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29/03/2011 | FRANCE | N°09/02591

France | France, Cour d'appel de Rennes, Sixième chambre, 29 mars 2011, 09/02591


Sixième Chambre

ARRÊT No 355
R. G : 09/ 02591

Mme Roula X... épouse Y...
C/
M. Michel Y... Ministère Public

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :
à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 MARS 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Bernard SALMON, Président, Madame Dominique PIGEAU, Conseiller, Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Huguette NEVEU, lors du prononcé, r>DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Février 2011
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2011 par mise à d...

Sixième Chambre

ARRÊT No 355
R. G : 09/ 02591

Mme Roula X... épouse Y...
C/
M. Michel Y... Ministère Public

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée le :
à :

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 29 MARS 2011

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Bernard SALMON, Président, Madame Dominique PIGEAU, Conseiller, Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
GREFFIER :
Mme Sandrine KERVAREC, lors des débats, et Huguette NEVEU, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 21 Février 2011
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Mars 2011 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****
APPELANTE :
Madame Roula X... épouse Y... née le 17 Février 1976 à HOMS (SYRIE)... 80080 AMIENS
représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués assistée de Me FEREZOU, avocat

INTIMÉS :
Monsieur Michel Y... né le 11 Novembre 1960 à POISSY (78300)... 78300 POISSY
représenté par la SCP Jean-Loup BOURGES-Luc BOURGES, avoués assisté de la SCP BLONDEAU FROMENTIN et GROJEAN VIGOUROUX, avocats

LE MINISTERE PUBLIC Cour d'appel de RENNES, CS 66423 35064 RENNES CEDEX représenté par Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général, lequel a pris des réquisitions

Mme Roula X..., épouse Y..., de nationalité syrienne, est appelante d'un jugement prononcé le 21 janvier 2009 par le tribunal de grande instance de Nantes qui a annulé son mariage avec M. Michel Y..., de nationalité française, célébré le 1er octobre 2004 à Homs en Syrie.
Vu les conclusions déposées par :

Mme X..., épouse Y..., le 3 décembre 2010,
M. Y..., le 21 janvier 2011,
Le Ministère public, le 17 janvier 2011.

