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17/04/2013 | FRANCE | N°12/00012

France | France, Cour d'appel de Rennes, Juridiction du premier prÉsident, 17 avril 2013, 12/00012


COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 6
No de dossier : 12/ 00012

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Abraham X...
né le 24 novembre 1989 à ORLEANS
de nationalité Française
Chez A...
...
45000 ORLEANS
non comparan

t, représenté par Me Sabrina BAUDET, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Madame l'Agent Judiciaire du Tr...

COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 6
No de dossier : 12/ 00012

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Abraham X...
né le 24 novembre 1989 à ORLEANS
de nationalité Française
Chez A...
...
45000 ORLEANS
non comparant, représenté par Me Sabrina BAUDET, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Madame l'Agent Judiciaire du Trésor
Sous-direction du droit privé
6 rue Louise Weiss
75073 PARIS CEDEX 13
Représentée par Me BILLAUD, Avocat à la Cour

ET :

le ministère public, représenté en la personne du procureur général,

Monsieur Abraham X..., représenté par son conseil, a présenté requête le 9 août 2012 sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale aux fins d'indemnisation au titre de la détention provisoire qu'il a subie du 11 mai 2011 au 22 mars 2012, date à laquelle il a bénéficié d'un jugement de relaxe aujourd'hui définitif, rendu par le Tribunal correctionnel de Rennes sur les poursuites engagées contre lui des chefs d'arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire de plusieurs personnes suivies de libération avant le 7ème jour.

Il sollicite en réparation du préjudice subi à raison de la détention provisoire :

- au titre du préjudice matériel : 5200 € correspondant à la perte d'indemnités de retour à l'emploi et à la perte de chance de trouver un emploi, outre 1. 734 € représentant les frais d'avocats nécessaires à sa défense au titre du contentieux de la détention provisoire,

- au titre du préjudice moral : 40. 000 €, arguant du choc carcéral et de la durée de la détention provisoire ainsi que de son jeune âge alors que, s'il avait été déjà condamné à plusieurs reprises et placé en milieu fermé en tant que mineur, il n'avait connu que des centres éducatifs fermés. Il ajoute que la détention a entraîné une séparation éprouvante d'avec sa fille qui venait de naître et qu'il avait reconnue deux jours avant son incarcération et dont il restera séparé, dans la mesure où sa compagne l'avait quitté durant la détention tandis qu'à raison des soupçons qui pesaient sur sa personne, sa propre mère avait alors choisi de couper tout lien avec lui.

Il demande en outre la condamnation de l'agent judiciaire de l'Etat à lui payer 1. 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ses écriture précisent en outre que s'il a exécuté des peines durant son incarcération, ces périodes ne doivent pas être imputées sur la durée indemnisable d'incarcération dans la mesure où il aurait pu, à défaut d'être placé en détention provisoire, bénéficier d'un aménagement des peines fermes mises contre lui à exécution.

. Madame l'agent judiciaire de l'Etat soutient en premier lieu qu'il doit être tenu compte pour évaluer l'exact préjudice de ce que la durée de la détention indemnisable n'est que de 7 mois et demi, Monsieur X...ayant purgé deux peines d'emprisonnement de un et trois mois pendant sa détention.

Elle ajoute, s'agissant du préjudice moral dont elle estime le juste montant à 12. 000 €, qu'il doit être tenu compte des incarcérations précédemment subies qui, même si le requérant était mineur, ont nécessairement atténué le choc carcéral propre à la détention dont l'indemnisation est sollicitée et que, la seule cause d'aggravation à prendre en considération pour en majorer l'impact est la naissance d'une enfant deux jours seulement avant la privation de liberté qui avait suivi son arrestation.

Elle s'oppose à toute indemnisation du préjudice matériel allégué, s'agissant du préjudice économique en l'absence de toute production de pièce justifiant la perte d'une allocation de retour à l'emploi ou de la perte de chance de trouver un emploi, et s'agissant des frais d'avocat, dans la mesure où les factures produite ne font nullement référence à des prestations mises en oeuvre comme en rapport exclusif avec le contentieux de la détention provisoire.

Enfin, aucun moyen n'est opposé à la demande présentée au titre des frais irrépétibles.

Monsieur le procureur général, relève que l'assiette de la détention provisoire indemnisable est de 8 mois et 9 jours, rejetant l'argumentation présentée par Abraham X...qui prétend à indemnisation intégrale pour 10 mois et 11 jours de détention en se fondant sur la possibilité qu'il aurait eu de voir les peines fermes exécutées durant son incarcération aménagées s'il n'avait pas été placé en détention provisoire de façon injustifiée.

