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01/10/2013 | FRANCE | N°12/02661

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 01 octobre 2013, 12/02661


1ère Chambre





ARRÊT N°289



R.G : 12/02661













SCP [R] NOTAIRES



C/



M. [Y] [N]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2013





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉR

É :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 25 Juin 2013

devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, s...

1ère Chambre

ARRÊT N°289

R.G : 12/02661

SCP [R] NOTAIRES

C/

M. [Y] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 OCTOBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Juin 2013

devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 01 Octobre 2013, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

SCP [R] NOTAIRES

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par ses gérants domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Régine DE MONCUIT-SAINT HILAIRE de la SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me Thierry CABOT, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [N]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3])

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Jean-David CHAUDET de la SCP BREBION CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Assistée de Me DUCORPS, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte de Me [R], notaire à Orvault, en date du 26 avril 2005, la SCCV Les Terrasses du Château a vendu en l'état futur d'achèvement à M [Y] [N] un appartement, cellier et parking à édifier dans un ensemble immobilier sis [Adresse 1], au prix de 204 000 € TTC.

Le prix était payable à hauteur de 70 % au comptant soit

142 802,80 €, le solde, à concurrence de 20 %, au cloisonnement et 10 % à la remise des clés.

Les travaux ayant été interrompus et l'immeuble non livré, M [N] a assigné la SCCV Les Terrasses du Château et le Crédit Foncier auprès duquel il avait contracté un prêt de 211.255 €, aux fins de résolution de la vente.

Par jugement du 9 janvier 2009, le tribunal de grande instance de Rennes a prononcé la résolution de la vente et du prêt et condamné la SCCV à payer à M [N] la somme de 142 802,80 € au titre du prix versé et la somme de 20 400 € à titre de dommages-intérêts .

M. [N] a lui-même été condamné à restituer au Crédit Foncier la somme débloquée, soit la somme de 150 053,80 € et le Crédit Foncier à restituer à M. [N] les frais de dossier et la somme de 20 915,52 € au titre des intérêts intercalaires.

M [N] a déclaré sa créance entre les mains du représentant des créanciers de la SCCV Les Terrasses du Château, placée sous sauvegarde de justice.

M [N] a assigné la SCP [R] devant le tribunal de grande instance de Nantes qui par jugement du 26 janvier 2012 a :

dit que la SCP [R] a engagé sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard de [Y] [N] ;

condamné la SCP [R] à payer à [Y] [N] la somme de 85 000 € en indemnisation de son préjudice ;

condamné la SCP [R] à payer à [Y] [N] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCP [R] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe le 22 novembre 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour de :

infirmer le jugement;

débouter M [Y] [N] de toutes ses demandes ;

condamner M [N] à verser à la SCP [R] la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [N] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 11 septembre 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [Y] [N] demande à la cour de :

dire que la SCP [R] a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

la condamner à lui régler la somme de 250 000 € en réparation des préjudices subis ;

la condamner au paiement de la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute du notaire

Considérant qu'en l'absence d'une réglementation sur les ventes d'immeuble à rénover, au moment où l'acte notarié a été passé, le 27 avril 2005, la vente, compte-tenu de l'ampleur des travaux de rénovation considérés comme équivalant à une reconstruction, a été soumise aux règles de la loi du 3 janvier 1967 relative à la vente d'immeuble à construire conclue en l'état futur d'achèvement ;

Qu'il a été inséré à l'acte une clause de garantie intrinsèque d'achèvement résultant des conditions propres à l'opération ;

Que le vendeur a alors déclaré que l'immeuble était hors d'eau ainsi que cela résultait d'une attestation du maître d'oeuvre, M. [Q] [D], architecte DPLG, en date du 27 août 2004, annexée à l'acte ;

Qu'ainsi, toujours selon l'acte, la garantie d'achèvement résultait de la conformité de l'opération aux dispositions de l'article R 261-8 a) du Code de la construction selon lesquelles la garantie existe lorsque l'immeuble est hors d'eau et n'est grevé d'aucun privilège ou hypothèque ;

Considérant cependant qu'outre l'attestation du maître d'oeuvre, le notaire a également annexé à l'acte un 'diagnostic technique solidité pour une mise en copropriété du bâtiment' établi le 29 octobre 2004 par l'APAVE Nord-Ouest ;

Que la lecture du rapport de l'APAVE révèle qu'il a été constaté sur les murs extérieurs du bâtiment B des désordres dont de l'humidité et des fissures ; que la charpente est très ancienne et l'état des bois variable suivant les éléments ; que certaines pièces étaient en mauvais état, dû à des attaques d'insectes xylophages et la présence d'humidité provenant d'infiltrations à travers la couverture ; que l'APAVE a en conséquence préconisé un diagnostic plus approfondi avant de réaliser les travaux de rénovation proprement dits ;

