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05/11/2013 | FRANCE | N°12/00248

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 05 novembre 2013, 12/00248


1ère Chambre





ARRÊT N°361



R.G : 12/00248













Me [H] [T]



C/



Mme [W] [A] [D] épouse [L]

Melle [B] [L]

Mme [Q] [Z] [B] [L]

Me [K] [V]





























Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 NOVEMBR

E 2013





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 23 Septembre 2013

devant Monsieur M...

1ère Chambre

ARRÊT N°361

R.G : 12/00248

Me [H] [T]

C/

Mme [W] [A] [D] épouse [L]

Melle [B] [L]

Mme [Q] [Z] [B] [L]

Me [K] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Septembre 2013

devant Monsieur Marc JANIN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Par Défaut, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 05 Novembre 2013, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANT :

Maître [H] [T]

[Adresse 4]

[Localité 2]

es qualités de liquidateur de Madame [W] [L], née [D],

Représenté par Me Jacqueline BREBION de la SCP BREBION CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assisté de Me Yves DE MORHERY, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-MALO

INTIMÉS :

Madame [W] [A] [D] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 3] ([Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de RENNES

Mademoiselle [B] [L]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Signification déclaration d'appel et conclusions à domicile par acte d'huissier en date du 30/05/2012.

Madame [Q] [Z] [B] [L]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] ([Localité 1])

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-Marie BERTHELOT, avocat au barreau de RENNES

Maître [K] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 5]

es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de Mademoiselle [B] [L]

Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE:

Madame [W] [D], épouse [L], commerçante, a, le 14 mars 2003 fait donation à ses deux filles, Madame [B] [L] et Madame [Q] [L], de la nue-propriété d'une maison d'habitation qu'elle possédait à [Localité 6] (Côtes-d'Armor), s'en réservant l'usufruit.

Le 21 octobre suivant, le tribunal de grande instance de Dinan, statuant en matière commerciale, a prononcé la liquidation judiciaire de Madame [W] [L], fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 16 octobre 2003 et désigné Maître [H] [T], en qualité de liquidateur.

Le même tribunal a, par jugement réputé contradictoire du 15 juin 2004, reporté cette date au 21 avril 2002.

Maître [T], ès qualités, a assigné Madame [W] [L] et ses deux filles devant le tribunal de commerce de Saint-Malo pour, au visa de l'article L. 632-1 du Code de commerce, voir déclarer nulle et de nul effet la donation et, subsidiairement, se la voir déclarer inopposable en application de l'article 1167 du Code civil.

Elle a appelé en la cause Maître [K] [V], en sa qualité de liquidateur de la liquidation de Madame [B] [L], elle-même également commerçante, prononcée le 14 octobre 2010.

Au terme de ses dernières conclusions cependant, Maître [T] ne soutenait plus la nullité de l'acte de donation mais demandait au tribunal de dire que celle-ci lui était inopposable.

Le tribunal de commerce de Saint-Malo a, par jugement du 13 décembre 2011, débouté Maître [T] de ses demandes.

Maître [T] a, ès qualités, interjeté appel de ce jugement le 12 janvier 2012.

Par dernières conclusions du 8 août 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour:

- d'infirmer le jugement,

- de dire que l'acte de donation du 14 mars 2003 lui est inopposable, en sa qualité de liquidateur de Madame [W] [L],

- de déclarer la décision à intervenir opposable à Maître [V], en sa qualité de liquidateur de Madame [B] [L],

- de condamner Madame [W] [L] à lui payer, ès qualités, la somme de 2.500,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de dire que les dépens, comprenant le coût de publication de l'assignation introductive d'instance et de l'arrêt à intervenir, seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Par dernières conclusions du 10 juin 2013 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Madame [W] [L] et Madame [Q] [L] demandent à la cour:

- de débouter Maître [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de confirmer le jugement déféré,

- de condamner Maître [T], ès qualités, au paiement d'une somme de 1.500,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel,

- de la condamner aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Par dernières conclusions du 4 avril 2012 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Maître [V], en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame [B] [L], demande à la cour:

- de confirmer le jugement dont appel,

- de condamner le succombant au règlement d'une somme de 1.500,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Madame [B] [L], que Maître [T] a assignée en lui signifiant sa déclaration d'appel et ses conclusions par acte d'huissier remis le 30 mai 2012 en l'étude, n'a pas constitué avocat devant la cour.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 4 septembre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION DE LA COUR:

Le tribunal de commerce de Saint-Malo a, par le jugement déféré, retenu d'une part que le jugement par lequel le tribunal de grande instance de Dinan avait reporté au 21 avril 2002 la date de cessation des paiements, ainsi antérieurement à la donation, qualifié de réputé contradictoire, n'avait pas été signifié dans le délai de six mois prévu à l'article 478 du Code de procédure civile et était ainsi non avenu, de sorte qu'il devait être tenu pour n'avoir jamais existé.

Il a considéré d'autre part qu'il ne lui appartenait pas, alors, d'apprécier l'existence d'un éventuel état de cessation des paiements de Madame [W] [L] avant ou au moment de la donation, et en conséquence d'une éventuelle fraude aux droits de créanciers de celle-ci.

Maître [T], qui n'invoque plus devant la cour la nullité de la donation mais son inopposabilité, se fonde non sur l'antériorité de l'état de cessation des paiements mais sur l'existence d'une insolvabilité de Madame [W] [L] au moment de l'acte, dont celle-ci ne pouvait qu'avoir conscience, qui justifie selon elle son action paulienne et le prononcé de l'inopposabilité à son endroit de la donation pour avoir été faite en fraude des droits des créanciers.

