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02/06/2010 | FRANCE | N°08/08716

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre sécurité sociale, 02 juin 2010, 08/08716


Chambre Sécurité Sociale





ARRET N°



R.G : 08/08716

08/09044











Société ETERNIT



C/



Mme [V] [B]

M. [C] [B]

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

jonction













Copie exécuto

ire délivrée

le :



à :





REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2010



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Dominique MATHIEU, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller,

Monsieur Patrice L...

Chambre Sécurité Sociale

ARRET N°

R.G : 08/08716

08/09044

Société ETERNIT

C/

Mme [V] [B]

M. [C] [B]

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

jonction

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2010

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Dominique MATHIEU, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MOY, Conseiller,

Monsieur Patrice LABEY, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats, et Madame Danielle WACK, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Avril 2010

devant Monsieur Dominique MATHIEU, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2010 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, signé par Monsieur Dominique MATHIEU, Conseiller;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 13 Novembre 2008

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de RENNES

****

APPELANTES :

Société ETERNIT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

B.P 33

[Localité 7]

représentée par la SCP PLICHON - DE BUSSY, avocats au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'ILLE ET VILAINE

[Adresse 9]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par M. [F] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir

spécial

INTIMÉS :

Madame [V] [B]

Appt B. 31

[Adresse 6]

[Localité 3]

comparant en personne

Monsieur [C] [B]

Appt B. 31

[Adresse 6]

[Localité 3]

non comparant

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

représenté par Mme [E] [U] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

FAITS ET PROCEDURE DE PREMIERE INTANCE

Le 9 septembre 2005 Monsieur [G] [B], ancien salarié de la société ETERNIT du 7 septembre 1965 au 26 septembre 1975, a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour un mésothéliome malin pleural suivant certificat médical d'un pneumologue/oncologue du 20 janvier 2005.

Le 13 mai 2005 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine informait la société ETERNIT de la prolongation du délai d'instruction du dossier.

Le 23 mai 2005 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine informait la société ETERNIT de la fin de l'instruction et de ce qu'elle pouvait venir consulter les pièces du dossier avant qu'elle ne prenne sa décision à intervenir le 24 mai 2005.

Le 24 mai 2005 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine décidait de prendre en charge au titre de la maladie du 20 janvier 2005 de Monsieur [G] [B] au titre du tableau 30 des maladies professionnelle pour un mésothéliome malin primitif de la plèvre.

Le 24 mai 2005 Monsieur [G] [B] acceptait l'offre d'indemnisation partielle du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) soit la somme de 110 500 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux

Monsieur [G] [B] décédait le [Date décès 1] 2006.

Le 8 juin 2006 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine décidait de l'attribution à Monsieur [G] [B] d'une rente d'incapacité permanente au taux de 100%.

Le 9 juin 2006 la caisse informait la société ETERNIT de la fin de l'instruction relativement à l'imputabilité du décès et de ce qu'elle pouvait consulter les pièces constitutives du dossier avant la prise de décision à intervenir le 19 juin 2006.

Le 20 juin 2006 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine décidait de la prise en charge du décès au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 26 juin 2006 la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine attribuait à Madame [V] [B], veuve de Monsieur [G] [B], une rente annuelle d'ayant-droit au taux de 60%,à effet au 1er mai 2006, révisée le 15 novembre 2006.

Les 29 janvier, 5 février et 12 février 2008 les héritiers de Monsieur [G] [B] acceptaient le versement par le FIVA de la somme de 1 568,73 € au titre de la réparation intégrale du préjudice patrimonial subi par Monsieur [G] [B] de son vivant.

Le 16 octobre 2007 les ayants-droits de Monsieur [G] [B] acceptaient l'offre d'indemnisation du FIVA de leur préjudice moral personnel à savoir 30 000€ pour Madame [V] [B] et 8 000 € pour Monsieur [C] [B].

Le 22 novembre 2006, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine, saisie par les consorts [B] d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ETERNIT, établissait un procès-verbal de non-conciliation.

Le 21 décembre 2006 les consorts [B] saisissait le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ille et Vilaine en reconnaissance de la faute inexcusable de la société ETERNIT.

