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13/09/2011 | FRANCE | N°10/05324

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 13 septembre 2011, 10/05324


1ère Chambre





ARRÊT N°348



R.G : 10/05324













Société FRANCE TELECOM SA



C/



M. [S] [J]

Mme [H] [W]

Société AXA FRANCE IARD SA































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE

2011





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Odile MALLET, Conseiller, entendue en son rapport



GREFFIER :



Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience publique du 14 Juin 2011


...

1ère Chambre

ARRÊT N°348

R.G : 10/05324

Société FRANCE TELECOM SA

C/

M. [S] [J]

Mme [H] [W]

Société AXA FRANCE IARD SA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Xavier BEUZIT, Président,

Madame Anne TEZE, Conseiller,

Madame Odile MALLET, Conseiller, entendue en son rapport

GREFFIER :

Madame Claudine PERRIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Juin 2011

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Xavier BEUZIT, Président, à l'audience publique du 13 Septembre 2011, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

Société FRANCE TELECOM SA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par la SCP CASTRES COLLEU PEROT LE COULS BOUVET, avoués

assistée de la SCP RAIMBOURG - MECHINAUD, avocats

INTIMÉS :

Monsieur [S] [J]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représenté par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués

assisté de Me Pierre RODIER, avocat

Madame [H] [W]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par la SCP D ABOVILLE DE MONCUIT ST HILAIRE, avoués

assistée de Me Pierre RODIER, avocat

Société AXA FRANCE IARD SA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avoués

assisté de Me MALLET-HERRMANN, avocat

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [S] [J] et Madame [H] [W] sont propriétaires d'un terrain à bâtir cadastré commune de [Localité 5], section [Cadastre 9] issu de la division de la parcelle [Cadastre 8].

Leur titre rappelle que leur parcelle est grevée d'une servitude de câbles souterrains téléphoniques instituée le 15 juin 1987 entre leurs auteurs, les époux [K] et l'Etat, pris en la personne du Directeur des services fiscaux du [Localité 7], assisté de l'administration des postes et télécommunications, les obligeant à signaler à l'avance et par lettre recommandée toute intention de travaux susceptibles de porter atteinte à la sécurité des câbles.

Le 26 mars 2005, à l'occasion du percement d'une tranchée destinée à recevoir des canalisations d'évacuation des eaux pluviales, Monsieur [J] qui manoeuvrait un engin de terrassement, a endommagé deux câbles de fibre optique enfouis dans le sol de son terrain.

Par acte du 24 janvier 2008 la SA France Télécom a assigné Monsieur [J] et Madame [W], sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de la convention de servitude et les dispositions du décret du 14 octobre 1991, aux fins de les entendre solidairement condamner au paiement de la somme de 23.298,21 € en réparation de son préjudice.

Par ordonnance du 6 novembre 2008 le juge de la mise en état, saisi par Monsieur [J] et Madame [W], a :

dit que les dispositions de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme n'ont pas vocation à s'appliquer à l'espèce,

dit n'y avoir lieu à question préjudicielle,

rejeté la demande tendant à voir renvoyer la SA France Télécom à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif,

rejeté la demande de sursis à statuer.

Le 5 janvier 2009 Monsieur [J] et Madame [W] ont appelé en garantie leur assureur, la société Axa France Iard.

Par jugement du 25 mai 2010 le tribunal de grande instance de Lorient a :

débouté la société France Télécom de l'ensemble de ses demandes,

déclaré sans objet l'appel en garantie dirigé contre la compagnie Axa France Iard,

rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société France Télécom aux dépens.

Appel de ce jugement a été interjeté par la société France Télécom.

POSITION DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions en date du 25 mai 2011 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SA France Télécom demande à la cour:

d'infirmer le jugement,

de déclarer Monsieur [J] et Madame [W] responsables des dommages occasionnés au réseau,

de condamner solidairement Monsieur [J], Madame [W] et la compagnie Axa France Iard au paiement de la somme de 23.298,21 € avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2007, date de la mise en demeure,

de condamner les mêmes aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières écritures en date du 12 mai 2011 auxquelles il est également renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [J] et Madame [W] demandent au contraire à la cour :

de confirmer le jugement et débouter la société France Télécom de toutes ses demandes,

à titre subsidiaire de dire que la SA France Télécom ne justifie pas de son préjudice,

à titre infiniment subsidiaire de condamner la société Axa à les garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

en tout état de cause de condamner la partie succombante aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 mai 2011 la société Axa France Iard demande à la cour :

de confirmer le jugement,

à titre subsidiaire, de débouter France Télécom de sa demande de condamnation solidaire, le sinistre n'étant pas garanti par le contrat d'assurance souscrit puisque occasionné par un véhicule terrestre à moteur,

de condamner la partie succombante aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* sur les responsabilités encourues

- sur le préjudice

Le 26 mars 2005, alors qu'il perçait une tranchée destinée à recevoir des canalisations d'eaux pluviales, Monsieur [J] qui manoeuvrait un engin de terrassement de type pelle-mécanique, a endommagé deux câbles optiques enfouis dans son terrain, l'un de ces câbles étant coupé, l'autre arraché.

