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22/06/2012 | FRANCE | N°11/02722

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre del'expropriation, 22 juin 2012, 11/02722


Chambre del'Expropriation





ARRÊT N°23



R.G : 11/02722













M. [Y] [U]

Mme [F] [Z] épouse [U]



C/



Société TERRITOIRES SA

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEU

PLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 JUIN 2012







Arrêt prononcé le 22 juin 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats



par Madame JEORGER-LE GAC, Président nommé pour trois ans par Ordonnance de Monsieur Le Premier Président





En présence de Madame FOU...

Chambre del'Expropriation

ARRÊT N°23

R.G : 11/02722

M. [Y] [U]

Mme [F] [Z] épouse [U]

C/

Société TERRITOIRES SA

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 22 JUIN 2012

Arrêt prononcé le 22 juin 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

par Madame JEORGER-LE GAC, Président nommé pour trois ans par Ordonnance de Monsieur Le Premier Président

En présence de Madame FOUVILLE, faisant fonction de Greffier

La cause ayant été débattue à l'audience publique du 27 Avril 2012

En présence de :

- Monsieur le Commissaire du Gouvernement d' Ille et Vilaine

- Madame FOUVILLE, faisant fonction de Greffier

DEVANT :

- Madame JEORGER-LE GAC, Président

- Madame [V], Juge de l'Expropriation du Département de Loire-Atlantique

- Madame [N], Juge de l'Expropriation du Département des Côtes d'Armor

ces deux derniers désignés conformément aux dispositions des articles R 13-1 et suivants du Code de l'Expropriation.

QUI EN ONT DÉLIBÉRÉ

****

LA COUR statuant dans la cause entre :

Monsieur [Y] [D] [O] [U]

[Adresse 2]

[Localité 14]

Rep/assistant : Me Vincent LAHALLE (avocat au barreau de RENNES)

Madame [F] [E] [S] [A] [Z] épouse [U]

[Adresse 2]

[Localité 14]

Rep/assistant : Me Vincent LAHALLE (avocat au barreau de RENNES)

APPELANTS d'un jugement rendu le 04 MARS 2011 par le Juge de l'Expropriation du Département d' Ille et Vilaine

ET :

Société TERRITOIRES SA

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 14]

Rep/assistant : Me Jean-Paul MARTIN (avocat au barreau de RENNES)

INTIMEE

**********************

Dans le cadre de l'aménagement de la ZAC dite « [Adresse 17] » située à [Localité 13], la SA TERRITOIRE poursuit par voie d'expropriation l'acquisition des parcelles cadastrées ZI [Cadastre 7] (29.853 m²), ZI [Cadastre 9] (369 m²), ZE [Cadastre 10] (214 m²) et ZI [Cadastre 8] (68.690 m²) appartenant à Monsieur [Y] [U] et à son épouse née [F] [Z].

Par jugement du 04 Mars 2011, le juge de l'expropriation d'Ille et Vilaine a:

dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

renvoyé les époux [U] à se pourvoir,

fixé comme suit les indemnités leur revenant:

indemnité principale: 393.765,38 euros,

indemnité de remploi: 40,376,53 euros,

condamné la société TERRITOIRES à payer aux époux [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

laissé les dépens à la charge de la société TERRITOIRES.

**********

Par déclaration au greffe du 22 Avril 2011, Monsieur et Madame [U] ont fait appel de ce jugement.

Ils ont déposé leur mémoire d'appel le 20 Juin 2011, qui a été notifié par le greffe à l'intimé et au Commissaire du Gouvernement le 24 Juin suivant.

L'intimé a déposé son mémoire en réponse valant appel incident le 19 Juillet 2011.

Le Commissaire du Gouvernement a conclu le 08 Juillet 2011.

Les parties ont été convoquée à l'audience du 27 Avril 2012.

L'appel est recevable et la procédure est régulière.

**********

Monsieur et Madame [U], aux termes de leur mémoire, ont sollicité que la Cour:

infirme le jugement déféré,

dise que la Société TERRITOIRES n'a plus qualité pour agir et la déboute de ses demandes,

fixe les indemnités leur revenant à la somme totale de 894.697 euros,

subsidiairement les fixe à 488.546,39 euros outre 80.000 euros de perte de valeur vénale,

condamne la société TERRITOIRES à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement pour ceux dont il a été fait l'avance.

