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17/04/2013 | FRANCE | N°12/00001

France | France, Cour d'appel de Rennes, Juridiction du premier prÉsident, 17 avril 2013, 12/00001


COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 3

No de dossier : 12/00001

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Julien Y...

né le 13 Octobre 1988 à RENNES (35000)

de nationalité Française

Élisant domicile chez Me PINEA

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...

35000 RENNES

non comparant, représenté par Me William PINEAU, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Ma...

COUR D'APPEL DE RENNES

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

No de minute : 3

No de dossier : 12/00001

O R D O N N A N C E

Décision en premier ressort rendue par mise à disposition au greffe le 17 Avril 2013 par Monsieur Philippe JEANNIN, Premier Président près la cour d'appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Février 2013 par Madame Pascale JEGOU, Greffière en chef,

REQUERANT :

Monsieur Julien Y...

né le 13 Octobre 1988 à RENNES (35000)

de nationalité Française

Élisant domicile chez Me PINEAU

...

35000 RENNES

non comparant, représenté par Me William PINEAU, avocat au barreau de RENNES

EN PRESENCE DE :

Madame l'Agent Judiciaire du Trésor

Sous-direction du droit privé

6 rue Louise Weiss

75073 PARIS CEDEX 13

Représentée par Me BILLAUD, Avocat à la Cour

ET :

le ministère public, représenté en la personne du procureur général,

Rappel des faits et de la procédure.

Monsieur Julien Y..., représenté par son conseil, a présenté requête le 4 janvier 2012 sur le fondement des articles 149 et suivants du code de procédure pénale, aux fins d'indemnisation au titre de la détention provisoire qu'il a subie du 7 avril au 24 mai 2011, après avoir bénéficié d'une décision définitive de relaxe par arrêt par de la chambre des appels correctionnels de Rennes en date du 6 juillet 2011 prononçant sur les poursuites qui avaient été engagées contre lui du chef d'infraction à la législation sur les stupéfiants.

Il sollicite en réparation du préjudice subi à raison de la détention provisoire:

-au titre du préjudice moral, une somme proportionnée à la durée de la détention qui ne saurait être inférieure à 3.000 €,

-au titre du préjudice matériel: d'une part 6.000 € en raison du préjudice économique résultant de la perte de chance d'avoir pu exercer un emploi pendant la durée totale de son incarcération, somme calculée sur la base du salaire moyen qu'il avait perçu en qualité d'intérimaire avant d'être placé en détention provisoire, d'autre part, 6.000 € au titre de la perte de chance d'avoir pu obtenir un aménagement de peine pour des condamnations exécutées en même temps et à la suite de la détention provisoire et qui ont eu pour conséquence une libération effective différée au 10 septembre 2011, l'exécution du mandat d'arrêt à l'origine de la période initiale de détention provisoire l'ayant empêché de bénéficier d'une telle mesure.

Il soutient en outre qu'il y a lieu d'évaluer son préjudice corporel par expertise dans la mesure où, ayant subi avant son incarcération une opération chirurgicale exigeant un suivi post-opératoire strict, sa détention a retardé les examens nécessaires et provoqué une aggravation de son état nécessitant une nouvelle intervention qui a eu pour conséquence un arrêt de travail prolongé.

Il sollicite également la condamnation de l'agent judiciaire de l'état à lui payer la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame l'agent judiciaire de l'Etat, sans opposition quant à la demande formée au titre du préjudice moral, relève, s'agissant du motif d'indemnisation tiré de l'impossibilité d'obtenir un aménagement de peine que cette perte de chance ne peut être indemnisée au même titre que le préjudice moral procédant d'une détention provisoire injustifiée, alors qu'il n'existe aucune certitude que cette mesure aurait été accordée. Elle demande donc que la demande de Julien Y... ne soit cantonnée à concurrence de 3.000 €.

Elle ajoute, s'agissant du préjudice économique, que celui-ci ne peut être calculée que sur la durée de la détention provisoire subie alors que le requérant a pris également en compte la durée pendant laquelle il a, à la suite, exécuté une peine, et qu'ainsi la demande doit être également réduite à hauteur de 1.900 €.

Sans s'opposer à la demande d'expertise, l'agent judiciaire de l'Etat indique encore que doit être posée la question du lien de causalité entre la détention provisoire subie et l'aggravation alléguée de l'état de santé.

Elle n'oppose pas de moyen à la demande formée au titre des frais irrépétibles.

Monsieur le procureur général, rappelle que Julien Y... s'étant trouvé en exécution de peine à compter du 20 mai 2011, la période de détention provisoire à prendre en compte au titre de l'indemnisation est limitée à 1 mois et 19 jours. Il ajoute que l'indemnisation du préjudice moral doit tenir compte des négligences du requérant à l'origine de la délivrance d'un mandat d'arrêt, et d'un choc carcéral amoindri alors que ce n'était pas la première fois que celui-ci connaissait une incarcération. Il demande de limiter l'indemnisation de ce préjudice à 2.000 €.

