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17/04/2013 | FRANCE | N°12/00005

France | France, Cour d'appel de Rennes, Juridiction du premier prÉsident, 17 avril 2013, 12/00005


COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 2

No de dossier : 12/00005

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Mohamed Y...

né le 07 Août 1964 à ES SENIA-ALGERIE

de nationalité Marocaine

...

29000 QUIMPER
>comparant, assisté de Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Madame l'Agent Judiciaire du Trésor

Sous...

COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 2

No de dossier : 12/00005

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Mohamed Y...

né le 07 Août 1964 à ES SENIA-ALGERIE

de nationalité Marocaine

...

29000 QUIMPER

comparant, assisté de Me Virgile THIBAUT, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Madame l'Agent Judiciaire du Trésor

Sous-direction du droit privé

...

75073 PARIS CEDEX 13

Représentée par Me BILLAUD, Avocat à la Cour

ET :

le ministère public, représenté en la personne du procureur général,

Rappel des faits et de la procédure.

Monsieur Mohamed Y..., représenté par son conseil, a présenté requête le 5 mars 2012 sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale aux fins d'indemnisation au titre de la détention provisoire qu'il a subie du 20 mai au 13 septembre 2011, après avoir été relaxé par arrêt du même jour rendu par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes sur les poursuites qui avaient été engagées à son encontre des chefs de violences par concubin ayant entraîné une incapacité temporaire totale n'excédant pas huit jours et de violences volontaires avec arme n'ayant pas entraîné d'incapacité, faits commis en état de récidive légale ainsi que du chef de menaces de mort réitérées.

Il sollicite en réparation du préjudice subi à raison de la détention provisoire:

-au titre du préjudice matériel: 5.278 € au titre de la perte de chance de trouver ou d'exercer un emploi alors qu'il était sur le point de bénéficier d'un contrat d'insertion, et 1.291,68 € au titre des frais d'avocats engagés pour sa défense devant la chambre des appels correctionnels,

-au titre du préjudice moral: 11.800 €, arguant d'une détention particulièrement pénible en situation de surpopulation carcérale.

Il demande en outre la condamnation de l'agent judiciaire de l'Etat à lui payer la somme de 1.291,68 € dans le cadre de la présente procédure

Madame l'agent judiciaire de l'Etat conclut, pour l'essentiel, au rejet de la demande formée au titre du préjudice économique indiquant que la perte d'une chance de retrouver un emploi ne peut être indemnisée sur la base d'un salaire calculé sur la base du SMIC mensuel, alors que l'indemnisation de la perte de chance ne saurait être identique à celle de la perte d'un salaire, et qu'en l'espèce celle qui est alléguée n'apparaît nullement certaine alors qu'aucune pièce n'est produite notamment s'agissant du bénéfice prochain d'un contrat d'insertion.

Elle soutient, par ailleurs, que l'évaluation du préjudice moral est excessive, dans la mesure où Monsieur Y... , au-delà de la privation de liberté, invoque la surpopulation carcérale sans verser aucun élément justifiant les conséquences d'une incarcération dont les conditions particulièrement difficiles auraient entraîné un préjudice supplémentaire. Elle ajoute que l'argumentation sur le sentiment d'injustice subi par le requérant est inopérant, le premier président n'étant pas juge du bien fondé de la décision de placement en détention. Relevant par ailleurs que M. Y... avait été antérieurement incarcéré et que le choc psychologique lié à l'incarcération a été ainsi diminué. Elle demande en conséquence de limiter à 4.000 € l'indemnisation du préjudice moral.

Sans s'opposer à la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'agent judiciaire de l'Etat observe que la demande doit être réduite, la facture produite mentionnant des actes non réalisées.

Monsieur le procureur général, conclut également au rejet de la demande tendant à voir indemniser la perte de chance d‘exercer un emploi alors que n'est rapportée la preuve, ni de la recherche réelle d'un travail, ni d'une inscription quelconque à "Pôle emploi" ou auprès d'une mission locale.

Il ajoute que la détention provisoire a duré moins de quatre mois et que M. Y..., dont le casier judiciaire porte mention de vingt deux condamnations avait déjà été incarcéré antérieurement à plusieurs reprises ce qui a atténué le choc carcéral et justifie de limiter la réparation du préjudice moral à 6.000 €.

Il demande enfin de réduire à 700 € la somme allouée au titre des frais irrépétibles.

