6ème Chambre B
ARRÊT No 496
R. G : 13/ 03712
M. Jean-Jacques X...
C/
Mme Armelle Y... épouse X...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 02 SEPTEMBRE 2014
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 17 Juin 2014 devant Mme Françoise ROQUES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Septembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats :
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APPELANT :
Monsieur Jean-Jacques X...né le 30 Juillet 1948 à SABLE SUR SARTHE (72300) ...35000 RENNES
Représenté par Me Isabelle CELERIER de la SELARL CELERIER, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Madame Armelle Y... épouse X...née le 02 Février 1951 à PORNIC (44210) ...Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Corinne DEMIDOFF de la SELARL EFFICIA, Plaidant avocat au barreau de RENNES
M. Jean-Jacques X...et Mme Armelle Y...se sont mariés le 29 mai 1987 sans contrat de mariage. Un enfant né en 1988 aujourd'hui autonome est issu de cette union. De sa précédente union M. X...a eu deux filles nées 1977 et 1980.
Selon ordonnance en date du 27 octobre 2008, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes statuant sur les mesures provisoires a notamment :- attribué à l'épouse la jouissance du domicile familial à titre gratuit,- fixé la pension alimentaire due par l'époux au titre du devoir de secours à la somme de 1 500 ¿ par mois.
Sur assignation de Monsieur, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes a principalement :- constaté l'altération définitive du lien conjugal et prononcé le divorce des époux par application des articles 237 et 238 du code civil,- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et constaté l'accord des parties pour l'intervention de Maître Z..., notaire à Chateaugiron et Maître A..., notaire à Pornic pour y procéder,- fixé les effets du jugement dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens à la date du 27 octobre 2008,- autorisé l'épouse à conserver l'usage du nom de son conjoint,- condamné M. X...à verser la somme de 10 000 ¿ à Mme Y...sur le fondement de l'article 266 du code civil,- fixé à la somme de 240 000 ¿ la prestation compensatoire due par Monsieur sous forme d'un capital de 144 000 ¿ à régler dans le cadre des opérations de liquidation partage et au plus tard dans un délai de deux ans à compter de ce jour et celle de 96 000 ¿ par versements mensuels de 1000 ¿ pendant huit ans,- constaté que l'enfant du couple, Antoine, est devenu autonome,- condamné M. X...à payer à Mme Y...la somme de 2 000 ¿ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. X...aux dépens.
M. X...a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures en date du 27 mai 2014, il demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris sur le montant de la prestation compensatoire, l'allocation de dommages et intérêts et l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de :- débouter Mme Y...de toutes ses demandes,
- surseoir à statuer sur le quantum de la prestation compensatoire et désigner un expert ou un géomètre afin d'évaluer le patrimoine immobilier et mobilier de chacun des époux ou subsidiairement fixer la prestation compensatoire sous forme d'un capital à hauteur de 44 000 ¿,- lui décerner acte qu'il confiera la défense de ses intérêts dans le partage à Maître B..., notaire à Pornic, successeur de Maître A...,- condamner Mme Y...aux dépens d'appel.
Dans ses dernières écritures du 6 juin 2014, Mme Y...demande à la cour de :- débouter M. X...de toutes ses demandes, fins et conclusions,- confirmer le jugement entrepris sauf à porter le montant de la prestation compensatoire à la somme de 494 000 ¿ avec le versement immédiat d'un capital de 350 000 ¿ et l'échelonnement sur 8 années pour le surplus,- le condamner au paiement d'une somme de 4 000 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- le condamner aux dépens.
Il sera renvoyé pour plus ample exposé des faits de la cause, prétentions et moyens des parties, à leurs dernières écritures.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Seules sont critiquées les dispositions du jugement entrepris relatives à l'allocation de dommages et intérêts, au montant de la prestation compensatoire et l'indemnité pour frais irrépétibles. Les autres dispositions du jugement non critiquées seront confirmées.
