COUR D'APPEL DE RENNES
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
No de minute : 7
No de dossier : 12/ 00011
O R D O N N A N C E
Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,
REQUERANT :
Monsieur SERGE Y...
né le 6 janvier 1993 à NANTES
de nationalité Française
CHEZ MME Z...Martine
...
44100 NANTES
non comparant, représenté par Me Elodie PRAUD, avocat au barreau de RENNES
EN PRESENCE DE :
Madame l'Agent Judiciaire du Trésor
Sous-direction du droit privé
6 rue Louise Weiss
75073 PARIS CEDEX 13
Représentée par Me BILLAUD, Avocat à la Cour
ET :
le ministère public, représenté en la personne du procureur général,
Rappel des faits et de la procédure.
Monsieur Serge Y..., représenté par son conseil, a présenté requête le 10 juillet 2012 sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale aux fins d'indemnisation au titre de la détention provisoire qu'il a subie du 14 octobre 2011 au 10 janvier 2012, ayant bénéficié le même jour d'une décision de relaxe rendue par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes devant laquelle il était poursuivi pour recel de vol, refus d'obtempérer et conduite sans permis, faits commis en état de récidive légale.
Il sollicite en réparation du préjudice subi à raison de la détention provisoire :
- au titre du préjudice matériel : 3. 316 € au titre de la perte de chance de rechercher et trouver un emploi, 200 € en compensation de la perte de chance de passer le code de la route et d'obtenir son permis de conduire, 1. 328, 60 € au titre des frais d'avocat exposé sans le cadre de la présente procédure,
- au titre du préjudice moral 8. 900 €, l'indemnisation devant tenir compte selon le requérant de son jeune âge au moment de son incarcération, des conditions de détention difficiles à la maison d'arrêt de Nantes, établissement pénitentiaire particulièrement surpeuplé et de la vindicte qu'il a encore à subir de la part des tiers malgré la décision de relaxe dont il a bénéficié.
Madame l'agent judiciaire de l'Etat soutient, pour l'essentiel, et s'agissant du préjudice moral, que le requérant ne rapporte aucune preuve de circonstances particulières qui seraient venues aggraver le seul préjudice établi résultant de la privation de liberté. Elle souligne qu'en l'espèce le jeune âge de Monsieur Y...ne doit pas occulter le fait qu'il avait été déjà antérieurement incarcéré et que le choc carcéral s'est donc trouvé atténué. Elle propose pour ce poste une indemnisation à hauteur de 3. 500 €.
Elle ajoute, s'agissant du préjudice matériel, que Serge Y...ne peut réclamer l'indemnisation de la perte d'une chance de trouver un emploi que sur la base d'une évaluation forfaitaire et qu'en l'espèce il ne rapporte pas la preuve d'un tel préjudice, ne produisant aucune pièce susceptible de l'établir ; qu'il ne verse aucune pièce justificative au sujet du permis de conduire. Dès lors elle conclut au rejet de la requête quant au préjudice matériel invoqué.
Elle demande de réduire à de justes proportions la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
.
Monsieur le procureur général, rappelle que la détention de Monsieur Y...a été courte, qu'il est célibataire, sans emploi et qu'il avait été précédemment incarcéré, sa sortie de prison étant récente. Il demande que l'indemnisation du préjudice moral soit limitée à hauteur de 4. 000 €. Il relève que l'indemnisation d'un quelconque préjudice matériel ne peut être retenue alors qu'aucune preuve n'est produite. Il estime que les frais irrépétibles peuvent être retenus pour une somme de 400 €.
CECI ETANT EXPOSE : Nous, premier président,
Sur la recevabilité de la requête.