Il conclut au rejet de la demande, s'agissant de la perte de chance d'obtenir un aménagement de peine pour la condamnation que Julien Y... a du exécuter en milieu fermé , à raison, d'une part, des négligences déjà évoquées qui ont été à l'origine de la délivrance du mandat d'arrêt pris contre lui, d'autre parts, de ce que rien ne l'empêchait de solliciter un nouvel aménagement alors même qu'il était détenu.

Il ajoute que la perte de salaires ne peut strictement concerner que la période de détention provisoire et ne peut donc dépasser la somme de 1.165,28 €.

Il conclut au rejet de la demande d'expertise, relevant que le requérant ne rapporte aucun commencement de preuve de l'aggravation alléguée de son état de santé.

Il demande de limiter à 1.000€ la demande d'indemnisation formée au titre des frais irrépétibles.

CECI ETANT EXPOSE: Nous, premier président,

- Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que conformément aux dispositions de l'article 149-2 du code de procédure pénale, Monsieur Y... a déposé sa requête dans le délai de 6 mois suivant la décision de relaxe dont il a bénéficié; qu'elle est donc recevable;

- Sur le durée de la détention provisoire à prendre en compte au regard de l'indemnisation et la perte de chance d'obtenir un aménagement de peine:

Considérant que si Julien Y... a été détenu sans discontinuer du 7 avril au 10 septembre 2011, il n'est pas contesté que la seule période détention provisoire indemnisable à prendre en compte est comprise entre le 7 avril et le 20 mai 2011, date à partir de laquelle il s'est trouvé en situation d'exécution d'une peine de six mois d'emprisonnement prononcée le par arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes;

Considérant qu'à juste titre le requérant fait observer que convoqué le 24 avril 2011 devant le juge de l'application des peines, c'est bien son placement en détention provisoire qui a été mécaniquement la cause directe l'ayant empêché de se rendre à la convocation du juge de l'application des peines et lui a causé préjudice sans que le ministère puisse opposer à cet état de fait, la possibilité éventuelle de solliciter à nouveau cette comparution;

Que néanmoins, et s'il a été empêché de comparaître, Julien Y... qui ne conteste pas avoir subi de ce fait qu'un préjudice moral, ne peut demander à le voir fixer comme il le prétend proportionnellement à la duré de détention subie en exécution de peine, la seule perte de chance subie de façon certaine étant celle de comparaître à la date fixée devant le juge de l'application des peines sans qu'il puisse en être déduit un préjudice indemnisable par rapport à la duré même d'exécution de la peine dont l'aménagement, subordonné à la décision du juge, n'était quant à lui, nullement certain;

Considérant en définitive que cet élément n'est qu'un des éléments à prendre en compte dans l'indemnisation du préjudice moral procédant de la détention provisoire subie;

- sur l'indemnisation du préjudice moral;

Considérant que compte tenu des développements qui précèdent, Julien Y..., sollicite au titre de l'indemnisation de son préjudice moral, une somme de 9.000 €, soit 3.000 € au titre de la période de détention provisoire, outre 6.000 € au titre de la souffrance psychologique ressortant de 3 mois et 21 jours supplémentaires subis procédant de la perte de chance d'avoir pu obtenir l'aménagement de cette peine;

Mais considérant que le requérant, célibataire , était âgé de 22 ans au moment de son placement en détention ;

Que son casier judiciaire porte mention de dix condamnations prononcées par la juridiction des mineurs et le tribunal correctionnel antérieures à son placement en détention, l'intéressé ayant précédemment exécuté plusieurs courtes peines d'emprisonnement à la suite de la révocation de sursis antérieurement octroyés;

Considérant que le choc carcéral a pu être ainsi atténué dans une mesure relative, et si la durée de détention à prendre en compte n'est que de 1 mois et 13 jours, l'évaluation du préjudice moral doit aussi prendre en compte de l'âge encore jeune du requérant lors de son placement en détention provisoire en exécution du mandat d'arrêt décerné contre lui, outre la perte de chance d'avoir pu comparaître devant le juge de l'application des peines, qui de fait augmentait la perspective d'une incarcération prolongée, même si la souffrance morale et cet élément d'aggravation ne sont à prendre en compte qu'au regard de ce qu'ils ont été pendant la seule période de détention provisoire et non pour la durée totale d'incarcération;

Qu'au vu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'indemnisation du préjudice moral subi par Julien Y... sera fixée à 5.000 €;

- Sur l'indemnisation du préjudice matériel économique :

Considérant que le requérant travaillait régulièrement en intérim au moment du placement en détention provisoire et que son salaire mensuel était de 1.300 €;

Qu'il est par ailleurs justifié de ce que, dès sa sortie de prison, M. Y... a travaillé à nouveau dans les mêmes conditions et que, par conséquent, bien qu'exerçant en intérim, sa situation professionnelle était assez stable, de sorte que la détention provisoire lui a fait perdre de façon certaine la chance de poursuivre ses missions au même niveau de rémunération;

