'était pas demandeur d'un soutien éducatif, mais uniquement matériel ; qu'il se positionnait d'égal à égal avec l'adulte. Ils estimaient que l'Aide Sociale à l'Enfance n'était pas en mesure d'exercer ses compétences auprès de lui, l'intéressé étant une personne mature, autonome et indépendante, et formulaient des doutes quant à sa minorité.
La Mission découvrait également que Monsieur X... disposait de comptes sur les réseaux sociaux, sous l'identité de " Meek Liik " et qu'il avait posté des photographies sur Facebook les 13 mai 2012 et 14 juillet 2012- époque à laquelle il se trouvait encore, selon ses dires, en République Démocratique du Congo-le représentant à Bruxelles en Belgique, le 4 septembre 2012 posant à côté d'un car de touristes à Paris, le 30 septembre 2012 où il est place de la République à Rennes.
En outre, sur deux clichés indiqués comme ayant été postés le 7 septembres 2012, il se trouve aux côtés d'une petite fille lui ressemblant étrangement et formule des commentaires ne laissant que peu de doutes sur le fait qu'il en serait le père. Sur ce dernier point, les déclarations de l'intéressé faites le 10 décembre 2013 devant le premier juge, selon lesquelles il aurait formulé ces commentaires " comme ça, parce que c'était un beau bébé " apparaissent dépourvues de toute pertinence.
L'ensemble des éléments ci-dessus exposés constitue un faisceau d'indices permettant de conclure à la majorité de Monsieur Giresse X....
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Déclare l'appel du Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Infirme la décision déférée ;
Constate que Monsieur Giresse X... était majeur à la date de la requête ;
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle ;
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 14/00158
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2014-10-28;14.00158 ?
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