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29/10/2013 | FRANCE | N°12/07865

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 29 octobre 2013, 12/07865


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2013

6ème Chambre B
ARRÊT No745 R. G : 12/ 07865

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS M. Silvio Marcelino X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le : à :

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du

prononcé,

MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions

DÉB...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2013

6ème Chambre B
ARRÊT No745 R. G : 12/ 07865

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS M. Silvio Marcelino X...

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le : à :

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions

DÉBATS : En chambre du Conseil du 16 Septembre 2013

ARRÊT : Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 29 Octobre 2013 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

ENTRE :

APPELANT :
M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35000 RENNES non comparant représenté par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

ET :
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS... 35000 RENNES non comparante

Monsieur Silvio Marcelino X...... 35000 RENNES comparant assisté par Me SALIN substituant Me LE VERGER

Monsieur Silvio Marcelino X... venant d'ANGOLA et se disant né le 1er décembre 1994 à LUANDA (ANGOLA), indique être arrivé en France le 14 mai 2012 avec l'aide d'un ami de son père s'étant occupé de toutes les démarches relatives à son voyage, et ce, selon sa requête, afin d'échapper aux discriminations dont il aurait été l'objet car il est métis et a la peau claire, et, selon ses indications à la Police Aux Frontières, parce que sa famille en Angola a disparu.

