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01/10/2013 | FRANCE | N°12/07514

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 01 octobre 2013, 12/07514


6ème Chambre B

ARRÊT No 680

R. G : 12/ 07514

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Grâce X...MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Gilles ELLEOUET, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Fran

çoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Nathalie LE POL, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé...

6ème Chambre B

ARRÊT No 680

R. G : 12/ 07514

M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE

C/
Melle Grâce X...MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Gilles ELLEOUET, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,

GREFFIER : Madame Nathalie LE POL, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,

MINISTERE PUBLIC : Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, auquel le dossier a été communiqué.

DÉBATS : En chambre du Conseil du 24 Juin 2013 devant Monsieur Gilles ELLEOUET, magistrat délégué à la protection des majeurs, tenant seul l'audience, sans opposition des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : réputé contradictoire, prononcé hors la présence du public le 01 Octobre 2013 comme indiqué à l'issue des débats ****

ENTRE : APPELANT : M. LE PRESIDENT DU CONSEIL GENERAL D'ILLE ET VILAINE 1 Avenue de la Préfécture CS 24218 35042 RENNES CEDEX non comparant réprésenté par Me BELLENGER de la SCP GAUTIER et LHERMITTE, avocats au barreau de RENNES

ET :
Mademoiselle Grâce X...demeurant à la maison des Bas sablons centre éducatif Ker Goat ...35730 PLEURTUIT non comparante réprésentée par Me LE VERGER substituant Me SALIN, avocats au barreau de RENNES

bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 6249 du 21/ 06/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
MISSION MINEURS ISOLES ETRANGERS Espace Anne de Bretagne 15 rue Martenot 35000 RENNES non comparante

Mlle Grâce X...venant de la République Démocratique du Congo et se disant née le 25 décembre 1995 à Kinshasa (RDC) est entrée en France le 21 mai 2012.

Sur la requête de Mlle Grâce X...reçue le 30 août 2012, le juge aux affaires familiales de Rennes a ouvert une tutelle à son égard et l'a confiée au Président du Conseil Général d'Ille et Vilaine, après en avoir constaté la vacance.
Le Conseil Général d'Ille et Vilaine a interjeté appel de cette décision selon déclaration reçue au greffe du tribunal le 24 octobre 2012.
Le Conseil Général d'Ile et Vilaine représenté par son avocat a sollicité l'infirmation de la décision et la constatation de la majorité de Mlle Grâce X....
Mlle Grâce X...régulièrement représentée a demandé le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée avec l'allocation pour son avocate d'une somme de 500 ¿ sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 moyennant la renonciation à se prévaloir de la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Le Ministère Public a conclu à la réformation de l'ordonnance entreprise.
SUR QUOI Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire Il convient d'accorder à Mlle Grâce X...le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur la mesure de tutelle Pour faire droit à la requête, le juge aux affaires familiales a retenu l'authenticité de l'extrait d'acte de naissance produit par Mlle Grâce X...et l'absence de fiabilité de l'expertise médicale.

Au soutien de son appel, le Conseil Général d'Ille et Vilaine soutient que l'attestation de naissance produite par l'intéressée et qui ne porte aucune mention de légalisation, n'a pas été rédigée conformément à la loi applicable en République Démocratique du Congo est, en application de l'article 47 du code civil ? dépourvue de force probante.
L'appelant soutient que les conclusions de l'examen médical de Mlle Grâce X...ainsi que les appréciations des éducateurs confirment La majorité de l'intéressée qui, du fait de son comportement a dû être hébergée dans un appartement autonome à Dinard.
Mlle Grâce X...conteste cette argumentation et particulièrement celle fondée sur l'examen médical.
Elle soutient que l'attestation de naissance qu'elle produit a été établie en conformité avec l'article 99 du code de la famille congolais et qu'elle constitue à tout le moins un indice de son identité.

Elle se fonde sur l'intérêt supérieur de l'enfant tel que garanti par différents textes dont la Convention Internationale des Droits de l'enfant.

