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05/11/2013 | FRANCE | N°12/00095

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 05 novembre 2013, 12/00095


1ère Chambre





ARRÊT N°360



R.G : 12/00095













M. [P] [V]

Société ETOILES DE NUIT SCP



C/



ETAT - AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013







COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 24 Sep...

1ère Chambre

ARRÊT N°360

R.G : 12/00095

M. [P] [V]

Société ETOILES DE NUIT SCP

C/

ETAT - AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président, entendu en son rapport

Monsieur Marc JANIN, Conseiller,

Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Septembre 2013

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 05 Novembre 2013, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTS :

Monsieur [P] [V]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 3]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SCP LOZAC'MEUR/GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDIS SON/GRENARD, avocat au barreau de RENNES

Société ETOILES DE NUIT SCP

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SCP LOZAC'MEUR/GARNIER/BOIS/DOHOLLOU/SOUET/ARION/ARDIS SON/GRENARD, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

ETAT - AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR - MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Philippe BILLAUD, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCÉDURE

Un contentieux générant de multiples procédures judiciaires a existé pendant près de dix ans entre la SCI GENERATION FINANCIERE aux droits de laquelle est ensuite venue la SCI ETOILES DE NUIT, constituée le 7 mai 1999 dont M. [V] est le gérant, et la SARL puis la SA LE CALIFORNIA dirigée par les époux [I].

Une série d'actes a été passée en 1995 et 1996 entre la SCI GENERATION FINANCIERE et la SARL puis la SA LE CALIFORNIA .

C'est ainsi que :

Par acte sous seing privé du 17 mars 1995, la S.A.R.L. LE CALIFORNIA a donné en location gérance à la SA LE CALIFORNIA le fonds de commerce de discothèque exploité à [Adresse 3].

Par acte de Me [R], notaire à [Adresse 4], en date du 24 mai 1995, la SARL LE CALIFORNIA a vendu à la S.C.I. GENERATION FINANCIERE, l'immeuble sis à [Adresse 3], au lieu-dit '[Adresse 2]' pour le prix de 1 500 000 Francs, où est exploité le fonds de discothèque.

Par acte sous seing privé du même jour la S.C.I. a donné à bail à usage commercial, à la S.A.R.L cet immeuble pour un loyer de 20 645 Francs par mois.

A la suite d'un accord passé le 15 septembre 1996 entre, d'une part, la SCI GENERATION FINANCIERE et la société BOURSE FINANCE INTERNATIONAL, prêteur d'une somme de 375 000 Francs à la SA LE CALIFORNIA, et, d'autre part, la SARL LE CALIFORNIA, la société BOURSE FINANCE INTERNATIONAL a renoncé à sa créance sur la SA LE CALIFORNIA et en contre-partie, cette dernière leur a consenti une augmentation de loyer de 5 268 Francs à compter du 1er octobre 1996.

En vertu de cet accord, un nouveau bail a été signé le 28 septembre 1996, par acte sous seing privé, entre la S.C.I. GENERATION FINANCIERE et la SARL LE CALIFORNIA pour un loyer mensuel de 25 913 francs.

Le 10 mars 1997, la SA LE CALIFORNIA a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de SAINT BRIEUC qui par jugement du 3 novembre 1997 a reporté la date de cessation des paiements au 1er juin 1996.

Le 1er décembre 1997, le tribunal de commerce de SAINT BRIEUC a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL LE CALIFORNIA, le liquidateur Me [K] optant pour la poursuite du bail et invitant la SA LE CALIFORNIA, locataire gérant, à régler les loyers entre les mains du bailleur, la S.C.I. GENERATION FINANCIERE.

Par acte du 30 janvier 1998, Me [K], ès-qualité de liquidateur de la SARL LE CALIFORNIA a fait assigner la S.C.I. GENERATION FINANCIERE devant le tribunal d'instance de SAINT BRIEUC en nullité du contrat de bail du 28 septembre 1996 pour absence de cause et violation de la règle d'égalité entre les créanciers pendant la période suspecte.

Par jugement du 23 novembre 1998, le tribunal d'instance de SAINT BRIEUC a notamment :

Prononcé la nullité du contrat de bail du 28 septembre 1996 pour absence de cause ;

Condamné la S.C.I. GENERATION FINANCIERE à payer à Me [K] pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la S.A.R.L. LE CALIFORNIA la somme de 84 288 Francs représentant un trop-perçu de loyers ;

Débouté la S.C.I. GENERATION FINANCIERE de ses demandes reconventionnelles.