- sur la faute

Le propriétaire d'un fonds servant ne peut rien faire qui porte atteinte à la servitude.

Suivant acte du 15 juin 1987 dénommé 'convention de servitude' conclu entre l'Etat et les époux [K] la parcelle cadastrée commune de [Localité 5], section [Cadastre 8], a été grevée d'une servitude d'implantation de câbles téléphoniques souterrains. Les propriétaires du fonds servant se sont engagés à ne procéder à aucune construction, ni dépôts, remblais ou plantation dans la bande de servitude délimitée par des bornes. L'article 2-2-7 de la convention impose aux propriétaires du fonds servant de signaler dans un délai de 60 à 20 jours à l'avance toute intention de travaux susceptibles de porter atteinte à la sécurité des câbles.

Le 8 décembre 2003 les époux [K] ont vendu à Monsieur [J] et Madame [W] la parcelle cadastrée commune de [Localité 5], section [Cadastre 9]. Leur titre contient une rubrique intitulée 'rappel de servitude' contenant rappel de la convention de servitude du 15 juin 1987.

Monsieur [J] et Madame [W] ne sont pas fondés à soutenir que cette convention de servitude ne leur serait pas opposable au motif que le fonds servant aurait fait l'objet de multiples divisions et modifications de numérotations cadastrales depuis l'année 1987 alors que leur titre rappelle expressément l'existence de la convention et précise que l'acte instituant ladite servitude a été régulièrement publié.

Ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que la servitude serait éteinte au motif que les câbles téléphoniques enfouis en 1987 ont été enlevés et remplacés par des câbles optiques. En effet les intimés ne rapportent pas la preuve de la modification alléguée, et bien au contraire, France Télécom produit aux débats le plan d'achèvement des travaux réalisés sur l'artère [Localité 3]-[Localité 6] mentionnant qu'au 2 décembre 1987 les câbles de raccordement installés étaient des câbles optiques.

En outre, au regard des articles 703 à 706 du code civil, selon lesquels seule l'impossibilité d'user de la servitude ou un non-usage trentenaire emportent extinction de la servitude, un changement des câbles téléphoniques enfouis dans l'assiette de la servitude ne saurait entraîner son extinction.

Dès lors, en procédant à des travaux de terrassement sans avoir, au préalable, avisé le bénéficiaire de la servitude de leur intention de procéder à des travaux susceptibles de porter atteinte à la sécurité des câbles, les intimés ont violé l'article 2-2-7 de la convention de servitude qui leur impose une telle obligation et engagé leur responsabilité.

Par ailleurs, les dispositions du décret du 14 octobre 1991 imposent à toute personne envisageant d'effectuer des travaux à proximité d'ouvrages de télécommunications à se renseigner auprès de la mairie sur l'existence et les zones d'implantation des ouvrages et adresser une déclaration d'intention de travaux. Si France Télécom ne justifie pas avoir communiqué à la mairie les adresses auxquelles doivent être adressées les demandes de renseignements et déclarations d'intention de travaux, Monsieur [J] et Madame [W], qui ne pouvaient ignorer l'existence de câbles téléphoniques sur leur terrain au regard des mentions portées dans leur titre, ne démontrent pas avoir effectué la moindre démarche en mairie, de sorte qu'ils ont également engagé leur responsabilité à ce titre.

- sur le lien de causalité

Aux termes de l'article 2-11-1 de la convention de servitude les câbles téléphoniques devaient être enfouis à une profondeur d'un mètre par rapport à la surface normale du sol, cette profondeur pouvant être ramenée toutefois à soixante centimètres en cas de terrain rocheux compact.

Les parties conviennent que le terrain des intimés est constitué de terres meubles.

Le constat amiable signé par les parties le jour du sinistre mentionne que les câbles détériorés se situaient, en pleine terre, à environ 1,30 m de profondeur.