Sur les dommages et intérêts :
M. X...fait valoir que la maltraitance psychologique et physique que Mme Y...a exercé sur ses filles nées d'une première union est à l'origine de leurs difficultés conjugales. Il prétend s'être aperçu tardivement de cette maltraitance du fait qu'elle s'exerçait lorsqu'il était absent plusieurs jours d'affilée pour des raisons professionnelles. Il indique ne pas avoir envisagé une procédure de divorce du fait du départ de ses filles aînées et afin de préserver leur fils commun Antoine. Il ajoute que les problèmes dépressifs dont Mme Y...se prévaut au motif erroné de la brutalité de la rupture, préexistaient à celle-ci.
Mme Y...conteste avec force toutes ces assertions et invoque le choc émotionnel subi lorsqu'elle a appris que son mari entretenait une liaison avec une collègue de travail alors même que pendant toutes ces années de mariage le couple recevait beaucoup, faisait des séjours à l'étranger et des projets, lui laissant croire à la pérennité de leur union.
Le premier juge a relevé que les difficultés évoquées par M. X...entre son épouse et sa belle-fille Amélie, adolescente en souffrance, environ 10 ans avant la séparation du couple, étaient sans lien avec la rupture. Il a considéré qu'il ressortait de l'ensemble des attestations produites par Mme Y...qu'elle avait subi un choc du fait de la décision de rupture prise par son époux et que ce symptôme dépressif d'une particulière gravité justifiait l'allocation d'une somme de 10 000 ¿ à titre de dommages-intérêts.
Aux termes des dispositions de l'article 266 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'il subit du fait de la dissolution du mariage, lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint ou pour altération définitive du lien conjugal à la seule demande de l'autre époux. L'exceptionnelle gravité s'entend des conséquences qui excèdent celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation.
En l'espèce les attestations circonstanciées versées aux débats par l'appelant révèlent que Mme Y...a pu à tout le moins se comporter maladroitement vis-à-vis de l'adolescente Adélie au point que cette dernière a quitté brutalement le domicile paternel fin mars 1999 à l'occasion de coups et griffures reçues de la part de sa belle-mère.
La cour ne méconnaît pas le fait que ces événements ont pu fragiliser l'union de M. X...avec Mme Y.... Pour autant la vie conjugale et sociale a perduré sans anicroche démontrée jusqu'à la fin de l'année 2007.
La cour constate, à l'instar du premier juge, que le départ de M. X...courant 2008 a eu un retentissement sur la personnalité de Mme Y...d'une particulière gravité au regard des certificats médicaux versés au débat.
Il y a lieu d'approuver le principe d'une allocation de dommages et intérêts mais celle-ci sera limitée à la seule somme de 2 000 ¿ au regard du contexte et du préjudice subi.
La décision du premier juge sera donc partiellement infirmée de ce chef.
Sur la prestation compensatoire :
M. X...fait principalement grief au premier juge d'avoir arbitré la prestation compensatoire uniquement sur la différence des ressources actuelles entre les époux.
Il prétend que l'importance du patrimoine immobilier de Mme Y...et la vocation successorale de cette dernière atténuent très largement la différence de revenus prévisibles notamment en raison de son propre passage à la retraite qu'il envisage d'ici quelques mois.
Il prétend que l'absence d'activité professionnelle de Mme Y...a été un choix personnel de sa part puisque avant sa rencontre avec elle, il a élevé seul sans difficulté ses deux fillettes nées de sa première union.
Mme Y...fait valoir que non seulement M. X...va percevoir une retraite confortable liée à une brillante carrière universitaire à laquelle il a pu se consacrer en ce qu'elle a assuré une présence constante auprès des enfants du premier lit ou de leur enfant commun, mais encore en ce qu'il est en possession d'un patrimoine immobilier considérable et notamment un terrain constructible de 3. 900m2 en front de mer à Préfailles.
Elle ajoute que M. X...peut prolonger son activité d'enseignant jusqu'à 69 ans et qu'il a la possibilité de continuer à dispenser des cours ou toucher des droits d'auteur.
Elle argue de la nécessité pour elle de devoir se reloger.
