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03/04/2012 | FRANCE | N°11/01019

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 03 avril 2012, 11/01019


6ème Chambre B

ARRÊT No 703

R. G : 11/ 01019

Mme Catherine Marie Claire X... épouse Y...

C/

M. Philippe Albert René Y...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 AVRIL 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Daniel LE BRAZ, Président,
Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, >Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Mme Huguette NEVEU, lors du prononcé,

DÉBATS :

En chamb...

6ème Chambre B

ARRÊT No 703

R. G : 11/ 01019

Mme Catherine Marie Claire X... épouse Y...

C/

M. Philippe Albert René Y...

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée
le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 03 AVRIL 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Daniel LE BRAZ, Président,
Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller,
Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Mme Huguette NEVEU, lors du prononcé,

DÉBATS :

En chambre du Conseil du 02 Mars 2012
devant Monsieur Daniel LE BRAZ, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 03 Avril 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame Catherine Marie Claire X... épouse Y...
née le 31 Octobre 1954 à STRASBOURG (67100)
...
22100 DINAN

ayant pour avocats postulants la SCP BOURGES
et pour avocat plaidant Me CONTANT

INTIMÉ :

Monsieur Philippe Albert René Y...
né le 11 Février 1957 à DINAN (22100)
...
22100 DINAN
Ayant pour avocat postulant Me Régine de MONCUIT-SAINT HILAIRE, Avocat associé de la SELARL AB LITIS-de MONCUIT-SAINT-HILAIRE-PÉLOIS-VICQUELIN-
et pour avocat plaidant Me Rita DE LA HITTE,

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme Catherine X... et M. Philippe Y... se sont mariés le 7 juin 1980 par-devant l'officier d'état-civil de DINAN, sans contrat de mariage préalable. De leur union est issue un enfant : Caroline Y..., née le 8 novembre 1981, majeure. Le 20 juillet 2007, M. Y... a engagé une procédure de divorce.

Par acte d'huissier du 16 mars 2009, M. Y... a assigné son épouse en divorce, sollicitant qu'il soit prononcé pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l'article 237 du Code civil.

Reconventionnellement, Mme Y...-X... a présenté une demande en divorce pour faute aux torts exclusifs de son mari, outre une demande de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 € et une demande de prestation compensatoire pour un montant en capital de 40 000 €. Elle sollicitait également l'autorisation de pouvoir continuer à utiliser le nom de Y....

Par jugement en date du 25 novembre 2010, le Juge aux Affaires Familiales de DINAN a prononcé le divorce de M. Y... et Mme Y...-X... pour altération définitive du lien conjugal. Il a ordonné la liquidation du régime matrimonial et commis pour y procéder la SCP LE VOYER-VILLIN, notaires à la résidence de DINAN.

Il a condamné M. Y... à payer à Mme Y...-X... une somme de 25 000 € à titre de prestation compensatoire. Il a dit qu'il sera tenu compte dans les opérations de comptes liquidation-partage de la communauté, de la prestation compensatoire revenant à Mme Y...-X..., de l'occupation du domicile conjugal à titre gratuit et ce jusqu'à la liquidation de la communauté, et du remboursement des emprunts relatifs à l'immeuble de communauté par elle seule depuis l'ordonnance de non-conciliation.

Il a débouté Mme Y...-X... de sa demande concernant l'autorisation de conserver le nom de son mari et de sa demande de dommages et intérêts.

Mme Y...-X... a interjeté appel de ce jugement et en sollicite la réformation.

Elle demande le prononcé du divorce aux torts exclusifs de M. Y..., qu'il lui soit accordé la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts (ce, sur le double fondement des articles 266 et 1382 du code civil à hauteur de 5 000 € chaque préjudice), celle de 40 000 € à titre de prestation compensatoire et qu'elle soit autorisée à continuer à porter le nom de Y....

Elle sollicite la confirmation du jugement pour le surplus et demande la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

En ce qui le concerne, M. Y... demande à la Cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de condamner Mme X... en tous les dépens d'appel.

SUR CE, LA COUR :

Les dispositions non critiquées du jugement déféré seront confirmées : elles concernent les dépens de première instance, la liquidation du régime matrimonial, les donations et avantages matrimoniaux.

Sur le prononcé du divorce :

Selon l'article 246 du Code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute. S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Sur la demande principale pour faute de Mme X... :

A l'appui de sa demande en divorce Mme X... invoque la relation adultère de son mari avec Mme G... et l'abandon du domicile conjugal par M. Y....

