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15/04/2014 | FRANCE | N°13/03402

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 15 avril 2014, 13/03402


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 AVRIL 2014 6ème Chambre B

ARRÊT No 277

R. G : 13/03402

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS M. Thiery X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prono

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MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions,
DÉBATS : ...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 AVRIL 2014 6ème Chambre B

ARRÊT No 277

R. G : 13/03402

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS M. Thiery X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Stéphane CANTERO, substitut général, lequel a pris des réquisitions,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 20 Février 2014 devant Monsieur Pierre FONTAINE, magistrat délégué à la protection des majeurs, tenant seul l'audience, sans opposition des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 15 Avril 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE : APPELANT : MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CÉDEX représenté par la SCP GAUTIER HERMITTE, avocat au barreau de RENNES et par Monsieur Y... par délégation,

ET :
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Espace Anne de Bretagne 15 rue Martenot 35000 RENNES représentée par Monsieur Y...,

Monsieur Thiery X......... 35000 RENNES non comparant représenté par Me SALIN substituant Me LE VERGER, avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 14/ 2319 du 07/ 03/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

M. Thiery X..., venant de la République Démocratique du Congo et se disant né le 20 décembre 1995 à Kinshasa, commune de Ngaba (RDC), indique être arrivé clandestinement à Paris le 11 novembre 2012.

Il précise qu'après le décès accidentel de ses parents en 2008, il a été recueilli avec ses jeunes frères chez une tante. Il ajoute qu'après une attaque de troupes rebelles en septembre 2012, il a perdu la trace de sa famille et a été pris en charge par les missionnaires d'une paroisse catholique qui se sont chargés de le faire venir en France avec huit autres jeunes.
Sur la requête de M. X... enregistrée le 11 janvier 2013 et par décision du 22 avril 2013, le juge aux affaires familiales de Rennes a ouvert une tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil Général d'Ille et Vilaine a interjeté a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée avec avis de réception du 25 avril 2013 reçue au greffe le 29 avril suivant.
Le Conseil Général a sollicité l'infirmation de la décision et la constatation de la majorité de M. X....
Ce dernier demande à la cour de dire qu'il n'y pas lieu à statuer puisqu'il est désormais majeur. Subsidiairement il sollicite la confirmation de l'ordonnance
Le Ministère Public a requis l'infirmation de la décision déférée.
SUR CE,
- Sur l'intérêt à statuer :
M. X... fait valoir qu'il est majeur depuis le 20 décembre 2013 et qu'en conséquence l'appel du Conseil Général est sans objet.
L'appelant soutient que même si l'intimé a atteint sa majorité au cours de la procédure, l'appel présente toujours un intérêt dans la mesure où le fait d'avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance permet au jeune, une fois majeur, de bénéficier d'un ensemble d'avantages facilitant grandement les procédures devant la Préfecture.
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter le cas échéant des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du conseil Général.
- Sur l'ouverture de la tutelle :
Au soutien de son appel le Conseil Général invoque l'absence de validité de l'attestation de naissance présentée par l'intéressé et l'expertise médicale concluant à la majorité de ce dernier tout comme les appréciations des éducateurs.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En l'espèce, M. X... se prévaut d'une attestation de naissance datée du 27 janvier 2012.
Il ressort de l'article 98 du Code de la famille congolais que les documents d'état civil non conformes à la procédure locale ne peuvent avoir qu'une valeur informative mais jamais authentique.
La législation congolaise prévoit que l'acte d'état civil qui n'a pas été rédigé " dans le délai d'un mois du fait qu'il constate " " n'a que la valeur probante d'un simple renseignement ".
Tel est donc le cas de l'attestation de naissance aux termes duquel M. Telé MUKWANGA MABUNDA, Bourgmestre de la commune de Ngaba atteste qu'il ressort " des documents " en sa possession que le nommé X... Thiery est effectivement né à Kinshasa le vingtième jour du mois de décembre de l'an mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
Les documents originaux au regard desquels l'attestation a été établie ne sont pas cités et il n'existe aucune référence à un quelconque registre. Force est, en outre, de constater que l'attestation de naissance mentionne que la mère de l'intéressé se nomme Marie D... ce qui est contredit par les propres dires du jeune homme lors de son audition le 16 janvier 2013 par les services de police auxquels il a précisé que sa mère ne nommait Louise E....