Le 31 janvier 2007 le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), en sa qualité de subrogé dans les droits de Monsieur [B] et des consorts [B], intervenait volontairement à la procédure.

Le 13 novembre 2008 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'ILLE ET VILAINE statuait ainsi qu'il suit:

"Décerne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de ce qu'elle déclare s'en remettre à justice pour statuer sur le principe de l'existence de la faute inexcusable de l'employeur, sur la détermination des diverses majorations et préjudices, sur les droits deu FIVA et sur l'opposabilité de la décision de prise en charge du décès du 19 juin 2006,

Déclare le FIVA recevable à continuer l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par les consorts [B] et fondé à réclamer la majoration de la rente du conjoint et l'indemnité forfaitaire, en application des dispositions de article L 452-3 du code de la sécurité sociale,

Décerne acte à la société ETERNIT de ce qu'elle déclare s'en rapporter à justice sur l'existence de la faute inexcusable,

Dit que la maladie professionnelle de Monsieur [G] [B] est due à la faute inexcusable de la société ETERNIT,

Alloue aux consorts [B] l'indemnité forfaitaire tirée de dispositions de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie versera directement l'indemnité forfaitaire aux ayants droits de Monsieur [B], déduction faite de la somme de 1 568,73 € versée par le FIVA au titre du préjudice patrimonial de la victime,

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie au remboursement de la somme de 1 568,73 euros au FIVA,

Fixe l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [B] à la somme de 110 500 euros,

Fixe l'indemnisation du préjudice moral des ayants droits de la manière suivante:

- préjudice moral de Madame [B], épouse de Monsieur [B]: 30 000 euros

- préjudice moral de Monsieur [C] [B], fils de Monsieur [B]: 8 000 euros,

condamne la caisse primaire d'assurance maladie au remboursement, au FIVA, de la somme de 150 068,73 euros, en réparation des préjudices personnels de Monsieur [B] et des préjudices moraux des ayants droit,

Déclare opposable à la société ETERNIT la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [B],

Déclare inopposable à la société ETERNIT la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prise en charge du décès au titre de la maladie professionnelle,

Dit que la caisse primaire d'assurance maladie récupérera, auprès de la société ETERNIT, la majorations et indemnités que la caisse sera amenée à servir au FIVA et aux ayants droits de Monsieur [B], à l'exclusion des sommes versées au titre du décès,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne la société ETERNIT au paiement au FIVA d'une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles".

PROCEDURE D'APPEL

Le 8 décembre 2008, dans le délai d'appel, la société ETERNIT, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel, déclarait relever appel de la décision susvisée.

Le 19 décembre 2008, dans le délai d'appel, le jugement ayant été notifié le 3 décembre 2008, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour d'appel, déclarait relever appel de la décision susvisée, limité à la disposition du jugement déniant à la caisse le droit de récupérer auprès de la société ETERNIT les sommes versées au titre du décès de Monsieur [G] [B], suite à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ETERNIT.

Les deux appels ayant donné lieu à l'ouverture de deux dossiers sous deux numéros distincts, ces deux dossiers étaient joints sous le seul numéro de la présente procédure.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société ETERNIT demande à la cour:

- de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur l'existence de la faute inexcusable

- de ramener à de justes proportions les montants sollicités par le FIVA au titre de l'indemnisation des souffrances physiques et morales de Monsieur [B] ainsi qu'au titre de l'indemnisation du préjudice moral des ayants droit de celui-ci;

- d'infirmer le jugement entrepris s'agissant de l'indemnisation alloué en réparation du préjudice d'agrément de Monsieur [B];

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré opposable à la société ETERNIT la décision par laquelle la caisse a pris en charge la maladie déclarée par Monsieur [B] et de dire et juger que la caisse primaire n'est pas fondée à exercer l'action récursoire à son encontre;

- en tout état de cause confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable à la société ETERNIT la décision de prise en charge du décès de Monsieur [B] et par conséquent débouter la caisse primaire de son action récursoire concernant les sommes versées au titre du décès.

