1ère Chambre
ARRÊT N°52
R.G : 11/07016
M. [N] [K] [F]
C/
M. [U] [P] [R]
Mme [X] [S] épouse [R]
M. [Y] [L]
Mme [I] [W] [H] épouse [L]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Catherine DENOUAL, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Orlane RENAUD, lors des débats, et Madame Claudine PERRIER, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Décembre 2012
devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Par Défaut, prononcé par Madame Anne TEZE, ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 05 Février 2013, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur [N] [K] [F]
né le [Date naissance 12] 1959 à [Localité 21]
[Adresse 28]
[Localité 25]
Rep/assistant : la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : Me LUCAS, Plaidant (avocat au barreau de LORIENT)
INTIMÉS :
Monsieur [U] [P] [R]
né le [Date naissance 3] 1934 à [Localité 26] (35)
[Adresse 1]
[Localité 25]
Assigné à personne par acte d'huissier en date du 20/01/2012
Madame [X] [S] épouse [R]
née le [Date naissance 2] 1939 à [Localité 22] (56)
[Adresse 1]
[Localité 25]
Assignée à domicile par acte d'huissier en date du 20/01/2012.
Monsieur [Y] [L]
né le [Date naissance 11] 1931 à [Localité 25]
[Adresse 13]
[Localité 25]
Rep/assistant : la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : la SCP RIOU PERREAU JAN, Plaidant (avocats au barreau de QUIMPER)
Madame [I] [W] [H] épouse [L]
née le [Date naissance 6] 1934 à [Localité 24]
[Adresse 13]
[Localité 25]
Rep/assistant : la SCP GAUTIER/LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : la SCP RIOU PERREAU JAN, Plaidant (avocats au barreau de QUIMPER)
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [L] sont propriétaires au lieu-dit [Localité 29] à [Localité 25] de parcelles cadastrées section BR n° [Cadastre 16],[Cadastre 17],[Cadastre 18] et [Cadastre 10].
Les époux [R] sont propriétaires au même lieu-dit d'une parcelle cadastrée section B n° [Cadastre 8] et de la moitié indivise d'une parcelle cadastrée B n° [Cadastre 9] à usage de chemin dont Monsieur [F], également propriétaire d'une parcelle cadastrée n° [Cadastre 7], est propriétaire de l'autre moitié indivise.
Reprochant à leurs voisins d'utiliser ce chemin en ayant fait poser à son entrée un portail fermé à clé, les époux [L] les ont par acte du 4 février 2010, fait assigner devant le tribunal de grande instance de QUIMPER qui par jugement du 6 septembre 2011 a :
dit que le chemin cadastré section BR n° [Cadastre 9] sur le territoire de la commune de [Localité 25] est un chemin d'exploitation au sens des dispositions de l'article L 162-1 du Code rural et forestier ;
dit qu'en leur qualité de propriétaire de la parcelle riveraine cadastrée section BR n° [Cadastre 17] les époux [L] ont le droit d'utiliser ce chemin sur toute la longueur de la parcelle BR n° [Cadastre 9] ;
dit que le droit d'utiliser le chemin exclut celui de stationner sur son assiette ;
condamné les époux [R] et monsieur [F] à procéder à l'enlèvement de la barrière installée à l'entrée du chemin d'exploitation ;
dit que les époux [L] supporteront à concurrence d'un tiers les frais d'entretien du passage ;
condamné solidairement les époux [R] et Monsieur [F] à payer aux époux [L] la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
débouté les parties de leurs autres demandes ;
condamné solidairement les époux [R] et Monsieur [F] aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur [N] [F] a formé appel contre ce jugement par déclaration au greffe du 11 octobre 2011.
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 octobre 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Monsieur [N] [F] demande à la cour de :
réformer le jugement ;
lui décerner acte qu'il offre d'établir une servitude de passage conventionnelle sur une partie de la parcelle BR [Cadastre 9] au profit de la parcelle BR [Cadastre 17], aujourd'hui propriété de Monsieur et Madame [L] ;
dire que ce passage s'exercera jusqu'à l'angle Sud de la parcelle BR [Cadastre 17] ;
désigner un expert à cette fin ;
dire que l'acte constitutif de servitude sera établi par le notaire que Monsieur [F] choisira aux frais de Monsieur et Madame [L] ;
dire que la servitude est consentie à la condition expresse que le passage cesse à hauteur de l'angle Sud de la parcelle n° [Cadastre 17], que le portail installé au Sud Est de la parcelle BR [Cadastre 9] soit fermé à clef dont bien entendu Monsieur et Madame [L] d'une part, Monsieur [J] d'autre part auront un exemplaire ;
dire que le passage est exclusif de tout stationnement sur l'assiette de la parcelle BR [Cadastre 9] et que les frais d'entretien du passage seront supportés à concurrence d'un tiers par le propriétaire de la parcelle BR [Cadastre 17] ;
dire que les frais de publication de l'acte à intervenir en marge des titres de propriété de chacune des parties seront également à la charge de Monsieur et Madame [L] ;
débouter Monsieur et Madame [L] de toutes ses demandes;
condamner Monsieur et Madame [L] aux dépens de première instance et d'appel y compris d'expertise qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 28 février 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Monsieur et Madame [L] demandent à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
subsidiairement,
dire que les époux [L] ont prescrit l'assiette du passage menant chemin de la Forêt à leur propriété ;
encore plus subsidiairement,
dire que la propriété [L] bénéficie d'une servitude par destination du père de famille voire pour clause d'enclave sur le chemin traversant les propriétés [R] [F].