Considérant cependant que c'est à tort que Julien Y... sollicite d'être indemnisé de cette privation d'emploi pour la durée totale de son incarcération, alors que seule peut être prise en compte la période de détention provisoire de 1 mois et 13 jours dont la décision de relaxe dont il a bénéficié a consacré le caractère injustifié et donc indemnisable;

Qu'il lui sera alloué en conséquence une somme de 1.950 € en réparation du préjudice lié à la perte de chance d'occuper un emploi directement en lien de causalité avec la détention provisoire subie;

- Sur la demande présentée au titre de l'indemnisation du préjudice corporel;

Considérant que Monsieur Y... soutien à ce titre qu'ayant subi une intervention chirurgicale en 2010, la détention provisoire subie en 2011 aurait retardé les examens nécessaires à un strict suivi post-opératoire entraînant une aggravation laquelle aurait nécessité une nouvelle opération justifiant un arrêt de travail prolongé;

Que cette situation, constitue, selon lui, un préjudice corporel en lien avec la détention justifiant la désignation d'un expert pour évaluer son préjudice;

Mais considérant que, si le requérant produit à cette fin une lettre du Docteur A... en date du 13 juillet 2010 adressée à son médecin traitant qui évoquait une intervention chirurgicale en chirurgie digestive subie en juin 2010, puis une nouvelle hospitalisation de quelques jours ayant immédiatement suivi la précédente pour une complication et suggérait la nécessité de pratiquer "à distance" une coloscopie de contrôle pour éliminer " formellement une maladie de Crohn", M. Y... ne verse aux débats aucune pièce qui prouverait de sa part une demande particulière en milieu pénitentiaire ou d'un refus quelconque opposé pendant sa détention d'un examen médical qui aurait été nécessaire;

Que bien au contraire, le 7 septembre 2011, et alors même qu'il ne devait recouvrer la liberté que le 10 septembre en raison de l'exécution de la peine précitée, un examen médical était pratiqué au CHU de Rennes, dont le résumé, reprenant les conclusions du compte rendu opératoire et le bien-fondé d'un contrôle à distance des épisodes aigus, sur l'éventualité d'une maladie de Crhon sous jacente, donnait lieu à une nouvelle correspondance adressée au médecin traitant mentionnant qu'à cette date , "Monsieur Y... semblait actuellement peu symptomatique même s'il décrit des crises douloureuses et un transit capricieux avec quelques traces de sang"; qu'il était aussi précisé que "l'examen clinique était plutôt rassurant" avec un abdomen souple et dépressible";

Considérant ainsi, d'une part, que durant l'incarcération, M. Y... a pu bénéficier d'une consultation spécialisée en hôpital permettant de suivre sa situation et que, d'autre part, le constat de l'examen subi le 7 septembre 2011 ne mettait en évidence aucun facteur d'aggravation de l'état antérieur post-opératoire ni urgence à procéder aux examens complémentaires de contrôle nécessaires , laissant d'ailleurs au médecin traitant le soin de rediscuter avec le patient du choix des modalités pratiques de mise en oeuvre au cours de l'incarcération ou après sa remise en liberté;

Considérant par ailleurs que, si M. Y... produit encore un document attestant d'un arrêt de travail du 27 décembre 2011 au 31 janvier 2012 faisant état d'éléments d'ordre médical avec simple mention "digestif", il ne produit aucun élément, tel que certificat médical, ou compte rendu opératoire mettant en relation causale ou établissant un indice rendant crédible un lien de causalité entre la courte période de détention provisoire subie et une quelconque notion d'aggravation de son état de santé justifiant cet arrêt de travail ou une éventuelle intervention chirurgicale;

Qu'en l'absence de tout élément probant auquel ne pourrait suppléer la mesure d'expertise sollicitée, la demande de mesure d'instruction présentée par M. Y... doit être rejetée;

- Sur les frais irrépétibles :

- Sur la demande au titre des frais irrépétibles :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Y... la totalité des frais irrépétibles exposés par lui dans le cadre de la présente procédure;

Qu'il lui sera alloué la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS :

Statuant par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe de la Cour,

Vu les articles 149, 149-1 à 149-4, 150, R 26 et suivants du code de procédure pénale,

- En la forme, déclarons recevable la requête en indemnisation formée par Julien Y...;

- Au fond, condamnons le Trésor Public à verser à Julien Y...

- au titre de son préjudice matériel économique, la somme de 1 950,00 € (MILLE NEUF CENT CINQUANTE EUROS),

- au titre de son préjudice moral, la somme de 5.000 €, (CINQ MILLES EUROS),

- ainsi que la somme de 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) par application de l'article 700 du code de procédure civile;

- Rejetons toutes autres demandes,

- Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Le greffier en chef Le Premier Président

Pascale JEGOU Philippe JEANNIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Juridiction du premier prÉsident
Numéro d'arrêt : 12/00001
Date de la décision : 17/04/2013
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2013-04-17;12.00001 ?
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