Le '3' de la mention '1,30 m' est pareillement surchargé sur la copie du constat versée par chacune des parties et les intimés soutiennent qu'en réalité les câbles ne se situaient qu'à 60 cm de profondeur. A l'appui de leur affirmation ils versent aux débats un courrier rédigé par l'expert de leur compagnie d'assurance, Monsieur [C], énonçant que le câble n'était pas situé à la distance réglementaire mais à 0,60 m de profondeur.

Toutefois les constatations de Monsieur [C] n'ont pas été réalisées au contradictoire des parties et ne sont confortées par aucun autre élément alors que la seule pièce signée tant par l'appelante que par les intimés mentionne une profondeur supérieure à 1 mètre. En outre le profil et les plans de détail figurant au plan d'achèvement des travaux de l'artère [Localité 3]-[Localité 6] en date du 2 mars 1988 mentionnent une profondeur d'enfouissement d'un mètre au niveau de la parcelle alors cadastrée [Cadastre 8].

Dès lors la preuve n'est pas rapportée que les fibres optiques n'auraient pas été enfouies, à l'origine, à la distance réglementaire, et il convient de relever que depuis l'année 1987, ainsi qu'il ressort de la déclaration de sinistre signée par Monsieur [J], le fonds servant a fait l'objet de travaux d'aménagement et de terrassement susceptibles d'avoir modifié son altimétrie.

En outre rien n'établit qu'une insuffisance de la profondeur d'enfouissement des câbles aurait joué un rôle causal dans la survenue du sinistre alors qu'il est amplement démontré que ledit sinistre a été directement occasionné par les travaux de percement d'une tranchée réalisés par Monsieur [J].

En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté France Télécom de ses demandes.

* sur le montant du préjudice

France Télécom verse aux débats un mémoire de dépenses faites pour la réparation des dommages en date du 31 août 2005 s'élevant à la somme de 23.298,21 €.

Si ce mémoire a été établi par France Télécom et si la main d'oeuvre est composée de ressources internes à cette société, les intimés ne produisent aucun avis contraire autorisé de nature à contester le montant du préjudice réclamé.

En conséquence Monsieur [J] et Madame [W] seront condamnés in solidum au paiement de cette somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 mai 2007.

* sur la garantie de l'assureur

L'assurance habitation souscrite par les intimés auprès de la compagnie Axa France Iard contient, en page 17 des conditions générales, sous l'intitulé 'Responsabilités : les exclusions' la mention suivante : 'les dommages causés par des véhicules terrestres à moteur soumis à l'obligation d'assurance, ainsi que leur remorque non attelée d'un poids supérieur à 750 kg ou résultant de leur utilisation, sauf cas de conduite à l'insu'.

Cette clause d'exclusion est mentionnée en caractères apparents, conformément aux dispositions de l'article L 112-4 du code des assurances. Elle ne pose aucun problème de compréhension puisqu'elle figure dans la rubrique dédiée aux exclusions qui est, au surplus, aisément repérable dans le sommaire du contrat, de sorte qu'elle a été valablement stipulée.

Cette clause exclut les dommages résultant de l'utilisation d'un véhicule soumis à obligation d'assurance, peu important que ce véhicule fût ou non en circulation au sens de la loi du 5 juillet 1985.

Dès lors, le sinistre ayant été occasionné par l'utilisation d'un véhicule terrestre à moteur, France Télécom sera déboutée de ses demandes dirigées contre Axa France et Monsieur [J] et Madame [W] seront déboutés de leur demande de garantie dirigée contre leur assureur

* sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Echouant en leur recours, Monsieur [J] et Madame [W] seront condamnés aux dépens d'instance et d'appel et ne peuvent, de ce fait, prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile. A ce titre ils seront condamnés à payer une somme de 1.500 € tant à France Télécom qu'à la compagnie Axa.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en date du 25 mai 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Lorient.

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum Monsieur [S] [J] et Madame [H] [W] à payer à la SA France Télécom la somme de vingt trois mille deux cent quatre vingt dix huit euros et vingt et un centimes (23.298,21 €) avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2007.

Déboute la SA France Télécom de ses demandes dirigées contre la société Axa France Iard.

Déboute Monsieur [J] et Madame [W] de leur demande de garantie dirigée contre la société Axa France Iard.

Condamne in solidum Monsieur [J] et Madame [W] à payer une somme de mille cinq cents euros (1.500,00 €) tant à la SA France Télécom qu'à la société Axa France Iard en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Monsieur [J] et Madame [W] de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum Monsieur [J] et Madame [W] aux dépens avec droit de recouvrement prévu à l'article 699 du code de procédure civile.

le greffier le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10/05324
Date de la décision : 13/09/2011

Références :

Cour d'appel de Rennes 1A, arrêt n°10/05324 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-13;10.05324 ?
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