condamner les consorts [R]-[F] à enlever la barrière par eux installée ;
condamner solidairement les époux [R]-[F] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Monsieur et Madame [R] auxquels la déclaration d'appel de Monsieur [F] du 11 octobre 2011 et les conclusions d'appelant du 9 janvier 2012 ont été dénoncées par acte du 20 janvier 2012 à personne à Monsieur [U] [R] et à domicile pour Madame [X] [R] par acte du 20 janvier 2012, n'ont pas constitué avocat.
Par acte du 7 mars 2012, les époux [L], intimés, leur ont dénoncé la déclaration d'appel du 11 octobre 2011 et leurs conclusions du 28 février 2012 avec bordereau de communication de pièces. Cet acte a été remis à domicile pour Monsieur [U] [R] et à personne pour Madame [X] [R]
Par conclusions de procédure du 8 novembre 2012, Monsieur et Madame [L] ont demandé de rejeter des débats les pièces communiquées tardivement par la SCP GAUVAIN DEMIDOFF suivant bordereau du 6 novembre 2012.
Par conclusions de procédure du 16 novembre 2012, Monsieur [F] demande de déclarer recevables ces pièces .
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les pièces communiquées le 6 novembre 2012
Considérant que Monsieur [F] ayant le 6 novembre 2012, communiqué les pièces n°s 74 à 83 alors qu'il avait notifié ses dernières conclusions le 29 octobre 2012, ces pièces doivent être écartées des débats car même si elles n'étaient pas invoquées au soutien des prétentions, elles ont été communiquées la veille de l'ordonnance de clôture dont l'avocat avait été avisé par le greffe le 16 mai 2012 ; qu'elles n'ont pas été déposées en temps utile pour que la partie adverse puisse les examiner ;
Au fond
Considérant que l'acte en date des 11 et 25 octobre 1969 par lequel les consorts [T] ont vendu à Monsieur et Madame [L] différentes parcelles au lieu-dit [Localité 29] délimite ces parcelles ; qu'à cet acte était annexé un plan dressé par Monsieur [M], géomètre expert ;
Que l'acte mentionne pour limites un chemin situé au Nord, au Sud et à l'ouest des parcelles vendues ; que le plan annexé à l'acte dressé par Monsieur [M], géomètre-expert atteste de l'existence de ce chemin qui donne accès à la propriété vendue ;
Que le même jour, les consorts [T] ont cédé une parcelle limitrophe à Monsieur et Madame [J] située au sud de la parcelle [Cadastre 15] vendue aux époux [L], qui donne comme limite aux parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15] vendues aux époux [J], un chemin situé à l'Ouest ;
Que le plan de Monsieur [M] permet de constater qu'il s'agit de la portion du chemin prolongeant au Sud celui mentionné dans l'acte de vente des époux [L] ;
Considérant que ne figuraient dans ces actes aucune constitution ou rappel de servitude de passage au profit des parcelles vendues ;
Considérant qu'au vu de ces constatations la preuve de l'existence du chemin litigieux au moment du premier démembrement de la propriété [T] est rapportée;
Considérant que la portion de chemin situé au Nord Ouest de ce chemin ne donnait elle-même accès qu'à une fontaine et un lavoir, ce qui excluait toute autre possibilité d'accéder à la voie publique depuis les parcelles cédées aux époux [L] par une autre voie que le chemin existant ;
Qu'en outre, aucun état d'enclave ne peut être invoqué en raison de l'accès donné par ce même chemin à la voie publique ;
Considérant que pour qualifier la nature juridique du chemin, il convient de se référer non pas à la propriété du sol mais à l'usage qui était le sien jusqu'à la vente aux époux [L] ;
Qu'en effet, si Monsieur [F] revendique des droits indivis de propriété sur le chemin litigieux alors que les époux [L] ne contestent pas ne pas être titulaires d'un droit de propriété sur ce même chemin, le droit d'usage d'un chemin d'exploitation n'est pas lié à la propriété du sol et l'existence d'un titre de propriété au profit d'un propriétaire riverain ne fait pas obstacle à la qualification de chemin d'exploitation ;
Considérant que l'article L 162-1 du Code rural dispose que les chemins d'exploitation sont ceux qui servent à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation ; qu'ils sont, en l'absence de titres, présumés appartenir aux propriétaires riverains ;
