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04/07/2008 | FRANCE | N°484

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0014, 04 juillet 2008, 484


Première Chambre B

ARRÊT No 484

R.G : 07/05065

S.A.R.L. HARMONIE VEGETALE

C/

S.A.S. BIO 3 G

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

POURVOI No D 0819424

DU 09.09.08

(Nos Réf. Pourvoi : 30/08)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président,

Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,

Monsieur Jean

-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Juin 2008, devant Monsieur Jean-Pierre GIMON...

Première Chambre B

ARRÊT No 484

R.G : 07/05065

S.A.R.L. HARMONIE VEGETALE

C/

S.A.S. BIO 3 G

Infirme la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

POURVOI No D 0819424

DU 09.09.08

(Nos Réf. Pourvoi : 30/08)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 04 JUILLET 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Jean-Bernard PIPERAUD, Président,

Mme Rosine NIVELLE, Conseiller,

Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Marie-Noëlle CARIOU, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Juin 2008, devant Monsieur Jean-Pierre GIMONET, entendu en son rapport à l'audience, siégeant en qualité de magistrat rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 04 Juillet 2008, date indiquée à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. HARMONIE VEGETALE

Lannectal

Route de Meriadec

56880 PLOEREN

représentée par la SCP JACQUELINE BREBION ET JEAN-DAVID CHAUDET, avoués

assistée de Me PRIGENT, avocat

INTIMÉE :

S.A.S. BIO 3 G

3 rue Basse Madeleine

22230 MERDRIGNAC

représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués

assistée de Me RAULT, avocat

La SARL HARMONIE VEGETALE, pépiniériste en culture « hors-sol », a acheté trois types d'engrais et amendements à la société BIO 3 G le 21 juillet 2004 ; les plantes traitées avec les produits BIO 3 G n'ont pas résisté à ces traitements ; l'expert judiciaire a estimé que tous les dosages préconisés sur les fiches techniques étaient inadaptés et préjudiciables à la bonne vie des plantes ;

Par jugement du 16 juillet 2007, le tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC a débouté la SARL HARMONIE VEGETALE de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société BIO 3 G la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise ;

La SARL HARMONIE VEGETALE a interjeté appel de cette décision et, par conclusions du 20 mai 2008, a demandé à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de juger la société BIO 3 G entièrement responsable du préjudice qu'elle a subi à la suite de l'utilisation des engrais en cause ;

- de condamner la société BIO 3 G à lui payer la somme de 297.528 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société BIO 3 G aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise et de référé et qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La société BIO 3 G a demandé à la cour, par conclusions du 23 mai 2008, de confirmer le jugement et de condamner SARL HARMONIE VEGETALE à lui payer la somme 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE,

Considérant qu'aux termes de l'article 1386-1 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ;

Considérant qu'il ressort du rapport de l'expert B... commis par ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de SAINT-BRIEUC du 29 novembre 2004 que les produits TONIFLORE, JARDITONIC et SUPRATONIC acquis par la société HARMONIE VEGETALE auprès de la société BIO 3 G ont été utilisés dans le cadre d'une culture hors sol, qui se pratique avec un volume très limité de substrat de culture, composé d'un seul terreau inerte, même s'il est chargé de quelques éléments nutritifs, rapidement envahi en totalité par les racines, retenant peu l'eau et nécessitant un arrosage fréquent ,souvent quotidien ; que selon, l'expert, ce type de culture demande donc beaucoup plus de vigilance en ce qui concerne, la fertilisation, l'arrosage, les traitements ;

Considérant que l'expert indique que l‘un ou l'autre des produits TONIFLORE, JARDITONIC et SUPRA TONIC aux doses préconisées par le fournisseur BIO 3G semble inadapté à ce genre de culture ; qu'il précise que les supports commerciaux et techniques sont tous établis pour des destinations de cultures en pleine terre, c'est à dire avec un grand volume de terre, avec un volume également important exploité par les racines, avec une terre constituée d'humus avec une synergie plus harmonieuse des composants (micro organismes, composants de la terre variés) dont l'équilibre permet d'accepter certains accidents de fertilisation, un excès d'engrais pouvant être ainsi « digéré» par le sol ;

Considérant que l'expert qui a constaté l'état des plantes a exclu que leur dépérissement puisse être dû à :

- une maladie cryptogamique Type Phytophtora,

- des parasites animaux,

- la phytotoxicité du terreau,

- des mélanges entre les engrais JARDITONIC et SUPRA TONIC et un terreau de culture non homogène ,

- une erreur de produit,

- une phytotoxicité provoquée par des antagonismes entre les produits BIO 3 G et le terreau ;

Que l'expert précise que la société HARMONIE VEGETALE a respecté les doses préconisées par la société BIO 3 G et qu'on peut lui reprocher de n'avoir pas procédé à des essais avant d'utiliser des produits inconnus sur une grande partie des cultures, d'autant que la société BIO 3 G ne fait pas état d'essais préliminaires sur des cultures en containers ayant permis d'étalonner les dosages ou d'avoir obtenu des références solides et de ne pas avoir "éventuellement modulé des apports en fonction des éléments fertilisants déjà contenus dans les terreaux utilisés" ;

Considérant que l'expert indique que les reproches suivants peuvent être faits à la société BIO 3 G :

"1) L'ensemble des documentations est destiné aux espaces verts ainsi qu'aux plantations en pleine terre, ce qui montre bien que les produits employés (TONI C... - JARDI TONIC 6.6.28 - SUPRA TONIC) ne sont pas forcément adaptés aux cultures hors sol de petits volumes.

2) La SAS BIO 3 G fait état de références d'utilisation en majorité en Espaces Verts.

3) La SAS BIO 3 G ne fait pas référence à des essais similaires en pépinières.

