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29/10/2013 | FRANCE | N°12/07863

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 29 octobre 2013, 12/07863


COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2013
6ème Chambre B
ARRÊT No. R. G : 12/ 07863

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE
C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Melle Bijoux X... Y... M. Fabrice Z... A...

Confirme la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le : à :
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER : Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du pr

ononcé,
MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, lequel a pris des réquis...

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 OCTOBRE 2013
6ème Chambre B
ARRÊT No. R. G : 12/ 07863

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE
C/
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Melle Bijoux X... Y... M. Fabrice Z... A...

Confirme la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le : à :
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Maurice LACHAL, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER : Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
DÉBATS : En chambre du Conseil du 16 Septembre 2013
ARRÊT : Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 29 Octobre 2013 par mise au disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

ENTRE :
APPELANT :
M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 avenue de la Préfecture CS 24218 35042 RENNES CEDEX représenté par Me Yvonnick GAUTIER de la SCP GAUTIER/ LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES
ET :
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS... 35000 RENNES non comparante
Mademoiselle Bijoux X... Y... Chez Madame B...... comparante en personne, assistée de Me SALIN substituant Me LE VERGER, avocat au barreau de RENNES
Monsieur Fabrice Z... A... Chez Madame B...... comparant en personne, assisté de Me SALIN substituant Me LE VERGER, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Fabrice Z... A... et Melle Bijoux X... Y..., venant de la République Démocratique du Congo et se disant jumeaux nés le 14 avril 1996 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), indiquent être arrivés en France le 3 mai 2012 avec l'aide d'un ami de leur père " Jean-Pierre ", et ce, afin de fuir la violence des militaires à l'encontre de leur famille. Ils auraient pris l'avion pour l'Italie puis un train pour la France où ils ont été conduit en voiture jusqu'à Rennes.
Sur leur requête du 3 octobre 2012 et par décision du 29 octobre 2012, le juge aux affaires familiales de Rennes a ouvert une tutelle à leur égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le conseil général d'Ille et vilaine a relevé appel de cette ordonnance par lettre recommandée avec avis de réception du 16 novembre 2012 reçue au greffe du tribunal de grande instance le 19 novembre suivant.
Le conseil général a demandé la réformation du jugement et la constatation de la majorité de M. Z... A... et de Melle X... Y... en soutenant que c'est à tort qu'une tutelle d'Etat a été ouverte puisque ces jeunes sont majeurs.
Le Ministère Public s'est associé dans ses conclusions écrites, aux moyens de l'appelant, pour demander la réformation de la décision déférée
M. Z... A... et Melle X... Y..., comparants et assistés de leur avocat, ont formulé une demande d'aide juridictionnelle provisoire et ont demandé la confirmation du jugement.
SUR QUOI,
- Sur la demande d'aide juridictionnelle :
Il convient d'accorder à M. Z... A... et à Melle X... Y... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991.
- Sur l'ouverture de la mesure de tutelle :
Pour faire droit à la requête, le juge aux affaires familiales a retenu l'authenticité des attestations de naissance produites par les requérants, l'absence de fiabilité de l'expertise médicale et les certificats médicaux concluant à la compatibilité des lésions constatées avec leurs déclarations. Au soutien de son appel, le Conseil Général invoque le manque de crédibilité des pièces d'état civil produites, les conclusions de l'expertise et l'appréciation des éducateurs.
M. Z... A... et Melle X... Y... contestent cette argumentation et particulièrement celle fondée sur l'irrégularité des documents et sur l'expertise osseuse. Ils invoquent en outre, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'intérêt supérieur de l'enfant tel que garanti par différents textes dont la Convention Internationale des Droits de l'enfant.
L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Dès lors que M. Z... A... et Melle X... Y... présentent des documents d'état civil étrangers faisant apparaître leur minorité, ces pièces font foi jusqu'à preuve du contraire et il appartient au Ministère Public et au Conseil Général qui contestent la validité de ces documents d'en rapporter la preuve contraire.
En l'espèce, M. Z... A... et Melle X... Y..., se prévalent chacun d'un acte de naissance indiquant qu'il sont nés le 14 avril 1996.
Si ces documents sont effectivement présentés comme authentiques par les services de la Police aux frontières, il ne peut, en l'absence de photographies, être tenu pour certain qu'ils concernent réellement M. Z... A... et Melle X... Y....
Par ailleurs, ces actes, produits en photocopies, ont été établis à la requête de M. Z... A..., père des enfants, ce qui est pour le moins surprenant dans la mesure ou ces derniers ont indiqué, lors de leur prise en charge par la mission MIE, que leur père a été porté disparu à la suite de sa participation à une manifestation d'opposants politique le 16 janvier 2012.
