6ème Chambre B
ARRÊT No 103
R. G : 11/ 01590
M. Robert X...
Mme Mathilde X...
C/
M. Cyrille X...
Mme Magali X...
MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Confirme la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 FEVRIER 2013
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine LEMAIRE, Conseiller faisant fonction de Président,
Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
magistrats délégués à la protection des majeurs,
GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Madame Huguette NEVEU, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur Olivier BONHOMME, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 19 Novembre 2012
devant Monsieur Pierre FONTAINE, magistrat délégué à la protection des majeurs, tenant seul l'audience, sans opposition des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 05 Février 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
ENTRE
APPELANTS :
Monsieur Robert Georges René X...
...
75116 PARIS
comparant, assisté de Me WEISS-GOUT, avocat
Madame Mathilde Yvonne Marie X... née Y...
...
75116 PARIS
comparante, assistée de Me WEISS-GOUT, avocat
ET :
Madame Magali Anne Sophie X... née Z...agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'épouse et tutrice de Monsieur Cyrille Christian Philippe X...
...
44000 NANTES
comparante assistée de Me LEMAITRE, avocat
Majeur protégé :
Monsieur Cyrille X...
...
...
44100 NANTES
EXPOSE DU LITIGE ET OBJET DU RECOURS :
Monsieur Cyrille X... né le 22 février 1965 a été placé sous le régime de la tutelle par une décision du 23 juin 2003 ayant désigné son épouse, Madame Magali X... en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire.
Par décision du 26 janvier 2010, le Juge des Tutelles de SAINT-GERMAIN-EN-LAYE a maintenu la tutelle de Monsieur X... en fixant sa durée à 20 ans, ainsi que le droit de vote de l'intéressé, a maintenu l'épouse dans ses fonctions de tuteur et a désigné Monsieur Robert X..., père du majeur protégé, en qualité de tuteur adjoint pour gérer des comptes et des valeurs.
Une ordonnance du même magistrat du 23 juin 2010 a fixé provisoirement le lieu de vie de Monsieur Cyrille X... à la clinique du Pont De Sèvres (92100).
Par ordonnance du 5 novembre 2010 il s'est dessaisi pour incompétence territoriale au profit du Juge des tutelles de NANTES, lequel, par décision du 8 février 2011 a autorisé Madame Magali X... en sa qualité de tutrice à installer son mari dans un lieu de vie proche géographiquement du domicile qu'elle occupe avec ses enfants.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 17 février 2011 Monsieur Robert X... et Madame Mathilde Y..., son épouse, père et mère de la personne protégée, ont interjeté appel de ce jugement.
Ils en ont sollicité l'infirmation mais seulement en ce que leur demande de constitution d'un conseil, de famille a été rejetée.
Ils ont donc demandé :
- que la tutelle soit organisée avec un conseil, de famille comprenant outre Monsieur Robert X..., Monsieur Emmanuel X... et Monsieur Guillaume Y..., respectivement frère et cousin de la personne sous protection,
- que le conseil de famille se réunisse au moins une fois par an,
- que Madame Magali X... continue d'exercer les fonctions de tuteur,
- que Monsieur Robert X... reste tuteur adjoint en charge de la gestion des biens propres de Monsieur Cyrille X....
Madame Magali X... intervenue en son nom personnel et en qualité de tutrice de son mari a sollicité la confirmation de l'ordonnance du 8 février 2011 en ce qu'il est dit n'y avoir lieu à la mise en place d'un conseil, de famille, ainsi que la condamnation des appelants au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Ministère Public s'en est rapporté à la sagesse de la Cour.
Suivant un arrêt du 6 décembre 2011 auquel il est référé pour un plus ample exposé de la procédure, la Cour a, avant dire droit, donné commission rogatoire à Monsieur le président du Tribunal de Grande Instance de NANTES aux fins de procéder à l'audition de Monsieur Cyrille X..., avec faculté de déléguer à cet effet un magistrat de la juridiction, sauf le juge des tutelles ayant rendu la décision déférée.
Une décision rectificative du 24 avril 2012 a dit qu'en page 2 de l'arrêt, il convient de lire :... " Ils (les appelants) ont donc demandé que la tutelle soit organisée avec un conseil de famille comprenant outre Monsieur Robert X..., Monsieur Emmanuel X... et Madame Béatrice Y..., cousine du majeur protégé (au lieu de Monsieur Guillaume Y...).
L'audition de Monsieur Cyrille X... a été réalisée suivant procès-verbal du 26 janvier 2012 transmis aux parties.
L'affaire est revenue à l'audience du 19 novembre 2012 à laquelle les parties se référant à leurs conclusions respectives ont demandé :
- Monsieur Robert X... et Mathilde Y...son épouse : que par voie d'infirmation un conseil de famille comprenant le père, le frère (Monsieur Emmanuel X...) et la cousine (Madame Béatrice Y...) du majeur protégé soit organisé dans l'intérêt de ce dernier et conformément à son souhait, en disant qu'il se réunira au moins une fois par an, sauf à désigner subsidiairement un subrogé tuteur en la personne de Monsieur Emmanuel X..., Madame Magali X... étant maintenue dans ses fonctions de tuteur et Monsieur Robert X... dans celles de tuteur adjoint au plan patrimonial.
