1ère Chambre
ARRÊT N°369
R.G : 10/04455
M. [E] [Z]
Mme [A] [X] [F] épouse [Z]
C/
M. [G] [D]
Mme [J] [U] épouse [D]
Mme [S] [M] épouse [W]
Mme [P] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 NOVEMBRE 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Catherine DENOUAL, Conseiller, entendue en son rapport
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 Mai 2012
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 13 Novembre 2012, après prolongation de la date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTS :
Monsieur [E] [Z]
né le [Date naissance 1] 1938 à [Localité 16]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Rep/assistant : la SCP GAUTIER LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : Me Carole ROBARD-HERVOUET, Plaidant (avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE)
Madame [A] [X] [F] épouse [Z]
née le [Date naissance 5] 1940 à [Localité 25]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Rep/assistant : la SCP GAUTIER LHERMITTE, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : Me Carole ROBARD-HERVOUET, Plaidant (avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE)
INTIMÉS :
Monsieur [G] [D]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Rep/assistant : la SCP BREBION CHAUDET, avocats au barreau de RENNES
Madame [J] [U] épouse [D]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Rep/assistant : la SCP BREBION CHAUDET, avocats au barreau de RENNES
Madame [S] [M] épouse [W]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 24]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Rep/assistant : la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : la SCP CHAPUT - PIBOT-DANGLEANT - MEYER - LE TERTRE - DUB REIL - MORAN, Plaidant (avocats au barreau de NANTES)
Madame [P] [M]
[Adresse 9]
[Localité 10]
Rep/assistant : la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, Postulant (avocats au barreau de RENNES)
Rep/assistant : la SCP CHAPUT - PIBOT-DANGLEANT - MEYER - LE TERTRE - DUB REIL - MORAN, Plaidant (avocats au barreau de NANTES)
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE:
Suivant acte reçu par Me [Y] [H], notaire à [Localité 15], du 27 mars 2003, les époux [Z] ont acquis un ensemble immobilier composé de vieux bâtiment en pierres, le tout en très mauvais état, au [Adresse 18], cadastré section AR [Cadastre 23] et [Cadastre 19].
Ils exposent qu'au Nord des bâtiments ainsi acquis se trouve une cour appartenant indivisément aux propriétaires des maisons riveraines édifiées sur les parcelles cadastrées AR [Cadastre 21] et AR [Cadastre 20].
La parcelle AR [Cadastre 21] appartient à Monsieur et Madame [D].
La parcelle AR [Cadastre 20] appartient à Mesdames [M] et [W].
Par acte du 22 octobre 2007, les époux [Z] ont sollicité en référé la désignation d'un expert en exposant qu'à l'occasion de travaux de rénovation de l'immeuble qu'ils venaient d'acquérir, ils avaient constaté la présence d'humidité, dans des proportions importantes, à l'intérieur de leur maison rénovée et constaté particulièrement :
' qu'une partie de l'évacuation des eaux pluviales des maisons [D] et [W]-[M] était canalisée jusqu'à un regard enfoui sous un bac à sable, le long de leur maison et qu'elle s'engouffrait dans les fondations de celle-ci à travers une grille,
-qu'un appentis avait été construit en appui sur le mur de leur maison, dans la cour et que cet appentis accueillait une cuve à fioul appuyée sur le mur de la maison.
Suivant ordonnance du 20 novembre 2007, M.[K] a été désigné en qualité d'expert et a déposé son rapport.
Par acte du 21 juillet 2008, les époux [Z] ont assigné Monsieur et Madame [D] ainsi que Mesdames [W] et [M] sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
Vu l'appel interjeté par les époux [Z] le 11 juin 2010 du jugement rendu le 8 avril 2010 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire les ayant déboutés de l'intégralité de leurs demandes et condamnés à verser la somme de 700 € respectivement à Mesdames [M] et [W] et à Monsieur et Madame [D], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance du 18 octobre 2010 rendue par le conseiller de la mise en état lequel a ordonné une nouvelle expertise à la requête des époux [Z] avec mission confiée à l'expert de déterminer la pente naturelle du terrain ;
Vu les conclusions déposées le 20 janvier 2012 par Mesdames [W] et [M] sollicitant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il avait été jugé que par application des dispositions de l'article 640 du Code civil et sans qu'il soit besoin d'actes notariés, le fonds des époux [Z] est assujetti au fond de Monsieur et Madame [D] et de Mesdames [W] et [M] et soutenant, s'agissant du trouble anormal de voisinage allégué, que les époux [Z] ne démontreraient ni la réalité ni le caractère excessif des troubles allégués ni la preuve de leur imputabilité en rappelant que l'expert [B] n'avait pas eu pour mission de constater l'existence d'humidité à l'intérieur de la maison, les seules conclusions d'expertise étant celles de M.[K] désigné en première instance;
Vu les conclusions déposées par Monsieur et Madame [D] le 21 février 2012 soutenant qu'à bon droit selon eux, le premier juge avait considéré que le fonds des époux [Z] était un fonds inférieur assujetti à leur fonds et à celui de Mesdames [W] et [M] et qu'il devait à ce titre recevoir les eaux en découlant naturellement, par référence à l'acte de vente de Mme [M] mentionnant qu'il y aurait toujours eu un droit d'écoulement d'eau en faveur des propriétaires de la cour et faisant valoir, qu'en toute hypothèse, il s'agirait d'une servitude apparente et continue s'exerçant depuis plus de 30 ans et acquise ainsi par prescription et affirmant sur la base des deux rapports d'expertise, en ce qui concerne les troubles anormaux du voisinage, que si les époux [Z] avaient constaté une humidité excessive dans la maison, celle-ci ne pouvait avoir pour origine l'évacuation des eaux pluviales provenant de leurs parcelles mais serait due à des travaux de réhabilitation réalisés de manière insatisfaisante par les époux [Z];