Il résulte, en conséquence, de ces éléments dont se prévaut l'intimé, que l'attestation de naissance est dépourvue de toute force probante et ne permet donc pas à l'intimé de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du code civil.
En toute hypothèse, à supposer même que cette attestation ait été régulière, encore aurait-il fallu qu'elle soit légalisée conformément à la coutume internationale et en l'absence de convention dispensant de cette formalité entre la France et le Congo.
Par ailleurs, il sera rappelé que l'expertise médicale de M. X... réalisée le 9 janvier 2013par le Docteur F... oriente vers " l'état de majorité ".
Il ressort de ce document médical que le Docteur F..., a procédé à un examen clinique avec interrogatoire visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral et à étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen radiologique qui démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras ", soit une maturation osseuse complète, est corroboré par l'examen dentaire, par celui de la stature pondérale, et encore par celui des organes génitaux externes.
Ainsi que le fait valoir le Conseil Général, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie a précisé également que sont relativement rares les situations où âge de développement et âge réel comportent des dissociations et lorsque c'est le cas, la plupart d'entre elles conduisent à une sous estimation de l'âge réel. Il est, en outre, à noter que le Comité Consultatif National d'Ethique " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "

En l'espèce, les conclusions du médecin radiologue sont corroborées par les constatations des éducateurs ayant eu à connaître de M. X....
En effet, les éducateurs du Conseil Général, diplômés et formés à l'accueil des mineurs isolés étrangers, ont noté dès le départ la grande autonomie de ce jeune dans la gestion de son quotidien et l'absence de nécessité d'un accompagnement éducatif. Il a ainsi été logé dès son arrivée dans un hôtel, ce qui lui a paru satisfaisant.
Les éducateurs mentionnent également que M. X... ne ressemble en aucun cas aux autres adolescents de 17 ans originaires du même pays et ne se comporte pas comme eux. En l'effet l'équipe éducative note que ce jeune se place d'égal à égal avec l'adulte, allant jusqu'à indiquer ce qu'il doit faire pour lui, il prend librement et autoritairement la parole, ce qui n'est jamais observé chez un mineur du même âge.
Selon le Conseil Général, l'intéressé a rapidement pu après son arrivée en France déposer une requête en ouverture de tutelle avec son avocat sans l'aide de la mission mineurs isolés et alors qu'il prétendait être seul, âgé de 17 ans. Il a ainsi fait preuve de sa capacité à se prendre lui-même en charge. L'état de minorité que l'intimé revendique est encore contredit par les informations qu'il diffuse lui-même sur les réseaux sociaux où il mentionne avoir entamé une scolarité dans la région de Bruxelles dans le domaine de chimie et de la biologie industrielle.

M. X... n'explique pas les photos de lui-même, postées sur son profil Facebook au mois de janvier et septembre 2012 dans une ville qui ne ressemble pas à celle de Goma ou à tout autre ville congolaise où il était censé se trouver. Sur ce même réseau social il indique résider à Paris et avoir un fils.

L'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour constitue un faisceau d'indices permettant de conclure à la majorité de M.. X....

Il convient donc d'infirmer l'ordonnance et de dire qu'à la date de sa requête reçue au greffe le 11 janvier 2013, M. X... était majeur.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que Thiery X... était majeur à la date de sa requête, reçue au greffe le 11 janvier 2013,
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une mesure de tutelle,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor public.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 13/03402
Date de la décision : 15/04/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2014-04-15;13.03402 ?
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