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03/04/2012 | FRANCE | N°11/00982

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 03 avril 2012, 11/00982


6ème Chambre B
ARRÊT No ;
R. G : 11/ 00982
M. Armenak Nelsikovitch X...
C/
Mme Chovkat Nouraddinovna Y...épouse X...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le :

à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 03 AVRIL 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Daniel LE BRAZ, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,

GREFFIER :
Patricia IBARA, lo

rs des débats et Huguette NEVEU lors du prononcé
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 27 Février 2012 devant Monsieur D...

6ème Chambre B
ARRÊT No ;
R. G : 11/ 00982
M. Armenak Nelsikovitch X...
C/
Mme Chovkat Nouraddinovna Y...épouse X...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée le :

à :
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 03 AVRIL 2012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Daniel LE BRAZ, Président, Monsieur Pierre FONTAINE, Conseiller, Mme Christine LEMAIRE, Conseiller,

GREFFIER :
Patricia IBARA, lors des débats et Huguette NEVEU lors du prononcé
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 27 Février 2012 devant Monsieur Daniel LE BRAZ, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :
par défaut, prononcé hors la présence du public le 03 Avril 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur Armenak Nelsikovitch X...né le 3 octobre 1969 à KIROKAVAN ...35131 PONT PEAN

ayant pour avocats postulants la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, avocats, et pour avocat plaidant Me Bertrand MAILLARD,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 002252 du 29/ 07/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
Madame Chovkat Nouraddinovna Y...épouse X...née le 25 juin 1972 à MARLENOUI ... 35310 MORDELLES

régulièrement assignée à étude d'huissiers par actes des 16 août et 1er décembre 2011 ;
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 11 mai 1994, M. X...et Mme Y...se sont mariés par-devant l'Officier d'Etat Civil de Saint-Pétersbourg (Russie), sans qu'aucun contrat n'ait précédé leur union. Un enfant est issu de cette union : Alina, née le 25 mai 2000 à Saint-Pétersbourg (Russie). M. X...a déposé une requête en divorce enregistrée le 13 août 2010.
Suivant ordonnance de non-conciliation en date du 31 janvier 2011, le Juge aux Affaires a :
- Attribué la jouissance du logement familial au mari, étant précisé qu'il s'agit d'une location ;- Constaté que la résidence du mari est ...;- Constaté que la résidence de la femme est ...;- Constaté qu'aucun des époux ne demande de pension alimentaire pour lui-même ;- Attribué la jouissance du véhicule de type RENAULT CLIO au mari ;- Dit que l'autorité parentale sur Alina sera exercée en commun par les père et mère ;- Fixé la résidence habituelle de l'enfant chez la mère ;- Dit que le droit d'accueil du père s'exercerait : • En dehors des périodes de congés scolaires : les fins de semaine paire du vendredi 19 heures au dimanche 19 heures ; • Pendant les périodes de congés scolaires : la moitié de toutes les vacances, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires ;- Dit qu'il appartiendra au père de venir chercher ou faire chercher et de ramener ou faire ramener l'enfant au domicile de la mère ;- Constaté que M. X...est hors d'état de contribuer à l'entretien de l'enfant,- Débouté en conséquence Mme Y...de sa demande de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant ;- Ordonné une enquête sociale aux fins de recueillir tous renseignements utiles sur les conditions morales et matérielles de l'existence de M. X..., de Mme Y...et de leur enfant, comme aux fins de faire toutes propositions utiles sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, de la résidence de l'enfant et du droit d'accueil.

