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07/10/2014 | FRANCE | N°13/06826

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 07 octobre 2014, 13/06826


1ère Chambre





ARRÊT N°380



R.G : 13/06826













OFFICE DU TOURISME DE [Localité 2]



C/



M. [U] [S]





























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2014





COMPOSITION DE LA COUR LORS D

ES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 01 Juillet 2014



ARRÊT :



Contradic...

1ère Chambre

ARRÊT N°380

R.G : 13/06826

OFFICE DU TOURISME DE [Localité 2]

C/

M. [U] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 OCTOBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 Juillet 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 07 Octobre 2014, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

OFFICE DU TOURISME DE [Localité 2], Association loi 1901

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me François-Xavier MICHEL de la SELARL C.V.S., Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Florent LUCAS, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉ :

Monsieur [U] [S]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représenté par Me Charlotte GARNIER, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assisté de Me Agnès ROYER-FLEURY, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCÉDURE

M. [U] [S], architecte, est l'auteur d'un ouvrage intitulé ' [Localité 2] & ses villas- Le Concept balnéaire', publié en 2002 aux éditions Massin.

En juillet 2007, l'Office du tourisme de [Localité 2] a publié un guide architectural intitulé ' Balades architecturales de la Bôle à [Localité 2]'.

Par acte du 5 janvier 2011, M. [U] [S] a fait assigner l'Office du Tourisme devant le tribunal de grande instance de RENNES, l'accusant d'avoir plagié son ouvrage.

Par jugement du 26 mars 2013, le tribunal de grande instance de RENNES a :

écarté des débats la pièce n° 27 communiquée par l'Office du Tourisme de [Localité 2] ;

dit que l'Office du Tourisme de [Localité 2] a commis des actes de contrefaçon de l'ouvrage ' [Localité 2] & ses villas- Le concept Balnéaire' dont M. [U] [S] est l'auteur ;

condamné l'Office du Tourisme de [Localité 2] à verser à M. [U] [S] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral ;

débouté M. [S] du surplus de ses demandes indemnitaires et de sa demande d'interdiction de diffusion et de vente du guide touristique : 'Balades architecturales de la Bôle à [Localité 2]'.

débouté l'Office du Tourisme de [Localité 2] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné l'Office du Tourisme de [Localité 2] à verser à M. [U] [S] la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties de leurs autres demandes ;

condamné l'Office du Tourisme de [Localité 2] aux dépens.

L'Office du Tourisme de [Localité 2] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 6 juillet 2013.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 3 juin 2014, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, l'Office du Tourisme de [Localité 2] demande à la cour de :

infirmer le jugement du tribunal de grande instance de RENNES en ce qu'il a :

écarté la pièce n° 27 communiquée par l'Office du Tourisme de [Localité 2] ;

dit que l'Office du Tourisme de [Localité 2] avait commis des actes de contrefaçon de l'ouvrage ' [Localité 2] & ses villas- le concept balnéaire ' dont M. [U] [S] est l'auteur ;

débouter M. [S] de toutes ses demandes indemnitaires ;

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de ses autres demandes indemnitaires ;

infirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'Office du Tourisme de [Localité 2] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamner M. [S] à verser à l'Office du Tourisme de [Localité 2] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts ;

infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Office du Tourisme de [Localité 2] au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

condamner M. [S] à verser à l'Office du Tourisme de [Localité 2] la somme de 12.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 mai 2014, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens M. [U] [S] demande à la cour de :

confirmer le jugement du tribunal de grande instance de RENNES en ce qu'il a :

écarté des débats la pièce n° 27 communiquée par l'Office du Tourisme de [Localité 2] ;

dit que l'Office du Tourisme de [Localité 2] a commis des actes de contrefaçon de l'ouvrage ' [Localité 2] & ses villas- Le concept Balnéaire' dont M. M [U] [S] est l'auteur ;

infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

interdire à l'Office du Tourisme de [Localité 2] la publication, la diffusion et la vente du guide touristique : ' Balades architecturales de la Bôle à [Localité 2]' ;

dire que cette interdiction sera assortie d'une astreinte de 1.000 € par infraction constatée trois semaines après la signification de la décision à intervenir ;

condamner l'Office du Tourisme de [Localité 2] à payer à M. [S] la somme de :

20.000 € pour son préjudice moral ;

10.000 € pour son préjudice d'image ;

10.000 € pour son préjudice professionnel ;

145.000 € au titre de son préjudice matériel ;

condamner l'Office du Tourisme de [Localité 2] à payer la somme de 15.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner l'Office du Tourisme de [Localité 2] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la pièce n° 27 communiquée par l'office du Tourisme :

Cette pièce est un mail adressé par Mme [Z] [C], directrice de l'urbanisme et des affaires foncières de la mairie de [Localité 2] à une personne non identifiée.