Si M. Y... ne conteste pas avoir quitté le domicile conjugal et avoir refait sa vie, il est amplement démontré que cette relation extra-conjugale a été à l'origine de son départ. La vie commune et le devoir de fidélité font partie des obligations essentielles du mariage. A la seule lecture du jugement, il est évident que M. Y... a violé ces obligations et que le divorce doit être prononcé à ses torts exclusifs.

Mme X... a versé de nombreuses attestations aux débats pour apporter la preuve des fautes de M. Y.... Ce dernier soutient que son épouse ne lui manifestait plus aucune tendresse ou que les époux auraient fait chambre à part. Or, il ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations : le seul témoignage qu'il verse aux débats est celui de sa concubine, Mme G..., qui indique qu'il participe aux charges de son logement.

Or, si M. Y... soutient que son épouse avait décidé de cesser toute relation conjugale avant son départ, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation. Au contraire, les attestations versées aux débats par Mme X... démontrent que rien ne pouvait laisser penser à l'appelante que son mari allait brusquement la quitter pour refaire sa vie avec une autre : le brusque départ de son mari a d'ailleurs surpris tous les proches du couple. Mme H..., amie des époux Y..., les décrit comme « deux inséparables, un couple que tout le monde pouvait envier ».

La mère de Mme Y...-X... décrit quant à elle un mariage heureux pendant 26 ans, ayant pu constater et admirer l'amour que se portaient son gendre et sa fille. Chaque témoin décrit sa surprise, voire son incompréhension à l'annonce du départ brutal de l'intimé. Mme Suzanne X... et M. Jean-Paul X... rappellent qu'ils ont accueilli le couple Y...-X... pendant une semaine en juillet 2006. Rien dans l'attitude de M. Y... ne laissait présager sa décision.

Mme I..., amie du couple, a pu indiquer qu'elle avait été très surprise par le départ de Philippe Y.... Elle ajoute que son épouse et lui formaient un couple épanoui, gai, plein de sentiments partagés. Elle précise surtout qu'elle a pu discuter à plusieurs reprises avec Philippe Y... et que celui-ci lui a assuré ne rien avoir à reprocher à son épouse. Il demeurait cependant ferme dans sa décision de quitter sa femme et de vivre avec sa maîtresse.

Il a tenu les mêmes propos à l'épouse de son frère, Mme Maryse Y.... Il lui a assuré « n'avoir rien à reprocher à sa femme Cathy, que tout simplement il la quittait parce qu'il avait rencontré une autre personne. »

Tous les témoins insistent par ailleurs sur l'effondrement de Mme Y...-X... au moment du départ de son mari, départ qui était pour elle comme pour les proches du couple tout à fait inattendu.

Mme Sylvie J... (cousine germaine de Mme Y...-X...) écrit : « Je l'ai trouvée anéantie par la brutalité de ce départ que rien n'annonçait. »

Ces témoignages sont nombreux et précis. Ils émanent tant de la famille de Mme Y...-X... que de celle de M. Y..., ainsi que de leurs amis communs auxquels M. Y... a pu se confier. Le premier juge a estimé, à tort, que ces nombreuses attestations étaient insuffisantes ; il est encore plus curieux de la part du tribunal d'avoir jugé que les explications de M. Y..., lesquelles ne sont corroborées par aucune pièce et sont même contredites par les témoignages versés aux débats par l'appelante, avaient quelque valeur. M. Y... doit assumer le choix qu'il a fait : quitter brusquement son épouse pour refaire sa vie avec une autre femme qu'il avait rencontrée.

Les griefs rappelés ci-dessus et d'ailleurs relevés par le Juge aux Affaires Familiales constituent une violation grave et renouvelée des obligations du mariage. Il s'agit au sens de l'article 242 du Code civil de faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage. Ils rendent intolérable le maintien de la vie commune.

En revanche, M. Y... n'a pas démontré la moindre faute imputable à son épouse.

Aussi, c'est en violation de l'article 242 du Code civil que le Juge aux Affaires Familiales de DINAN a refusé de prononcer le divorce des époux Y...-X... aux torts exclusifs de M. Y.... La Cour ne peut que réformer le jugement et prononcer le divorce des époux aux torts exclusifs de M. Y....

Sur les conséquences du divorce :

La demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil :

Aux termes de l'article 266 du dit code, quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation des conséquences d'une particulière gravité que la dissolution fait subir à son conjoint.