Par déclaration en date du 14 février 2011, M. X...a régulièrement relevé appel de cette ordonnance : il entend solliciter son infirmation en ce qui concerne la résidence de l'enfant.
Aux termes de ses écritures, il sollicite de la Cour de, ce, sous réserve de l'audition d'Alina :
- Infirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a fixé la résidence d'Alina au domicile de la mère ;
- Fixer la résidence d'Alina en alternance entre les deux parents comme suit : • En périodes scolaires : huit jours au domicile du père et huit jours au domicile de la mère, du vendredi soir sortie de l'école au vendredi matin de la semaine suivante pour la rentrée des classes ; • En périodes de vacances scolaires : première moitié les années impaires et seconde moitié les années paires chez le père et inversement chez la mère ;- Dire que pour les transports, le parent qui termine sa période de résidence devra amener Alina chez l'autre parent qui débute sa période de résidence ;- Dire que Mme Y...devra remettre à M. X...le passeport et la carte d'identité nationale d'Alina lorsque l'enfant sera au domicile de son père ;- Dire n'y avoir lieu à versement d'une contribution à l'entretien d'Alina ;- Confirmer l'ordonnance dont appel pour le surplus ; À titre subsidiaire : Ordonner une contre-enquête sociale ; En tout état de cause :- Condamner Mme Y...aux entiers dépens, de première instance et d'appel.

Mme Y...n'a pas constitué avocat, et n'avait pas, ce, avant le 31 décembre 2011, non plus constitué avoué.
SUR CE, LA COUR :
La demande d'audition de la jeune Alina ne respectant pas les conditions imposées par l'article 388-1 du code civil, elle sera rejetée.
Sur les conclusions de l'enquête sociale :
Les rencontres avec Alina : l'enquêtrice dit avoir rencontré Alina, à trois reprises, la première fois chez son père, les deux fois suivantes chez sa mère. Au cours des deux premiers entretiens, Alina s'est montrée très réservée, presque timide, répondant de façon convenue, sans apporter d'éléments personnels. Pourtant lors de la troisième rencontre, Alina finira par se livrer. Ses propos seront accompagnés de larmes, faisant remonter des émotions douloureuses.
Si Alina affirme lors des premières rencontres, qu'elle souhaite une garde alternée, disant entretenir de bonnes relations avec son père et sa mère, elle témoigne toutefois du fait que ses parents sont incapables de se parler correctement et qu'elle n'aime pas entendre son père insulter sa mère, ce qu'il peut faire de temps en temps. Elle se souvient des derniers moments de vie commune de ses parents, de la peur qu'elle éprouvait lorsque son père se mettait en colère contre sa mère. Il lui arrivait alors de boire, jusqu'à être saoul.
Au cours du dernier entretien, après que Mme Y...avait fait part du comportement de M. X...lorsqu'il ramène sa fille, ou lorsqu'il lui téléphone, Alina est interrogée pour savoir comment elle vit ces moments. Alina se mettra alors à pleurer, confirmant que son père menace régulièrement sa mère, lorsqu'il vient la ramener et qu'elle angoisse à l'idée qu'il lui fasse du mal. Elle est persuadée que s'il obtient la garde alternée, il changera de comportement. Alina ne souhaite pas vivre une semaine chez son père et une semaine chez sa mère. Elle l'a affirmé seulement pour protéger sa mère et ainsi donner satisfaction à son père. L'enfant a inversé les rôles, « se sacrifiant » pour éviter tout débordement de la part de son père.
Durant la semaine, elle confirme que son père peut l'appeler plusieurs fois consécutivement, afin d'avoir des renseignements sur sa vie et par conséquent sur celle de sa mère. De la même façon, dans les jours qui ont précédé le dernier entretien avec l'enquêtrice, il lui reprochera de façon insistante, d'avoir évoqué devant Mme Z..., le fait qu'il pouvait s'alcooliser.
Alina raconte que son père est venu la surveiller pendant son activité extra-scolaire de gymnastique, afin de contrôler qu'elle n'avait pas de contact avec des garçons. Elle dit avoir ressenti de la honte devant ses amies. Alina est dans l'incapacité de dire à son père ce qu'elle ressent, car elle sait qu'il ne peut pas l'entendre. Elle se conforme donc en tout point à ce qu'il attend d'elle.
Mme G..., institutrice d'Alina en classe de CM2 a exposé à l'enquêtrice qu'Alina s'est très bien intégrée dans la classe, que c'est une enfant plutôt timide et réservée qui ne parle jamais de sa situation familiale. Elle a des résultats scolaires moyens, d'une part parce qu'elle n'a pas à sa disposition un vocabulaire en français très étendu (ses parents lui parlant dans leur langue maternelle) et d'autre part parce qu'elle manque de confiance en elle et n'ose pas se lancer. Elle semble heureuse à l'école ; elle est très souriante et agréable.
Mme G...a des contacts réguliers avec les deux parents. M. X...peut venir dire bonjour à sa fille, à la sortie de l'école même si ce n'est pas un jour où il doit la garder. M. X...montre volontiers qu'il s'intéresse à sa fille, qu'il s'en occupe et qu'on ne peut rien lui reprocher. Mme Y...est très timide et a toujours peur de ne pas avoir bien compris les consignes de l'école. Elle n'hésite pas à demander des renseignements, par peur de mal faire.
Alina peut tenir tête à sa mère, négocie avec elle et sait obtenir ce qu'elle veut. Elle obéit sans discuter à son père. Les deux parents ont compris qu'ils ne pouvaient pas régler leur conflit personnel à l'école et font de l'école un terrain neutre.
Mme H...a accueilli dans son hôtel M. X...et Mme Y..., lorsqu'ils sont arrivés en France. M. X..., comme beaucoup d'hommes de même nationalité, de part sa culture et son éducation, considérait qu'il était dominant au sein du couple et que sa femme devait obéir. Il ne supportait pas qu'elle s'oppose à lui. Mme H...a pu constater, au moins une fois, que M. X...avait été violent envers son épouse. Il n'en éprouvait d'ailleurs aucun remord, posant comme principe « c'est ma femme, je fais ce que je veux avec ». Au cours de cette période, M. X...pouvait s'alcooliser de façon importante et répétée et fumer du cannabis. Mme H...relate que M. X...est venu, dans le courant du mois de mars 2011, à son domicile, afin d'avoir des explications sur le fait qu'elle ait pu faire une attestation, dans le cadre du divorce. Sans être menaçant, il était très en colère. Ce qui le dérangeait le plus, n'était pas qu'elle ait attesté de sa violence, mais qu'elle évoque sa consommation excessive d'alcool et de ses prises de cannabis.

