COUR D'APPEL DE RENNES ORDONNANCE DE TAXE DU 27 MAI 2014 Contestations Honoraires
ORDONNANCE No14/ 108
R. G : 11/ 08512
M. Daniel X... Mme Marie-Claude X... C/ Me Bernard A...
Monsieur Jean-François DELCAN, Président délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,
GREFFIER : M. Bruno GENDROT, lors des débats et lors du prononcé DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Avril 2014 ORDONNANCE : Contradictoire, prononcée à l'audience publique du 27 Mai 2014, par mise à disposition au greffe
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ENTRE : Monsieur Daniel X...... 44470 CARQUEFOU non comparant, représenté par Me Jean-Michel BELLAT, avocat au barreau de RENNES Madame Marie-Claude X...... 44470 CARQUEFOU non comparante, représentée par Me Jean-Michel BELLAT, avocat au barreau de RENNES
ET :
Maître Bernard A... ... 44000 NANTES non comparant, représenté par Me Tangi NOEL, avocat au barreau de RENNES
*** Maître Bernard A..., membre de la SELARL A... et Associés, avocat au barreau de Nantes, est intervenu au soutien des intérêts de Mme Marie-Claude B... épouse X... dans un litige commercial, relatif à l'action en responsabilité d'un gérant de droit et d'un gérant de fait à l'égard du contrôleur à la procédure de liquidation judiciaire. Un différend est survenu entre l'avocat et sa cliente au sujet du paiement des honoraires. Maître Bernard A... a saisi le bâtonnier de Nantes d'une demande en fixation d'honoraires, le 14 octobre 2010, à hauteur de 22 724 ¿.
Par décision du 19 octobre 2011, le bâtonnier du barreau de Nantes a fixé à la somme de 22 724 ¿ TTC les frais et honoraires dus à Maître Bernard A..., membre de la SELARL A... et Associés, et a condamné les époux Marie-Claude B... épouse X... et Daniel X... au paiement d'une somme de 9 568 ¿ TTC, après déduction de la provision de 13 156 ¿ TTC déjà versée. Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 6 décembre 2011, les époux X... ont formé un recours contre l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 19 octobre 2011, signifiée le 5 décembre 2011. Ils estiment que les honoraires sont excessifs, que Maître Bernard A... ne leur a pas donné d'information suffisante sur le montant prévisible de ses honoraires, sur le coût horaire, le nombre d'heures de travail. De plus, ses prestations ont été décevantes, par une " très mauvaise gestion du dossier ". À l'audience du 24 avril 2014, M. Daniel X... sollicite sa mise hors de cause, dans la mesure où il n'était pas client de Maître Bernard A.... Mme Marie-Claude X... demande l'infirmation de l'ordonnance du 19 octobre 2011 et la réduction des honoraires à la somme de 10 764 ¿ ainsi que la condamnation de l'adversaire à payer une indemnité de 1 196 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait remarquer que les évaluations de travail effectué par l'avocat ont été fluctuantes, passant de 215 heures à 141 heures, pour finir à 76 heures. Les collaborateurs se sont succédé dans l'étude du dossier, générant des frais inutiles. Aucune convention d'honoraires n'a été signée. Celle proposée par l'avocat, tardivement, " dépassait l'entendement ". L'avocat a exagéré ses investigations, notamment dans le colis de 20 kg de pièces reçu de l'adversaire. Son travail a consisté en la rédaction d'une assignation, puis des conclusions en réponse. Le temps passé doit être limité à 70 heures, au taux horaire de 153, 77 ¿ TTC, soit 10 764 ¿, correspondant aux provisions versées. Maître Bernard A... répond que M. Daniel X... était aussi son client, intervenant dans la rédaction des conclusions, participant aux entretiens. La procédure était triple : obtenir la désignation de Mme X... en qualité de contrôleur, inciter le mandataire à agir, puis engager l'action de Mme X... en qualité de contrôleur. Maître A... rappelle qu'il a dû examiner 20 kg de pièces, rédiger une assignation de 21 pages avec 35 pièces justificatives, recevoir les clients lors de rendez-vous très longs (2 h 30, 3 h 30). Il estime que ses honoraires sont justifiés et sollicite la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier, ainsi que la condamnation des époux X... à lui payer une somme de 1000 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION La recevabilité du recours n'est pas contestée. L'ordonnance du bâtonnier a été rendue le 19 octobre 2011, alors que sa saisine par Maître A... remontait au 14 octobre 2010. En admettant même une prorogation du délai de 4 mois, le bâtonnier devait statuer au plus tard le 14 juin 2011.
