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26/11/2013 | FRANCE | N°12/06197

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 26 novembre 2013, 12/06197


6ème Chambre B

ARRÊT No 816

R. G : 12/ 06197

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE AIDE SOCIALE A L'ENFANCE MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Melle Ilda X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Mau

rice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Huguette N...

6ème Chambre B

ARRÊT No 816

R. G : 12/ 06197

MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE AIDE SOCIALE A L'ENFANCE MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Melle Ilda X...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Huguette NEVEU, lors des débats et lors du prononcé

MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, substitut général, lequel a pris des réquisitions,

DÉBATS : En chambre du Conseil du 21 Octobre 2013 devant Monsieur Pierre FONTAINE et Madame Françoise ROQUES, magistrats délégués à la protection des majeurs, tenant l'audience, sans opposition des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial.

ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé hors la présence du public le 26 Novembre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

**** ENTRE APPELANT : MONSIEUR LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX représenté par la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat

ET :
CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE-AIDE SOCIALE A L'ENFANCE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparante

MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Espace Anne de Bretagne 15 rue Martenot 35000 RENNES non comparante

Mademoiselle Ilda X......... 35760 SAINT GREGOIRE non comparante représentée par Me Frédéric SALIN, avocat (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 13/ 10457 du 30/ 10/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES) en présence de Madame Emilie A..., conseil juridique du département d'Ille et Vilaine

Mademoiselle Ilda X...venant d'ANGOLA et se disant née le 5 mai 1995 à LUANDA (ANGOLA), indique être arrivée en France au mois de février 2012 avec l'aide d'un ami de son père s'étant occupé de toutes les démarches relatives à son voyage, et ce, selon sa requête, après la mort de son frère à la suite d'une manifestation politique à laquelle elle-même participait.

Par ordonnance du 23 juillet 2012, le juge aux affaires familiales de Rennes, sur la requête de Mademoiselle X...a ouvert une tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil Général a interjeté appel de cette ordonnance selon lettre recommandée avec avis de réception du 16 août 2012 reçue le lendemain au greffe du tribunal.
Le Conseil Général d'Ille et Vilaine et le ministère public ont sollicité l'infirmation de l'ordonnance et la constatation de la majorité de Mademoiselle X....
L'intéressée a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, que soit constaté que la demande d'ouverture de tutelle est devenue sans objet en raison de la survenance de sa majorité en cours de procédure. A titre subsidiaire, elle a conclu à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation du Conseil général au versement d'une indemnité de 500 ¿ à son avocat sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle provisoire

SUR CE,

- Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande au titre de l'aide juridictionnelle provisoire formulée à l'audience dans la mesure où Mademoiselle X...a obtenu le bénéfice de cette aide par décision du 30 octobre 2013.
- Sur l'intérêt à statuer :
Mademoiselle X...fait valoir qu'elle est majeure depuis 5 mai 2013 et qu'en conséquence l'appel du Conseil Général est sans objet, d'autant qu'elle n'est pas prise en charge au titre d'un contrat jeune majeur.

L'appelant soutient que même si l'intimée a atteint sa majorité au cours de la procédure, l'appel présente toujours un intérêt dans la mesure où le fait d'avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance permet au jeune, une fois majeur, de bénéficier d'un ensemble d'avantages facilitant grandement les procédures devant la Préfecture.

Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter le cas échéant des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du conseil Général.
- sur l'ouverture de la mesure de tutelle :
Pour faire droit à la requête le premier juge a retenu l'authenticité du document d'identité présenté par Mademoiselle X...en l'absence d'investigation auprès des autorités angolaises. Il a estimé, en outre, que les résultats de l'expertise osseuse ne présentaient pas de fiabilité.
Au soutien de son appel le Conseil Général invoque l'absence de validité du document d'identité présentée par l'intéressée et l'expertise médicale concluant à la majorité de cette dernière tout comme les appréciations des éducateurs.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Dès lors que Mademoiselle X...présente un document d'état civil étranger faisant apparaître sa minorité, cette pièce fait foi jusqu'à preuve du contraire et il appartient au Ministère Public et au Conseil Général qui contestent la validité de ce document d'en rapporter la preuve contraire.
En l'occurrence, Mademoiselle X...se prévaut d'un Cédula Pessoal (livret personnel).
Il résulte cependant d'une note du Ministère des Relations Extérieures de la République d'ANGOLA du 10 juin 2003 adressée aux Missions Diplomatiques et Consulaires étrangères accréditées en ANGOLA que le Cédula Pessoal est un document à usage interne émis en vue de l'obtention d'un certificat ou d'une copie du registre des naissances et qui doit être " catégoriquement " rejeté par les autorités étrangères.
Cette même note précise que les documents présentés par les citoyens angolais à l'extérieur du pays ne seront considérés comme authentiques et valables qu'après avoir été visés par le Ministère des Relations Extérieures.
En vertu de l'article 47 du code civil, il ne saurait donc être accordé foi au Cédula Pessoal présenté par Mademoiselle X....
Par ailleurs, l'examen clinique et radiologique de Mademoiselle X...réalisé le 13 mars 2012 par le Docteur B...permet de retenir " un état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimée critique les compétences du médecin expert, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et elle conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
II n'y a pas lieu de retenir les critiques émises à l'encontre des compétences ou de la déontologie de ce médecin, s'agissant d'un radiologue qualifié, expert assermenté inscrit sur la liste de la cour d'appel.
En l'espèce, il n'est pas établi que la jeune fille n'ait pas été traité avec le respect et la dignité dûs à sa personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun grief.
Il ressort de ce document médical que le Docteur B...a procédé à un examen clinique visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral et d'étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen osseux démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras. "
Cette constatation est corroborée par l'examen dentaire et pubertaire, le tout orientant vers l'état de majorité de l'intéressée.
Ainsi que le fait valoir le département, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du 8 mars 2006, postérieur à l'avis du Comité consultatif national d'éthique, conclut que cette méthode d'analyse osseuse dite de Greulich et Pyle constitue un cadre référentiel " universellement utilisé " et offre " une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent au dessous de seize ans " sans pour autant permettre " une distinction nette entre seize et dix huit ans ". L'Académie indique que " cette méthode est plutôt favorable au mineur en sous estimant l'âge réel, de plus de 18 mois, compte tenu de la marge de détermination scientifique de l'âge osseux, lors de ce test. "
La même Académie précise dans son rapport du 16 janvier 2007 qu'aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour. "
Il est en outre à noter que le Comité consultatif national d'éthique visé par l'appelant " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
Il est constant que le médecin ne mentionne pas l'âge estimé, la conclusion du rapport précisant simplement que l'âge invoqué " ne parait pas compatible avec les données cliniques et radiologiques, " celles-ci étant au contraire " compatibles pour retenir un état de majorité. "
Ces conclusions sont toutefois corroborées par les constatations des éducateurs ayant eu à connaître de la jeune fille.
En effet, l'éducateur du foyer Tamaris précise que l'hébergement en famille d'accueil s'est avéré inadapté en raison du comportement de la jeune femme. il est fait état " d'une autonomie remarquée dans les gestes de la vie quotidienne " de Mademoiselle X...qui entend trouver un travail, ses difficultés n'étant dues qu'à sa méconnaissance de la langue française.
De surcroît, par décision définitive du 28 février 2013, la demande d'asile de Mademoiselle X...a été rejetée motif pris de ses déclarations très confuses sur sa situation personnelle et familiale et de ses explications peu crédibles s'agissant de sa participation à une marche de protestation alors que ses propos ont révélé une méconnaissance de la situation politique de son pays.
La réalité des faits allégués par Mademoiselle X...ne peut, par conséquent, être tenue pour établie.
Au regard des éléments soumis à son appréciation la cour considère qu'en l'espèce, aucun élément n'empêche de retenir les conclusions du Docteur B...qui concluent à la majorité de Mademoiselle X...à la date ou celle-ci a été placée sous tutelle, et ce, à défaut de production par cette dernière d'actes d'état civil ou d'identité ayant force probante au sens de l'article 47 du code civil et rapportant la preuve de leur minorité.
Il ne saurait y avoir en l'espèce de violation des dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure il est jugé que l'intimée n'est pas mineure.
La violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas davantage démontrée, l'intimé ne justifiant pas en quoi elle n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable au sens de ce texte.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée.
Mademoiselle X...qui succombe sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La Cour,

Constate que Mademoiselle X...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 octobre 2013,

Constate que l'appel du Conseil Général d'Ille et Vilaine n'est pas devenu sans objet,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que Mademoiselle X...était majeure à la date de l'ordonnance déférée,
Dit n'y avoir lieu en conséquence à l'ouverture d'une tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 12/06197
Date de la décision : 26/11/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-11-26;12.06197 ?
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