COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 15 JANVIER 2013
6ème Chambre B
ARRÊT No 27
R. G : 11/ 03079
M. Chérine X...
C/
Mme Maryse Y... divorcée X...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Christine LEMAIRE, Conseiller faisant fonction de Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Françoise ROQUES, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Catherine DEAN, lors des débats, et Mme Huguette NEVEU lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 29 Octobre 2012 devant Mme Françoise ROQUES, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 15 Janvier 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
APPELANT :
Monsieur Chérine X... né le 26 Février 1960 à LE CAIRE (EGYPTE)... 06000 NICE
Rep/ assistant : la SCP BROUILLET/ GLON/ BROUILLET/ COUSIN/ BRETON, Plaidant/ (avocats au barreau de RENNES) Rep/ assistant : la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
INTIMÉE :
Madame Maryse Y... divorcée X... née le 21 Janvier 1965 à RENNES (35000) ... 35590 L'HERMITAGE
Rep/ assistant : la SELARL AVOCAT LUC BOURGES Postulant (avocats au barreau de RENNES) Rep/ assistant : Me PERSON, Plaidant (avocat au barreau de RENNES)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 004684 du 02/ 03/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
Monsieur Chérine X... et Madame Maryse Y... se sont mariés le 10 juillet 2002 au Caire, sans contrat de mariage.
De leur union est née Jasmine le 2 septembre 2003 à Sharjah (émirats Arabes unis).
Sur saisine de Madame Y..., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes par ordonnance de non-conciliation du 23. septembre 2005 a notamment :- fixé la résidence habituelle de l'enfant chez la mère,- accordé au père un droit d'accueil de trois jours par mois puis à compter de janvier 2006 une semaine par mois y compris pendant les vacances scolaires,- dit que le père ne pourra quitter le territoire français métropolitain avec l'enfant sans produire l'accord préalable écrit de la mère.
Sur saisine de Monsieur X..., le juge de la mise en état, selon ordonnance du 29 septembre 2006, a notamment :- modifié le droit d'accueil du père afin qu'il s'exerce jusqu'à l'entrée en CP de Jasmine : une semaine par mois hors des vacances scolaires et à compter de la rentrée de Jasmine en CP : l'intégralité des vacances de la Toussaint et la moitié des autres vacances scolaires en alternance, les trajets étant à sa charge,- prévu l'interdiction de sortie de territoire métropolitain de l'un ou l'autre parent avec l'enfant sans l'accord écrit de l'autre.
Sur saisine de Monsieur, le juge de la mise en état, par ordonnance en date du 11 septembre 2007 a notamment :- débouté Monsieur X... de sa demande de partage des frais de transport pour l'exercice de son droit d'accueil,- maintenu la scolarisation de l'enfant à l'Hermitage et refusé l'autorisation demandée par la mère de scolariser l'enfant à Rennes,- maintenu l'interdiction de sortie du territoire métropolitain de l'enfant sans l'accord des deux parents pour un an.
Sur saisine de Monsieur, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes, par jugement en date du 07 août 2008, a notamment :- prononcé le divorce des époux,- fixé la résidence de l'enfant chez sa mère,- ordonné une enquête sociale aux fins de faire des propositions utiles sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant,- et complété et maintenu l'interdiction de sortie du territoire métropolitain de l'enfant sans l'accord des deux parents (par jugement en omission de statuer du 24 novembre 2008).
Sur saisine de Monsieur X... qui voulait être autorisé à sortir du territoire français avec sa fille pour se rendre en Italie du 3 au 15 juillet 2009 et pour se rendre en Allemagne du 01 au 15 août 2009, le juge aux affaires familiales statuant par ordonnance de référé le 2 juillet 2009 a rejeté la demande de Monsieur en l'absence d'un débat au fond nécessaire.
Sur saisine de Monsieur X... et après dépôt du rapport d'enquête sociale, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes par jugement en date du 19 janvier 2010, a notamment :- rappelé que l'autorité parentale sur Jasmine est exercée conjointement par les deux parents étant précisé que le père et la mère doivent prendre d'un commun accord toutes les décisions importantes concernant la vie de l'enfant et notamment la scolarité, les sorties du territoire national...- fixé le droit de visite et d'hébergement du père selon les modalités suivantes : une fin de semaine sur deux de la sortie d'école au lundi matin, la totalité des vacances de la Toussaint et la moitié des autres vacances en alternance ainsi que les trois premières semaines des vacances d'été et après quatre semaines avec la mère, la fin du mois d'août jusqu'à la veille de la rentrée scolaire avec le père,- débouté Madame de sa demande de maintien de l'interdiction de sortie du territoire sans l'accord écrit des deux parents avec inscription au FPR.
