1ère Chambre
ARRÊT N°197
R.G : 10/02143
Mme [H] [K] épouse [I]
C/
Mme [B] [K]
Mme [A] [K] épouse [G]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 29 MAI 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Catherine DENOUAL, Conseiller, entendue en son rapport
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Avril 2012
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 29 Mai 2012, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTE :
Madame [H] [K] épouse [I]
née le [Date naissance 5] 1957 à [Localité 11] ([Localité 11])
[Adresse 8]
[Localité 7]
Rep/assistant : SCP GAUTIER LHERMITTE, avocat postulant
Rep/assistant : Me BERTHAULT, avocat plaidant
INTIMÉES :
Madame [B] [K]
née le [Date naissance 6] 1956 à [Localité 11] ([Localité 11])
[Adresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : SCP GUILLOU RENAUDIN, avocat postulant
Rep/assistant : Me Patrick LARVOR, avocat plaidant
Madame [A] [K] épouse [G]
née le [Date naissance 1] 1953
[Adresse 9]
[Localité 7]
Rep/assistant : SCP GUILLOU RENAUDIN, avocat postulant
Rep/assistant : Me Patrick LARVOR, avocat plaidant
FAITS ET PROCÉDURE
[P] [K], décédé le [Date décès 4] 2006 et son épouse, [O] [Y], décédée à [Localité 11] le [Date décès 3] 1997, ont laissé pour leur succéder leurs trois filles :
-[A] épouse [G],
-[B] épouse [J],
-[H] épouse [I].
Le 1er février 1994, [P] [K] a souscrit un contrat d'assurance multiplacement auprès de la société CARDIF assurance-vie, contrat sur lequel il a opéré divers versements entre 1994 et 1997.
Le 27 novembre 1997, il a désigné comme bénéficiaires chacune de ses trois filles, à parts égales.
Le 25 mars 2006, il a opéré une modification de la clause bénéficiaire au profit de Mesdames [B] [J] et [A] [G], à l'exclusion de Madame [H] [I].
Après le décès de [P] [K], ses filles ne parvenant pas à s'accorder sur la prise en compte du contrat d'assurance-vie, Madame [H] [I] a assigné Mesdames [B] [J] et [A] [G] devant le tribunal de grande instance de Brest aux fins de les voir condamner à lui verser la somme de 46 033,29 euros et à titre subsidiaire de les voir condamner à rapporter à la succession de leurs parents la somme de 138 099,87 euros, l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage des successions de [P] [K] et de son épouse étant par ailleurs sollicitée.
Par jugement du 13 janvier 2010, le tribunal de grande instance de Brest a :
ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [K] - [Y] et de la succession de chacun d'eux ;
commis pour y procéder Maître [V], notaire à [Localité 16], et Maître [T], notaire à [Localité 15], pour y procéder ;
débouté Madame [H] [K] épouse [I] de ses autres demandes ;
s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d'avance de Mesdames [B] et [A] [K] ;
débouté Mesdames [B] et [A] [K] de leurs demandes de dommages-intérêts ;
condamné Madame [H] [K] à verser à Mesdames [B] et [A] [K] la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Madame [H] [K] épouse [I] a interjeté appel du jugement.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 15 novembre 2010 une expertise a été confiée à Madame [R], cette dernière ayant principalement eu pour mission de dire si la signature figurant sur la lettre du 25 mars 2006 pouvait être attribuée à [P] [K], étant précisé que de l'aveu même de Madame [A] [G], le texte du document du 25 mars 2006 était écrit de sa main ;
Le rapport d'expertise déposé le 6 juillet 2011 conclut formellement au fait que [P] [K] était bien le signataire de la lettre datée du 25 mars 2006 ayant eu pour objet la modification de la clause désignant le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie.
Dans ses conclusions déposées le 2 février 2012, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Madame [H] [I] demande à la cour de :
condamner in solidum Madame [B] [K] et Madame [A] [K] à payer à Madame [I] la somme de 46 033,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 10janvier 2008 ;
A défaut,
les condamner à rapporter à la succession la somme de 138099,87 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2008 ;
En tout état de cause,
débouter Madame [B] [K] et Madame [A] [K] de leurs demandes ;
les condamner in solidum à lui payer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
les condamner in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions non contraires.