Elle invoque également l'avis du 23 novembre 2010 des radiologues du CHU de Rennes Sud critiquant la pratique du Docteur E...et se prévaut des recommandations émises auprès du gouvernement par le Défenseur des droits le 19 décembre 2012.
Mlle Grâce X...invoque également le non-respect des dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la méconnaissance de l'article 8- 2o de la convention internationale relative aux droits de l'enfant garantissant à tout individu le droit à un procès équitable et notamment s'agissant d'un mineur en l'absence de garantie offerte sur l'accès au juge en l'absence de procédure d'information sur ses droits prévue et/ ou mise en oeuvre.
Elle indique qu'étant demandeur d'asile, elle ne peut pas prendre contact avec les autorités de son pays car cela serait un motif de rejet de sa demande.
Le Ministère Public soutient que l'examen clinique et radiologique du poignet et de la main gauche de Mlle Grâce X...réalisés le 21 août 2012 par le docteur E...concluent de façon certaine à l'état de majorité de l'intéressée.
Le Ministère Public fait valoir que l'attestation de naissance de l'intéressée délivrée par le bourgmestre de Lemba sur la base des documents en sa possession, lesquels ne sont ni produits ni cités n'est en rien probante quant à l'identité ou à l'état-civil de l'intéressée.
Le Ministère Public précise en outre que ce document qui n'a pas été légalisé est sans valeur et que le comportement de Mlle Grâce X...ne permet pas de confirmer la date de naissance invoquée.
L'article 47 du code civil dispose que tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant, après toutes vérifications utiles que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.
Dès lors que Mlle Grâce X...présente un document d'état civil étranger faisant apparaître sa minorité, cette pièce fait foi jusqu'à preuve du contraire et il appartient au Ministère Public et au Conseil Général qui contestent la validité de ce document d'en rapporter la preuve contraire.
En l'espèce, Mlle Grâce X...se prévaut d'une attestation de naissance délivrée le 14 avril 2012 par M. David A... bourgmestre de la commune de Lemba mentionnant qu'il ressort des éléments en sa possession que Mlle Grâce X...est effectivement née à KINSHASA " le vingt-cinquième jour de l'an mil neuf cent quatre-vingt-quinze ".
Cet acte bien qu'établi sur un support sécurisé que cela résulte de l'analyse technique réalisée par les services de la police, ne comporte en annexe aucune pièce et ne contient aucune mention de légalisation comme le prévoit tant le droit français que le droit congolais lui-même (article 99 du code Civil congolais).
Cet acte est donc dénué de force probante et ne permet donc pas Mlle Grâce X...de justifier de sa minorité au regard de l'article 47 du code civil.
Par ailleurs, il sera rappelé que l'examen clinique portant sur le développement staturo-pondéral et l'examen de la denture ainsi que l'examen et radiologique osseux de Mlle Grâce X...réalisé le 21 août 2012 par le Docteur E...sont concordants de sorte que l'ensemble oriente vers l'état de majorité ".
Pour contester la fiabilité des tests effectués, l'intimée critique les compétences du médecin expert, fait valoir que son consentement à l'expertise n'a pas été préalablement recueilli et elle conteste la pertinence de ces examens notamment sur un sujet non européen.
Mlle Grâce X...produit l'avis du comité d'éthique du CHU de Rennes du 23 novembre 2010.
Cet avis unanime mentionne qu'il n'est pas éthique de solliciter un médecin pour pratiquer et interpréter un test qui n'est plus validé scientifiquement et qui n'est pas mis en oeuvre dans l'intérêt thérapeutique de la personne et qu'en cas de doute, une décision éthique doit toujours privilégier l'intérêt de la personne la plus fragile, en l'occurrence le jeune.
Le Comité consultatif national d'éthique dans son avis du 23 juin 2005 a confirmé l'inadaptation des techniques médicales utilisées actuellement aux fins de fixation d'un âge chronologique en recommandant un avis collectif avec une interprétation faite par 4 personnes et avec une fourchette d'âge
Il n'est pas démontré que le Docteur E...n'a pas respecté les règles déontologiques pour procéder à l'expertise.
En l'espèce, il n'est pas établi que Mlle Grâce X...n'a pas été traitée avec le respect et la dignité due à sa personne.
Il sera observé que l'expertise a été réalisée dans l'intérêt de cette jeune personne du fait d'un doute sur son âge réel, de sorte qu'elle ne justifie d'aucun grief.
Il ressort de ces documents médicaux que le Docteur E...a procédé à un examen clinique visant à préciser les éventuels antécédents médicaux et à déterminer si possible les points de repère de croissance et le développement staturo-pondéral. Un examen radiologique du poignet et de la main gauche a été réalisé.

L'examen osseux démontre " la soudure complète des cartilages de croissance au niveau des phalanges, des métacarpes et de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras. " Ce critère, dont il est acquis qu'il est celui de la majorité, n'est pas contredit par l'examen dentaire et celui de la stature pondérale.

Ainsi que le fait valoir le Département d'Ille et Vilaine l'Académie nationale de médecine dans un rapport du 16 janvier 2007, postérieur à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, conclut que " la lecture de l'âge osseux à partir d'une radiographie du poignet et de la main gauche par comparaison avec l'Atlas de Greulich et Pyle, demeure la méthode la plus simple et la plus fiable. Elle est la plus universellement utilisée, en particulier, aucune différence raciale n'a été démontrée à ce jour ».
L'Académie considère que les résultats de la lecture de l'âge osseux peuvent être confirmés par l'examen clinique du développement pubertaire, "
Il convient en outre de relever que le Comité Consultatif National d'Ethique visé par l'appelant " ne récuse pas " a priori l'emploi de ces tests, mais suggère que ceux-ci soient " relativisés de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement. "
En l'espèce. il est constant que le médecin ne mentionne pas l'âge estimé, la conclusion du rapport précisant simplement que l'ensemble des données recueillies oriente vers l'état de majorité.
Au regard des éléments soumis à son appréciation, la cour considère qu'en l'espèce, aucun élément n'empêche de retenir, au vu des éléments objectivés par le Docteur E..., l'état de majorité de Mlle Grâce X...et ce, à défaut de production par cette dernière d'actes d'état civil ou d'identité rapportant la preuve de sa minorité.
Il n'y a pas en l'espèce de violation des dispositions de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant dans la mesure il est jugé que l'intimée n'est pas mineure.
En outre, Mlle Grâce X...régulièrement représentée par un avocat ne démontre pas avoir fait l'objet d'un procès inéquitable.
L'ordonnance sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a ouvert une mesure de tutelle.
Mlle Grâce X...qui succombe sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Accorde à Mlle Grâce X...le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire
Infirme l'ordonnance du 11 octobre 2012
Constate que Mlle Grâce X...est majeure et dit n'y avoir lieu à ouverture d'une tutelle
Rejette toute autre demande,
Dit que les dépens resteront à la charge du Trésor Public
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 12/07514
Date de la décision : 01/10/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-10-01;12.07514 ?
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