Mme H...a toujours des contacts avec Mme Y..., elle la décrit comme une mère attentive, aimante et proche d'Alina.
Mme I...a suivi durant plusieurs mois, M. X...et Mme Y..., à la fois pour des cours d'apprentissage du français, mais aussi pour les aider dans les différentes démarches facilitant leur intégration. Elle a pu constater que le couple était en crise, en raison de la vision très rétrograde de M. X...sur les femmes et sur sa femme en particulier. Elle était sa chose et devait obéir. Il ne lui reconnaissait aucune autonomie ni aucun droit. S'il devait s'absenter pendant deux ou trois jours, il ne lui laissait pas d'argent, la privant ainsi de toutes sorties.
Mme I..., l'enquêtrice, a dit avoir assisté à plusieurs scènes difficiles, au cours desquelles M. X...pouvait être très violent verbalement envers sa femme. Dans ces conditions, il n'a pas supporté qu'elle le quitte. Il a pu ensuite la harceler et la menacer. Il pouvait lui téléphoner des dizaines de fois par jour.
Mme I...est persuadée que l'appelant est réellement attaché à sa fille Alina, elle constate aussi qu'il reproduit quelque peu avec elle, le comportement qu'il avait avec sa femme. Il peut aussi surveiller Alina, lui téléphoner plusieurs fois de suite lorsqu'elle est chez sa mère, pour obtenir des renseignements sur sa vie et celle de sa mère. Il se sert d'Alina pour exercer une pression sur Mme Y.... Dans un tel climat, Alina est prise en otage et n'a d'autre choix que de se conformer aux attentes de son père.
Mme I...reconnaît parallèlement que M. X...sait se montrer charmant. Elle l'a aidé au moment où il s'est vu retirer son permis de conduire, pour un problème d'alcool au volant. Derrière l'image d'un homme fort, elle voit un homme fragile, déraciné et écartelé entre deux cultures différentes. Il a traversé des périodes d'addiction à l'alcool, avec des alcoolisations importantes.
Dans ces conditions d'observation, qui sont remises en cause par M. X..., mais sans l'ombre du commencement d'un début de preuve des critiques qu'il formule (il affirme que les parents de son ex-épouse sont vivants mais n'en rapporte en rien la preuve ; il dénonce son ex-épouse qui commettrait le délit de dissimulation d'étrangers en hébergeant sa soeur et sa nièce à son domicile, lesquelles seraient sans papiers autorisant leur séjour en France dans l'attente d'un mariage avec un sujet de nationalité française : affirmation gratuite, non corroborée par l'enquêtrice sociale) ; l'enquêtrice conclut de la manière suivante : " Si nous ne remettons pas en cause l'attachement sincère de M. X...pour sa fille, Alina, il apparaît toutefois que l'affection qu'il lui porte est très lourde à porter et soumise à contrepartie pour l'enfant. De par son éducation et sa culture, M. X...semble avoir une vision très restrictive des droits des femmes et n'envisager leur place que dans un rapport de soumission par rapport à l'homme et au père. II a vécu le départ de Mme Y...comme une trahison et une remise en cause de son statut d'homme. Afin de surmonter ce traumatisme, il n'a eu de cesse de présenter celle-ci, comme une prostituée, ce qui lui évitait toute remise en cause. M. X...admet à demi-mots, avoir été violent envers Mme Y...après la séparation, l'avoir harcelée et insultée. Il la menacera de mort à plusieurs reprises. Il n'hésitera pas d'ailleurs en notre présence à réitérer les injures et ce, devant Alina. Sous couvert d'intérêt pour la vie quotidienne d'Alina, il peut tenter d'exercer un véritable contrôle de l'enfant, lui téléphonant à plusieurs reprises à quelques minutes d'intervalle, pour obtenir les réponses qu'il souhaite. Dans une moindre mesure, il pourrait ainsi vouloir diriger la vie de sa fille, comme il faisait avec Mme Y.... Alina, tout comme sa mère du temps de la vie commune, est persuadée qu'en se conformant aux attentes de son père, elle pourra ainsi l'apaiser et éviter tout débordement. En effet, Alina vit dans la crainte que son père ne mette ses menaces à exécution et ne s'en prenne physiquement à sa mère. En se disant dans un premier temps, favorable à la garde alternée, elle inverse les rôles et désire protéger sa mère. La fixation de la résidence habituelle d'Alina au domicile de sa mère, avec une remise de l'enfant le plus souvent à l'école, devrait lui permettre de retrouver des préoccupations et l'insouciance de son âge. Parallèlement, M. X...devra entendre que les règles fixées sont intangibles et ne peuvent être remises en cause, de par le fait de sa seule volonté. "

