1ère Chambre
ARRÊT N°205
R.G : 11/03036
Mme [T] [R]
C/
Mme [G] [D] épouse [F]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 MAI 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller, entendue en son rapport
Madame Catherine DENOUAL, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 Février 2012
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 29 Mai 2012, après prolongation de la date indiquée à l'issue des débats.
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APPELANT :
Madame [T] [R]
[Adresse 4]
[Localité 10]
Rep/assistant : SELARL AB LITIS-SOCIETE D'AVOCATS, avocat postulant
Rep/assistant : SELARL EFFICIA, avocat plaidant
INTIMÉE :
Madame [G] [D] épouse [F]
née le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 9]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Rep/assistant : SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, avocat postulant
Rep/assistant : Me Véronique BAOUSSON, avocat plaidant
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Les époux [X]-[D] s'étaient mariés le [Date mariage 1] 1970 sous le régime légal de la communauté réduite aux acquêts. Par jugement du 23 juin 2004, le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP a prononcé leur divorce, a ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux et a désigné Me [R], notaire à [Localité 10], pour y procéder.
De l'actif de communauté dépendait une maison d'habitation située à [Localité 10] outre divers comptes bancaires. Selon acte de partage du 3 octobre 2006, les droits des parties étaient fixés à la somme de 47 054,10 euros et était notamment attribué à M. [X] la maison de [Localité 10] à charge pour lui d'acquitter le passif et de verser à son épouse une soulte de 47 054,09€. Aux termes de cet acte, il était dit que la soulte ne serait pas payée dès lors que M. [X] avait assumé seul le remboursement de la totalité des échéances du prêt souscrit auprès du crédit immobilier des Côtes-d'Armor pour la construction de la maison.
Ce dernier est décédé le [Date décès 3] 2007 laissant pour lui succéder ses deux enfants ainsi que sa soeur, Mme [U], légataire de la quotité disponible en vertu d'un testament sous seing privé.
Le 1er décembre suivant, Mme [D] écrivait à Me [R] qu'elle souhaitait revenir sur le partage et percevoir sa part, dès lors qu'elle pensait que celle-ci reviendrait à ses enfants ce qui n'était plus le cas compte tenu du testament rédigé par son ex-mari.
Par acte du 4 août 2009, Mme [D] a fait assigner Me [R] devant le Tribunal de Grande Instance de GUINGAMP, au visa de l'article 1382 du Code civil, à l'effet d'obtenir sa condamnation à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 45 445,87 euros correspondant au montant de ses droits dans le cadre du partage avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2006.
Vu l'appel interjeté le 3 mai 2011 par Me [R] du jugement rendu le 5 avril 2011 par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-BRIEUC l'ayant condamnée à verser à Mme [D] la somme de 45 445,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 octobre 2006 outre celle de 2000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code civil ainsi qu'aux dépens ;
Vu les conclusions déposées par Me [R] le 25 octobre 2011 auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de ses moyens, Me [R] sollicitant la réformation du jugement déféré et la condamnation de Mme [D] à lui verser la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts pour atteinte à son honneur et à sa considération, ainsi que celle de 2000 €par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées par Mme [D] le 4 novembre 2011 auxquelles la Cour se réfère pour l'exposé de ses moyens qui demande la confirmation de la décision entreprise outre l'allocation de la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts eu égard aux nouveaux tracas générés par la demande de dommages et intérêts effectués par Me [R] ainsi que celle de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 17 janvier 2012 ;
SUR CE :
Sur la responsabilité de Me [R] :
Considérant que le notaire, tenu d'un devoir de diligence et de conseil, doit vérifier les faits et conditions nécessaires à l'utilité et à l'efficacité de l'acte qu'il authentifie ou auquel il participe et qu'il est tenu d'éclairer les parties sur la portée et les conséquences de l'acte qu'il reçoit; que sa responsabilité s'apprécie au moment de son intervention ; qu'en outre, il appartient au notaire de rapporter la preuve qu'il a satisfait à ses obligations et à son devoir de conseil et d'information ;
