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28/10/2014 | FRANCE | N°13/08852

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 28 octobre 2014, 13/08852


6ème Chambre B

ARRÊT No596

R. G : 13/ 08852

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Michel-Nelh X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :


Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pri...

6ème Chambre B

ARRÊT No596

R. G : 13/ 08852

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Michel-Nelh X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites et Monsieur Gérard ZAUG, substitut général, lequel a pris des réquisitions à l'audience.

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 15 Septembre 2014
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 28 Octobre 2014 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE :
APPELANT : M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparanr représenté par Monsieur Emmanuel MORVAN par délégation, et par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :

Monsieur Michel-Nelh X... MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS 15 rue Martenot 35000 RENNES non comparant représenté par Me Frédéric SALIN substituant Me Mélanie LE VERGER, avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14/ 8579 du 03/ 10/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

M. Michel-Nelh X..., venant de la République Populaire du Congo et se disant né le 19 août 1996 à Makabana, est arrivé à Paris le 12 septembre 2012, puis s'est rendu par le train à Rennes où il a été accueilli par le service de l'Aide sociale à l'enfance.

Sur la requête du 7 janvier 2013 de M. X..., le juge des tutelles de Rennes a, par ordonnance du 12 novembre 2013, ouvert une mesure de tutelle à son égard et l'a confiée au Conseil Général d'Ile et Vilaine après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil général d'Ille et Vilaine a relevé appel de cette ordonnance le 25. novembre 2013 par déclaration reçue au greffe du tribunal de grande instance le lendemain.
Le Conseil général a sollicité l'infirmation de la décision et la constatation de la majorité de M. X....
Ce dernier demande à la cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de dire que la demande d'ouverture de tutelle est sans objet puisqu'il est désormais majeur. Subsidiairement il sollicite la confirmation de l'ordonnance. En toute hypothèse, il conclut à la condamnation du Conseil général à verser à l'avocate de l'intimé la somme de 500 ¿, sur le fondement de l'article à 700 du code de procédure civile et sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, moyennant renonciation de celle-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Le Ministère Public a conclu au caractère sans objet de l'appel, M. X... étant désormais majeur.
SUR CE,
- Sur l'intérêt à statuer :
M. X... fait valoir qu'il est majeur depuis le 16 août 2014 et qu'en conséquence l'appel du Conseil Général est sans objet.
L'appelant soutient que même si l'intimé a atteint sa majorité au cours de la procédure, l'appel présente toujours un intérêt dans la mesure où le fait d'avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance permet au jeune, une fois majeur, de bénéficier d'un ensemble d'avantages facilitant grandement les procédures devant la Préfecture.
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter, le cas échéant, des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du conseil Général.
- Sur l'ouverture de la tutelle :
Au soutien de son appel le Conseil Général invoque l'absence de validité du duplicata d'acte de naissance présenté par l'intéressé et l'expertise médicale concluant à la majorité de ce dernier tout comme les appréciations des éducateurs.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En l'espèce, M. X..., qui a reconnu être entré de façon irrégulière en France, se prévaut d'un duplicata d'acte de naissance.
Il ressort cependant de l'examen technique de cette pièce par la cellule de fraude documentaire de la Police aux frontières, que cet acte " présente toutes les caractéristiques d'un document contrefait ", (papier non sécurisé, notamment).
Par ailleurs, l'article 25 de la loi du 17 octobre 1984 portant code de la famille au Congo énumère les autorités compétentes pour établir un acte d'état civil, aux nombres desquelles ne figure pas un sous-préfet, autorité ayant signé le duplicata, en l'espèce.
L'article 41 de la loi évoque les copies d'actes d'état civil pouvant être délivrées mais ne vise pas les " duplicatas ".
L'intimé produit le volet no 2 de l'acte de naissance, or, l'article 33 de la loi dispose que les volets 2 et 3 demeurent au centre d'état civil pendant l'année en cours à l'issue de laquelle ils sont séparés, le volet no 2 devant comporter une marge égale au tiers de la page, étant alors envoyé au greffe du tribunal populaire de district.
Il sera, en outre, relevé que ce document n'est pas signé par le déclarant, et ce, en contravention avec les dispositions de l'article 36 de la loi précitée. L'âge ou la date de naissance du déclarant n'y figure pas, contrairement à ce que prévoit l'article 46.
Force est de constater que la pièce produite par M. X... intitulée " duplicata " n'a pas été dressée selon les formes usitées en République Populaire du Congo et se trouve donc dépourvue de toute force probante, ce qui ne permet pas à l'intimé de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du code civil.
Par ailleurs, il sera rappelé que l'expertise médicale de M. X... réalisée le 29 octobre 2012 par le Docteur D..., radiologue spécialiste, oriente vers " l'état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimé, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et il conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
En l'espèce, il n'est pas établi que le jeune homme, accompagné par son éducateur, n'ait pas été traité avec le respect et la dignité dûs à sa personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'il ne justifie d'aucun grief.
Il ressort de ce document médical que le Docteur D..., a procédé à un examen clinique avec interrogatoire visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repères de croissance et le développement staturo-pondéral et à étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen radiologique qui démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras ", soit une maturation osseuse complète, est corroboré par l'examen dentaire, par celui de la stature pondérale, et encore par celui des organes génitaux externes.
Ainsi que le fait valoir le Conseil Général, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie a précisé également que sont relativement rares les situations où âge de développement et âge réel comportent des dissociations et lorsque c'est le cas, la plupart d'entre elles conduisent à une sous estimation de l'âge réel.
Il est, en outre, à noter que le Comité Consultatif National d'Ethique " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
En l'espèce, les conclusions du médecin radiologue sont corroborées par les constatations des éducateurs ayant eu à connaître de M. X....
En effet, les éducateurs du Conseil Général, diplômés et formés à l'accueil des mineurs isolés étrangers, ont noté dès le départ la grande autonomie de ce jeune dans la gestion de son quotidien et l'absence de nécessité d'un accompagnement éducatif. Il a ainsi été logé dès son arrivée dans une auberge de jeunesse puis dans un foyer de jeunes travailleurs, ce qui lui a paru satisfaisant. Il est décrit comme sachant gérer très bien son quotidien, son logement et ses démarches.
Le jeune quittait régulièrement, y compris durant la nuit, son lieu d'accueil le week-end sans solliciter une autorisation, ni rendre compte de ses déplacements. Il ne réclame aucun accompagnement éducatif.
Les éducateurs mentionnent également que le récit de M. X... est apparu décousu et peu probable. L'équipe éducative note que ce jeune se place d'égal à égal avec l'adulte, ce qui n'est jamais observé chez un mineur du même âge.
L'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour constitue un faisceau d'indices permettant de conclure à la majorité de X....
Il n'y a pas en l'espèce de violation des dispositions de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant dans la mesure il est jugé que l'intimé n'est pas mineur.
Il convient donc d'infirmer l'ordonnance et de dire qu'à la date de sa requête du 7 janvier 2013, M. X... était majeur.
M. X... qui succombe sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que Michel-Nelh X... était majeur à la date de sa requête,
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une mesure de tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 13/08852
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2014-10-28;13.08852 ?
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