La société TERRITOIRES, aux termes de son mémoire, a demandé que la Cour:

déboute les époux [U] de leurs prétentions,

fasse droit à son appel incident,

fixe comme suit les indemnités leur revenant:

indemnité principale: 372.375,06 euros,

indemnité de remploi: 38.237,51 euros

les condamne à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

les condamne aux dépens d'appel.

Le Commissaire du Gouvernement a conclu à la confirmation du jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION:

SUR LA FIN DE NON RECEVOIR ET LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER:

Les époux [U] opposent à la demande de la société TERRITOIRES que celle-ci serait dépourvue du droit d'agir, l'arrêté de cessibilité du 03 Novembre 2010 ne visant pas les parcelles leur appartenant.

Toutefois, pour autant que cette information soit exacte (aucune des parties n'ayant jugé utile de verser à la procédure l'arrêté litigieux!), la Cour relève que cette situation serait sans incidence sur la recevabilité de l'action de la société TERRITOIRES, puisque l'article L13-4 du Code de l'Expropriation permet à l'expropriant de saisir le juge de sa demande de fixation de l'indemnité d'expropriation dès l'ouverture de l'enquête publique.

En l'espèce, l'enquête publique s'est déroulée du 22 Juin au 24 Juillet 2009 et le 03 Novembre 2009, la commune d'[Localité 13] a concédé l'aménagement de la [Adresse 17] à la société TERRITOIRES.

Monsieur et Madame [U] soutiennent toutefois que la concession d'aménagement que lui a accordée le 23 Novembre 2009 la Commune d'[Localité 13] serait irrégulière.

L'appréciation de la légalité de cette concession relevant de la compétence de la juridiction administrative, ils en déduisent la nécessité pour cette Cour de lui poser une question préjudicielle, et, en l'attente de sa réponse, de surseoir à statuer.

Les dispositions de l'article L13-8 du Code de l'Expropriation s'opposent toutefois à une telle demande, prévoyant en matière d'expropriation une procédure dérogeant au droit commun, en vertu de laquelle le juge de l'expropriation, en cas de contestation sérieuse sur le fond du droit ou la qualité des réclamants, fixe l'indemnité indépendamment de celle-ci et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit.

Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir, dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer et renvoyé les parties à se pourvoir.

DESCRIPTION DU BIEN:

La parcelle ZI [Cadastre 10], d'une surface de 369 m², forme un arc de cercle à l'intersection du CR144 et de la VC 6.

Elle est contigue à la parcelle ZI [Cadastre 7], qui, avec la parcelle ZI [Cadastre 8], forme un tènement de nature agricole d'une surface de 30.067 m² entourant la propriété bâtie des expropriés.

La parcelle ZI [Cadastre 9], d'une surface de 68.690 m², est située au milieu de la future ZAC et est nature de champs cultivée; elle est plate, de forme trapézoïdale, et desservie par un chemin d'exploitation; elle est louée à un exploitant agricole.

DATE DE REFERENCE-QUALIFICATION DU BIEN:

Les parties s'accordent sur les dates de référence devant être retenues.

Les parcelles ZI [Cadastre 8] et [Cadastre 9] et la majeure partie (29.471 m²) de la parcelle ZI [Cadastre 7] sont incluses dans le périmètre d'exercice du droit de préemption urbain et par conséquent, la date de référence est celle à laquelle est devenue opposable la dernière modification du PLU d'[Localité 13] soit le 11 Octobre 2009.

A cette date de référence, ces parcelles et parties de parcelles étaient situées en zone 1AUD2o, soit une zone ouverte à l'urbanisation, sous réserve qu'elle s'effectue en une seule opération d'ensemble portant au minimum sur 90% de l'emprise de l'ensemble des secteurs; en l'attente d'une telle opération seuls sont admis les extensions et aménagements de constructions existantes.