CECI ETANT EXPOSE: Nous, premier président,

- Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que conformément aux dispositions de l'article 149-2 du code de procédure pénale, Monsieur Y... a déposé sa requête dans le délai de 6 mois suivant la décision de relaxe dont il a bénéficié; qu'elle est donc recevable;

- sur la demande au titre du préjudice matériel:

Considérant qu'il ressort de l'enquête sociale rapide établie lors de la procédure ayant donné lieu à la détention provisoire indemnisable que M. Y... était sans emploi et qu'il l'était consécutivement à l'exécution d'une peine d'emprisonnement de deux années à la suite de laquelle l'entreprise de maçonnerie qu'il exploitait avait été placée en liquidation judiciaire;

Qu'il ressort de la même enquête sociale que le requérant affirmait avoir intégré le dispositif du RSA et qu'il aurait été sur le pont d'obtenir un contrat d'insertion par l'intermédiaire d'une association "Actife";

Considérant que si Monsieur Y... soutient à juste titre que, la perte de chance d'obtenir un emploi qui aurait été la conséquence de son placement en détention provisoire peut ouvrir droit à indemnisation, encore faut-il que ce préjudice soit certain;

Qu'en l'espèce, s'il produit des bulletins de salaires et attestation pôle emploi datant de 2012, soit ces documents sont d'au moins six mois postérieurs à la date où la détention provisoire a pris fin, il ne verse aux débats aucune pièce, attestation , document "pôle emploi", ou autre élément antérieur au placement en détention provisoire démontrant que cette privation de liberté lui avait fait perdre le bénéfice du RSA ou la chance d'obtenir le contrat d'insertion allégué, ou encore compromis sa démarche de recherche d' emploi;

Que la demande au titre du préjudice économique doit donc être rejetée;

- En ce qui concerne le préjudice moral:

Considérant que Monsieur Y... était âgé de 47 ans au moment de son incarcération et que la détention provisoire subie a été de 3 mois et 26 jours;

Que divorcé en 1998, il est père de trois enfants qui n'étaient pas à sa charge;

Qu'il vivait en concubinage dans un contexte conflictuel étant observé qu'avant l'affaire pour laquelle il avait été détenu provisoirement et relaxé, il avait subi une incarcération récente durant les années 2009 et 2010 à la suite d'une condamnation pour violences ayant eu pour conséquence la révocation d'un sursis antérieurement accordé;

Qu'ainsi le choc carcéral s'est trouvé limité et ce, de façon assez importante pour une personne dont le casier judiciaire porte vingt et une mention, hors celle concernant la liquidation judiciaire de son entreprise, et qui antérieurement à l'antécédent ci-dessus spécifié avait connu encore, d'autres incarcérations;

Que si Monsieur Y... verse aux débats des documents attestant de la surpopulation et des mauvaises conditions générales de détention à la maison d'arrêt de Brest, il n'apporte pas la preuve que celles-ci ont pu avoir des conséquences dépassant celles propres à toute privation de liberté dans un contexte où la durée de la détention a été limitée par une décision intervenue dans la procédure qui le visait moins de quatre mois après son placement en détention

Que le sentiment d'avoir subi une injustice ne relève pas du préjudice indemnisable ce sentiment n'étant pas propre ou en relation avec causale avec la détention provisoire mais avec l'accusation portée contre lui;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que le préjudice moral subi par M. Y... du fait de la privation de liberté en relation causale directe avec la détention provisoire doit ^être fixé à la somme de 6.000 € ;

- Sur les frais irrépétibles.

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Y... la totalité des frais irrépétibles engagés par lui dans le cadre de la présente procédure mais en limitant leur indemnisation à hauteur des prestations effectivement réalisées suivant facture produite;

Qu'il lui sera alloué la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Statuant par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe de la Cour,

Vu les articles 149, 149-1 à 149-4, 150, R 26 et suivants du code de procédure pénale,

- En la forme, déclarons recevable la requête en indemnisation formée par Mohamed Y...;

- Au fond, condamnons le Trésor Public à payer à Mohamed Y... 6.000 € (SIX MILLE EUROS) en réparation de son préjudice moral ainsi que celle de 1.000 € (MILLE EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Rejetons toutes autres demandes,

- Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Le greffier en chef Le Premier Président

Pascale JEGOU Philippe JEANNIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Juridiction du premier prÉsident
Numéro d'arrêt : 12/00005
Date de la décision : 17/04/2013
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-04-17;12.00005 ?
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