Elle comporte des allégations sur le comportement habituellement procédurier de M. [S], extérieures au litige.

Elle émane en outre d'une personne pouvant avoir des intérêts communs avec l'une des parties à la cause puisque cette personne et l'office du Tourisme appartiennent à la même collectivité territoriale.

En conséquence, cette pièce ne respectant pas le principe du contradictoire parce que ne mettant pas M. [S] en mesure d'y répondre, n'émanant pas d'une personne impartiale et n'étant d'aucun intérêt dans la solution à apporter au litige, sera écartée des débats et la décision des premiers juges confirmée de ce chef.

- sur l'atteinte au droit moral de l'auteur :

L'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou ses ayants droits ou ses ayants cause est illicite.

L'article L 122-5 3°du même code précise : sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source, lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées.

En matière d'écrits comportant des commentaires ou descriptions d'édifices présentant un intérêt architectural pouvant générer un attrait touristique ou une activité de loisir sous forme de promenades, chaque auteur est en droit d'écrire sur un sujet déjà traité par d'autres.

Les oeuvres successives paraissant sur les mêmes édifices présentent alors nécessairement des similitudes avec les écrits précédents et la contrefaçon n'est caractérisée que s'il y a reproduction de ce qui fait l'originalité de l'oeuvre, à savoir la qualité rédactionnelle, les commentaires, les détails d'aménagement et l'éclairage particulier que l'auteur aura donné à son sujet.

M. [U] [S] soutient que son ouvrage bénéficie de la protection des droits d'auteur en raison de son originalité qui résulte des paramètres subjectifs selon lesquels il a entendu présenter l'architecture bauloise, tirés de l'esthétisme prêté aux villas présentées, des éléments historiques, culturels, anecdotiques ou humains rapportés selon sa sensibilité, son expérience et sa personnalité.

Il dresse la liste comparative de vingt et un points de son ouvrage et de celui du guide édité par l'Office du Tourisme de [Localité 2] pour en déduire que sa qualité rédactionnelle et son langage ont été largement copiés par l'Office du Tourisme avec reprise de formules identiques telles que par exemple :

- Page 145 de son ouvrage : ' Sur une base coloniale (toiture-terrasse et corniche) [W] ajoute un décorum inspiré de l'architecture navale (hublot, garde-corps en métal tubulaire, frise ondulée) et il recouvre les murs d'un enduit perlé caractéristique qu'il teinte soit de beige, soit d'ocre rouge, à l'image des architectures locales qu'on découvre au bout du voyage.

Il réalise cet enduit sur chacune des 15 villas paquebot (...)' ;

- Page 4 de l'ouvrage de l'Office du Tourisme : ' Cet édifice a une base coloniale caractérisée par une toiture-terrasse et une corniche ( partie en saillie qui vient couronner le bâtiment) . [W] apporte un langage et une modénature à ce bâtiment, à savoir des hublots, des garde-corps en métal tubulaire et parfois même des frises ondulées.

La signature d'[O] [W], c'est sans aucun doute ce fameux enduit qui a un certain relief et un motif spécifique que l'on appelle écume.

On trouve cet enduit sur chacune des 15 villas paquebot (...)'.

L'office du Tourisme conteste le monopole que M. [S] entendrait selon lui se constituer sur les données techniques et anecdotes historiques de l'architecture des villas bauloises, rappelant qu'il ne peut bénéficier de droit d'auteur que sur la seule formulation, dans son ouvrage, de ces données, ne pouvant bénéficier de cette protection sur un ' style' d'écriture.

L'office du Tourisme communique par ailleurs aux débats les fiches de visites guidées organisées en 2001 et dédiées à la même période par Mme [B] [N] dont certaines, présentées à M. [S], ont été validées ou corrigées par ce dernier.