Pour la parcelle ZE [Cadastre 10] et la partie de parcelle (382 m²) ZI [Cadastre 7] non incluses dans le périmètre d'exercice du droit de préemption urbain, la date de référence est le 22 Juin 2008, soit un an avant l'ouverture de l'enquête d'utilité publique.

A cette date, ces parcelles étaient classées en zone NP pour la partie de parcelle ZI [Cadastre 7] et Nda pour la parcelle ZE [Cadastre 10]. Les zones NP et Nda correspondent à des espaces naturels au sein desquels les constructions sont interdites sauf dérogations limitativement énumérées.

Les époux [U] ne revendiquent pas la qualification de terrain à bâtir pour les parcelles, en l'absence de proximité immédiate des réseaux.

Les parties s'accordent sur le fait que toutes les parcelles sont en situation très privilégiées, à 500 mètres du centre bourg d'[Localité 13].

EVALUATION:

Les parcelles situées en zone N:

Les parties sollicitent la confirmation de l'évaluation faite par le premier juge de la parcelle ZE [Cadastre 10], à hauteur de 0,60 euros du m².

Il convient d'y rajouter les 382 m² de la parcelle ZI [Cadastre 7] situé en zone NP, aucun argument n'étant avancé pour lui fixer un prix différent malgré la similitude de zonage.

Les parcelles situées en zone 1AUD2o:

Les époux [U] forment une demande principale et une demande subsidiaire.

Si la valeur du premier tènement (ZI [Cadastre 7] et [Cadastre 8]) est fixée à 15 euros du mètre carré, ils acceptent que la valeur du second (ZI [Cadastre 9]) soit fixée à 4,20 euros, correspondant à celle retenue par le premier juge et à l'offre de la société TERRITOIRES;

Si tel n'est pas le cas, ils demandent que la valeur des trois parcelles soit alors fixée à 5 euros du mètre carré.

Les expropriés proposent quatre ventes comme référence.

Une vente passée le 14 Juin 2004 entre les consorts [B] et BRETAGNE LOTISSEMENTS PAYSAGERS n'apparaît pas refléter l'état du marché: l'acte vise en effet expressément en sa page 4 l'urgence ( une des parcelles doit servir à l'édification d'un collège) et la nécessité d'éviter les aléas d'une procédure d'expropriation; le prix élevé dont ont bénéficié les consorts [B] reflète alors une situation ponctuelle qui n'était pas amenée à se répéter.

Une vente [I]-[C] de Décembre 2005: parcelle de 10.330 m² située en zone 2 AUD: ces parcelles avaient une situation géographique comparable aux parcelles litigieuses, quoique un peu plus éloignées du centre bourg; l'examen de l'acte de vente démontre toutefois que cette parcelle, située en zone 2 AUD, a été vendue comme terrain à bâtir, c'est à dire qu'à la date de la vente elle était immédiatement constructible.

La vente du 07 Octobre 1965 (parcelle [Cadastre 1]) est elle aussi relative à un terrain à bâtir.

Leur référence D concerne un terrain situé sur une autre commune, donc sur un marché distinct.

Il en résulte que l'ensemble des références produites par les époux [U] ne peuvent être considérées comme pertinentes.

L'expropriant fait état de nombreuses références (parcelles ZA [Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6]) qui ont pour défaut de concerner des emplacements moins privilégiés et d'une nature différente des parcelles expropriées: en effet, si la proximité d'une voie rapide constitue un élément déterminant de la valeur d'une zone à usage commercial et industriel, cette circonstance ne peut se comparer à la situation des parcelles litigieuses, contiguës de la partie déjà urbanisée d'une petite ville proche de [Localité 14].

Il fait aussi état d'un certain nombre de ventes réalisées en 2007 au profit du syndicat de communes [Localité 13]/[Localité 15], au prix de 4 euros le mètre carré, pour des terrains situés en zone 2AUI et 2AUD: ces références sont acceptables dans la mesure elles interviennent dans le cadre d'une zone d'activité mixte habitat et commerces se situant en continuité de bourg; leur situation n'est toutefois pas aussi privilégiée que celle des consorts [U], à proximité immédiate du centre du bourg et déjà bordées de nombreux équipements publics.