Sur appel de la S.C.I. GENERATION FINANCIERE aux droits de laquelle est venue la S.C.I. ETOILES DE NUIT, la cour d'appel de Rennes a, par arrêt du 15 mai 2002, notamment :

Confirmé le jugement du tribunal d'instance de SAINT- BRIEUC en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de bail signé le 28 septembre 1996 entre la S.C.I. GENERATION FINANCIERE et la S.A.R.L. LE CALIFORNIA ;

Réformé le jugement pour le surplus ;

Constaté que l'acte de cession du fonds de commerce résultant de l'acte authentique du 18 novembre 1998 est définitif et opposable à la SCI ETOILES DE NUIT à compter du 29 novembre 2000 ;

Prononcé la résiliation du contrat de bail en date du 24 mai 1995 liant la SA LE CALIFORNIA et la SCI ETOILES DE NUIT aux torts et griefs exclusifs de la SA LE CALIFORNIA en sa qualité d'ayant-cause de la SARL LE CALIFORNIA.

Cet arrêt a retenu comme motifs de résiliation du bail les manquements du preneur à ses obligations :

- d'entretien des locaux ;

- de requérir l'autorisation du bailleur pour réaliser les travaux d'aménagement de la discothèque, et en particulier, les travaux ayant permis l'exploitation des deux bars à thème.

Cet arrêt est devenu définitif, le pourvoi formé par la SA le CALIFORNIA ayant été déclaré non admis par arrêt de la cour de cassation en date du 10 février 2004.

Soutenant bénéficier d'un titre exécutoire, la S.C.I. GENERATION FINANCIERE a exercé des procédures de saisie-attribution et saisie-conservatoire devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de SAINT-BRIEUC qui les a annulées, donné mainlevée ou cantonnées, condamnant en outre la S.C.I. GENERATION FINANCIERE pour procédures abusives tandis que sur appels, la cour a infirmé ces décisions validant les saisies dont l'objet était d'obtenir règlement d'indemnités d'occupation par la S.A. LE CALIFORNIA qui s'est maintenue dans les lieux jusqu'en 2007.

La SA LE CALIFORNIA a elle-même engagé une procédure de référé contre la S.C.I. GENERATION FINANCIERE pour qu'elle cesse de publier une publicité aux fins de location du local commercial à laquelle le juge des référés a fait droit mais dont la cour a réformé la décision en considérant que la publicité portait sur la location des murs et non du fonds de commerce.

Enfin, une plainte avec constitution de partie civile a été déposée par la SA LE CALIFORNIA pour escroquerie au jugement, portant sur l'arrêt du 15 mai 2002, qui a provoqué un sursis à statuer rendu par le juge de l'exécution, décision infirmée par la cour d'appel le 6 septembre 2007, qui a estimé que la procédure engagée par la SA LE CALIFORNIA était abusive.

Soutenant que cette succession de jugements réformés ou annulés constituait une série de faits démontrant l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission, la SCI ETOILES DE NUIT et M. [P] [V] ont, par acte du 27 décembre 2007, fait assigner l'agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de SAINT-BRIEUC pour faute lourde, en paiement d'une somme de 3 288 954,37 €.

L'affaire a été délocalisée par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Rennes, devant le tribunal de grande instance de Rennes qui par jugement du 17 janvier 2011, a :

Débouté la S.C.I. ETOILES DE NUIT et M. [P] [V] de leurs demandes ;

Les a condamnés à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 000 € au titre des frais non répétibles ;

Les a condamnés aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Étoiles de Nuit et M. [P] [V] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 10 janvier 2012.

Ils ont déposé et notifié le 17 janvier 2013 leurs dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens de fait et de droit ainsi que pour les prétentions, numérotées de 1 à 43.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. l'agent judiciaire du Trésor demande à la cour de :

Déclarer la S.C.I. Etoiles de Nuit et M [V] mal fondés en leur appel ;

.

Constater que les appelants n'apportent pas la preuve de l'existence d'une faute lourde de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat ;

Les débouter de leur appel et confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dire que la condamnation aux frais irrépétibles de 2000€ prononcée par le tribunal devra être mise à la charge in solidum de la SCI ETOILES de NUIT et de M [P] [V] ;

Condamner in solidum la SCI ETOILES de NUIT et M [P] [V] au paiement d'une somme supplémentaire de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- sur l'existence d'une faute lourde du service public de la justice :

La responsabilité de l'Etat pour les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ne peut être engagée que par une faute lourde ou un déni de justice.

