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26/11/2013 | FRANCE | N°12/06208

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 26 novembre 2013, 12/06208


6ème Chambre B
ARRÊT No 817
R. G : 12/ 06208
MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE
C/
CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE-AIDE SOCIALE A L'ENFANCE Melle Kelly X... MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS

Copie exécutoire délivrée le :

à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame H

uguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Olivier BONHOMME, substitut géné...

6ème Chambre B
ARRÊT No 817
R. G : 12/ 06208
MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE
C/
CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE-AIDE SOCIALE A L'ENFANCE Melle Kelly X... MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS

Copie exécutoire délivrée le :

à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER :
Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Olivier BONHOMME, substitut général, lequel a pris des réquisitions ;
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 21 Octobre 2013 devant Monsieur Pierre FONTAINE et Madame Françoise ROQUES, magistrats délégués à la protection des majeurs, tenant l'audience sans opposition des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
réputé contradictoire, prononcé hors la présence du public le 26 Novembre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
**** ENTRE :

APPELANT :
MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX représenté par la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Espace Anne de Bretagne 15 rue Martenot 35000 RENNES non comparante

CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE-AIDE SOCIALE A L'ENFANCE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CÉDEX non comparante

en présence de Madame Emilie A..., conseil juridique du département d'Ille et Vilaine
Mademoiselle Kelly X... Chez Mme Y......22630 LES CHAMPS GERAUX non comparante représentée par Me Frédéric SALIN, avocat au barreau de RENNES en présence de Mme Annick Z..., administratice ad'hoc (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 13/ 10456 du 30/ 10/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