Par ordonnance du 30 octobre 2012, le juge aux affaires familiales de Rennes, sur la requête de Monsieur X... a ouvert une tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général D'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil Général a interjeté appel de cette ordonnance selon lettre recommandée avec avis de réception du 16 novembre 2012 reçue au greffe du tribunal le 19 novembre suivant.
Le Conseil Général d'Ille et Vilaine a sollicité l'infirmation de l'ordonnance et la constatation de la majorité de Monsieur X....
Ce dernier a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a fait valoir que l'appel est sans objet dans la mesure où il est désormais majeur.
Le Ministère Public demande à la Cour de constater que l'appel est sans objet et conclut subsidiairement à l'infirmation de l'ordonnance.
SUR CE,
- Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
En premier lieu, il convient de faire droit à la demande de Monsieur X... et de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991.
- Sur la recevabilité de l'appel :
L'appelant soutient que même si Monsieur X... a atteint sa majorité au moins au 1er décembre 2012, l'appel présente toujours un intérêt dans la mesure où le fait d'avoir été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance permet au jeune, une fois majeur, de bénéficier d'un ensemble d'avantages facilitant grandement les procédures devant la Préfecture.
Conformément aux dispositions des articles 31 et 546 du code de procédure civile, l'existence de l'intérêt requis pour interjeter appel s'apprécie au jour de l'appel dont la recevabilité ne peut dépendre de circonstances postérieures qui l'auraient rendu sans objet.
Au regard des effets et conséquences s'attachant à l'état de minorité, dont le placement à l'Aide sociale à l'enfance qui peut emporter le cas échéant des incidences se prolongeant au delà de la majorité de l'intéressé, il existe un intérêt à statuer sur l'appel du conseil Général, celui ci n'étant alors ni irrecevable, ni devenu sans objet.
- sur l'ouverture de la mesure de tutelle :
Pour faire droit à la requête le premier juge a retenu l'authenticité du document d'identité présenté par Monsieur X... ainsi que sa carte d'étudiant corroborant les déclarations relatives à son âge. Il a estimé que les résultats de l'expertise osseuse ne présentait pas de fiabilité.
Au soutien de son appel le Conseil Général invoque l'absence de validité du document d'identité présentée par l'intéressé et l'expertise médicale concluant à la majorité de ce dernier tout comme les appréciations des éducateurs.
Il sera rappelé que l'article 47 du code civil, applicable en l'espèce, dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées de ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Dès lors que Monsieur X... présente un document d'état civil étranger faisant apparaître sa minorité, cette pièce fait foi jusqu'à preuve du contraire et il appartient au Ministère Public et au Conseil Général qui contestent la validité de ce document d'en rapporter la preuve contraire.
En l'occurrence, Monsieur X... se prévaut d'un Cédula Pessoal (livret personnel).
Il résulte cependant d'une note du Ministère des Relations Extérieures de la République d'ANGOLA du 10 juin 2003 adressée aux Missions Diplomatiques et Consulaires étrangères accréditées en ANGOLA que le Cédula Pessoal est un document à usage interne émis en vue de l'obtention d'un certificat ou d'une copie du registre des naissances et qui doit être " catégoriquement " rejeté par les autorités étrangères.
Cette même note précise que les documents présentés par les citoyens angolais à l'extérieur du pays ne seront considérés comme authentiques et valables qu'après avoir été visés par le Ministère des Relations Extérieures.
En vertu de l'article 47 du code civil, il ne saurait donc être accordé foi au Cédula Pessoal présenté par Monsieur X....
Par ailleurs, l'examen osseux de Monsieur X... réalisé le 12 juin 2012 par le Docteur Y... " oriente vers l'état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimé critique les compétences du médecin expert, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et il conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
II n'y a pas lieu de retenir les critiques émises à l'encontre des compétences ou de la déontologie de ce médecin, s'agissant d'un radiologue qualifié, expert assermenté inscrit sur la liste de la cour d'appel.
En l'espèce, il n'est pas établi que le jeune homme n'ait pas été traité avec le respect et la dignité dûs à sa personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun grief.
Il ressort de ce document médical que le Docteur Y... a procédé à un examen clinique visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral et d'étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen osseux démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras. "
Cette constatation est corroborée par l'examen dentaire et celui de la stature pondérale, le tout orientant vers l'état de majorité de l'intéressé.
Ainsi que le fait valoir le département, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du 8 mars 2006, postérieur à l'avis du Comité consultatif national d'éthique, conclut que cette méthode d'analyse osseuse dite de Greulich et Pyle constitue un cadre référentiel " universellement utilisé " et offre " une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent au dessous de seize ans " sans pour autant permettre " une distinction nette entre seize et dix huit ans ". L'Académie indique que " cette méthode est plutôt favorable au mineur en sous estimant l'âge réel, de plus de 18 mois, compte tenu de la marge de détermination scientifique de l'âge osseux, lors de ce test. "
La même Académie précise dans son rapport du 16 janvier 2007 qu'aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour. "
Il est en outre à noter que le Comité consultatif national d'éthique visé par l'appelant " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
Il est constant que le médecin ne mentionne pas l'âge estimé, la conclusion du rapport précisant simplement que " les éléments cliniques et radiologiques sont concordants et l'ensemble oriente vers l'état de majorité du patient ".
Ces conclusions sont toutefois corroborées par les constatations des éducateurs et intervenants ayant eu à connaître de Monsieur X....
En effet, le responsable de la mission Mineurs isolés étrangers indique que " sa capacité d'autonomie et son comportement nous montrent que nous avons à faire à un adulte jeune déjà en mesure de se prendre en charge. "
Au regard des éléments soumis à son appréciation la cour considère qu'en l'espèce, aucun élément n'empêche de retenir les conclusions du Docteur Y... et les constatations des éducateurs de la mission Mineurs isolés étrangers qui concluent à la majorité de Monsieur X... à la date ou celui-ci a été placé sous tutelle, et ce, à défaut de production par ce dernier d'actes d'état civil ou d'identité ayant force probante au sens de l'article 47 du code civil et rapportant la preuve de leur minorité.
Il ne saurait y avoir en l'espèce de violation des dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant dans la mesure il est jugé que l'intimé n'est pas mineure.
La violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas davantage démontrée, l'intimé ne justifiant pas en quoi il n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable au sens de ce texte.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Accorde à Monsieur X... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,
Déclare l'appel du Conseil Général d'Ille et Vilaine recevable et constate qu'il n'est pas devenu sans objet,,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que Monsieur X... était majeur à la date de l'ordonnance déférée,
Dit n'y avoir lieu en conséquence à l'ouverture d'une tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 12/07865
Date de la décision : 29/10/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-10-29;12.07865 ?
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