Sur saisine de Monsieur qui voulait se voir autoriser expressément à séjourner à l'étranger avec sa fille pendant les vacances, qui voulait voir Madame prendre à sa charge l'intégralité des frais de trajet pour l'exercice du droit d'accueil du père et qui voulait voir préciser une extension de son droit d'accueil, le juge aux affaires familiales, selon décision du 03 mars 2011 a notamment :- rappelé que l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents,- rappelé que la résidence de l'enfant est fixée chez sa mère,- rappelé que le maintien de l'interdiction de sortie du territoire sans l'accord écrit des deux parents avec inscription a été levé par les dispositions du jugement du 19 janvier 2010,- rappelé que les parties ne peuvent sortir du territoire avec l'enfant sans l'accord préalable de l'autre parent,- accordé à Monsieur des droits de visite et d'hébergement ainsi précisé : oen période scolaire chaque fin de semaine paire de chaque mois du vendredi soir sortie de l'école (samedi matin midi en cas d'école) au lundi soir retour à l'école (par référence aux semaines portant des numéros paires sur le calendrier) ohors période scolaire : la totalité des vacances de la Toussaint et pendant la moitié des autres petites vacances scolaires, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires (en prenant en considération la zone scolaire du lieu de résidence de l'enfant), ainsi que les trois premières semaines de vacances d'été et, après quatre semaines avec la mère, la fin du mois d'août jusqu'à l'avant-veille de la rentrée scolaire.- dit que lorsqu'il n'existe que quelques (quatre au maximum) jours d'école entre la fin d'un droit d'accueil du père et la fin de semaine pendant laquelle il exerce son droit d'accueil, son droit de visite et d'hébergement s'élargit aux jours d'école entre les deux droits d'accueil lui revenant,- dit que les droits de visite et d'hébergement sont étendus aux jours fériés qui précèdent ou qui suivent les périodes ainsi définies,- dit que le parent titulaire de ce droit d'accueil à la charge matérielle et financière d'aller chercher, de ramener au faire ramener l'enfant au domicile de l'autre parent,- rappelé que la contribution de Monsieur pour l'entretien et l'éducation de l'enfant est fixée à 200 € par mois avec indexation,- laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Monsieur X... a relevé appel de cette décision selon déclaration enregistrée le 6 mai 2011.
Dans ses dernières écritures en date du 28 juin 2011, Monsieur X... demande à la cour :- de statuer sur le conflit d'autorité parentale opposant père et mère,- de constater que Madame Y... fait entrave à sa liberté fondamentale constitutionnelle, européenne d'aller et de venir avec sa fille,- de l'autoriser à sortir du territoire français avec sa fille sans l'accord préalable de Madame,- d'interdire en conséquence Madame de solliciter une mesure d'opposition à la sortie du territoire auprès des autorités préfectorales,- de condamner Madame à prendre en charge les trajets pour l'exercice droit d'accueil du père à l'occasion des vacances scolaires,- de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement prononcé le 3 mars 2011 en ce qui concerne droit de visite et d'hébergement de Monsieur en périodes scolaires qui se terminent le lundi matin retour d'école et non le lundi soir comme indiqué par erreur dans la décision,- de condamner Madame à payer à Monsieur une indemnité de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- de condamner Madame aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures en date du 26 avril 2012, Madame Y... demande à la cour :- de rectifier l'erreur matérielle affectant le jugement du 3 mars 2011 en remplaçant la mention " au lundi soir retour à l'école " par au " lundi matin retour à l'école ",- de confirmer pour le surplus le jugement entrepris,- de débouter Monsieur de toutes ses demandes et notamment celle au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- de condamner Monsieur aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions sur l'aide juridictionnelle.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures susvisées.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2012.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la sortie du territoire national :
Par application des articles 372 et 373-2 du Code civil les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. Les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent, selon l'article 373-2-13 du Code civil, être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent. La demande de modification doit être appréciée par le juge, conformément aux dispositions générales de l'article 373-2-6 au regard de l'intérêt de l'enfant mineur.
L'exposé de l'historique des procédures judiciaires ayant conduit à 5 décisions pour organiser les relations entre Jasmine et ses parents révèle que ces derniers s'opposent régulièrement dans un conflit qui leur fait perdre de vue l'intérêt de leur enfant.
Le premier juge dans une décision du 7 août 2008 avait déjà relevé que Jasmine se retrouvait au c œ ur du conflit parental, chaque imprévu dans l'exercice du droit de visite et d'hébergement de Monsieur ou nouvelle demande de l'un ou de l'autre des parents occasionnant des incidents procédure et révélant l'absence de souplesse de chaque parent alors même que l'éloignement géographique des domiciles parentaux et le jeune âge de l'enfant nécessitait dialogue parental régulier et souplesse dans l'intérêt de l'enfant.
La sortie du territoire national d'un enfant, dans le cadre d'une autorité parentale conjointe, implique l'accord des deux parents, ce qu'a justement rappelé le premier juge dans sa décision critiquée du 03 mars 2011.
