1ère Chambre
ARRÊT N°431
R.G : 10/05367
Mme [G] [S] épouse [C]
M. [Y] [C]
C/
M. [N] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2011
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Xavier BEUZIT, Président,
Madame Anne TEZE, Conseiller,
Madame Odile MALLET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Octobre 2011
devant Monsieur Xavier BEUZIT, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 08 Novembre 2011, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANTS :
Madame [G] [S] épouse [C]
née le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 10]
[Adresse 2]
[Localité 8]
représentée par la SCP GAUVAIN DEMIDOFF, avoués
assistée de Me Florence MAILLE BELLEST, avocat
Monsieur [Y] [C]
né le [Date naissance 6] 1924 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 9]
représenté par la SCP GAUVAIN DEMIDOFF, avoués
assisté de Me Florence MAILLE BELLEST, avocat
INTIMÉ :
Monsieur [N] [E]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par la SCP GUILLOU RENAUDIN, avoués
assisté de la SCP CUIEC, avocats
FAITS ET PROCÉDURE
Les époux [C] sont propriétaires à [Localité 11] d'un terrain bâti, cadastré section A n° [Cadastre 3] séparé du rivage par la parcelle appartenant à [N] [E].
Les époux [C] soutiennent qu'il existe sur le fonds [E] une servitude de passage dite des goémoniers, permettant d'accéder à la plage de Roc'h Quelennec dont le chemin a été bouché au cours de l'été 1989 par la mère de [N] [E].
Par jugement du 26 mai 2010, le tribunal de grande instance de BREST a :
débouté les époux [Y] [C] de toutes leurs demandes ;
débouté [N] [E] de sa demande de dommages-intérêts et d'exécution provisoire ;
condamné les époux [Y] [C] à payer à [N] [E] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné les époux [Y] [C] aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile.
Monsieur et Madame [C] ont interjeté appel du jugement.
Par arrêt avant dire droit du 28 juin 2011, cette cour a invité les parties à conclure sur la recevabilité de l'action au regard des dispositions de l'article 1264 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 20 septembre 2011, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, les époux [C] demandent à la cour de :
dire que les consorts [E] et tout particulièrement [N] [E] ont commis une faute à l'égard de Monsieur et Madame [C] ;
En conséquence,
ordonner à [N] [E] la réouverture du chemin d'accès à la mer faisant partie de la parcelle voisine n° [Cadastre 4] dans le mois suivant le jugement (en réalité l'arrêt) à intervenir, sous astreinte de 200 € par jour de retard ;
condamner Monsieur [N] [E] à payer une somme de 19 000 € à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance ;
condamner Monsieur [E] à verser aux époux [C] la somme de 3 588 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
débouter Monsieur [E] de ses demandes ;
le condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions en date du 8 septembre 2011, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [N] [E] demande à la cour de :
dire irrecevable l'action engagée par les époux [C] à l'encontre de Monsieur [E] ;
dire que la propriété des époux [C] ne bénéficie d'aucune servitude de passage sur sa propriété ;
débouter les époux [C] de leurs demandes et confirmer le jugement ;
condamner solidairement les époux [C] à lui verser la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
confirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à lui verser la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
y ajoutant, les condamner à lui payer la somme de 3500€ pour ses frais irrépétibles en cause d'appel ;
les condamner solidairement aux entiers dépens qui pour ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le fondement de l'action
Considérant que les époux [C] demandent la réouverture du chemin menant à travers l'immeuble [E] à la mer qui est obstrué depuis l'été 1989 par des blocs de rochers ; qu'ils font valoir que la cour est compétente pour faire cesser ce trouble manifestement illicite ;
Considérant que l'action intentée par les époux [C] ne constitue pas une revendication de servitude, les époux [C] admettant eux mêmes ne pas disposer d'un titre ;
Considérant que les servitudes discontinues, apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par titres sauf acquisition par destination du père de famille lorsqu'existent des signes apparents de servitude lors de la division et que l'acte de division ne comprend aucune stipulation contraire ;
Considérant que les époux [C] demandent le rétablissement d'un passage dont ils bénéficiaient pour accéder depuis leur propriété au rivage ; que les titres de Monsieur [E] évoquent un 'passage' mais ne qualifient pas la nature juridique de celui-ci ; que les fonds [C] et [E] ne sont pas issus d'une division d'un même fond ;
Considérant que l'action intentée par les époux [C] est ainsi de nature possessoire, ces derniers demandant à être réintégrés dans le droit qu'ils avaient de passer à pied par la parcelle [E] avant que le passage ne soit obstrué en 1989 ;
Considérant que sous réserve des règles concernant le domaine public, les actions possessoires sont ouvertes dans l'année du trouble à ceux qui, paisiblement, possèdent ou détiennent depuis au moins un an ; que ce dernier délai peut être réduit en cas de voie de fait ;
Considérant que les époux [C] soutiennent être restés ignorants de la naissance de leurs droits tirés de la possession jusqu'à l'arrêt du 28 juin 2011 et estiment ainsi être recevables à agir à compter de cette date, la prescription annale n'ayant pas couru auparavant ;
Considérant cependant qu'il n'est pas contesté que le trouble invoqué par les époux [C] dans leur possession était connu d'eux depuis 1989 puisqu'il s'est manifesté par l'obstruction du passage par Madame [E] à l'aide de blocs de pierres ; que l'action possessoire devait être exercée dans l'année suivant ce trouble de fait qui impliquait une prétention contraire à la jouissance par les époux [C] d'un droit de passage à pied ;
Considérant en conséquence que les époux [C] qui n'ont exercé leur action que le 17 février 2009 soit vingt ans après l'apparition du trouble qu'ils ont eux-mêmes constaté et qu'ils demandent de faire cesser sont forclos dans leur action ;
Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive
Considérant que la preuve n'ait pas rapportée que les époux [C] aient commis un abus du droit d'agir en justice ; qu'en conséquence, la demande de dommages-intérêts de Monsieur [E] sera rejetée ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Considérant que les époux [C] ayant contraint Monsieur [E] à exposer des frais en première instance et en appel, seront condamnés à lui verser une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'ils seront en outre condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Infirmant le jugement,
Statuant à nouveau,
Déclare les époux [C] forclos dans leur action aux fins de réouverture d'un chemin d'accès à la mer par la propriété [E] ;
Déboute Monsieur [N] [E] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Condamne les époux [C] à payer à Monsieur [N] [E] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles de première instance et en cause d'appel ;
Condamne les époux [C] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER.-.LE PRÉSIDENT.-.