MOTIFS DE LA DECISION.
Il ressort des dispositions de l'article 170-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 novembre 2006, que lorsque le mariage d'un français est célébré par une autorité étrangère, le procureur de la République peut, s'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage encourt la nullité s'opposer à la transcription de l'acte de mariage sur les registres de l'état civil français ou, dans le cas où il demande la nullité du mariage, ordonné que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge.
L'article 189 du code civil permet à l'un des époux d'attaquer son mariage « contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146-1 et 147.. »
Aux termes de l'article 146 du code civil « il n'y a pas de mariage lorsqu'il n'y a point de consentement ».
Il appartient au Ministère public et à M. Y..., qui poursuivent l'annulation du mariage, de rapporter la preuve que l'union a été célébrée en l'absence de toute intention matrimoniale.
M. Y... reconnaît qu'il s'est rendu en Syrie, pays dont sa mère est originaire, pour y rencontrer une jeune femme avec laquelle il pourrait fonder une famille et que, par l'intermédiaire d'un cousin résidant dans ce pays, il a fait la rencontre de plusieurs jeunes femmes, dont Roula X..., de 15 ans sa cadette, qui lui a plu et qui, lui a-t-il semblé, lui portait de l'intérêt.
Il explique qu'il s'est rendu compte après le mariage que son épouse n'avait jamais envisagé de vivre avec lui et qu'elle l'avait épousé uniquement pour pouvoir s'installer en France.
Sur les conseils d'un agent du ministère des affaires étrangères auquel il avait demandé la délivrance de documents nécessaires à la procédure en divorce qu'il envisageait d'engager, il a sollicité l'annulation de son mariage pour défaut de consentement de son épouse à l'union conjugale.
Il est constant que M. Y... et Mlle X... se sont rencontrés en Syrie au cours d'un séjour d'une durée de trois semaines que M. Y... y a effectué au mois de septembre 2003, que lors de ce premier séjour les fiançailles ont été célébrées et le projet de mariage élaboré, alors même que les futurs époux ne pouvaient communiquer que difficilement, M. Y... ne parlant pas l'arabe et Mlle X... ne maîtrisant pas le français, et que le mariage a été célébré le 1er octobre 2004 au cours d'un second séjour de M. Y... en Syrie effectué du mois de septembre au 10 octobre 2004, mariage entièrement financé par M. Y..., selon, semble-t-il, la coutume syrienne, les frais des fiançailles étant à la charge de la famille de l'épouse.
Entre les deux séjours, les fiancés ont communiqué par courriels écrits en français, Mlle X... ayant pris des cours de français.
Il est également constant que Mme X..., épouse Y..., est arrivée en France le 10 septembre 2005 et a quitté le domicile conjugal dès le 7 novembre 2005 pour aller vivre chez une amie, Mme Z..., demeurant à Achères.
Selon M. Y..., son épouse s'est plainte, aussitôt son arrivée, de la petitesse de la maison et n'a eu avec lui aucune relation sexuelle pendant les deux mois de leur vie commune.
A l'appui de sa demande d'annulation du mariage, M. Y... communique plusieurs témoignages.
M. Jalal A..., son cousin, par l'entremise duquel il a fait la connaissance de Mlle Roula X..., a indiqué que pendant les fiançailles, Michel Y... et Roula X... s'étaient plusieurs fois disputés « à cause de la convoitise de Roula et de ses parents » qui avaient demandé de l'argent à Michel Y..., ce qui avait d'ailleurs conduit celui-ci à envisager de mettre fin au projet matrimonial. M. A... a également déclaré qu'il avait appris par l'une de ses tantes que Roula avait quitté son mari car elle ne s'entendait pas avec lui et n'était pas heureuse car il « est beaucoup plus vieux qu'elle et a l'âge de son papa ». Le témoin a ajouté que le père de Roula était venu le trouver pour lui demander de téléphoner à Michel Y... afin de lui dire qu'il voulait « le divorce à condition de payer 50. 000 euros ».
Mme B..., domiciliée à Poissy, qui a reçu chez elle Michel et Roula Y..., a indiqué avoir été étonnée par les propos de cette dernière qui voulait une employée de maison, faire des études, gérer le salaire de son mari et mettre leur maison à son nom pour y recevoir ses parents et ses compatriotes.
Mme Y..., mère de Michel Y..., qui a côtoyé le couple pendant les deux mois de leur vie commune, a confirmé que sa belle-fille lui avait dit vouloir disposer des services d'une femme de ménage, fréquenter l'université et faire inscrire la maison à son nom. Elle a ajouté que, fréquemment, elle dînait seule avec son fils, Roula restant à l'étage pour poursuivre l'apprentissage du français et que sa belle-fille refusait de sortir avec son mari mais n'hésitait pas à passer du temps avec ses compatriotes. Elle a ajouté qu'après le départ de Roula, celle-ci et certains de ses amis avaient insisté auprès de son fils pour qu'il accompît des démarches en vue de faire obtenir à son épouse un titre de séjour.
Mme C..., relation des époux Y..., a attesté que lors de ses conversations avec Roula Y..., celle-ci lui avait régulièrement demandé de l'aide pour obtenir un titre de séjour et lui avait confié qu'« elle n'avait pas l'intention de continuer à vivre avec Michel » et qu'elle voulait « rester en France pour travailler et être indépendante ».