En l'espèce Monsieur X... dénonce l'attitude de la mère de l'enfant qui a systématiquement refusé des sorties de territoire de Jasmine alors qu'elle savait que Monsieur avait des amis très proches à Florence en Italie, amis qu'il considère comme une deuxième famille. Il fait valoir que son frère, également médecin, réside à Londres avec des enfants de l'âge de leur fille ou que sa mère agée de 82 ans, désormais veuve et qui réside en Allemagne, ne peut plus se déplacer.
Cette obstruction démontrée par les pièces du dossier et injustifiée de Madame Y... à la sortie du territoire national de sa fille pendant les vacances avec son père est d'autant moins compréhensible que le couple qu'ils ont formé a vécu à l'étranger et que leur projet d'installation de leur foyer était ouvert à une certaine époque sur le monde entier.
Monsieur X... verse aux débats une télécopie du 07 septembre 2004 signée par Madame X...- Y... et adressée à une relation où elle écrit notamment : " nous envisageons avec mon mari et mes deux enfants une installation définitive sur la Côte d'Azur pour 2005 ou 2006. Avant de prendre cette décision, nous allons visiter la Polynésie française ainsi que la Nouvelle-Calédonie, car j'avoue rester très attirée par une installation sur les îles ensoleillées. L'ouverture d'un nouvel institut de beauté dans les îles reste toujours possible pour moi mais une installation professionnelle pour mon mari, dermatologue, semble plus difficile là bas. "
Dans ce contexte, la cour ne peut qu'inciter les parents à entreprendre un processus de médiation familiale pour que dans l'intérêt de leur enfant, chacune des décisions prises ne soit pas l'objet d'une controverse d'intérêts fondée sur une rancune personnelle entre adultes mais sur une co-parentalité active.
S'agissant de la sortie du territoire national de l'enfant Jasmine âgée de 9 ans, il convient de dire que Monsieur X... n'aura pas besoin de l'accord de la mère de l'enfant pour accompagner sa fille en Italie, en Allemagne ou au Royaume Uni durant le temps d'accueil où elle réside chez lui. La décision du premier juge sur ce point sera complétée.
Sur les frais de trajet :
Le premier juge a indiqué que Madame Y... ne percevait aucun revenu de son activité en tant que gérante d'un salon d'esthétique depuis cinq ans et n'avait comme seule ressource que le RSA de sorte qu'elle ne pouvait manifestement faire face aux frais de trajet du père.
Il convient de relever que l'intimée n'a pas actualisé sa situation financière (pièces comptables de 2010) et personnelle (sauf qu'elle verse 2 attestations de son compagnon rappelant sa fonction de directeur d'école).
Elle se contente d'énoncer que l'activité de Monsieur X..., médecin dermatologue, est très rémunératrice alors que l'appelant fait valoir que le train de vie mené par Madame Y... (voyage en Egypte avec son fils né d'une précédente union, fins de semaines à Dinard, vacances d'été dans le Var...) est en contradiction avec la situation qu'elle expose.
De son côté Monsieur X... exerce avec régularité son droit de visite et d'hébergement en dépit de la distance géographique qui sépare les domiciles parentaux et des difficultés d'organisation liées en partie aux conditions imposées par la mère de l'enfant (nouvel incident à l'occasion du pont de l'Ascension 2012).
La cour considère opportun, dans un souci d'une nouvelle dynamique entre les parents et de manière à ce que l'intimée prenne conscience qu'elle ne peut pas poser uniquement des exigences concernant les trajets de sa fille alors qu'elle n'a jamais assumé un seul des trajets Nice/ Rennes, qu'elle prenne à sa charge un trajet aller/ retour par an.
La décision du premier juge sera donc partiellement infirmée sur ce point.
Sur les autres demandes :
Les parties conviennent que le jugement en date du 03 mars 2011 est entaché d'une erreur matérielle sur le retour de l'enfant qu'il appartient à la cour de rectifier en application de l'effet dévolutif de l'appel. La mention " au lundi soir retour à l'école " sera remplacée par la mention " au lundi matin retour à l'école ".
Sur les frais et dépens
Eu égard à la nature de l'affaire, chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel. Monsieur X... sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport fait à l'audience,
- infirme le jugement du 03 mars 2011 rendu par le juge aux affaires familiales de Rennes
statuant à nouveau,
– autorise Monsieur X... à faire sortir l'enfant Jasmine X... hors du territoire national pour l'Allemagne, l'Italie ou la Grande-Bretagne, sans l'accord préalable de sa mère, durant le temps d'accueil où l'enfant réside chez lui,
- dit que Madame Y... assumera la charge matérielle et financière d'un trajet aller/ retour par an consistant à aller chercher, ramener ou faire ramener l'enfant au domicile de son père,
- ordonne la rectification matérielle suivante en ce que la mention " au lundi soir retour à l'école " sera remplacée par la mention " au lundi matin retour à l'école ",
- déboute les parties de leurs autres demandes,
– confirme pour le surplus le jugement en date du 3 mars 2011 rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Rennes,
– dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.