Mademoiselle Kelly X... venant de la République Démocratique du Congo et se disant née le 15 septembre 1995 à Kinshasa (RDC), indique être arrivée à Paris le 12 février 2012 avec l'aide de deux congolaises et après être passée par l'Ethiopie.
Elle explique que sa mère est décédée à la suite d'une maladie et que son père et son frère ont été tués pour des raisons politiques. Elle-même aurait été emprisonnée et aurait pu s'évader grâce à l'aide d'une personne dénommée " Jacques " qui lui aurait procuré un faux passeport.
Sur la requête de Mademoiselle X..., et par décision du 9 août 2012, le juge aux affaires familiales de Rennes a ouvert une tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil Général a interjeté appel de cette ordonnance selon lettre recommandée avec avis de réception du 16 août 2012 reçue le lendemain au greffe du tribunal.
Le Conseil Général d'Ille et Vilaine et le ministère public ont sollicité l'infirmation de l'ordonnance et la constatation de la majorité de Mademoiselle Kelly X....
L'intéressée a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, que soit constaté que la demande d'ouverture de tutelle est devenue sans objet en raison de la survenance de sa majorité en cours de procédure. A titre subsidiaire, elle a conclu à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation du Conseil général au versement d'une indemnité de 500 ¿ à son avocat sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle provisoire.
SUR CE,
- Sur la demande d'aide juridictionnelle :
Mademoiselle X...ayant obtenu l'aide juridictionnelle totale, il n'y a pas lieu de lui accorder le bénéfice l'aide juridictionnelle provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991.
- Sur l'intérêt à statuer :
Mademoiselle X...fait valoir qu'elle est majeure depuis 5 septembre 2013 et qu'en conséquence l'appel du Conseil Général est sans objet, d'autant qu'elle n'est pas prise en charge au titre d'un contrat jeune majeur.
L'appelant et le Ministère public soutiennent que même si l'intimée a atteint sa majorité au cours de la procédure, l'appel présente toujours un intérêt dans la mesure où le fait d'avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance permet au jeune, une fois majeur, de bénéficier d'un ensemble d'avantages facilitant grandement les procédures devant la Préfecture.
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter le cas échéant des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du conseil Général.
- Sur l'ouverture de la mesure de tutelle :
Au soutien de son appel le Conseil Général invoque l'absence de validité des documents d'identité présentés par l'intéressé et l'expertise médicale concluant à la majorité de ce dernier tout comme les appréciations des éducateurs.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Dès lors que Mademoiselle X...présente un document d'état civil étranger faisant apparaître sa minorité, cette pièce fait foi jusqu'à preuve du contraire et il appartient au Ministère Public et au Conseil Général qui contestent la validité de ce document d'en rapporter la preuve contraire.
Pour faire droit à la requête, le juge aux affaires familiales a retenu l'authenticité du document d'état civil produit par Mademoiselle X...dont la fausseté n'a pas été démontrée par le service de fraude documentaire de la Police aux frontières. Le juge a retenu, en outre, que l'officier de police français attaché de sécurité en RDC a confondu les mentions requise pour les attestations de naissance et celles nécessaires aux actes de naissances ainsi que l'absence de fiabilité de l'expertise médicale.
En l'espèce, Mademoiselle X...s'est prévalue devant le premier juge d'une attestation de naissance datée du 5 janvier 2012 puis a communiqué devant la Cour une copie intégrale d'acte de naissance établie le 2 septembre 2013.
Il ressort de l'article 98 du Code de la famille congolais que les documents d'état civil non conformes à la procédure locale ne peuvent avoir qu'une valeur informative mais jamais authentique.
La législation congolaise prévoit que l'acte d'état civil qui n'a pas été rédigé " dans le délai d'un mois du fait qu'il constate " " n'a que la valeur probante d'un simple renseignement ".
Tel est donc le cas de l'attestation de naissance aux termes duquel Monsieur Gaibene Thierry D..., Bourgmestre de la commune de Matete, atteste qu'il ressort " des documents " en sa possession que la nommée Kelly X...est effectivement née à Kinshasa le quinzième jour du mois de septembre de l'an mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
Les documents originaux au regard desquels l'attestation a été établie ne sont cependant pas cités et il n'existe aucune référence à un quelconque registre.
Ce document a par ailleurs été déclaré " fantaisiste " par le colonel E..., agent de sécurité intérieure en poste en RDC.
S'il est, en outre, produit devant la cour une copie d'acte de naissance il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 67 du Décret du 7 mars 1960, un acte d'état civil ne peut être dressé sur la base d'un jugement supplétif qu'une fois que le délai d'appel de ce jugement a expiré.
En l'occurrence, il ressort des termes de l'acte qu'un jugement supplétif a été rendu le 23 août 2013. Cette décision n'est toutefois pas versée aux débats et les conditions dans lesquelles elle a été rendue, et notamment le nom du requérant, ne sont pas connus.
Si on ignore la date de la signification du jugement supplétif, la certitude de ce que l'acte a été rédigé sans attendre l'expiration du délai de l'article 67 ressort toutefois de la comparaison entre la date du jugement et celle de l'acte.
Enfin il résulte des déclarations mêmes de la jeune fille qu'elle reconnaît être entrée en France avec un faux passeport, précisant n'avoir jamais eu de document d'identité.
Il résulte, en conséquence, des éléments tirés de l'attestation et de l'acte de naissance sont se prévaut l'intimée, que ces pièces sont dépourvues de toute force probante et ne lui permettent donc pas de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du code civil.
En tout état de cause, à supposer même que ces actes aient été réguliers, encore aurait il fallu qu'il soient légalisés conformément à la coutume internationale et en l'absence de convention dispensant de cette formalité entre la France et le Congo.
Par ailleurs, il sera rappelé que l'expertise médicale de Mademoiselle X...réalisée le 13 mars 2012 par le Docteur F...oriente vers " un état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimé critique les compétences du médecin expert, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et il conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
Il n'y a pas lieu de retenir les critiques émises à l'encontre des compétences ou de la déontologie de ce médecin, s'agissant d'un radiologue qualifié, expert assermenté inscrit sur la liste de la cour d'appel.
En l'espèce, il n'est pas établi que la jeune fille n'ait pas été traitée avec le respect et la dignité dûs à sa personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'il ne justifie d'aucun grief.
Il ressort de ce document médical que le Docteur F..., a procédé à un examen clinique avec interrogatoire visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral et à étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen radiologique qui démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras ", soit une maturation osseuse complète, n'est pas contredit par les examens pubertaires et ceux de la stature pondérale.
Ainsi que le fait valoir le Département, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie considère que les résultats de la lecture de l'âge osseux peuvent être confirmés par " l'examen clinique du développement pubertaire. "
Il est en outre à noter que le Comité Consultatif National d'Ethique visé par l'appelant " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
S'il est constant que le médecin ne mentionne pas l'âge estimé, la conclusion du rapport précisant simplement que les données cliniques et radiologiques ainsi que les données chronologiques pubertaires ne correspondent pas à l'âge de 16 ans mais " sont compatibles entre elles et orientent vers un état de majorité chez cette patiente ", aucune autre observation médicale ne vient contredire les conclusions du médecin expert.
Ces conclusions sont corroborées par les constatations des éducateurs ayant eu à connaître de Mademoiselle X....
En effet, les éducateurs du Conseil Général, diplômés et formés à l'accueil des mineurs isolés étrangers, ont noté dès le départ la grande autonomie de cette jeune personne dans la gestion de son quotidien et l'absence de nécessité d'un accompagnement éducatif.
Mademoiselle X...qui a été hébergée successivement chez trois assistantes familiales de l'Aide sociale à l'enfance a très fermement rejeté ce type de prise en charge, ne souhaitant rendre aucun compte aux adultes.
Les assistantes familiales ont mentionné l'autonomie de cette " jeune adulte " qui ne nécessite aucun accompagnement éducatif, sort et découche sans permission, ni même information préalable.
Son hébergement actuel à l'hôtel la satisfait et elle ne formule que des demandes matérielles, gérant seule sa vie quotidienne par ailleurs.
Il convient enfin de constater que les écritures prises en sa faveur visent une demande d'asile dont il n'est pas justifié.
L'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour constitue un faisceau d'indices permettant de conclure à la majorité de Mademoiselle X....
Il ne saurait y avoir en l'espèce de violation des dispositions de la Convention Internationa1e des Droits de l'Enfant dans la mesure où il est jugé que l'intimé n'est pas mineur.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée.
Mademoiselle X...qui succombe sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Constate que l'appel du Conseil Général d'Ille et Vilaine n'est pas devenu sans objet,
Infirme l'ordonnance du 9 août 2012,
Constate que Mademoiselle X...était majeure à la date de l'ordonnance déférée,
Dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 12/06208
Date de la décision : 26/11/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-11-26;12.06208 ?
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