Au soutient de son appel société ETERNIT fait valoir les moyens suivants:

- sur la faute inexcusable elle s'en remet à justice;

- la rente servie par la caisse indemnise tant le préjudice patrimonial recouvrant la perte de gains professionnels et l'incidence professionnelle que le déficit fonctionnel permanent lequel comprend les troubles dans les conditions d'existence après consolidation et la perte de la qualité de la vie ce qui correspond au préjudice d'agrément; dans ces conditions le préjudice d'agrément ne peut viser que l'impossibilité pour la victime de pratiquer une activité spécifique sportive ou de loisirs; en l'espèce le FIVA ne rapporte pas la preuve d'un préjudice d'agrément distinct de la perte de la qualité de la vie déjà indemnisée par la rente au titre du déficit fonctionnel permanent;

- la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas respecté le principe du contradictoire en ne lui ayant laissé un délai utile de 4 jours seulement, le courrier du 13 mai 2005 ayant été réceptionné le 18 mai et le 21 et 22 mai étant une fin de semaine, pour consulter les pièces du dossier avant la décision de prise en charge ce qui est manifestement insuffisant;

- elle a reçu le même jour un courrier lui annonçant la prolongation du délai d'instruction et la fin de l'instruction, ce qui n'a pu qu'entretenir l' ambiguïté et a été de nature à créer une confusion dans l'esprit de l'employeur ce d'autant plus que la prolongation de l'instruction était justifiée par le fait qu'un avis médical sur le lien entre la maladie et l'activité professionnelle était nécessaire ce qui tend à prouver que le dossier a été clôturé avant que ce lien ne soit établi et qu'en conséquence le dossier a été mis à disposition de l'employeur sans que ce dernier ait accès à cet avis médical;

- la caisse n'a pas respectée l'obligation légale d'enquête en cas de décès telle qu'imposée par l'article R441-11 du code de la sécurité sociale et elle n'a disposé que de 4 jours utiles pour prendre connaissance du dossier dans la mesure où le courrier du 9 juin a été réceptionné le 13 juin suivant, sachant que les 17 et 18 juin étaient une fin de semaine;

- conformément à la jurisprudence de la cour de cassation l'inopposabilité de la décision de prise en charge a pour conséquence d'interdire à la caisse de récupérer auprès de l'employeur les compléments de rente et les indemnités versées au salarié malade ou à ses ayants droit.

Le FIVA demande à la cour de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, de préciser que la majoration de rente servie au conjoint survivant sera fixée à son maximum et directement versée par l'organisme de sécurité sociale et de condamner la société ETERNIT à lui payer la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutient de ses demandes le FIVA fait valoir les moyens suivants:

- il y a lieu de confirmer la décision de première instance relativement à la faute inexcusable;

- les demandes d'indemnisation ne s'inscrivent pas dans le cadre du droit commun mais dans le cadre du livre IV du code de la sécurité sociale; or la rente allouée en application des articles L434-1 et L434-2 et la majoration sont totalement distinct du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, du préjudice d'agrément et du préjudice esthétique et la rente ou le capital versé à la victime d'une maladie professionnelle n'englobe pas les troubles dans les conditions d'existence et la perte de la qualité de la vie;

- la fixation des préjudices personnels correspond à une évaluation conforme à l'application des règles de la réparation intégrale et tenant compte en particulier de la gravité de la pathologie et de l'âge de la victime au moment de l'apparition de celle-ci.

La caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine demande à la cour de:

- confirmer les dispositions de la décision dont appel en ce qu'elle a

déclaré opposable à la société ETERNIT la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [G] [B];

dit qu'elle récupérera auprès de la société ETERNIT les majorations et indemnités qu'elle sera amenée à servir au FIVA et aux ayants droits de Monsieur [G] [B], au titre de la maladie professionnelle suite à la reconnaissance de la faute inexcusable;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle lui a dénié le droit de récupérer auprès de la société ETERNIT les sommes versées au titre du décès de Monsieur [G] [B] suite à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et en conséquence au cas où la cour déclarerait inopposable la décision de prise en charge du décès de dire que cette inopposabilité n'emporte aucune conséquence juridique tant sur la caractère opposable de la faute inexcusable que sur son action récursoire;

- condamner la société ETERNIT à lui rembourser les sommes que'elle sera amenée à verser au FIVA et aux ayants droit de Monsieur [G] [B] au titre du décès de ce dernier.