Aux termes des dispositions de l'article 270 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. L'article 271 ajoute que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. Ce même article énumère de manière non exhaustive les éléments à prendre en considération.
Il y a lieu de rappeler qu'autant le réel préjudice économique, lié à la répartition des rôles dans le couple, justifie pleinement une réparation financière, autant l'inégalité des situations des époux dûe à leur seule équation personnelle telle l'existence d'une fortune familiale ne peut servir de fondement à un rééquilibrage des situations.
Aussi il ne sera pas fait droit à la demande de sursis à statuer formée par l'appelant dès lors que la désignation d'un expert immobilier est inutile pour la fixation d'une prestation compensatoire et ce en dépit des longues écritures développées par les parties sur les patrimoines immobiliers qu'ils possèdent en indivision avec leurs familles respectives.
A titre indicatif il sera mentionné que Mme Y...possède en indivision avec ses parents et son frère un appartement type 3 à Nantes, une maison et un terrain constructible de 6 400 m2 à Préfailles.
M. X...possède en indivision avec sa soeur un terrain à Préfailles qu'il prétend ne pas être constructible suite à l'annulation d'une vente pour 1 million d'euros avec un promoteur. Il est propriétaire en propre de la maison d'habitation qui constituait le domicile conjugal. Cette maison est estimée à environ 600 00 ¿.
M. X...devra une récompense à la communauté qui a pris en charge le prêt et fait des travaux au sein du domicile conjugal.
Le divorce fait apparaître une disparité dans les conditions de vie respectives des époux présentes et futures et cela n'est plus contesté par l'appelant.
En effet, Mme Y...âgée de 63 ans a travaillé en qualité de déléguée commerciale en région parisienne avant son mariage avec M. X.... Elle a ensuite consacré son temps à l'éducation des 3 enfants dans le cadre d'une famille recomposée selon une organisation de vie choisie et assumée par le couple. Elle ne dispose pas de ressources personnelles. Ses droits à la retraite seront de l'ordre de 400 ¿/ mois.
M. X..., âgé de 66 ans, a poursuivi une carrière universitaire le menant au poste de doyen de la faculté de sciences économiques pendant 5 ans et de vice-président des relations internationales jusqu'à ce jour. Il a perçu en 2012 un revenu moyen net de 6 420 ¿/ mois et en 2013 un revenu moyen net de 5 933 ¿/ mois. Ses droits à la retraite seront de l'ordre 4 700 ¿ net par mois.
Le divorce met un terme à un mariage qui aura duré 24 ans dont 21 ans de vie commune.
Eu égard aux éléments d'appréciation susvisés, la cour considère que la prestation compensatoire de 344 000 ¿ fixée par le premier juge est excessive. La disparité en lien avec le mariage que la rupture crée dans les conditions de vie respectives des époux sera justement compensée par l'allocation d'un capital de 250 000 ¿ au total ; le jugement sera infirmé de ce chef. Il n'y a pas lieu d'accorder à M. X...un échelonnement pour le versement de ce capital au regard de la situation qui est la sienne sur le plan patrimonial et des revenus qu'il perçoit dès lors qu'il ne justifie pas avoir fait le choix de prendre sa retraite.
Le jugement de première instance sera infirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais :
Eu égard à la nature de l'affaire et à l'issue du litige, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise. Les demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, après rapport fait à l'audience,
Confirme le jugement prononcé sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts et le capital dû par M. X...au titre de la prestation compensatoire ;
Statuant à nouveau de ces chefs :
Condamne M. X...à verser la somme de 2 000 ¿ à Mme Y...au titre des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil ;
Fixe à la somme de 250 000 ¿ la prestation compensatoire due par M. X...sous forme d'un capital à régler dans le cadre des opérations de liquidation partage et au plus tard dans un délai de deux ans à compter du prononcé du présent arrêt ;
Y ajoutant :
Décerne acte à M. X...qu'il confie la défense de ses intérêts dans le partage à Maître B..., notaire à Pornic, successeur de Maître A...;
Rejette les autres demandes ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,