- Madame Magali X... : que les demandes de ses beaux-parents qui tendent à une ingérence injustifiée dans la gestion familiale sans participer d'une réelle intention d'apaisement doivent être rejetées.
Celle-ci a sollicité en outre la condamnation de Monsieur et Madame X... à lui payer une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Ministère Public a requis la confirmation des mesures déférées.
Sur ce :
Selon l'article 456 alinéa 1 du Code Civil, le juge peut organiser la tutelle avec un conseil de famille si les nécessités de la protection de la personne ou la consistance de son patrimoine le justifient et si la composition de sa famille et de son entourage le permet.
Rappelant les conditions quelque peu houleuses dans lesquelles s'est produit le transfert de leur fils au début de l'année 2011 de la clinique du Pont De Sèvres dans un centre de soins à NANTES, Monsieur et Madame X... estiment que la constitution d'un conseil de famille permettrait qu'un événement de ce genre ne se reproduise pas.
Outre le fait que ce transfert a été autorisé par le juge des tutelles de NANTES sur la demande de Madame Magali X... dont ses beaux-parents ont été informés (cf. l'ordonnance du 8 février 2011) il répond au besoin légitime du majeur protégé d'être rapproché de son épouse et de ses enfants lui ayant toujours manifesté leur intérêt.
Monsieur Cyrille X... s'en est d'ailleurs réjoui (cf. l'avis des médecins de la clinique du Pont de Sèvres en date du 26 janvier 2011).
La crainte de ses parents que sa femme ne prenne dans l'avenir une décision qui ne conviendrait pas à leur fils apparaît d'autant plus irrationnelle qu'ils ne remettent pas en cause les fonctions de tutrice de leur belle-fille.
Le climat de méfiance qui caractérise les relations entre cette dernière et ses beaux-parents ne permet pas d'envisager un conseil de famille capable de prendre des décisions dans des conditions de sérénité et d'entente compatibles avec l'intérêt de Monsieur Cyrille X..., malgré la démarche de médiation qui a été tentée sans aboutir à un accord sur les points restant en litige.
Au cours de son audition, le majeur protégé, répondant à des questions par une technique gestuelle appropriée à son état, a acquiescé au projet de conseil de famille conçu par ses parents et a fait savoir qu'il désirait retourner dans la région parisienne, que son épouse n'était pas informée de son souhait et qu'il voulait habiter avec celle-ci et ses enfants.
Ses sentiments doivent être pris en compte mais avec circonspection dans la mesure où sa dépendance affective ne peut que le faire aspirer à une réconciliation familiale dans une idéalisation que la réalité contredit sans qu'il en ait vraiment conscience, eu égard à ses troubles cognitifs notés par un neurologue dans un certificat du 22 juin 2010 corroborant un bilan neurophysiologique du 22 juillet 2009.
Par suite, l'instauration d'une tutelle avec un conseil de famille n'apporterait pas une amélioration au système actuel dans l'intérêt de la personne protégée dont l'important patrimoine propre est d'ailleurs géré par Monsieur Robert X... en qualité de tuteur adjoint.
Il n'y a donc pas lieu de la prévoir.
L'épouse s'est toujours occupée avec abnégation de son mari et il n'est pas établi que dans un but égoïste elle aurait négligé ou pourrait négliger les besoins personnels ou matériels de celui-ci, au plan de sa santé et au plan de ses conditions de vie, y compris au regard des liens affectifs l'unissant à sa famille par le sang.
Cette preuve ne résulte pas des démarches médicales qu'elle a entreprises durant la présente instance en vue de faire déterminer la portée réelle des réponses de son mari aux questions posées lors de son audition.
Concernant l'hypothèse émise par les parents d'un nouveau déplacement de leur fils, la règle posée par l'article 459-2 du Code Civil est que la personne protégée choisit le lieu de sa résidence, et a le droit d'entretenir des relations avec tout tiers, parent ou non et qu'en cas de difficulté le juge statue si un conseil n'a pas été constitué.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'apparaît pas nécessaire de désigner comme subrogé tuteur à la personne Monsieur Emmanuel X..., frère du majeur protégé.
En conséquence, les demandes de Monsieur et Madame X... tendant à la modification partielle des organes tutélaires seront rejetées et l'ordonnance déférée sera confirmée, y compris en ses points non remis en cause.
La procédure introduite par les appelants ne revêt pas un caractère abusif, de sorte que la demande de dommages et intérêts présentée par Madame Magali X... sera écartée.
Etant donné la nature de l'affaire, chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel, sans application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de l'intimée.
DECISION :
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience non publique, après rapport,
Vu les arrêts du 6 décembre 2011 et du 24 avril 2012,
Rejette les demandes de Monsieur Robert X... et de son épouse ;
Confirme l'ordonnance du 8 février 2011 ;
Dit que Madame Magali X... continuera d'exercer la fonction de tuteur à l'égard de son mari, Monsieur Cyrille X... ;
Dit que Monsieur Robert X... continuera d'exercer ses fonctions de tuteur adjoint en charge de la gestion des biens propres de son fils Cyrille ;
Déboute Madame Magali X... de ses demandes de dommages et intérêts et fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,