Peut aussi être retenue une vente [P]/TERRITOIRES, en date du mois d'Avril 2008, pour une parcelle de 8.930 m², classée en zone 2AUD2o pour 6 euros le m² pour une partie formant jardin et 4,20 euros pour le solde.

Il est enfin proposé par le Commissaire du Gouvernement de retenir une vente [I]/[K] de 2007, située dans le même secteur, en zone 2AUD d'une surface de 9.560 m² un prix de 4,50 euros le mètre carré.

Les parcelles ZI [Cadastre 9], ZI [Cadastre 7] et ZI [Cadastre 8] sont très proches entre elles et situées à la même distance du centre bourg, la parcelle ZI [Cadastre 9] n'en étant séparée que par la propriété du château de la Retenue.

Il n'apparaît donc pas justifié de leur fixer un prix différent.

Ensuite, la Cour doit tenir compte de la date à laquelle elle se place pour fixer les évaluations, soit celle du jugement de première instance donc à environ 5 années des ventes reconnues comme formant des références pertinentes, dans un contexte de hausse des prix.

L'ensemble de ces motifs justifie que les surfaces se trouvant en zone 1AUD2o voient leur prix fixé à 5 euros du mètre carré.

Sur l'indemnité pour perte de valeur:

Les parcelles ZI [Cadastre 7] et [Cadastre 8] entourent la propriété bâtie des époux [U] qui soutiennent que celle-ci perd de la valeur en raison de l'expropriation, au motif que limite de la zone expropriée s'arrête à 5 mètres de ses murs, et lui fait perdre son jardin d'agrément.

A l'examen du rapport d'expertise rédigé par Monsieur [T], expert des époux [U], il apparaît qu'il n'est même pas certain que l'emprise se fasse sur la partie jardin de la propriété, l'expert utilisant le terme 'il semble'.

Ensuite, le préjudice invoqué apparaît parfaitement hypothétique, pour le cas où les époux [U] décideraient de diviser les dépendances de leur habitation en appartement, ce qui, selon l'expert, nécessiterait de très lourds travaux.

Surtout, le transport sur les lieux a révélé que la propriété ne perdra pas ses accès actuels, qu'elle n'est pas aspectée sur la partie expropriée et qu'elle conserve une bande de terrain tout autour des bâtiments.

Le préjudice allégué n'est donc pas établi et la demande est rejetée.

Les indemnités revenant aux époux [U] sont par conséquent les suivantes:

Indemnité principale:

parcelle Zi [Cadastre 7]:

* 29.471 m² x 5 = 147.355 euros

*382 m²x 0,60 = 229,20 euros

parcelle ZI [Cadastre 9]:

68.690 m² x 5 = 343.450 euros

à déduire: abattement de 10% pour occupation: 49.103 euros

parcelle ZE [Cadastre 10]:

369 m²x 0,60 = 221, 40 euros

parcelle ZI [Cadastre 8]:

214 m²x 5 = 1.070 euros

sous-total: 443.222,60 euros

Indemnité de remploi:

20 % sur 5.000 = 1.000 euros

15% sur 10.000 = 1.500 euros

10% sur 428.222,60 = 48.822,26 euros

sous-total: 45322,26 euros.

Il revient donc aux époux [U] une indemnité de 488.544,86 euros et le jugement déféré est infirmé de ce chef.

DEPENS ET FRAIS IRREPETIBLES:

Chacune des parties succombant partiellement, elles garderont à leur charge leurs propres dépens et frais irrépétibles d'appel.

DECISION:

PAR CES MOTIFS:

La COUR, après rapport à l'audience,

Infirme le jugement déféré quant au montant de l'indemnité d'expropriation allouée aux époux [U].

Fixe l'indemnité d'expropriation due par la société TERRITOIRES à Monsieur et Madame [Y] [U] à la somme de 488.544,86 euros et condamne en tant que de besoin la société TERRITOIRES au paiement de cette somme.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Déboute chaque partie du surplus de ses demandes.

Dit que chacune des parties gardera à sa charge ses dépens et frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre del'expropriation
Numéro d'arrêt : 11/02722
Date de la décision : 22/06/2012

Références :

Cour d'appel de Rennes EX, arrêt n°11/02722 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-22;11.02722 ?
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