Ils ont par la suite invariablement évoqué la disparition de leur père, ce qui permet de douter sérieusement de la sincérité des mentions portées dans ces actes. De surcroît, il ressort de l'article 98 du Code de la famille congolais que les documents d'état civil doivent être rédigés dans le délai d'un mois du fait qu'ils constatent, à défaut, ils ne peuvent avoir qu'une valeur informative mais jamais authentique, à moins qu'ils ne soient inscrits au registre en vertu d'un jugement déclaratif ou supplétif.
En l'occurrence, les actes de naissance n'ont pas été établis dans le délai d'un mois de la date de naissance alléguée et il n'est justifié d'aucun jugement supplétif. Ces actes se trouvent, par conséquent, insuffisants pour déterminer l'âge de l'intimé.
En tout état de cause, ces documents ne sauraient avoir force probante à défaut de contenir la mention de légalisation comme l'exige tant le droit français que le droit congolais lui même (article 99 du code Civil congolais).
En l'espèce, la signature de l'officier d'état civil a été légalisée par le notaire de la ville, alors que l'acte de naissance aurait dû faire l'objet d'une légalisation par le consulat de France en République Démocratique du Congo, comme le précise le Conseil Général.
Il résulte de ces éléments que les copies des actes de naissance produites ne sont pas suffisantes pour justifier de la date de naissance des prétendus jumeaux.
D'autres données extérieures aux actes établissent que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
En effet, il sera rappelé que l'examen osseux de M. Z... A... et de Melle X... Y... réalisé les 29 mai et 12 juin 2012 par le Docteur C... " oriente vers " l'état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, les intimés critiquent les compétences du médecin expert, font valoir que leur consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et ils contestent la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
Il n'y a pas lieu de retenir les critiques émises à l'encontre des compétences ou de la déontologie de ce médecin, s'agissant d'un radiologue qualifié, expert assermenté inscrit sur la liste de la cour d'appel.
En l'espèce, il n'est pas établi que les deux intéressés n'aient pas été traité avec le respect et la dignité dûs à leur personne. Il sera observé que l'expertise est réalisée dans l'intérêt du jeune en cas de doute sur son âge, de sorte qu'ils ne justifient d'aucun grief.
Il ressort de ces documents médicaux que le Docteur C..., a procédé à un examen clinique avec interrogatoire visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral et à étudier le développement pubertaire. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.
L'examen osseux démontre chez les deux jeunes gens " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpiens et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras. " Ce critère, dont il est acquis qu'il est celui de la majorité, n'est pas contredit par l'examen dentaire ni par celui de la stature pondérale, ni encore par celui des organes génitaux pour M. Z... A....
Ainsi que le fait valoir le Département, l'Académie nationale de médecine dans un rapport du16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée. En particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie considère que les résultats de la lecture de l'âge osseux peuvent être confirmés par " l'examen clinique du développement pubertaire. "
Il est en outre à noter que le Comité Consultatif National d'Ethique visé par l'appelant " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
S'il est constant que le médecin ne mentionne pas l'âge estimé, la conclusion du rapport précisant simplement que " les éléments cliniques et radiologiques sont concordants et l'ensemble oriente vers l'état de majorité du patient ", ces conclusions sont toutefois corroborées par les constatations des intervenants et des éducateurs de la mission Mineurs isolés étrangers de l'Aide sociale à l'enfance ayant eu à connaître des deux prétendus frère et soeur.
L'assistante familiale qui héberge ces derniers a pu constater qu'ils sont très autonomes et gèrent seuls leurs différents rendez-vous (préfecture, santé...) ainsi que leur orientation professionnelle.
Par ailleurs, Melle X... Y... fait savoir sur un réseau social qu'elle a séjourné chez un beau-frère à Blois, les deux jeunes ne sont donc pas isolés sur le territoire français où l'intimée indique avoir de la famille.
Le responsable de la mission Mineurs isolés étrangers précise dans sa note du 20 mai 2013 qu'ils sont très autonomes, n'ont pas besoin d'accompagnement éducatif, mais uniquement d'un soutien matériel et qu'ils se gèrent seuls sans aide des travailleurs sociaux.
L'ensemble de ces constatations contredisent celles retenues par le premier juge.
Au regard des éléments soumis à son appréciation la cour considère qu'en l'espèce, aucun élément n'empêche de retenir les conclusions du Docteur C... et les constatations des éducateurs de la mission Mineurs isolés étrangers qui concluent à la majorité de Melle X... Y... et de M. Z... A..., et ce, à défaut de production par ces derniers d'actes d'état civil ou d'identité ayant force probante au sens de l'article 47 du code civil et rapportant la preuve de leur minorité.
Il ne saurait y avoir en l'espèce de violation des dispositions de la Convention internationa1e des droits de l'enfant dans la mesure il est jugé que les intimés ne sont pas mineurs.
La violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas davantage démontré, les intimés ne justifiant pas en quoi ils n'auraient pas bénéficié d'un procès équitable au sens de ce texte.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Accorde à Melle X... Y... et à M. Z... A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,
Infirme l'ordonnance déférée,
Constate que Melle X... Y... et M. Z... A... sont majeurs,
Dit n'y avoir lieu en conséquence à l'ouverture d'une tutelle,
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 12/07863
Date de la décision : 29/10/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-10-29;12.07863 ?
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