Il soutient que le guide qu'il a fait éditer n'est en majeure partie que la reprise de ces fiches.

S'il n'est pas contestable que les deux oeuvres comportent des similitudes, celles-ci résultent nécessairement de la proximité des thèmes, à savoir la présentation de villas et édifices des XIX et XX èmes siècles de [Localité 2] pour l'ouvrage de M. [S], propositions de balades dans les rues de [Localité 2] axées sur les villas remarquables de cette station balnéaire, pour l'ouvrage de l'office du Tourisme.

Cette proximité des thèmes a au demeurant conduit les auteurs des deux ouvrages à consulter les mêmes sources bibliographiques locales, notamment : [H] [G] - Villas de [Localité 2] ; [A] [F] [J] et[E] [D].

M. [S] a lui-même repris des articles ou communications personnelles et l'office du Tourisme a cité dans ses sources bibliographiques le propre ouvrage de M [S], objet du litige.

Dès lors, il appartient à M. [S] de prouver que les similitudes qu'il a relevées excèdent cette proximité des thèmes et relèvent d'une violation de son droit d'auteur, en ce qu'il a été porté atteinte à l'originalité de son oeuvre.

Il convient de rechercher s'il remplit les critères énumérés ci-dessus.

Les passages du guide édité par l'office du Tourisme pour lesquels M. [S] reproche des emprunts de rédaction par reprise du texte et des informations ne révèlent pas une telle utilisation.

En effet, si de nombreuses informations et anecdotes sont communes, elles s'expliquent par des observations et sources identiques mais l'ouvrage de l'office du Tourisme rédigé dans un style simple et concis, en vue de son usage aux cours de balades ou promenades, ne constitue pas pour autant une reprise rédactionnelle, chaque villa commentée dans les deux ouvrages ayant, dans chacun d'eux, sa présentation propre.

La conception de présentation des deux ouvrages s'avère très différente, M. [S] ayant choisi non pas de guider ses lecteurs sur un parcours mais de présenter des villas de [Localité 2] en les classant en grandes catégories correspondant à des périodes historiques délimitées :

- L'Epopée médiévale : 1880-1914 ;

- Le Régionalisme : 1920-1939 ;

- Inspiration basque et landaise ;

- Inspiration coloniale ;

- Inspirations diverses ;

- Inspiration 'Paquebot'.

La brochure éditée par l'Office du Tourisme propose quant à elle des circuits dans la ville dans lesquels le promeneur découvre nécessairement des villas d'inspirations différentes classifiées en fonction de leur localisation géographique.

Il y a dès lors dans cet ouvrage des détails d'aménagement et

un éclairage particulier donné au thème traité qui est différent de ceux utilisés par M. [S] dans son ouvrage et qui s'expliquent par les objectifs commerciaux différents, l'un s'adressant de préférence à une clientèle de résidents, connaisseurs ou amateurs de l'architecture locale, l'autre étant limité à un public de randonneurs ou promeneurs souhaitant, à travers une promenade, découvrir les villas présentées, au demeurant bien moins nombreuses que celles figurant dans l'ouvrage de M [S] et faisant l'objet d'une présentation bien plus succincte.

En conséquence, la preuve d'une atteinte au droit d'auteur de M [S] n'est pas rapportée et celui-ci sera débouté de toutes ses demandes, le jugement étant infirmé.

- sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive:

M. [S] ayant intenté une action en estimant que son droit d'auteur n'avait pas été respecté, a agi de manière légitime même s'il échoue finalement dans ses demandes.

Aussi, il convient de débouter l'office du Tourisme de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

- sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande d'allouer à l'office du Tourisme en raison des frais de procédure et d'avocat qu'elle a dû exposer tant en première instance qu'en appel, la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de RENNES rendu le 26 mars 2013 en ce qu'il a écarté la pièce n° 27 communiquée par l'Office du Tourisme de [Localité 2] ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute M. [U] [S] de toutes ses demandes de dommages et intérêts pour violation de ses droits d'auteur ;

Déboute l'Office du Tourisme de [Localité 2] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [U] [S] à payer à l'office du Tourisme de [Localité 2] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [S] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 13/06826
Date de la décision : 07/10/2014

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°13/06826 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-07;13.06826 ?
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