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18/02/2014 | FRANCE | N°12/06917

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 18 février 2014, 12/06917


1ère Chambre





ARRÊT N°89



R.G : 12/06917













M. [Z] [G]



C/



COMMUNE DE [Localité 1]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 FEVRIER 2014





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÃ

‰LIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 06 Janvier 2014

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul...

1ère Chambre

ARRÊT N°89

R.G : 12/06917

M. [Z] [G]

C/

COMMUNE DE [Localité 1]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 18 FEVRIER 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Janvier 2014

devant Madame Olivia JEORGER-LE GAC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 18 Février 2014, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANT :

Monsieur [Z] [G]

né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Julien DERVILLERS de la SELARL LAHALLE/DERVILLERS, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Commune de [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

agissant par la personne de son Maire en exercice, domicilié es qualité audit Hôtel de Ville.

Représentée par Me Mikaël BONTE de la SELARL GOURVES & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Loïg GOURVENNEC de la SELARL LE ROY- GOURVENNEC - PRIEUR, Plaidant, avocat au barreau de BREST

Monsieur [Z] [G] est propriétaire sur la commune de [Localité 1] d'une parcelle cadastrée OA [Cadastre 3], à l'ouest de laquelle se situe un chemin creux reliant la route départementale numéro 28 à la voie communale numéro 7.

Par courrier du 20 Juillet 2009, le maire de [Localité 1] a mis en demeure Monsieur [G] de rendre ce chemin praticable, considérant qu'il s'agissait d'un chemin rural propriété de la commune. Par arrêté du 20 Novembre 2009, il l'a mis en demeure de retirer les obstacles à la circulation du chemin dans un délai de dix jours ; Monsieur [G] a contesté cet arrêté devant la juridiction administrative, qui a fait droit à sa demande d'annulation, en retenant que la commune ne démontrait qu'il soit à l'origine de l'impraticabilité du chemin.

Considérant être propriétaire indivis du chemin litigieux, Monsieur [G], par acte du 14 Juin 2010, a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de Saint Malo la Commune de [Localité 1] afin qu'il soit jugé que le chemin situé entre la voie communale numéro 7 et la route départementale numéro 28 est un chemin d'exploitation et que soit reconnue sa propriété indivise sur ce dernier.

Par jugement du 04 Juillet 2012, le Tribunal de Grande Instance de Saint Malo a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du Maire de [Localité 1],

débouté Monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes,

- constaté que le chemin litigieux est un chemin rural,

condamné le demandeur aux dépens,

condamné le demandeur à payer à la Commune de [Localité 1] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Appelant de ce jugement, Monsieur [G], par conclusions du 21 Janvier 2013, a sollicité que la Cour, vue les articles L161-1, L161-3 et L162-1 du code rural :

annule le jugement déféré,

dise que le chemin litigieux est un chemin d'exploitation et reconnaisse la propriété indivise de Monsieur [G] sur celui-ci,

condamne la Commune de [Localité 1] à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

la condamne au paiement des dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Par conclusions du 21 Mars 2013, la Commune de [Localité 1] a demandé que la Cour :

déboute Monsieur [G] de ses prétentions,

dise que le chemin litigieux est un chemin rural et en tout état de cause une propriété communale,

condamne Monsieur [G] au paiement des dépens,

le condamne au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour un plus ample exposé du litige, des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A l'examen du plan versé aux débats, le chemin litigieux relie du nord au sud la route départementale numéro 28 et la voie communale numéro 7 en longeant à l'ouest la parcelle [Cadastre 2] et à l'est les parcelles [Cadastre 3] (propriété [G]), [Cadastre 7], [Cadastre 6], [Cadastre 1] et [Cadastre 5] (ancienne usine Praticq).

Selon le descriptif en ayant été fait le 10 Juillet 2009 par le constat de Maître [Q], huissier à [Localité 2], en allant du nord vers le sud, le chemin au niveau de la propriété [G] est relativement large et permet l'accès à la RD 28, puis se rétrécit à une largeur d'environ 3 mètres, se creuse et est envahi de végétation et d'eau, pour ensuite, dans les 20 mètres précédant l'accès à voie communale numéro 7 être empierré et d'une largeur de 5 mètres ; entre ces deux extrémités, il est impraticable.

Il doit être noté qu'une centaine de mètres plus loin à l'ouest, la route départementale 28 et la voie communale numéro 7 se rejoignent et qu'il est donc possible de passer en voiture de l'une à l'autre par cette jonction.

En vertu des dispositions de l'article L161-1 du code rural et de la pêche maritime, les chemins ruraux sont des chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voie communale. Ils font partie du domaine privé de la commune. Selon les dispositions de l'article L161-2 l'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. En vertu des dispositions de l'article L161-3, tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé.

Il doit en premier lieu être constaté que si la commune avait durant un temps prétendu que le chemin était utilisé par des randonneurs, aucune des pièces versée aux débats ne justifie de son inclusion dans un itinéraire de randonnée.

La commune verse aux débats des attestations pour établir que le chemin serait affecté à l'usage du public.

Celle de Monsieur [X], concise, « j'ai 73 ans et  j'ai toujours vu les parcelles [Cadastre 4]-[Cadastre 7]-[Cadastre 6]-[Cadastre 1]-[Cadastre 5] desservies par ce chemin », est tout autant compatible avec l'existence d'un chemin d'exploitation qu'avec celle d'un chemin rural.