Au soutient de ses demandes la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine fait valoir les moyens suivants:

- le délai de 4 jours dont a disposé la société ETERNIT pour consulter les pièces du dossier relatif à la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle est un délai suffisant;

- l'envoi des deux courriers le même jour de prolongation du délai d'instruction et de clôture de l'instruction est parfaitement fortuit car la décision de prolongation a été décidé pour éviter une prise en charge d'office dans l'attente de l'avis médical qui est parvenu le même jour que l'établissement du courrier de prolongation ce qui a justifié l'envoi de la lettre de clôture; ce n'est pas en tout état de cause un motif d'inopposabilité;

- elle s'en remet à l'appréciation de la cour quant à l'inopposabilité de la décision de prise en charge du décès dans la mesure où elle n'est pas en mesure de rapporter la preuve de la réalisation de l'enquête administrative telle que prévue par l'article R441-11 alinéa 2 du code de la sécurité sociale;

- en tout état de cause cette inopposabilité ne peut avoir pour effet d'exonérer l'employeur de sa responsabilité civile et de le dispenser de supporter les conséquences de sa faute inexcusable car le sort de la prise en charge de la maladie professionnelle peut être dissocié de l'action récursoire que la caisse exerce en cas de faute inexcusable de l'employeur laquelle est préalable à l'existence de la maladie professionnelle.

Les consorts [B], bien que régulièrement convoqués, n'ont pas comparu ni personne pour eux.

Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions de parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été déposées puis développées à l'audience des plaidoiries du 7 avril 2010 et versées dans les pièces de la procédure à l'issue des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

a) sur la faute inexcusable

Relativement à la faute inexcusable de la société ETERNIT les parties soit s'en remettent à justice soit demandent la confirmation de la décision dont appel en ce qu'elle a jugé que la maladie professionnelle de Monsieur [G] [B] était due à la faute inexcusable de son employeur.

Il en résulte qu'il n'est allégué devant la cour aucun moyen nouveau ou aucune prétention nouvelle par rapport aux prétentions et moyens de première instance.

Les parties ne versent par ailleurs aux débats aucune pièce nouvelle.

Dès lors en l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Il convient en conséquence de confirmer le décision déférée en ce qu'elle a jugé que la maladie professionnelle de Monsieur [G] [B] était due à la faute inexcusable de la société ETERNIT.

b) sur la majoration de rente et l'allocation de l'indemnité forfaitaire

Ni la société ETERNIT, ni la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine ne remettent en cause, dans les conclusions développées devant la cour, la majoration de la rente allouée au conjoint survivant et l'allocation de l'indemnité forfaitaire de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale au titre de l'action successorale directement aux ayants droit de Monsieur [G] [B] déduction faite de la somme de 1 568,73 € que la caisse primaire d'assurance maladie devra rembourser au FIVA et ce dernier conclut à la confirmation de la décision dont appel de ces chefs.

Dès lors que la faute inexcusable de la société ETERNIT est établie, c'est à juste titre que les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour approuve, en l'absence d'éléments nouveaux et eu égard à l'absence de moyens contestant ces chefs de la décision, ont jugé que devait être accordé à Madame [B], en application de l'article L 452-3 du code de la sécurité sociale la majoration de rente à son taux maximum et qu'en raison de l'incapacité permanente totale de 100% reconnue à Monsieur [G] [B] ses ayants droits étaient fondé à obtenir l'indemnité forfaitaire telle que prévue par le même article, celle-ci, conformément à la demande du FIVA devant leur être versé directement déduction faite de la somme de 1 568,73 euros versée par ce dernier à ces mêmes ayant droits, dont le FIVA est bien fondé à demander le remboursement à la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine laquelle conclut sur ce point à la confirmation de première instance.

c) sur la réparation des préjudices personnels de Monsieur [G] [B] et du préjudice moral de ses ayants droit

Des documents médicaux versées aux débats il apparaît que Monsieur [G] [B], depuis 2004, a subi de nombreux examens pour établir le diagnostic de mésothéliome pleural primaire et notamment des examens invasifs comme une bronchofibroscopie avec ponction pleurale, des biopsies pleurales dans le cadre d'une vidéo-chirurgie, puis des traitements par radiothérapie et par chimiothérapie.