Que de même, en examinant la couverture du bâtiment B constituée d'ardoises de schistes sur liteaux, l'APAVE a constaté son mauvais état général et l'absence d'étanchéité de cette partie de l'ouvrage ;

Considérant que par ailleurs il a été constaté que sur la partie à simple rez-de-chaussée du bâtiment C, la couverture en zinc avait été déposée et que de ce fait la volige n'était pas protégée ;

Considérant qu'en conclusion, l'APAVE a estimé que les ouvrages de couverture des bâtiments B et C devaient faire l'objet de travaux importants ; qu'en outre, les menuiseries extérieures avaient souffert de l'inoccupation de l'immeuble, une grande majorité des vitrages étant cassés et les éléments bois s'étant détériorés de sorte que ces menuiseries n'assuraient plus d'étanchéité ni à l'air ni à l'eau et que leur remplacement était inévitable ;

Considérant que les notaires doivent, avant de dresser les actes, procéder à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l'utilité et l'efficacité de leurs actes ;

Qu'en l'espèce, le versement de 70 % du prix par le vendeur au moment de la signature de l'acte de vente en l'état futur d'achèvement était subordonné à la mise hors d'eau de l'immeuble dont résultait la garantie intrinsèque du vendeur ; que la nature de cette garantie exigeait du notaire qu'il vérifie l'effectivité de celle-ci;

Qu'ayant en sa possession à la fois l'attestation du maître d'oeuvre certifiant la mise hors d'eau de l'immeuble et le rapport de l'APAVE révélant une situation bien plus complexe nécessitant pour répondre à cette question des investigations et des travaux pour assurer une totale étanchéité, le notaire ne pouvait se limiter à reprendre dans l'acte la seule attestation du maître d'oeuvre ;

Qu'en effet, celle-ci se trouvait en contradiction avec les réserves émises par l'APAVE sur l'étanchéité et la solidité de certaines parties de l'immeuble, la nécessité de les analyser et ensuite de faire des travaux ;

Considérant qu'en méconnaissant son obligation de vérification et de conseil, le notaire a, lors de la rédaction de l'acte et de sa signature, commis une faute vis-à- vis de l'acquéreur au sens de l'article 1382 du code civil ;

Sur le préjudice de l'acquéreur

Considérant qu'en acceptant de recevoir un acte sans garantie intrinsèque effective du vendeur, le notaire a conduit M [N] à réaliser une opération qui n'a pas pu être menée à son terme et dont il a dû demander la résolution tout en restituant au prêteur les deniers que ce dernier lui avait remis pour l'acquisition ;

Qu'il justifie ainsi avoir restitué au Crédit Foncier la somme de 139 922,32 € ;

Qu'il subit lui-même un préjudice puisqu'il n'a pu obtenir de la SCCV Les Terrasses du Château paiement des condamnations prononcées contre elle à son profit par le jugement du tribunal de grande instance de Rennes en date du 9 janvier 2009 ;

Considérant que la faute du notaire est en relation directe avec le préjudice subi par M [N] qui a été reconnu par la décision précitée, devenue définitive ;

Qu'en effet, si le notaire ne s'était pas limité à fournir une garantie intrinsèque ou s'il avait pris le soin de veiller à ce que cette garantie résultant de la situation hors d'eau de l'immeuble soit effective, M [N] n'aurait pas contracté aux conditions du contrat ;

Que par la faute du notaire, M [N] a ainsi perdu une chance de récupérer par la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement les fonds investis ; que compte-tenu des éléments du dossier, le montant de cette perte de chance sera fixé aux deux-tiers des condamnations prononcées contre la SCCV Les Terrasses du Château et non acquittées par celle-ci, soit la somme de 101 801,86 € ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant que par son appel, la SCP [R] qui succombe dans ses prétentions, a contraint M [N] à exposer des frais supplémentaires pour faire valoir ses moyens de défense et sa demande incidente ; qu'il sera ainsi alloué la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel ; qu'en outre la SCP [R] sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 26 janvier 2012 sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à M [Y] [N],

Réformant le jugement de ce chef,

Condamne la SCP [R] à payer à M [Y] [N] la somme de 101 801,86 € au titre de la perte de chance ;

Condamne la SCP [R] à payer à M [Y] [N] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne la SCP [R] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER.-.LE PRÉSIDENT.-.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12/02661
Date de la décision : 01/10/2013

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°12/02661 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-10-01;12.02661 ?
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