La faute lourde s'analyse comme une déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.

Il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve de cette faute lourde et du préjudice qui en est résulté.

M. [P] [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT font essentiellement valoir que les décisions de première instance ont condamné la S.C.I. ETOILES DE LA NUIT ou son gérant, M [P] [V], à des dommages et intérêts et des frais irrépétibles au profit de la société Le CALIFORNIA ou de ses gérants, M. et Mme [I].

Ils exposent que ces décisions étant assorties de l'exécution provisoire, leurs bénéficiaires ont procédé à des mesures d'exécution forcée et que lorsque les décisions frappées d'appel ont été annulées ou réformées, quand à son tour la S.C.I. ETOILES de NUIT avait recours à des procédures d'exécution, le juge de l'exécution annulait les saisies qu'il considérait comme abusives avant qu'en définitive ces saisies soient validées par la cour.

M. [P] [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT en déduisent que les condamnations pécuniaires qui ont été prononcées contre eux, parfois de manière exorbitante, reflètent une discrimination par les juridictions dans l'application des droits reconnus à l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

L'examen des décisions du premier et du second degré qui sont communiquées aux débats permet de vérifier l'évolution des litiges successifs dont le point de départ est constitué par les conventions souscrites entre la S.C.I. GENERATION FINANCIERE et la société BOURSE FINANCE INTERNATIONAL, d'une part, la S.A.R.L. LE CALIFORNIA et la S.A. LE CALIFORNIA, d'autre part.

Il doit d'abord être rappelé que le jugement du tribunal d'instance de SAINT-BRIEUC a été confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Rennes du 15 mai 2002 en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de bail du 28 septembre 1996 pour absence de cause.

Dans ses motifs, la cour n'a pas manqué de stigmatiser l'attitude des parties à cet acte dans les termes suivants :

'en l'occurrence, M. [V] ès qualité de gérant de la société BOURSE FINANCE INTERNATIONAL et de la société GENERATION FINANCIERE était parfaitement conscient de l'illicéité du montage opéré dans une précipitation qui en souligne la finalité et l'urgente nécessité de son point de vue' ;

'[Y] [I] (gérant de la SARL LE CALIFORNIA et dirigeant de la SA du même nom) était tout aussi conscient de l'objectif poursuivi mais mal placé pour en dénoncer le caractère illégal étant lui-même l'auteur de la captation des fonds' ;

"Ce montage concrétisait une violation des prohibitions d'ordre public (...)'.

'Quant à la turpitude de M. [I], elle est largement partagée par M. [V] et condamnée par la jurisprudence'.

L'existence d'un premier bail conclu le 24 mai 1995 par acte sous seing privé a conduit la cour à résilier ce bail mais uniquement sur des manquements du preneur à son obligation d'entretien des lieux et le défaut d'autorisation du bailleur à les modifier.

Pour ces deux décisions rendues par les juridictions de première instance et d'appel, il n'existe pas comme le soutiennent les appelants à cette instance, une opposition totale.

En effet, l'arrêt de la cour d'appel complète le jugement qui lui était déféré sur les moyens dont elle a été saisie.

M [V] ne peut dès lors prétendre que le service public de la justice aurait commis une faute lourde, les juridictions ayant statué sur les moyens de fait qui leur étaient communiqués et les moyens de droit soumis, la cour au surplus ayant pris soin de rendre un premier arrêt avant-dire-droit ordonnant la réouverture des débats pour enjoindre les parties à s'expliquer en fait et conclure en droit sur plusieurs points dont le caractère définitif ou non d'un arrêt rendu par la 2ème chambre de cette cour, le 6 septembre 2000.

M [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT ont lancé des procédures d'exécution forcée dès le mois de septembre 2002 en se fondant sur le contrat de bail résilié par l'arrêt du 15 mai 2002, constituant un titre exécutoire pour la période antérieure à sa résiliation :

- saisie-conservatoire sur la licence IV appartenant à M. [I],

- plusieurs saisies-attributions sur les comptes bancaires de la SA LE CALIFORNIA et de M et Mme [I].