Il a également, selon le certificat médical établi par le docteur [H] du 7 juillet 2006, présenté un essoufflement important, des douleurs thoraciques, une toux invalidante jour et nuit l'épuisant totalement.

Les souffrances endurées par Monsieur [G] [B] au cours de sa maladie sont encore établies par les diverses attestations de ses proches.

Ces souffrances endurées qui n'ont pu que s'aggraver au cours de l'évolution de la pathologie jusqu'à une issue fatale quasi inéluctable apparaissent avoir été multiples, importantes et persistantes.

Dès lors l'évaluation de la réparation de ce préjudice par les premiers juges à la somme de 25 000 € apparaît tout à fait justifiée et sera en conséquence confirmée.

Le préjudice moral subi par Monsieur [G] [B] est suffisamment caractérisé par ces certificats médicaux qui établissent que dès fin 2004 le diagnostic de mésothéliome est évoqué.

Ces mêmes certificats font apparaître le caractère particulièrement péjoratif de cette pathologie et l'absence de traitement efficace, celui du docteur [W] du 20/01/2005 précisant que la "chimiothérapie n'a jamais fait preuve de son efficacité dans de type de maladie".

Les diverses attestations évoquent également l'importance des souffrances morales endurées et plus précisément les" crises d'angoisses très violentes sur fond dépressif nécessitant à plusieurs reprises des hospitalisations en urgence" (Docteur [H], certificat précité).

La réparation de ce très important préjudice moral par les premiers juges à la somme de 64 000 € apparaît tout à fait justifiée et sera confirmée en conséquence.

La réparation du préjudice esthétique résultant de la dégradation de l'état général de Monsieur [G] [B], telle qu'établie par les attestations de ses proches a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 500 €. Cette évaluation sera donc confirmée.

Aux termes de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit; la victime a le droit de demander réparation à l'employeur notamment de son préjudice d'agrément lequel, au sens de cet article, résulte de la privation des joies de l'existence.

Il s'en suit que le déficit fonctionnel permanent que la rente répare au même titre que les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle, est distinct de ce préjudice d'agrément dont la victime peut demander réparation.

En l'espèce les diverses attestations versées aux débats établissent de manière précise et concordante que du fait de la dégradation de son état de santé Monsieur [G] [B] s'est trouvé privé notamment de ses activités de loisirs comme faire du vélo, aller danser et jardiner, pêcher, recevoir des amis.

Le préjudice d'agrément subi par Monsieur [G] [B], qui ne se confond pas avec celui résultant du déficit fonctionnel permanent, se trouve donc suffisamment caractérisé tant dans son existence que dans son étendue importante.

Sa réparation, évaluée par les premiers juges à la somme de 21 000 € apparaît donc justifiée et sera en conséquence confirmée.

Quant au préjudice moral subi par Madame [B] et par Monsieur [C] [B] il résulte de la perte de leur mari et père dans des conditions de souffrances physiques et morales qui n'ont pu qu'être éprouvantes pour ses proches.

La réparation de ce préjudice moral, évalué justement par les premiers juges à la somme de 30 000€ pour Madame [B] et à celle de 8 000 € pour Monsieur [C] [B], sera donc confirmée.

Le jugement dont appel sera également confirmé, aucune contestation n'ayant été formée en cause d'appel de ces chefs, en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance maladie à rembourser au FIVA la somme de 15 068,73 €.

d) sur l'opposabilité des décisions de prise en charge de la maladie et du décès de Monsieur [G] [B] par la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine

Il résulte de l'article R. 441-11, alinéa 1er, du Code de la sécurité sociale que la caisse primaire d'assurance maladie, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, des éléments recueillis susceptibles de lui faire grief, de la possibilité de consulter le dossier et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.

La caisse doit, pour respecter son obligation, doit informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction et de la possibilité, dans un délai suffisant, de consulter le dossier et donc des éléments susceptibles de lui faire grief et de la date à laquelle elle entend prendre sa décision.