Considérant que les différentes attestations communiquées aux débats par les consorts [L] concordent pour reconnaître que pour se rendre au village de [Localité 29], le seul accès depuis la voie publique était la route ou le chemin qui desservait le village ainsi que la fontaine et le lavoir qui sont eux mêmes situés au Nord du chemin ;
Que cette utilisation selon les personnes ayant attesté se faisait ainsi depuis des décennies et permettait d'assurer la communication entre les fonds riverains ;
Considérant que les consorts [T] ont ensuite vendu d'autres parcelles limitrophes du chemin litigieux ; qu'ainsi, par acte du 8 juillet 1972, ils ont vendu aux époux [E], aux droits desquels viennent les époux [R] et Monsieur [F], des parcelles également riveraines du chemin figurant au plan de Monsieur [M] ; qu'ils ont alors cédé la moitié indivise du sol située au nord Est de la parcelle vendue ;
Considérant que les époux [E] ont eux-mêmes procédé au démembrement de leur propriété en cédant une partie par acte du 28 juillet 1973 aux époux [R] ; qu'à l'occasion d'un acte rectificatif du 14 novembre 1973 passé avec les époux [R], a été intégrée dans l'acte de vente du 28 juillet 1973, la cession de la moitié indivise d'une portion de route située au Nord Est de la parcelle de terre cadastrée sous le n° [Cadastre 5] de la section BR appartenant aux époux [E], cette portion étant elle-même cadastrée sous le n° [Cadastre 4] de la même section (aujourd'hui n° [Cadastre 9]) ;
Que les époux [E] ont ensuite par acte du 14 août 1976 cédé la parcelle aujourd'hui cadastrée section BR n° [Cadastre 7] aux époux [A] qui ont eux mêmes par acte du 15 février 2005 vendu à Monsieur [F] cet immeuble situé au Nord de la propriété [R] ;
Que l'acte en date du 15 février 2005 transfère la moitié indivise de la propriété du chemin d'accès cadastré section BR n° [Cadastre 9] à Monsieur [F]; qu'il est rappelé dans cet acte qu'il existe une servitude de passage au profit des époux [J], ce droit ayant été concédé par les époux [E] les 27 et 28 juillet 1973 lorsque [Z] [J] a lui-même cédé des parcelles aux époux [E] ;
Considérant cependant que cet acte par lequel [Z] [J] s'est vu consentir un droit de passage sur le chemin litigieux est inopposable aux époux [L] ;
Considérant que dès lors, les époux [L] qui n'ont jamais donné leur consentement à y renoncer ont le droit de continuer de se servir du chemin d'exploitation menant de la voie publique à leur propriété ;
Sur le droit d'usage du chemin
Considérant que l'usage du chemin d'exploitation est commun à tous les riverains ; qu'il ne peut faire l'objet de restrictions pouvant être préjudiciable à certains d'entre eux tels que les stationnements sur son assiette ou la pose d'un portail obligeant les usagers à descendre à chaque passage de voiture et à ouvrir et manoeuvrer le portail ; qu'en outre, comme l'ont déjà relevé le juge des référés et les premiers juges, la fermeture du portail posé par Monsieur [F] et les époux [R] interdirait l'accès aux services d'urgence et ne permettrait pas un libre accès à leurs visiteurs et à ceux de leurs locataires
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le droit d'utiliser le chemin exclut celui de stationner sur son assiette et qu'il a condamné les époux [R] et Monsieur [F] à procéder à l'enlèvement de la barrière installée à l'entrée du chemin d'exploitation ;
Considérant que par ces motifs et ceux pertinents des premiers juges que la cour adopte, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le chemin cadastré section BR n° [Cadastre 9] à [Localité 25] est un chemin d'exploitation ;
Sur les frais d'entretien du chemin
Considérant que les époux [L] ne contestant pas les dispositions du jugement les ayant condamnés à supporter à concurrence d'un tiers les frais d'entretien du passage, celles ci seront confirmées ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant que par son appel Monsieur [F] a contraint les époux [L] à exposer de nouveaux frais irrépétibles ; qu'il leur sera alloué une somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que Monsieur [F] sera également condamné aux dépens d'appel;
PAR CES MOTIFS
Ecarte des débats les pièces communiquées le 6 novembre 2012 sous les numéros 74 à 83 ;
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Quimper en date du 6 septembre 2011 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [N] [F] à payer à Monsieur et Madame [L] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER.-.P/ LE PRESIDENT EMPECHE.-.