La validité de ces procédures successives a été contestée par M. et Mme [I] et la SA LE CALIFORNIA.

Les difficultés qui ont dû être tranchées ont été d'ordre juridique quant au caractère exécutoire du titre de la SCI ETOILES De LA NUIT, aux personnes pouvant faire l'objet des saisies et à l'opposabilité aux dirigeants sociaux des engagements de la SA LE CALIFORNIA.

La difficulté essentielle soumise aux juridictions de l'exécution a été celle de savoir si la SCI ÉTOILES DE LA NUIT bénéficiait d'un titre exécutoire.

Il convient ainsi de rappeler :

- que le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de SAINT BRIEUC en date du 28 octobre 2002 qui reconnaissait le caractère authentique du contrat de bail du 24 mai 2005 a été annulé arrêt de la cour du 20 novembre 2013 ;

- que la cour a, par arrêts du 6 mai 2004, jugé que la SCI ETOILES de LA NUIT disposait d'un titre exécutoire à l'encontre de la SA CALIFORNIA et par arrêt du 16 décembre 2004 d'un titre exécutoire à l'encontre de M. [I];

- que cet arrêt n'a acquis l'autorité de la chose jugée que le 7 juin 2006, sur rejet par la cour de cassation du pourvoi formé par M [I] ;

- qu'avant cette date, la SA LE CALIFORNIA et les époux [I] qui contestaient le caractère exécutoire du titre de la SCI ETOILES DE NUIT, pouvaient soutenir devant les juridictions du premier et du second degré que les mesures mises à exécution sur le fondement de ce titre étaient susceptibles d'être annulées en cas de succès des voies de recours.

Dès lors, cette situation juridique aléatoire qui résultait de moyens de contestation sérieux ne pouvait, compte-tenu des nombreuses procédures d'exécution diligentées contre les époux [I] et la SA LE CALIFORNIA, qu'engendrer un contentieux long et multiple devant les juridictions de l'exécution saisies systématiquement de contestations sur les saisies pratiquées.

Aussi, M. [P] [V] et la SCI ETOILES DE NUIT qui, par leur attitude et les conventions qu'ils avaient passées avec la SA LE CALIFORNIA, ont contribué à créer la situation juridique complexe que les juridictions ont dû résoudre, échouent dans la recherche de la preuve d'une faute lourde, les inconvénients et aléas qu'ils ont subis n'étant que la conséquence de leur propre attitude, de l'exercice normal des voies de recours et de l'application des règles de droit et d'une bonne administration de la justice lorsque des décisions de sursis à statuer ont du être prises dans l'attente du sort réservé à des pourvois pendants devant la cour de cassation.

De même, il est vainement allégué par M [V] et la SCI ETOILES DE NUIT qu'ils auraient fait l'objet d'une discrimination de la part des juridictions du premier degré, alors que celles-ci , sur leurs prétentions, ont tranché des questions d'ordre strictement juridiques et appliqué le droit, sans aucune distinction fondée à leur détriment sur l'une des situations énoncées à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'Homme ou toute autre situation.

Au demeurant, il ne peut qu'être rappelé à M.[P] [V] que c'est la cour qui a stigmatisé son attitude initiale dot la finalité était de violer une règle d'ordre public par rupture de l'égalité entre les créanciers pendant la période suspecte.

Les juridictions du premier degré ont dû en revanche traiter de nombreuses procédures d'exécution qui ont pu les conduire, quand elles estimaient qu'elles étaient exercées sur des motifs juridiques erronés, à infliger à M [V] et à la S.C.I. ETOILES DE NUIT des dommages et intérêts ou des condamnations substantielles en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Aussi, le moyen tiré de l'existence d'une faute lourde pour discrimination au détriment d'un justiciable et contradiction systématique entre les décisions du premier degré et celles d'appel sera rejeté et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur les délais d'audiencement et de délibérés :

C'est à tort que M. [P] [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT font le parallèle entre des procédures d'urgence nécessitées par la contestation d'une mesure de saisie-attribution qui a pour effet de bloquer les comptes bancaires d'une entreprise ou de ses dirigeants et des procédures ordinaires qui ont connu des durées de traitement plus longues.

Aussi, ce moyen ne caractérisant pas une faute lourde sera également rejeté et le jugement confirmé de ce chef.