Considérant que la requête de Serge Y...en date du 10 juillet 2012 a bien été déposée dans le délai de six mois suivant l'arrêt de relaxe rendu le 10 janvier 2012 par la cour d'appel de Rennes et qu'elle est régulière en, la forme ;
Qu'elle doit donc être déclarée recevable ;
Au fond :
- Sur le préjudice matériel :
Considérant que Serge Y...sollicite une somme de 200 € en réparation de la perte de chance d'avoir pu se présenter aux épreuves du code de la route du fait de sa détention provisoire et de n'avoir pu ainsi obtenir le permis de conduire ;
Mais considérant que l'indemnisation de la perte de chance est d'abord subordonnée à la preuve que le fait dont la privation du bénéfice est invoquée soit établi et son caractère certain ;
Qu'en l'espèce le requérant ne produit aucune preuve, ni de ce qu'il était inscrit dans une auto-école pour y préparer le permis de conduire au moment de son incarcération, ni de ce qu'il a pu être convoqué pour passer les épreuves du code de la routé durant celle-ci ;
Qu'il doit donc être débouté de la demande formée à ce titre ;
Considérant que Serge Y...sollicite l'équivalent du montant du SMIC brut durant sa période de détention, soit 3. 318 €, pour compenser la perte de chance d'avoir pu trouver un emploi tant que celle-ci s'est poursuivie ;
Mais considérant que lors de son placement en garde à vue précédant immédiatement la détention subie, Serge Y...a indiqué aux enquêteurs qu'il n'exerçait aucun emploi et était sans ressources ; qu'il ne rapporte dans le cadre de la présente instance aucune preuve, attestation de projet d'embauche, attestation d'inscription à pôle emploi ou preuve de démarches quelconques de nature à établir qu'il était en recherche d'emploi que la détention subséquente lui aurait fait perdre la chance de trouver ;
Qu'il doit donc être également débouté de la demande présentée à ce titre ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que Serge Y...était âgé de d'un peu moins de 19 ans au moment de son placement en détention, célibataire, sans enfant ;
Que la durée de la détention provisoire indemnisable a été de deux mois et vingt sept jours ;
Considérant que si le jeune âge de Serge Y...doit être pris en considération
pour évaluer son préjudice moral, celui-ci n'avait pas de charge familiale, et ne s'est pas trouvé dans le contexte d'un choc carcéral tel que résultant d'une première expérience en détention alors qu'écroué le 14 octobre 2011, il était récemment sorti de prison le 17 juillet 2011 après avoir exécuté diverses peines à compter du 25 février 2011 ;
Considérant que les autres éléments invoqués par le requérant au titre de l'aggravation de son préjudice moral sont inopérants ;
Qu'en effet, le fait d'avoir été séparé de sa famille durant les fêtes de fin d'année est un élément inhérent au déroulement de la détention sans qu'il puisse en constituer une cause spécifique d'aggravation ;
Que, par ailleurs, si la surpopulation carcérale et de mauvaises conditions de détention sont susceptibles d'aggraver le préjudice subi, Serge Y...n'en rapporte pas la preuve, en ne versant aux débats aucun élément justifiant des conséquences physiques ou psychiques liées aux conditions de détention qui auraient détérioré sa situation personnelle dans le contexte spécifique de celle-ci étant observé que sa durée a été inférieure à trois mois ;
Considérant qu'au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent l'indemnisation du préjudice moral subi par Serge Y...sera fixée à 5. 000 euros ;
Sur les frais irrépétibles :
Et considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant la totalité des frais irrépétibles exposés par lui dans le cadre de la présente procédure ;
Qu'il lui sera alloué la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant par décision contradictoire mise à disposition au greffe de la Cour,
Vu les articles 149, 149-1 à 149-4, 150, R 26 et suivants du code de procédure pénale,
- En la forme, déclarons recevable la requête en indemnisation formée par Monsieur Serge Y...,
- Au fond, condamnons le Trésor Public à verser à Monsieur Serge Y...:
- au titre de son préjudice moral, la somme de 5. 000 Euros (CINQ MILLE EUROS)
ainsi que la somme de 900 Euros (NEUF CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejetons toutes autres demandes,
- Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Le greffier en chefLe Premier Président
Pascale JEGOUPhilippe JEANNIN