Celle de Madame [Y] [X] « ayant travaillé à la menuiserie Praticq au Chesnay en 1977 et 1978, j'utilisais son chemin pour aller au travail » est elle aussi compatible tant avec l'existence d'un chemin d'exploitation (desserte de la parcelle Praticq) que d'un chemin rural.

Il en est de même de celle de Monsieur [F] qui évoque dans son attestation un usage du chemin par ses parents qui en étaient riverains, et un usage par la société Praticq, qui l'était aussi.

En d'autres termes, aucune de ces trois attestations ne permet de justifier un emprunt régulier du chemin pour d'autres motifs que celui de se rendre sur l'une ou l'autre des parcelles le bordant, confirmant les attestations (Messieurs et Mesdames [S], [M], [L], [N], [W]) versées aux débats par Monsieur [G] selon lesquelles ce chemin n'a jamais servi de jonction entre la route départementale 28 et la voie communale 7, servant à l'écoulement des eaux et étant impraticable la majeure partie de l'année en raison de la présence d'eau.

S'agissant de l'entretien du chemin, il est constant ne serait-ce qu'au regard du constat d'huissier versé aux débats par Monsieur [G], que le chemin a été aménagé sur 20 mètres de long et 5 mètres de large aux abords de la menuiserie Praticq, lors de la construction de l'usine.

Selon l'attestation de Monsieur [A], ancien conseiller municipal, lors de la création de la société Praticq, des camions de pierre ont été déchargés et des buses créées afin de permettre l'utilisation du chemin par les camions allant construire les bâtiments de l'entreprise ; toutefois le constat d'huissier démontre que l'aménagement n'a pas porté sur la totalité du chemin ; ensuite, cet aménagement est insuffisant à démontrer un entretien « réitéré » du chemin, alors même que Monsieur [C], ancien directeur de l'usine, atteste que la société Praticq n'a jamais utilisé le chemin litigieux dans le cadre de son activité.

S'agissant de l'entretien, si Monsieur [I] atteste d'un entretien commun entre les riverains et la commune (lui-même remblayant avec des gravats et la commune posant des buses), Monsieur [L] et Madame [U] attestent pour leur part que les riverains entretenaient le chemin et assuraient eux-mêmes l'évacuation de leurs eaux pluviales tandis qu'un employé communal a attesté n'avoir jamais eu comme mission d'entretenir ce chemin.

En conclusion, les pièces versées aux débats par la commune ne permettent pas d'établir que ce chemin ait été affecté à l'usage du public et de laisser présumer que le chemin litigieux soit un chemin rural, n'ayant jamais servi qu'à accéder aux fonds riverains et n'ayant été que très ponctuellement entretenu et aménagé par la commune, dans le seul but de favoriser l'implantation sur son territoire d'une usine sur une parcelle riveraine, comme le montrent les courriers échangés à l'époque entre le maire et l'entrepreneur.

Il en résulte que le chemin litigieux apparaît comme étant un chemin d'exploitation, c'est-à-dire un chemin servant exclusivement à la communication entre divers fonds.

En vertu des dispositions de l'article L162-1, il est donc présumé, en l'absence de titre, appartenir aux propriétaires riverains.

S'agissant d'une présomption, elle peut toutefois être renversée et à cet égard, la commune verse aux débats un courrier de Monsieur [G], daté du 06 Décembre 1974, lui demandant de procéder à un bornage de leurs terrains respectifs, et lui reprochant d'avoir surélevé le chemin sans avoir mis en place de rigole d'écoulement des eaux ; il en résulte qu'à cette époque, Monsieur [G] ne contestait pas que la commune soit propriétaire du chemin litigieux.

Il ne peut se prévaloir de la procédure d'expropriation que le conseil municipal avait votée pour contester cette propriété : l'expropriation avait uniquement pour but l'élargissement du chemin (et non son appropriation par la commune), chemin dénommé communal dans le procès-verbal du 31 Janvier 1974 du conseil municipal, tandis que les dispositions de l'article L141-6 du code de la voirie routière (élargissement du chemin par simple délibération) étaient inapplicables, la volonté du conseil étant de créer une emprise supérieure à deux mètres ; ce projet n'aboutira pas en raison du danger qu'aurait représenté l'accès à la route départementale 28.

Surtout, cette délibération du conseil municipal démontre que la commune se considérait à l'époque comme propriétaire du chemin.

Dès lors, la présomption d'appartenance aux riverains de ce chemin d'exploitation est renversée et Monsieur [G] est débouté de sa demande visant à s'en voir déclarer propriétaire indivis tandis qu'il est fait droit à la demande de la commune de [Localité 1] de s'en voir déclarer propriétaire, étant rappelé qu'un chemin d'exploitation se définit par son usage et non par sa propriété.

Monsieur [G], qui succombe, est condamné au paiement des dépens d'appel et paiera à l'intimée la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le premier juge.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, après rapport à l'audience:

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le chemin litigieux est un chemin rural.

Statuant à nouveau:

Dit que le chemin reliant la route départementale 28 et la voie communale 7 de la commune de [Localité 1] est un chemin d'exploitation.

Confirme le jugement déféré pour le solde.

Y ajoutant:

Dit que la commune de [Localité 1] est propriétaire du chemin susvisé.

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

Condamne Monsieur [G] aux dépens d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

Condamne Monsieur [G] à payer à la commune de [Localité 1] la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/06917
Date de la décision : 18/02/2014

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/06917 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-02-18;12.06917 ?
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