Les parties ont été informées de ce fait en début d'audience. Elles n'ont pas émis d'observations particulières. Il sera donc prononcé la nullité de l'ordonnance du bâtonnier, rendue alors qu'il était dessaisi. Il convient d'évoquer.
Le jugement du tribunal de commerce d'Angers, rendu le 7 avril 2010, mentionne Mme X..., demanderesse, contre M. et Mme C.... Seule Mme X... était nommée contrôleur. En conséquence, même si M. Daniel X... aidait son épouse en participant aux rendez-vous ou à la rédaction des conclusions, il n'était pas partie à la procédure. Maître A... ne justifie pas d'un mandat que M. X... lui aurait donné, à titre personnel. En conséquence, M. Daniel X... sera mis hors de cause. Ensuite, il sera rappelé que dans le cadre limité de son intervention en matière de fixation d'honoraires d'avocats, le premier président ou son délégué n'a pas compétence pour statuer sur la responsabilité éventuelle de l'avocat vis à vis de son client, un tel litige relevant de la juridiction de droit commun, tribunal d'instance ou tribunal de grande instance, selon le montant de la demande ; Mme Marie-Claude B... épouse X... n'est donc pas fondée à invoquer des manquements ou fautes ou erreurs de son conseil pour prétendre à une minoration des honoraires. Par ailleurs, s'il est exact que l'avocat a, à l'égard de son client, une obligation d'information préalable des conditions de fixation de ses honoraires, ainsi que le précise désormais expressément l'article 10 alinéa 2 du décret du 12 juillet 2005, il n'en demeure pas moins que le bâtonnier puis le premier président saisi en appel n'ont pas le pouvoir de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité de l'avocat au titre d'un manquement à son obligation d'information (Cour de Cassation 22 mai 2003, 10 mars 2004, 26 mai 2011). Il n'a pas été conclu de convention d'honoraires. Une convention a été proposée mais n'a pas été signée.
L'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 modifié par celle du 10 juillet 1991 stipule, en son alinéa 2 : " A défaut de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ", ces critères ayant réaffirmés par l'article 10 du décret du 12 juillet 2005. Il sera constaté que Maître A... n'a produit aux débats aucune facture récapitulative, aucun relevé précis de diligences. Les factures de provisions se bornent à indiquer le montant dû. Dans le cadre du présent litige, après de multiples renvois, l'avocat n'a produit, comme pièces judiciaires, que le jugement du tribunal de commerce d'Angers et l'arrêt de la cour d'appel du 15 janvier 2013 (instance pour laquelle il n'était pas missionné). Il n'a pas produit l'assignation, les conclusions en réponses qu'il avait rédigées devant le tribunal de commerce. Il est donc impossible d'évaluer son temps de travail.
Il est seulement établi que Mme X... a payé 10 764 ¿ de provisions, dont elle ne conteste pas le bien-fondé. Maître A... n'apporte aucun élément permettant de fixer des honoraires supérieurs. En conséquence, les honoraires seront fixés à 10 764 ¿ et les demandes de Maître A... seront rejetées. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens.
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement, Annulons l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Nantes du 19 octobre 2011 ;
Évoquant, Mettons hors de cause M. Daniel X... ; Fixons à la somme de 10 764 ¿ TTC les honoraires dus par Mme Marie-Claude B... épouse X... à la SELARL A... et Associés ; Rejetons les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la SELARL A... et Associés aux dépens.