Considérant que Mme [D] sollicite la confirmation du jugement déféré aux motifs que Me [R] aurait manqué à son obligation de conseil pour avoir omis de l'éclairer sur la portée de l'acte alors que son accord n'avait pour objet que l'attribution de l'immeuble mais non l'abandon de ses droits dans la communauté, Mme [D] affirmant par ailleurs qu'il n'y avait aucune raison pour qu'elle abandonne sa part sur le bien commun, ni en droit ni en fait, et sans quelque contrepartie que ce soit;
Considérant que Me [R] conclut à la réformation du jugement en admettant le caractère contestable de la motivation juridique figurant dans l'acte de partage mais en affirmant que sa responsabilité ne saurait être recherchée dès lors que le partage correspondait bien aux intentions des époux, Mme [D] ayant été parfaitement d'accord pour abandonner sa part dans la communauté puisque son époux n'aurait accepté le divorce qu'à cette condition et que son intention au moment du partage de la maison était que sa part revienne à ses enfants ;
Considérant qu'il ressort amplement des pièces produites, notamment du courrier adressé par le conseil de M. [X] à ce dernier le 30 octobre 2004 que les époux étaient parfaitement d'accord pour que Mme [D] abandonne ses droits dans l'immeuble sans aucune contrepartie ; que cet accord est confirmé par le fait que dans sa lettre adressée à Me [R] le 1er décembre 2007,en aucune façon Mme [D] ne se plaint de s'être méprise sur la portée de ses droits ; que par ailleurs, l'existence de cet accord ressort sans ambiguïté de la lettre du 6 août 2008 adressé par le conseil de Mme [D] au notaire libellé en ces termes : « Mme [D] m'a indiqué qu'au moment du partage, elle pensait que sa part reviendrait aux enfants » ; que ces propos démontrent que Mme [D] avait bien exprimé au notaire son accord pour abandonner ses droits dans la communauté à son mari sans toutefois lui en indiquer les raisons ; qu'à cet égard, il lui appartenait d'indiquer au notaire qu'elle n'acceptait d'abandonner, au profit de son époux, ses droits dans la communauté qu'à la condition d'avoir la certitude qu'ils soient transmis aux enfants dans l'hypothèse où son ex-mari décéderait le premier ;
Considérant que dans ces conditions, Me [R] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ; que le jugement sera infirmé;
Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que Me [R] fait grief à Mme [D] d'avoir lancé à son encontre une accusation, aux termes de ses écritures signifiées en cause d'appel, de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, en sa qualité d'officier public ministériel ; que le paragraphe en cause est libellé comme suit : 'La seule raison serait-elle que Maître [R] est notaire de la famille de l'ex-époux de la concluante et a pris parti pour cette dernière au détriment de la concluante dans l'intérêt bien compris de la soeur de Monsieur [X]';
Considérant qu'aux termes d'une jurisprudence constante adoptée en application des dispositions de l'article 41aliné 3 de la loi du 29 juillet 1881sur la liberté de la presse, les écrits produits devant les tribunaux ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation, cette règle ne recevant exception que dans le cas, non vérifié en l'espèce, où les faits diffamatoires sont étrangers à la cause ; que Me [R] sera déboutée de ce chef de demande;
Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [D] :
Considérant que l'action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol; que l'allégation de simples tracas générés par la demande de dommages et intérêts formée par Me [R] ne suffit pas pour fonder la demande de dommages et intérêts ; que Mme [D] sera également déboutée de sa demande;
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant que succombant pour l'essentiel en ses prétentions, Mme [D] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au versement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉCISION:
La Cour,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 5 avril 2011 par le Tribunal de Grande Instance de SAINT-BRIEUC ;
Déboute Mme [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions;
Déboute Me [R] de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamne Mme [D] à verser à Me [R] la somme de 2000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [D] aux dépens de première instance et d'appel lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.