- Sur la perte du droit à exécution :

M [P] [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT soutiennent que la responsabilité de l'Etat est encore engagée pour faute lourde, le juge de l'exécution ayant permis à la SA LE CALIFORNIA de se maintenir dans les lieux en lui accordant des délais de grâce coïncidant avec son plan de continuation jusqu'au 17 novembre 2005, puis par jugement du juge de l'exécution du 20 octobre 2005, en sursoyant à statuer.

La S.C.I. ETOILES DE NUIT aurait ainsi été privée du droit au respect de ses biens ainsi que du droit à exécution organisé par l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des droits de l'homme.

Cependant, il ne peut être fait abstraction, comme il a déjà été analysé ci-dessus de l'aléa qui a existé jusqu'au 7 juin 2006 quant au caractère exécutoire du contrat de bail du 24 mai 1995, acte sous seing privé annexé en copie à un acte authentique.

Aussi, les décisions prises qui ont conduit au maintien dans les lieux de la SA LE CALIFORNIA du 15 mai 2002 jusqu'au moins le 7 juin 2006, ne résultent pas d'un dysfonctionnement judiciaire mais au contraire d'une logique devant tenir compte de l'aléa juridique tant qu'il n'avait pas été définitivement levé.

Ce moyen sera donc rejeté.

- Sur l'attitude du parquet :

Contrairement à ce que soutiennent M [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT, le procureur de la République de SAINT- BRIEUC n'a pas dans sa lettre du 12 mai 2005 conseillé à M. [I] d'engager une procédure devant le juge de l'exécution mais de consulter son avocat pour étudier cette possibilité.

Le procureur n'a pas ainsi outrepassé ses pouvoirs, laissant toute latitude à M. [I] d'engager ou non une procédure civile après avoir recueilli les conseils d'un avocat.

De même, en tant que président de la commission administrative chargée d'examiner les demandes de transferts de licence IV, le représentant du parquet, comme l'ont fait observer les premiers juges, avait toute liberté pour en apprécier l'opportunité.

Le fait que la commission ait donné un avis favorable le 6 décembre 2006, est le reflet d'une attitude prudente liée comme pour les décisions de justice à la levée de l'aléa juridique par l'arrêt de la cour de cassation du 7 juin 2006.

Ce moyen sera ainsi rejeté.

- Sur la faute lourde du tribunal de commerce :

La faute reprochée au tribunal de commerce de SAINT BRIEUC est d'avoir laissé la SA LE CALIFORNIA poursuivre son activité alors que depuis le 15 mai 2002 celle-ci se trouvait sans bail commercial.

Cependant, force est de constater que la poursuite de l'activité a été autorisée tant que l'aléa constitué par l'existence ou non d'un titre exécutoire n'était pas levé.

Si le tribunal a, par jugement du 4 octobre 2006 autorisé la poursuite de l'activité de la SA LE CALIFORNIA, il a été mis rapidement fin à l'exploitation de son fonds de commerce dès le 29 novembre 2006, par conversion du redressement judiciaire en liquidation.

Aussi, même si le tribunal de commerce aurait pu, dès le 4 octobre 2006, mettre fin à cette exploitation, il n'a pas pour autant commis une faute lourde mais une simple erreur d'appréciation qui a été rapidement réparée, moins de deux mois après.

En conséquence, en l'absence de toute faute lourde ayant causé des dommages en raison du fonctionnement défectueux de la justice, la responsabilité de l'Etat ne peut se trouver engagée.

M [V] et la S.C.I. ETOILES DE NUIT seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts récapitulées aux pages 9 et 61 de ses conclusions sous les demandes n° 37 à 41 et le jugement déféré, confirmé dans toutes ses dispositions.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il y a lieu de mettre à la charge de la S.C.I. ETOILES DE NUIT et de M. [V] les indemnités pour frais irrépétibles, tant de première instance que d'appel.

Ces condamnations doivent être prononcées in solidum.

La S.C.I. ÉTOILES DE NUIT et M. [P] [V] seront également condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 17 janvier 2011 en toutes ses dispositions sauf sur les condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne in solidum la S.C.I. ETOILES DE NUIT et M. [P] [V] à verser à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum la S.C.I. ÉTOILES DE NUIT et M. [P] [V] à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la S.C.I. ÉTOILES DE NUIT et M. [P] [V] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/00095
Date de la décision : 05/11/2013

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/00095 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-11-05;12.00095 ?
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