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28/10/2014 | FRANCE | N°13/07652

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 28 octobre 2014, 13/07652


6ème Chambre B

ARRÊT No594

R. G : 13/ 07652

PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Mamadou Alpha X... AIDE SOCIALE A L'ENFANCE D'ILLE ET VILAINE

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFF

IER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, leq...

6ème Chambre B

ARRÊT No594

R. G : 13/ 07652

PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
M. Mamadou Alpha X... AIDE SOCIALE A L'ENFANCE D'ILLE ET VILAINE

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Jean-Luc BUCKEL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions écrites et Monsieur Gérard ZAUG, substitut général, lequel a pris des réquisitions à l'audience.

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 15 Septembre 2014
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 28 Octobre 2014 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE :
APPELANT : MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 Avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant représenté par Monsieur Emmanuel MORVAN par délégation, et par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :
Monsieur Mamadou Alpha X... FJT Promenade du Gué Maheu 35300 FOUGERES non comparant représenté par Me Frédéric SALIN substituant Me Mélanie LE VERGER, avocat au barreau de RENNES

L'AIDE SOCIALE A L'ENFANCE D'ILLE ET VILAINE 1 Avenue de la Préfecture CS 24218 35000 RENNES non comparante représentée par Monsieur MORVAN

Monsieur X..., se disant né le 12 avril 1996 à Conakry (République de Guinée) et être de nationalité guinéenne, a déclaré être arrivé en France le 30 septembre 2012. Il expliquait avoir quitté son pays suite aux menaces dont ses parents étaient l'objet de la part de membres d'une autre ethnie que la leur, ajoutant qu'une de ses tantes avait organisé son départ. Arrivé en avion à Paris, il était monté dans un train au hasard et s'était ainsi retrouvé à Rennes. Il était muni d'une copie d'extrait d'acte de naissance mentionnant qu'il était bien né le 12. avril 1996.

Sur requête du susnommé en date du 12 novembre 2012, reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 6 décembre 2012, le juge aux affaires familiales chargé des tutelles des mineurs de cette juridiction a, par ordonnance du 10 octobre 2013, ouvert une mesure de tutelle à son endroit qu'il confiait au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Par déclaration souscrite le 15 octobre 2013, reçue au greffe du Tribunal de grande instance de Rennes le 16 octobre 2013, le Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine interjetait appel de cette décision.
Pour ouvrir la tutelle et la déclarer vacante, le premier juge a estimé que l'authenticité du nouvel extrait d'acte de naissance produit par le requérant ne pouvait être remis en cause, faute d'investigations accomplies auprès des autorités guinéennes ; que cette pièce était confortée par les documents scolaires versés aux débats ; que l'expertise médicale diligentée n'était pas fiable ; que la maturité relevée par l'équipe éducative chez le demandeur était à relier à son histoire.
Au soutien de son appel, le Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine expose que nonobstant l'état de majorité du requérant à la date de l'audience en cause d'appel, la mesure de tutelle devra être néanmoins annulée en raison des incidences du prononcé d'une telle mesure, ses effets se prolongeant au-delà de la majorité du demandeur. Il conteste la validité des copies d'extraits d'acte de naissance figurant dans la procédure initiale ou versés aux débats et considère comme pertinentes les conclusions des examens osseux et clinique, corroborées par les observations des éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés, orientant vers un état de majorité de Monsieur X....
Le ministère public demande à la cour de déclarer l'appel sans objet, Monsieur X... étant désormais majeur et la mesure de tutelle ayant cessé.
Le conseil de Monsieur X... soutient, à titre principal, la même position que le ministère public et, subsidiairement, sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.

SUR CE :

Sur l'intérêt à statuer :
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du Code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter, le cas échéant, des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du Président du Conseil Général.
Par conséquent, l'appel présente toujours un intérêt et ne peut être déclaré sans objet.

Au fond :

1) S'agissant de la validité des documents d'état civil figurant à la procédure :
L'article 47 du Code civil dispose : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. "
En l'espèce, au moment de son arrivée en France, Monsieur X... était en possession d'un extrait d'acte de naissance établi par l'officier d'état civil de Conakry en Guinée.
Or, l'examen technique de ce document auquel a procédé l'analyste en fraude documentaire et à l'identité de la Direction de la police aux frontières-Zone Ouest a démontré qu'il s'agissait d'une contrefaçon réalisée sur papier fiduciaire non sécurisé, par laser toner, seule la signature du déclarant étant manuscrite et authentique.
Par ailleurs, à supposer qu'il se fût agi d'une pièce authentique, elle ne comporte aucune mention de légalisation, contrairement aux dispositions de l'article 182 du Code civil guinéen, et ne précise pas l'heure de naissance de l'enfant, en violation de l'article 196 du Code civil guinéen.
Pour ce qui est de l'extrait de l'acte de naissance censé avoir été délivré le 21 mai 2013, produit au cours des débats de première instance, il ne répond pas davantage aux conditions de régularité exigées par les articles 182 et 196 du Code civil guinéen.
Il résulte de ce qui précède que ces documents sont dépourvus de toute force probante et ne permettent pas à l'intimé de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du Code civil.

2) Sur l'examen osseux et l'examen clinique :

En premier lieu, il n'est pas allégué que Monsieur X... n'aurait pas été traité avec le respect et la dignité dus à sa personne.
Le Docteur C...a procédé à ces investigations médicales le 29 octobre 2012.
Il a interprété les clichés radiologiques du poignet et de la main gauche de Monsieur X... en ce sens que la soudure des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras étant complète, l'existence d'une maturation osseuse complète pouvait être retenue. Les données cliniques montraient un développement staturo-pondéral adulte jeune, ce qui était confirmé par l'examen de la denture et des organes génitaux externes. Le praticien précité concluait à un état de majorité du patient.
Il convient de relever que l'Académie nationale de médecine, dans un rapport du 16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité consultatif national d'éthique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir de la radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour. " Elle a précisé, en outre, qu'étaient relativement rares les situations dans lesquelles l'âge de développement et l'âge réel ne correspondaient pas, ajoutant que lorsque tel était le cas, c'était l'âge réel qui était généralement sous-estimé.

Dans son avis no88 du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et la santé indique que " il ne récuse pas a priori l'emploi de ces tests " mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement ".
L'état de majorité retenu par l'expertise médicale est corroborée par les observations des éducateurs de la Mission Mineurs Étrangers Isolés. Ceux-ci ont remarqué que d'emblée, Monsieur X... a fait preuve de capacités importantes d'adaptation à son nouvel environnement, d'autonomie et d'autogestion ; qu'il ne semblait pas avoir besoin d'un accompagnement éducatif, mais surtout d'un soutien matériel et financier ; qu'il accomplissait seul des démarches administratives ou pour trouver des stages ; qu'il se positionnait, dans les échanges, d'égal à égal avec les adultes. Le ressenti de l'ensemble de l'équipe éducative était de se trouver face à un adulte qui s'exprimait tout à fait normalement devant un autre adulte, mais sans jamais se trouver dans la position d'un mineur face à un éducateur.

L'ensemble des éléments ci-dessus exposés constitue un faisceau d'indices permettant de conclure à la majorité de Monsieur Mamadou Alpha X....

PAR CES MOTIFS :

La Cour,
Déclare l'appel du Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine régulier en la forme et recevable quant aux délais ;
Infirme la décision déférée ;
Constate que Monsieur Mamadou Alpha X... était majeur à la date de la requête ;
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle ;
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 13/07652
Date de la décision : 28/10/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2014-10-28;13.07652 ?
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