Dans certains courriels qu'elle a adressés à son futur époux, entre les fiançailles et le mariage, Mlle X... fait état de ses préoccupations financières. C'est ainsi qu'elle demande à son fiancé non seulement d'être « très tendre et très authentique » mais aussi d'être « très généreux et ne être pas avare », qu'elle lui écrit qu'elle a besoin d'argent, 1. 000 euros, pour les préparatifs du mariage, qu'elle lui fait savoir que la banque n'a pas versé l'argent et qu'il lui faut envoyer cet argent à un autre nom.
Cependant, il doit être souligné que ces considérations financières ne constituent pas l'essentiel des messages dans lesquels elle exprime ses sentiments envers son fiancé et son désir d'être unie à lui par les liens du mariage.
Pour expliquer son départ du domicile conjugal, Mme Roula Y... soutient qu'elle a été maltraitée par son époux qui s'est livré sur elle à des actes de violence.
Mme D..., dont le témoignage est versé aux débats, a indiqué, dans son attestation, qu'elle avait eu plusieurs entretiens téléphoniques avec Mme Y... au cours desquels celle-ci lui avait confié que son mari la battait et l'insultait et la faisait vivre dans un logement insalubre.
Mme E..., de nationalité française, a indiqué, dans son attestation, que Mme X... l'avait appelée au téléphone environ un mois après son arrivée en France, qu'elle était « désespérée, choquée et effrayée » par l'attitude de son mari, agressif et violent et, de surcroît, « sale et négligé de sa personne », ainsi que par le mauvais état de la maison. Le témoin a ajouté qu'elle était venue au domicile conjugal deux jours plus tard, qu'elle avait trouvé la jeune femme « déprimée et choquée », très différente de celle qu'elle avait connue en Syrie, et avait découvert « une maison délabrée », dont les chambres étaient humides et « l'odeur invivable et insupportable » et dont le jardin ressemblait à « une déchetterie publique ». Elle a ajouté qu'elle avait rencontré la belle-mère de Mme X... qui lui avait confié que son fils avait « vécu toute sa vie comme ça ».
Dans son attestation, Mme E... a encore indiqué que Mme X... l'avait appelée deux semaines plus tard pour lui demander de prévenir la police car son mari était en crise et voulait la frapper et a affirmé qu'elle avait entendu « le hurlement de son mari derrière la porte », ce qui l'avait conduite à appeler la police ainsi qu'une amie, Mme Z..., demeurant à Achères, près de Poissy.
Deux personnes de l'entourage syrien de Mme X... ont affirmé que celle-ci, qui est issue d'une famille honorable et aisée, avait voulu rompre ses fiançailles mais que M. Y... avait su se montrer convaincant pour l'amener à accepter le mariage.
Mme Y... a assigné son époux, le 6 juin 2008, devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Amiens en vue de sa condamnation à payer une contribution aux charges du mariage d'un montant de 1. 200 € par mois. Elle réside dans le département de la Somme, est titulaire d'un titre de séjour temporaire et a obtenu un emploi dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.
Il apparaît à la cour que le témoignage de Mme D..., qui n'a rien constaté par elle-même, et celui de Mme E... au domicile de laquelle Mme Y... a vécu quelques temps sont insuffisants à rapporter la preuve des violences dont cette dernière a affirmé avoir été victime de la part de son époux, étant observé que des témoins, qui avaient rencontré Mme Y... à diverses reprises pendant la vie commune et après son départ du domicile conjugal, notamment Mme C..., n'ont pas fait état de ses plaintes et ont déclaré n'avoir jamais constaté de trace de violences sur sa personne.
Un médecin de Poissy qui avait examiné Mme Y... pour des pathologies bénignes a d'ailleurs attesté que celle-ci, qui, apparemment, ne lui avait pas révélé être victime de maltraitance de la part de son mari, ne présentait aucune trace de violence.
S'il ressort du témoignage de Mme C... que Mme Y... n'avait pas l'intention de continuer à cohabiter avec son époux et que son souhait était de demeurer en France pour y vivre de manière indépendante, la cour considère cependant que ce témoignage et les éléments rappelés ci-dessus sont insuffisants à démontrer qu'au moment du mariage célébré un an avant son arrivée en France, Mme X... n'avait aucune intention de partager la vie de M. Y..., et que son souhait était uniquement, par le biais de cette union, de venir s'établir en France, la faible durée de la vie commune pouvant s'expliquer, même s'il ne peut être tenu compte des violences maritales alléguées qui ne sont pas, en l'état, établies, par les conditions de vie de la jeune femme dans un pays étranger qui ne correspondaient pas à ses attentes.
La preuve du défaut d'intention matrimoniale de l'épouse au moment de l'union conjugale n'étant pas rapportée, le jugement qui a annulé le mariage des époux Y... doit être infirmé et les demandes du ministère public et de M. Y... rejetées.
M. Y... qui succombe dans ses prétentions est mal fondé à demander le paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DECISION : La Cour, après rapport fait à l'audience,
Infirme le jugement déféré.
Rejette les demandes du Ministère public et de M. Y... tendant à l'annulation du mariage de M. Y... et de Mme X....
Rejette la demande de M. Y... en paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge du Trésor public.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : 09/02591
Date de la décision : 29/03/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 28 mars 2012, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 mars 2012, 11-18.549, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2011-03-29;09.02591 ?
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