Reprenant sur le préjudice moral l'argumentation de l'agent judiciaire de l'‘ Etat et observant que Monsieur X...était multi-réitérant, il demande de cantonner l'indemnisation du préjudice moral à 18. 000 € et de rejeter en totalité la demande formée au titre du préjudice matériel. Il conclut à l'allocation d'une somme de 700 € au titre des frais irrépétibles..

CECI ETANT EXPOSE :

Considérant que la requête de Monsieur X...a été déposé dans le délai de six mois suivant la décision définitive de relaxe dont il a bénéficié ;

Qu'elle doit être déclarée recevable ;

- Sur la durée de la détention indemnisable.

Considérant que durant la période de détention provisoire subie par le requérant, celui-ci a exécuté deux peines d'emprisonnement, la première d'une durée de 2 mois prononcée le 17 octobre 2011 par le tribunal pour enfants d'Orléans pour violence aggravée, la seconde d'une durée d'1mois, prononcée le 24 mars 2009 par le tribunal pour enfants de Versailles ;

Considérant que contrairement aux prétentions de M. X..., celui-ci ne peut prétendre à aucune indemnisation au titre de la détention provisoire pendant la durée des peines qu'il exécutait dans le même temps ;

Qu'il ne peut invoquer le fait que la détention provisoire lui a fait perdre la chance quasi-certaine de voir ces peines aménagées par le juge de l'application des peines, la considération des mentions portées sur son casier judiciaire qui font apparaître que plusieurs peines d'emprisonnement ont par ailleurs et en d'autres circonstances été mises à exécution sans aménagement démontrant qu'il ne peut être préjugé d'une décision totalement hypothétique ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de déduire de la durée totale de détention provisoire subie celle de 3 mois correspondant aux deux peines exécutées et d'y ajouter 28 jours représentant le montant des réductions de peines octroyées à M. X...au titre de ces deux condamnations ;

Considérant en conséquence que la durée de la détention provisoire indemnisable à retenir est de 8 mois et 9 jours ;

- Sur le préjudice matériel.

- En ce qui concerne la demande d'indemnisation présentée au titre du préjudice économique.

Considérant qu'il ressort des propres écritures du requérant que celui-ci n'exerçait aucun emploi au moment de son incarcération ;

Que s'il est soutenu, à partir des éléments recueillis sur son compte dans le cadre de l'enquête sociale qui avait été alors diligenté, qu'il percevait des allocations de retour à l'emploi lui procurant des ressources d'environ 300 € par mois, et qu'il recherchait un emploi compte tenu de la naissance de son enfant deux jours avant son placement en détention, aucune preuve ne vient corroborer ces affirmations purement déclaratives ;

Que cette même enquête sociale mentionne au demeurant au sujet de sa situation, de ses emplois et de ses ressources que " les éléments donnés (par M. X...) ont été à plusieurs reprises en contradiction avec les vérifications faites auprès de sa mère "

Considérant en effet, en premier lieu, qu'il n'est produit aucune pièce justifiant de l'existence d'une quelconque allocation dont le bénéfice aurait été perdu par suite de la détention, l'enquête sociale ayant relevé la contradiction procédant de ce que le requérant prétendrait bénéficier d'une allocation ASSEDIC de 300 €, alors que sa mère, chez laquelle il ne vivait qu'épisodiquement, avait évoqué qu'il s'agirait plutôt d'une allocation de retour à l'emploi, dont la réalité et le montant, compte tenu de ces contradictions reste incertain voire hypothétique ;

Qu'en second lieu, si la perte de chance de retrouver un emploi liée à la détention est parfaitement indemnisable encore faut-il que le caractère certain de ce préjudice soit établi, soit par l'existence d'un emploi préalable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, soit par la preuve d'une recherche d'emploi dans le temps précédant la détention ;

Qu'en l'espèce l'enquête sociale rapide produite précise que, si M. X...a invoqué des emplois sous contrats à durée déterminée dans les mois ayant précédé son placement en détention, aucun de ceux-ci n'a été confirmé, la seule activité validée ayant été un emploi de maçon coffreur occupé alors qu'il était hébergé chez une tante à Chanteloup les Vignes (78) plus de deux ans auparavant, tandis qu'aucun document n'est produit attestant de recherches auprès d'employeurs ou d'inscription à pôle emploi ;