Vu les conclusions déposées par les époux [Z] le 7 juillet 2011sollicitant de la Cour, au visa des articles 640,641 et subsidiairement 1382 et suivants du même code, la réformation du jugement entrepris et la condamnation in solidum de Monsieur et Madame [D], de Mesdames [W] et [M]:
à faire réaliser sous astreinte les travaux suivants :
-l'obturation du regard litigieux,
-la déviation des eaux de pluie vers le réseau communal en bordure de voie publique en passant par le réseau mis en oeuvre fin 2010 par Monsieur et Madame [D] sur leurs parcelles cadastrées section AR [Cadastre 22] conformément aux préconisations de l'expert [B],
à leur verser la somme de 12 896,99 euros en réparation de leurs différents postes de préjudice (préjudice matériel, préjudice de jouissance et préjudices moraux) et celle de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 4 mai 2012 ;
MOTIFS DU JUGEMENT :
Sur la servitude écoulement des eaux :
Considérant que les époux [D] s'opposent aux demandes d'obturation du regard litigieux et de déviation des eaux vers le réseau communal en bordure de voie publique au motif que par application des dispositions de l'article 640 du Code civil, le fonds des époux [Z] est assujetti à leur fonds et qu'il doit recevoir les eaux qui en découlent naturellement ;
Considérant en effet qu'il ressort des conclusions du rapport d'expertise amiable et du rapport d'expertise judiciaire, que la cour litigieuse forme « un entonnoir » situé en hauteur par rapport à toutes les parcelles contiguës, « qu'eu égard aux pentes existantes, tout démontrait que l'évacuation des eaux se faisait en direction de la façade des époux [Z] », l'expert [B] constatant bien, par ailleurs, l'existence d'un fonds dominant et d'un fonds servant parmi lesquels figure le fonds des époux [Z] lorsqu'il indique :
« le fonds supérieur est constitué par la cour dans son entier qui recueille les eaux de pluie du versant Sud de la maison [M], du versant Est de la maison [D] et du toit du bâtiment neuf [D] », « En fait de fonds inférieur, nous laissons à la Cour le soin de considérer si le regard B correspond à la matérialisation du courant d'eau et si ce courant s'impose à la propriété [Z] », « à défaut, le fonds inférieur peut être considéré aussi bien par la propriété [D] en Ouest, par la propriété [Z] en Sud enfin par le domaine communal en Est » ;
Considérant que l'expert judiciaire a également relevé que le regard en cause avait au moins une cinquantaine d'années et qu'il existait une forte probabilité pour que ce regard corresponde au courant d'eau mentionné dans les titres [M] ;qu'il n'est pas démontré que les époux [D] aient réalisé des travaux et détourné les eaux pluviales comme l'affirment sans le démontrer les époux [Z] ; que les termes de l'acte de vente de Mme [M] et l'ensemble de ces conclusions confirment la présence d'un droit d'écoulement d'eau plus que trentenaire, en faveur des propriétaires de la cour à travers la propriété des époux [Z];
Considérant que dans ces conditions, le fonds des époux [Z] a l'obligation de recevoir les eaux découlant naturellement des fonds appartenant à Mesdames [W] et [M] et aux époux [D] en sorte que ne sont pas fondées leurs demandes tendant à obtenir l'obturation du regard et la déviation des eaux vers le réseau communal ;
Sur le trouble anormal de voisinage :
Considérant que par application des dispositions des articles 1382 et 544 du Code civil, si la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, ce droit trouve cependant des limites qui peuvent être fixées par les lois ou par les règlements, ou qui proviennent du droit du propriétaire voisin de ne pas être dérangé par l'usage que l'on fait de la chose, nul ne pouvant causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; que les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un tel trouble tant au regard de son importance que de la situation des lieux sans que la réparation du dommage soit subordonnée à la démonstration de l'existence d'une quelconque faute ;
Considérant que force est de constater que la preuve des désordres allégués n'est pas rapportée puisque les opérations d'expertise menées par l'expert judiciaire [B] ne portaient pas sur la vérification de la matérialité des désordres allégués mais sur la détermination de la pente naturelle des lieux et l'appréciation du point de savoir si les canalisations mises en place ou tout autre ouvrage avaient aggravé la servitude naturelle d'écoulement des eaux de pluie ; qu'il s'en suit qu'aucune constatation n'a été effectuée à l'intérieur de la maison d'habitation des époux [Z] ; que pour sa part, l'expert [K] a bien précisé qu'il n'existait ni infiltrations d'eau avérées( page 9 du rapport ) ni traces d'infiltrations, se bornant à seulement relever l'existence de traces de moisissures sur des papiers et des cartons et sur quelques aquarelles peintes par Mme [Z], étant précisé que d'après ses conclusions non sérieusement contestées, la cause des moisissures résiderait dans l'absence de ventilation de la pièce et la réalisation de travaux de rénovation non conformes aux règles de l'art ;
Considérant que la demande des époux [Z] n'est pas fondée, faute par eux de rapporter la preuve de la réalité des désordres et de leur imputabilité ; qu'ils en seront déboutés ;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant que succombant en leurs prétentions, les époux [Z] seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens de la procédure de référé ; qu'ils seront condamnés à verser aux époux [D] la somme de 1500 € et à Mesdames [W] et [M], qui ont déposé des écritures communes, la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DECISION:
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 8 avril 2010 par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire ;
Y ajoutant,
Condamne les époux [Z] à verser par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
- aux époux [D] la somme de 1500 €,
- à Mesdames [W] et [M] la somme de 1500 €;
Condamne les époux [Z] aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais des expertises [K] et [B] et le coût de la procédure de référé, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.