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17/04/2013 | FRANCE | N°12/05614

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 17 avril 2013, 12/05614


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRET N°293



R.G : 12/05614













URSSAF DES COTES D'ARMOR



C/



Société [Y] FASHION SARL

















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU P

EUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2013





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



M. Gérard SCHAMBER, Président,

Monsieur Gilles ELLEOUET, Président de chambre, assesseur

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller, assesseur



GREFFIER :



Mme Dominique BLIN,...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRET N°293

R.G : 12/05614

URSSAF DES COTES D'ARMOR

C/

Société [Y] FASHION SARL

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Gérard SCHAMBER, Président,

Monsieur Gilles ELLEOUET, Président de chambre, assesseur

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller, assesseur

GREFFIER :

Mme Dominique BLIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Mars 2013

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Avril 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats,

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 09 Juillet 2012

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT BRIEUC

****

APPELANTE :

L'URSSAF de BRETAGNE,

venant aux droits de l'URSSAF DES COTES D'ARMOR

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Mme [O], en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

Société [Y] FASHION SARL

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Jean-Marc LEFRAIS, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substitué par Me Florence LE GAGNE, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Espaces Griffes, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 1] le 15 septembre 2003, exploitait dans cette ville un magasin de prêt-à-porter sous l'enseigne 'Espaces Griffes' au n° [Adresse 2]. Par acte du 13 septembre 2004, Mme [Y], alors gérante de cette société, a cédé à son fils [S] 449 parts qu'elle détenait au sein du capital social. Mme [Y] étant devenue associée minoritaire, M. [S] [Y], investi de la gérance, a fait modifier la dénomination sociale en société [Y] Fashion et a poursuivi l'exploitation de magasin sous l'enseigne 'Women'.

Le 16 février 2010, M. [V], inspecteur agréé et assermenté de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 1] , et Mme [U], contrôleur à l'inspection du travail de [Localité 1], ont procédé dans les locaux du magasin exploité par la société [Y] Fashion sous l'enseigne 'Women', à un contrôle commun et inopiné dans le cadre de la recherche et de la constatation d'infractions constitutives de travail illégal.

Dans le procès-verbal n° 28/10VM qu'ils ont dressé le 19 mars 2010, ces agents ont indiqué qu'à leur arrivé dans les locaux, le 16 février 2010 à 14 h 40, ils ont constaté la présence de deux vendeuses au rez-de-chaussée, ainsi que la présence, dans le bureau à l'étage, d'une troisième personne, à savoir Mme [E] [Y], née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 6], mère du gérant, dont les agents indiquent avoir reçu les informations suivantes :

'Elle indique:

- ne pas être salariée

- venir traiter la partie administrative lorsque son fils est absent

- ne pas s'occuper de l'informatique

- être présente régulièrement (mais pas à plein temps) depuis l'ouverture

- venir de 14/14 h 30 jusqu'à 17 h

- que les salariés permutent d'un magasin à l'autre lorsqu'il y a des clients ou une absence'.

Les agents ayant procédé à ce contrôle ont encore mentionné sur leur procès-verbal les précisions suivantes :

'Nous demandons à Mme [Y] divers documents qu'elle nous fournit et en photocopie certains (registre du personnel-relevé des heures-bulletins de salaires-contrats de travail). Elle connaît parfaitement le fonctionnement des deux sociétés gérées par son fils et sait où se trouvent les documents; ce qui confirme son activité régulière dans la société'.

Sur la base de ces éléments, l'inspecteur du recouvrement a adressé à la société [Y] Fashion une lettre d'observations envisageant, du fait de l'absence de déclaration unique d'embauche de Mme [E] [Y], et du fait de l'absence de délivrance de bulletins de paie à cette dernière, une taxation forfaitaire de 16.666 € à titre de cotisations sociales.

Après avoir porté le litige en vain devant la commission de recours amiable, la société [Y] Fashion, mise en demeure le 29 octobre 2010, contestant à titre principal la régularité du contrôle, et invoquant à titre subsidiaire l'existence d'une situation d'entraide familiale, a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d'Armor le 29 novembre 2010.

Par jugement du 9 juillet 2012, le tribunal a annulé le redressement contesté et a condamné l'Urssaf à rembourser à la société [Y] Fashion la somme de 20.436 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2011.