Considérant qu'aucune perte de chance de trouver un emploi du fait de la détention ne résulte donc des éléments qui précèdent et que la demande formée à ce titre doit être rejetée ;

- En ce qui concerne l'indemnisation au titre des frais d'avocats

Considérant que ne sont indemnisables en la matière que les dépenses exposées par le requérant en relation directe avec la détention provisoire injustifiée, soit en l'espèce, les honoraires réglés à son conseil qui ont rémunéré les actes et démarches de l'avocat en rapport direct avec la défense de M. X...dans le cadre exclusif du contentieux lié à la détention provisoire de ce dernier ;

Qu'à cet égard, il n'est produit que deux factures faisant référence à une convention d'honoraires en date du 1er octobre 2011, elle-même non produite ;

Que ces deux factures en date respectivement des 12 septembre et 29 novembre 2011 pour des montants de 837 et 897 € ne font apparaître chacune qu'un poste unique dénommé " provision sur frais et honoraires " ;

Considérant que le requérant est donc mal fondé en sa demande, alors même qu'au-delà de l'énumération dans ses écritures des démarches qui auraient été celles de son conseil dans le cadre du contentieux de la détention, les factures produites ne distinguent pas la part réelle et vérifiable des frais et honoraires qui y ont été réellement consacrés ;

Que la demande formée de ce chef doit donc être également rejetée ;

- Sur le préjudice moral ;

Considérant que M. X...était âgé de 21 ans au moment de son placement en détention provisoire et que la durée de l'incarcération a été de 8 mois et 9 jours,

Qu'il était célibataire mais venait d'avoir un enfant de sa relation avec Yohou Vanessa B...;

Que la circonstance liée à la détention provisoire a pu, nonobstant l'instabilité qui était celle du requérant à cette époque, avoir une incidence sur la séparation du couple en l'empêchant d'être aux côtés de sa compagne dans les premières semaines de vie de l'enfant ;

Que si cette circonstance a pu aggraver la difficulté psychologique de son vécu en détention, le comportement de M. X...en prison montre que celui-ci s'était relativement adapté révélant par ses comportements celui d'un individu habitué au milieu carcéral comme en atteste la cote détention du dossier pénal le concernant qui mentionne divers incidents auxquels le requérant s'est trouvé mêlé, notamment bagarre, détention de téléphone portable ou circonstances ayant nécessité la fouille de sa cellule ;

Considérant que ces éléments confortent la réalité d'une atténuation du choc carcéral chez une personne, qui malgré son jeune âge possède un casier judiciaire portant mention de 13 condamnations ayant donné lieu à l'exécution en milieu fermé de plusieurs peines d'emprisonnement totalisant, compte tenu des sursis révoqués une durée de 20 mois et demi ;

Considérant qu'au-delà des conséquences ordinaires constituant le préjudice moral induites par la privation de liberté, les autres circonstances invoquées par M. X...comme majorant son préjudice, notamment l'éloignement de sa famille et l'absence de visite sont inopérantes, alors qu'il n'est nullement établi que des permis de visite ou des contraintes liées à la procédure dirigées contre lui auraient été imposées aux membres de sa famille pour restreindre leurs contacts ;

Considérant qu'il ressort de l'analyse de l'ensemble des éléments qui précèdent que l'indemnisation du préjudice moral subi par le requérant doit être fixée à 17. 500 €.

- Sur les frais irrépétibles ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X...la totalité des frais irrépétibles engagés par lui dans le cadre de la présente procédure ;

Qu'il lui sera alloué la somme de 1. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant par décision contradictoire rendue en audience publique,

Vu les articles 149, 149-1 à 149-4, 150, R 26 et suivants du code de procédure pénale,

- En la forme, déclarons recevable la requête en indemnisation formée par M. Abraham X...;

- Au fond, condamnons le Trésor Public à verser à Abraham X...la somme de 17. 500 Euros (DIX SEPT MILLE CINQ CENTS EUROS) en réparation de son préjudice moral ainsi que celle de 1. 000 Euros (MILLE EUROS) par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejetons toutes autres demandes,

- Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Le greffier en chefLe Premier Président

Pascale JEGOUPhilippe JEANNIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Juridiction du premier prÉsident
Numéro d'arrêt : 12/00012
Date de la décision : 17/04/2013
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-04-17;12.00012 ?
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