L'exceptionnelle gravité visée par l'article 266 du code précité s'entend des conséquences qui excèdent celles habituelles affectant toute personne se trouvant dans la même situation. Dès lors le fait que l'époux ait quitté Mme X... après trente ans de mariage dans des conditions difficiles et pour rejoindre une nouvelle compagne, ne caractérise pas des conséquences d'une particulière gravité justifiant la condamnation de l'époux à des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil.

La demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil :

Les dommages et intérêts prévus par l'article 1382 du même Code réparent le préjudice résultant de toute faute délictuelle ordinaire, distinct de celui résultant de la dissolution du mariage, et dont l'époux peut demander réparation dans les conditions de droit commun. Il demande de justifier d'une faute de l'autre, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre ces deux éléments.

En l'espèce le préjudice moral se trouve constitué :

- par la perte par Mme X... d'une situation sociale confortable ;
- par la solitude morale dans laquelle elle se trouve désormais ;
- par l'attitude blessante de son conjoint à son égard.

Il a en effet été très largement attesté de la parfaite entente du couple Y...-X... : le fait pour M. Y... de quitter son épouse brutalement pour rejoindre sa maîtresse tandis qu'il n'a rien à reprocher à son épouse comme il l'a affirmé auprès de deux personnes qui témoignent (attestations de Mmes Maryse Y... ou I...) ; le fait qu'elle justifie par la production d'un certificat médical de son médecin (pièce 45) d'un syndrome anxio-dépressif ayant nécessité un arrêt de travail et un traitement spécifique au long cours, le tout manifesté par un amaigrissement que tout son entourage a pu constater, justifie pour cet abandon " injuste, brutal et inhumain " des dommages et intérêts à hauteur de 5 000 €, ce, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil. Le jugement entrepris sera donc aussi réformé de ce chef de demande.

La prestation compensatoire :

En application des articles 270 et suivants du code civil, un époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser la disparité créée par la rupture du mariage dans leurs conditions de vie respectives.

Cette prestation doit être fixée en fonction des besoins de celui à qui elle est versée et des ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; le divorce étant irrévocable à compter du 26 juin 2011, c'est à cette date qu'il convient de se placer pour évaluer la situation des parties et son évolution.

Pour en apprécier le montant le juge doit prendre en considération certains critères tels que l'âge et l'état de santé des époux, la durée du mariage, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur qualification et leur situation professionnelle, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite, leur patrimoine estimé et prévisible, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.

Les juges du fond n'ont pas à tenir compte de la part de communauté revenant à chacun des époux pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal. Dans un régime de communauté légale, comme celui des époux Y...-X..., chaque époux reçoit la même part, le partage laisse intacte la différence entre les situations des époux ; il n'en irait différemment que dans l'hypothèse où la liquidation de communauté serait d'une importance telle qu'elle permettrait de gommer les différences de revenus des conjoints. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

C'est à bon droit et par des motifs pertinents que la Cour adopte que M. Y... a été condamné à payer à Mme X... une prestation compensatoire à hauteur de 25 000 €. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef de demande.

Sur l'usage du nom :

Le jugement déféré sera également confirmé quant à l'usage du nom de Y... : Mme X... ne justifie en effet d'aucun intérêt particulier, pour elle-même, de continuer à user du nom de son ex-mari. Il est même d'ailleurs curieux qu'elle puisse envisager de vouloir continuer à porter ce nom.

Sur la date des effets du divorce :

Comme le demande Mme X..., sur le fondement des dispositions de l'article 262-1 du code civil, la date des effets du divorce doit être reportée au jour où M. Y...

a cessé de collaborer, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2007, date à laquelle elle a dû entamer une procédure de contribution aux charges du mariage.

Sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, le tout en cause d'appel :

Si la décision du premier juge doit être confirmée en ce qui concerne les frais irrépétibles, en revanche, en cause d'appel, il serait particulièrement inéquitable de laisser à Mme X... la charge de ses frais non compris dans les dépens. C'est pourquoi, d'une part, M. Y... sera condamné à lui payer la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens car il succombe en cause d'appel.

DECISION :

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant après rapport fait à l'audience ;

- Infirme le jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal de DINAN ;

- Prononce le divorce d'entre les époux Y...-X... sur le fondement des dispositions de l'article 242 du code civil, aux torts et griefs exclusifs de M. Y... ;

- Condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266 du code civil ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qui concerne la somme de 25 000 € allouée à Mme X... au titre de la prestation compensatoire ;

- Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande consistant à continuer de porter le nom de Y... ;

- Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires ;

- Condamne M. Y... à payer à Mme X... la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11/01019
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2012-04-03;11.01019 ?
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