Madame [W] [L] soutient quant à elle qu'il n'y a aucune distinction à faire entre état de cessation des paiements et insolvabilité, que la cessation des paiements a été fixée au 16 octobre 2003 par le premier jugement du tribunal de grande instance de Dinan qui seul, pour les motifs du jugement déféré, doit être pris en considération, et qu'en toute hypothèse, son insolvabilité à la date de la donation n'est pas démontrée.

Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé, pour les motifs qu'il a énoncés et qui ne sont pas critiqués, en ce qu'il a débouté Maître [T] de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la donation.

Mais la fixation au 16 octobre 2003 de la date de cessation des paiements, qui correspond au constat de ce qu'à cette date Madame [W] [L] était dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n'empêche pas de rechercher si, au moment où celle-ci a fait donation de sa maison à ses filles, elle n'était pas en état d'insolvabilité, qui est plus généralement l'état de celui qui ne peut payer ce qu'il doit.

Or il ressort des pièces produites qu'au 14 mars 2003, date de la donation litigieuse, l'état d'insolvabilité de Madame [W] [L] était caractérisé et qu'il était le résultat non d'une situation purement conjoncturelle, mais d'une évolution durable de la situation économique de son entreprise, qui a conduit à sa liquidation judiciaire au mois d'octobre suivant.

Ainsi:

- la société Emeraude a déclaré le 19 novembre 2003 une créance de loyers commerciaux d'un montant de 25.156,02€ au titre de factures émises très régulièrement depuis le début de l'année 1997, créance admise à ce montant par décision du juge commissaire,

- le Trésor public a quant à lui fait état de mise en recouvrement pour un total restant dû de 2.172,55€ au titre d'impôt sur le revenu, taxes foncière et d'habitation pour les années 2001 et 2002,

- une créance de 2.477,00€ a également été mise en recouvrement par l'administration fiscale au titre d'une taxation d'office de TVA non acquittée à la date d'exigibilité pour la période de mars 2002 à février 2003,

- le solde du compte bancaire professionnel de Madame [W] [L] au Crédit agricole était débiteur de 13.141,28€ au 31 décembre 2002, de 15.463,13 au 28 février 2003, de 16.826,48€ au 31 mars 2003,

- le solde de son compte bancaire professionnel à la BPO était débiteur de 21.849,86€ au 30 septembre 2002, de 22.804,88€ au 23 décembre 2002, 23.659,75€ au 23 janvier 2003, de 23.570,49€ au 24 février 2003, de 24.516,65€ au 20 mars 2003.

Il en ressort encore que Madame [W] [L] ne réglait plus intégralement ses cotisations à la Caisse régionale des artisans et commerçants en fin d'année 2002 et début d'année 2003, non plus qu'au titre de l'assurance vieillesse obligatoire au cours des années 2001 et 2002 ou à l'Urssaf au premier trimestre 2003.

Il est vrai que Madame [W] [L] a été victime des agissements d'une cliente qui, depuis plusieurs années, faisait dans sa boutique des achats de vêtements dans des quantités très importantes et représentant jusqu'à 30% de son chiffre d'affaires sans en payer intégralement le prix, que la cliente a, le 25 février 2003, remis un chèque en règlement de ses dettes d'un montant de 24.308,71€ qui s'est avéré falsifié et qui a été rejeté le 14 mars suivant, ce pourquoi cette dernière a été condamnée le 2 juin 2006 par le tribunal correctionnel de Dinan à une peine d'emprisonnement avec sursis, mais aussi à payer la somme de 24.308,71€ à Maître [T], partie civile ès qualités.

Pour autant, ces circonstances, qui peuvent l'expliquer partiellement, ne contredisent pas le constat d'insolvabilité qui précède.

Il doit être considéré que Madame [W] [L], qui suivait nécessairement l'état de sa comptabilité et l'évolution de ses comptes bancaires, qui s'était vue délivrer des avis de mise en recouvrement des dettes fiscales, ne pouvait qu'être consciente, les certificats médicaux qu'elle produit n'établissant pas le contraire, de ce qu'elle n'était pas en mesure, au moment où elle a consenti la donation à ses filles de la nue-propriété de la maison lui appartenant et qu'elle habitait, s'en réservant l'usufruit, de faire face aux dettes sus mentionnées, et de ce que cette donation faisait disparaître du patrimoine sur lequel pouvaient s'exercer les poursuites de ses créanciers, l'essentiel de sa valeur.

Ainsi, et sans qu'il soit nécessaire d'établir une intention de sa part de nuire à ses créanciers, est suffisamment établie la fraude fondant l'action paulienne conduite par le représentant de ceux-ci.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de faire droit aux demandes au fond de l'appelante.

Il n'y a pas lieu à condamnation à indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; les dépens relevant des dispositions de l'article 695 du Code de procédure civile seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Il n'y a enfin pas lieu de déclarer spécialement le présent arrêt opposable à Maître [V], en sa qualité de liquidateur de Madame [B] [L], qui est en la cause.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Après rapport fait à l'audience;

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Saint-Malo du 13 décembre 2011 en ce qu'il a débouté Maître [H] [T], en ses qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de Madame [W] [L], de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la donation du 14 mars 2003;

L'infirme en ce qu'il a débouté Maître [H] [T] de sa demande tendant à se voir déclarer la donation inopposable;

Statuant à nouveau,

Déclare inopposable à Maître [H] [T], en ses qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame [W] [L], la donation faite par celle-ci à ses filles, Madame [B] [L] et Madame [Q] [L], contenue à l'acte authentique reçu le 14 mars 2003 par Maître [G] [E], notaire à [Localité 6] (Côtes-d'Armor);

Rejette les autres demandes;

Dit que les dépens relevant des dispositions de l'article 695 du Code de procédure civile seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/00248
Date de la décision : 05/11/2013

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/00248 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-05;12.00248 ?
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