Pour se prononcer ainsi, le tribunal a énoncé que dans le cadre spécifique de la lutte contre le travail dissimulé, les agents chargés des contrôles inopinés, soumis à des règles qui diffèrent de celles édictées en matière de contrôle comptable d'assiette par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, doivent, selon l'article L. 8271-11 du code du travail, en contrepartie du pouvoir qui leur est conféré pour procéder à des auditions en quelque lieu que ce soit, recueillir au préalable le consentement des personnes rémunérées, ou l'ayant été ou encore présumées être ou avoir été rémunérées par l'employeur .

Le tribunal a considéré que si selon ce même article L. 8271-11 du code du travail, l'inspecteur n'est pas tenu de dresser un procès-verbal d'audition, force est de constater, dans le cas d'espèce, que l'absence d'un tel acte empêche l'Urssaf de rapporter la preuve d'une audition consentie, alors que les dispositions relatives aux pouvoirs des agents chargés des contrôles doivent être interprétés de manière restrictive.

L'Urssaf des Côtes d'Armor, à laquelle ce jugement a été notifié le 24 juillet 2012, en a interjeté appel le 1er août 2012.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Par ses conclusions, auxquelles s'est référé et qu'a développées son mandataire lors des débats, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bretagne, venant aux droits de l'Urssaf des Côtes d'Armor, demande à la cour, par voie de réformation du jugement déféré, de valider le redressement à hauteur de la somme de 16.666 €.

L'appelante fait valoir qu'il résulte des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale que lorsqu'ils procèdent à des auditions dans les locaux de l'entreprise contrôlée, les agents chargés de la lutte contre le travail dissimulé, ne sont pas tenus de recueillir le consentement préalable des personnes entendues. L'Urssaf relève que dans le cas d'espèce, les salariés, comme Mme [Y], ont été entendus dans les locaux du magasin, si bien que les agents chargés du contrôle n'étaient pas tenus de se soumettre aux exigences découlant de l'article L. 8271-11 du code du travail en cas d'auditions en un lieu autre que les locaux de l'entreprise contrôlée. Elle considère qu'en tout état de cause ce texte, qui laisse à l'agent chargé du contrôle une appréciation sur la nécessité de dresser un procès-verbal d'audition revêtu de la signature de la personne entendue, n'exige pas l'expression d'un consentement explicite du témoin , si bien que le fait pour celui-ci de répondre aux questions posées, de décliner son identité, et d'indiquer quelles sont ses fonctions dans l'entreprise, traduit un consentement implicite à l'audition. Sur le fond, l'Urssaf fait valoir que le procès-verbal de travail dissimulé, dont les constatations font foi jusqu'à preuve contraire, fait ressortir que Mme [Y] occupait dans l'entreprise un travail à temps partiel, à hauteur de trois heures de travail par jour, dans des conditions excluant l'admission de la notion d'entraide familiale, qui suppose une aide ou une assistance occasionnelle et spontanée à une personne proche, qui ne peut pas être une société commerciale, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte.

Par ses écritures, auxquelles s'est référé et qu'a développées son avocat lors des débats, la société [Y] Fashion conclut à la confirmation du jugement et demande, à titre subsidiaire, que le montant des cotisations soit ramené à une somme de 790,36 €. Elle réclame une somme de 2.500 € à titre de participation aux frais irrépétibles exposés pour sa défense.