En l'espèce, par courrier en date du 13 mai 2005 dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu par la société ETERNIT le 18 mai 2005, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine informait la société de la fin de l'instruction du dossier de la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle de Monsieur [G] [B] du 20 janvier 2005 et de ce que préalablement à sa prise de décision à intervenir le 24 mai 2005 elle pouvait venir consulter les pièces constitutives du dossier.

La décision de la caisse étant effectivement intervenue le 24 mai 2005 il en résulte que la société ETERNIT n'a disposé, compte tenu de la fin de semaine du 21-22 mai 2005, que d'un délai de 4 jours utiles soit un délai insuffisant pour prendre connaissance du dossier et faire ses observations et contestations.

Concernant la prise en charge du décès de Monsieur [G] [B], par courrier en date du 9 juin2006 dont il n'est pas contesté qu'il a été reçu par la société ETERNIT le 13 juin 2006, la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine informait la société de la fin de l'instruction du dossier de la procédure d'imputabilité du décès de Monsieur [G] [B] à la maladie professionnelle et de ce que préalablement à sa prise de décision à intervenir le 19 juin 2006, elle pouvait venir consulter les pièces constitutives du dossier.

La décision de la caisse étant effectivement intervenue le19 juin 2006 il en résulte que la société ETERNIT n'a disposé, compte tenu de la fin de semaine du 17-18 juin 2006, que d'un délai de 4 jours utiles soit un délai insuffisant pour prendre connaissance du dossier et faire ses observations et contestations.

La société ETERNIT est donc fondée en sa demande de voir les décisions de prise en charge de la maladie professionnelle Monsieur [G] [B] et d'imputabilité du décès à cette maladie professionnelle lui être déclarée inopposable.

En conséquence le jugement sera réformé en ce qu'il a déclaré opposable la la société ETERNIT la décision du 24 mai 2005 de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Monsieur [G] [B] du 20 janvier 2005.

e) sur les conséquences de l'inopposabilité

L'inopposabilité à l'égard de l'employeur, du fait du caractère non contradictoire de la procédure, de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'admettre le caractère professionnel de la maladie prive cette caisse du droit de récupérer sur l'employeur, après reconnaissance de sa fait inexcusable, les compléments de rente et indemnités versées par elle.

Dès lors que comme en l'espèce les décisions de prise en charge ont été déclarées inopposables à la société ETERNIT, employeur de Monsieur [G] [B], la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine n'est pas fondée à récupérer les majorations de rente, indemnité forfaitaire et les autres indemnités réparant les préjudices personnels de Monsieur [G] [B] et de ses ayants droit, qu'elle a été amenées à leur verser ou à verser au FIVA en sa qualité de subrogé.

Le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a admis cette récupération à l'exclusion des sommes versées au titre du décès et confirmé relativement à cette exclusion.

Il serait inéquitable de laisser à la charge du FIVA ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme déjà allouée de ce chef en première instance et qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire:

Infirme le jugement rendu le 13 novembre 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'ILLE ET VILAINE mais seulement en ce qu'il a déclaré opposable à la société ETERNIT la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [B] et dit que la caisse primaire d'assurance maladie récupérera, auprès de la société ETERNIT, la majorations et indemnités que la caisse sera amenée à servir au FIVA et aux ayants droits de Monsieur [B], à l'exclusion des sommes versées au titre du décès;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Déclare inopposable à la société ETERNIT la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine du 24 mai 2005 de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de Monsieur [G] [B] du 20 janvier 2005;

Dit en conséquence que la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille et Vilaine n'est pas fondée à récupérer auprès de la société ETERNIT non seulement les sommes versées au titre du décès mais également celles versées au titre de la maladie professionnelle en vertu de la décision de prise en charge du 24 mai 2005;

Confirme le jugement pour le surplus;

Y ajoutant:

Condamne la société ETERNIT à payer au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) la somme de 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 08/08716
Date de la décision : 02/06/2010

Références :

Cour d'appel de Rennes SS, arrêt n°08/08716 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-06-02;08.08716 ?
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