Dans leurs conclusions déposées le 21 novembre 2011, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Madame [B] [K] épouse [J] et Madame [A] [K] épouse [G] demandent à la cour de :
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage, débouté Madame [H] [I] de ses autres demandes et l'a condamnée à leur payer la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
réformant pour le surplus,
condamner Madame [H] [K] épouse [I] à leur régler la somme de 1 090,21€ à chacune d'elles à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par application des dispositions de l'article 1382 du code civil ;
condamner Madame [H] [I] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
condamner Madame [H] [K] aux dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les frais d'expertise de Madame [R] d'un montant de 3 362,75 € qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS de la DÉCISION
Sur l'ouverture des opérations de liquidation partage
Considérant que les dispositions du jugement ayant ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté et des successions de [P] [K] et de [O] [Y], désigné pour procéder aux opérations de liquidation Maître [V] et Maître [T] pour y procéder, qui ne sont pas contestées en appel, seront confirmées ;
Sur la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie
Considérant que si le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut de son vivant modifier la clause bénéficiaire de ce contrat, sa volonté exprimée par écrit doit être certaine et non équivoque ;
Considérant que [P] [K] a modifié la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie qu'il avait souscrit en 1994 et dont il avait désigné en 1997 ses trois filles comme bénéficiaires, le 25 mars 2006, deux mois avant son décès ;
Que cet avenant s'est opéré au détriment de l'une de ses trois filles, Madame [H] [K] épouse [I] ;
Qu'il résulte tant de l'expertise diligentée par Madame [R] que des écritures de Mesdames [G] et [J] que la rédactrice de l'avenant est Madame [G] et que le document manuscrit par celle-ci a été signé par [P] [K] alors que ce dernier était hospitalisé à la clinique Pasteur à [Localité 11] en unité de soins palliatifs après une intervention chirurgicale ;
Considérant que le seul fait de faire apposer par le souscripteur sa signature au bas d'un acte pré-rédigé, auquel la rédactrice avait elle-même intérêt puisque sa part de bénéfice dans le contrat d'assurance-vie était augmentée du tiers à la moitié, sans que cette signature soit au moins précédée d'une formule d'approbation telle que 'lu et approuvé' démontrant que le signataire a bien eu connaissance de l'acte et de sa portée, ne saurait caractériser une volonté manifeste et non équivoque du souscripteur d'exclure du bénéfice du contrat l'une de ses trois filles ;
Considérant qu'au surplus la signature de [P] [K] figurant au bas de l'acte révèle, selon l'expertise de Madame [R], des indices de détérioration morphologiques pouvant être mis en relation avec une grande fatigue physique ;
Que si pour autant cela ne signifie par que [P] [K] n'aurait plus été en état de saisir la portée de ses actes, cependant la seule signature qu'il a apposée au bas d'un document dont il est ignoré qu'il ait eu connaissance du contenu et de la portée exacts ne garantit pas compte tenu de son état de fragilisation physique l'expression d'une volonté certaine et non équivoque de modifier au détriment de l'une de ses filles la clause de son contrat d'assurance-vie ;
Considérant que Mesdames [G] et [J] allèguent que leur père n'avait plus de relations affectives avec leur soeur depuis 1999 ; que cependant elles admettent qu'il a tant en 1997 qu'en 2003 remis à chacune de ses trois filles deux sommes de 100 000 francs puis 15 244,90 €, manifestant ainsi à deux reprises un souhait de respecter l'égalité entre elles ;
Considérant en conséquence que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Madame [H] [K] épouse [I] de ses demandes ; que Mesdames [A] [K] épouse [G] et [B] [K] épouse [J] qui ont perçu entre elles le bénéfice du capital de l'assurance-vie, soit la somme de 138 099,89 € seront condamnées in solidum à rembourser à Madame [I] la part qui lui revenait soit la somme de 138 099,89 € divisée par 3 = 46 033,29 € sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande subsidiaire de rapport à la succession des primes d'assurance-vie ;
Considérant que cette somme emportera intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2008, date limite de restitution fixée par les lettres de mise en demeure du 7 janvier 2008 ;
Sur la demande de dommages-intérêts
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mesdames [G] et [J] de leur demande de dommages-intérêts aucune faute n'étant prouvée par elle à l'encontre de Madame [I] qui était elle-même fondée à revendiquer sa part dans le capital d'assurance vie souscrit par son père au bénéfice de ses trois filles ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant que pour ses frais exposés en première instance et en appel Madame [H] [K] épouse [I] est fondée à obtenir une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Infirmant le jugement du tribunal de grande instance de BREST en date du 13 janvier 2010,
Condamne in solidum Mesdames [A] [G] et [B] [J] à payer à Madame [H] [I] la somme de 46 033,29 € avec intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2008 ;
Confirme le jugement pour le surplus sauf en ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mesdames [G] et [J] à payer à madame [I] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER.-.LE PRESIDENT.-.