En conclusion, Mme Z...formule les propositions suivantes :
- Fixer la résidence d'ALINA, au domicile de sa mère, Mme Y...,- Accorder à M. X...un droit de visite et d'hébergement, les semaines paires, du vendredi sortie de l'école au dimanche soir 19 heures, ainsi qu'un mercredi sur deux, du mardi soir sortie de l'école au mercredi soir 19 heures.

La Cour relève qu'il est curieux qu'un père, tel M. X..., qui fait constater être hors d'état de contribuer à l'entretien de l'enfant, qui obtient en conséquence du premier juge de voir débouter Mme Y...de sa demande de contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant, trouve soudain les ressources suffisantes pour partager les dépenses de vie quotidienne avec son ex-épouse et demande une résidence alternée.
Les conclusions de l'enquête sociale sont sans appel et le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions ; M. X...étant débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Il sera condamné en tous les dépens, en ce compris les frais d'enquête sociale, qui seront recouvrés selon la loi relative à l'aide juridictionnelle.
DECISION :
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant après rapport fait à l'audience ;
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
- Rejette la demande d'audition de la jeune Alina X....
- Condamne M. X...en tous les dépens, en ce compris les frais d'enquête sociale, qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 11/00982
Date de la décision : 03/04/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2012-04-03;11.00982 ?
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