L'intimée réplique qu'en subordonnant l'audition de témoins au recueil de leur consentement préalable, que l'audition ait lieu ou non dans les locaux de l'entreprise, l'article L. 8271-11 du code du travail, seul applicable aux contrôles effectués dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, institue une garantie de fond, dont la méconnaissance vicie les opérations de contrôle. La société [Y] Fashion soutient qu'en tout état de cause, l'article L. 8271-1 du code du travail, en ce qu'il autorise les agents de contrôle à faire état dans leur procès-verbal de déclarations de témoins, non consignés par des écrits signés par les personnes entendues, méconnaît les exigences du procès équitable, telles qu'elles résultent de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le texte inconventionnel de l'article L. 8271-1 ayant, dans le cas d'espèce, permis à l'inspecteur de dresser, de façon non contradictoire, un procès-verbal d'infraction un mois après les opérations de contrôle. Subsidiairement sur le fond, la société [Y] Fashion répond que l'élément intentionnel nécessaire à la caractérisation du travail dissimulé n'est pas avéré, l'intervention tout à fait ponctuelle, spontanée, gratuite et non rémunérée de la mère du gérant et ancienne gérante, pour veiller au bon fonctionnement de l'entreprise pendant l'absence de M. [Y], ou pour nettoyer et ranger son bureau à l'occasion d'une visite à caractère purement familial, s'inscrivant dans le cadre de l'entraide et non pas dans le cadre d'une relation salariale. A titre infiniment subsidiaire, l'intimée ,soutient que le rappel de cotisation pourrait, tout au plus, être calculé sur une base de 201 heures de travail, correspondant aux périodes d'absence du gérant, telles que prouvées au travers de ses agendas.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Dans sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 16 mars 2011, applicable aux faits de la cause, l'article L. 8271-7 du code du travail, inséré dans le chapitre consacré aux dispositions relatives à la compétence des agents dans le cadre du contrôle du travail illégal, rangeait sous son 5° les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agréés à cet effet et assermentés, dans la catégorie des agents de contrôle compétents pour constater les infractions constitutives de travail illégal.

Et selon l'article L. 8271-8-1 du même code, ces agents communiquent leurs procès-verbaux de travail dissimulé aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 723-3 du code rural et de la pêche maritime, qui procèdent à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui leur sont dues sur la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux.

En outre, avant d'être abrogé par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, l'article L. 8271-11 du code du travail, applicable aux faits de la cause, dès lors que le contrôle critiqué a été réalisé le 16 février 2010, disposait en son alinéa 1er que 'Les agents de contrôle sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant afin de connaître la nature de ses activités, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature'.

Et dans son alinéa 2, cet article disposait que 'ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents précités et des intéressés'.

Les contrôles effectués dans le cadre de la lutte contre le travail dissimulé par application des textes spécifiques susvisés, obéissent à un régime qui leur est propre, et qui est distinct de celui institué par les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale pour organiser le contrôle du respect de la législation instituée par ce code, en particulier, la vérification de l'assiette, du taux et du calcul des cotisations dues par les employeurs.

C'est donc à tort que l'Urssaf prétend à une application cumulative, en matière de contrôles inopinés du travail illégal, de certaines des dispositions des articles R. 243-59 du code de la sécurité sociale et de l'ancien article L. 8271-11 du code du travail, pour soutenir que le consentement des témoins à leur audition dans le cadre d'un tel contrôle ne serait requis qu'en cas d'audition hors des locaux de l'entreprise, alors qu'il ressort sans équivoque de l'ancien article L. 8271-11 du code du travail, seul applicable aux faits de la cause, que l'audition doit avoir lieu avec le consentement de la personne entendue en qualité de témoin, quelque soit le lieu de cette audition.

Force est de constater, même si l'ancien article L. 8271-11 n'exigeait pas de l'agent qu'il dresse un procès-verbal d'audition de chaque témoin signé par lui et ce dernier, et même si par application de l'article L. 8271-8 du code du travail son procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire, que le procès-verbal n° 28/10 VM, signé par M. [H] [V], inspecteur agréé et assermenté, ne comporte aucune mention relative au recueil préalable du consentement des témoins à leur audition, intervenue hors la présence du chef d'entreprise.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont admis que la société [Y] Fashion a été privée, à l'occasion des opérations de contrôle inopiné du travail dissimulé du 16 février 2010, d'une garantie de fond qui vicie le procès-verbal du 19 mars 2010 et, par voie de conséquence nécessaire, le redressement fondé sur les constatations qui y sont contenues. Le jugement sera par conséquent confirmé en toutes ses dispositions,

L'Urssaf, qui succombe en son recours, sera condamnée à payer à la société Heridian Fashion, par application de l'article 700 du code de procédure civile, une somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles de défense.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne l'Urssaf de Bretagne à payer à la société Heridian Fashion une somme de 1.500 € au titre des frais non répétibles de défense.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 12/05614
Date de la décision : 17/04/2013

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°12/05614 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-04-17;12.05614 ?
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