4) Les dosages ainsi que la référence à la norme NFU ne sont inscrits que manuellement. Les dosages notés sont incohérents d'une pépinière à l'autre et les quantités ne sont pas basées d'après une analyse des terreaux employés. On trouve de plus une grande disparité dans les préconisations.

5) On peut supposer, pour le TONI C..., une inversion des préconisations entre l'arrosage (absorption par les racines) 1 à 2 % et la pulvérisation (absorption par les feuilles) 4 à 6 % (là encore pas d'essais effectués).

6) Les dosages préconisés même en Espaces Verts sont imprécis, voire fantaisistes d'une utilisation à l'autre. Exemple: de 2 à 4 % (soit du simple au double).

7) Un engrais dit naturel en apport excessif est aussi nocif qu'un apport excessif d'engrais minéral dit chimique.

8) La SAS BIO 3 G n'a pas signalé l'incompatibilité entre le TONI C... et le SUPRA TONIC avec un pH à 8 avec les plantes acidophiles cultivées par la pépinière Harmonie Végétale.

9) Tous les dosages préconisés sur toutes les fiches techniques sont inadaptées, préjudiciables à la bonne vie des plantes entraînant la mort que nous avons constatée sur les végétaux.

10) La pépinière Harmonie Végétale a respecté les dosages préconisés et ceci a été confirmé par la SAS BIO 3 G et notamment lors de l'expertise du 6 Janvier 2005.

11) Chaque produit est donc nocif aux doses préconisées et le fait de les associer comme cela est préconisé, augmente donc leur nocivité. " ;

Que l'expert conclut que :

"À la lecture des fiches techniques, des différentes préconisations inscrites ou conseillées par les technico commercIaux de la SAS BIO 3G qui se sont succédés à la pépinière HARMONIE VEGETALE ou chez d'autres pépiniéristes, on a pu constater un véritable «flou» et on a l'impression que l'utilisateur susnommé a participé à la mise au point des produits dans le cadre d'essais grandeur nature.

Des essais préliminaires en cultures hors sol aux doses indiquées par BIO 3G auraient dû faire ressortir les problèmes de phytotoxicité rencontrés maintenant par la pépinière HARMONIE VEGETALE.

Il semblerait que Monsieur D... ait fait les frais d'un manque de mise au point de produits avant la mise en place sur un marché très spécifique de la pépinière en culture hors sol." ;

Considérant qu'il ressort ainsi de l'expertise que chaque produit de la société BIO 3 G est nocif aux doses préconisées et que le fait de les associer, comme cela est préconisé, augmente leur nocivité ;que ces produits qui n'offrent pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre eu égard à leur présentation et à l'usage qui peut en être attendu apparaissent défectueux au sens de l'article 1386-4 du code civil ; qu'en ce qui concerne le produit SUPRATONIC, il ressort de l'expertise de monsieur E..., ordonnée dans le cadre d'une autre instance et régulièrement versée aux débats, que "les dommages subis par les horticulteurs sont donc imputables aux défauts de conception du produit et surtout d'inadaptation de cette conception avec les usages et dosages définis. Ils étaient à notre sens structurellement prévisibles, et l'insuffisance scientifique des tests, qui auraient dû être le dernier rempart avant les sinistres en culture n'ont pas permis d'arrêter cette mécanique de mise sur le marché d'un produit incontrôlé. ..la dose, disproportionnée, a fait le poison..." ;

Considérant que l'expert B... a constaté que les dosages préconisés sur toutes les fiches techniques sont préjudiciables à la bonne vie des plantes et ont entraîné la mort des végétaux de la société HARMONIE VEGETALE ; que cette dernière ayant rapporté la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage, la responsabilité de la société BIO 3 G apparaît engagée sur le fondement de l'article 1386-1 du code civil ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1386-13 du code civil la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ;

Considérant que la société BIO 3 G soutient à cet égard que des plants étaient déjà malades avant même l'application de ses produits ; que l'expert a cependant réfuté cette hypothèse de

dépérissement des plantes et rappelé que les engrais et amendements en cause avaient déjà été utilisés au moment de la première constatation du dépérissement de certaines plantes ; que, de même, la société BIO 3 G est mal venue de reprocher à sa cliente d'avoir additionné du produit SUPRATONIC, vendu comme un amendement, et de l'engrais JARDITONIC, alors que l'expert E... a relevé que le SUPRATONIC, dans son usage de substrat de culture, n'était pas un amendement organique, car son objet n'était pas d'entretenir ou de reconstituer les stocks de matière organique comme étant trop riche en éléments minéraux, mais qu'il devait être requalifié soit en engrais soit en amendement organique avec engrais ; qu'enfin l'expert a relevé que, contrairement à l'allégation de surdosage soutenue désormais devant la cour, monsieur F..., appartenant à la société BIO 3 G, avait confirmé que les applications avaient bien été faites suivant les préconisations des techniciens ;

Considérant cependant que la société HARMONIE VEGETALE aurait pu par prudence procéder à des essais avant d'utiliser des produits qui étaient nouveaux pour elle sur une grande partie des cultures, même s'il reste que c'est avant tout la société BIO 3 G qui est fautive pour avoir commercialisé ses produits sans avoir pratiqué de tests scientifiques préalables ;

Considérant que, comme le soutient la société BIO 3G et comme l'a relevé l'expert, la société HARMONIE VEGETALE, pépiniériste professionnel, aurait dû moduler les apports engrais et amendements en fonction des éléments fertilisants déjà contenus dans les terreaux qu'elle utilisait ; qu'en ajoutant un produit surdosé à un terreau contenant déjà des fertilisants, elle a contribué à la destruction de ses plantes ;

Qu'eu égard à ces éléments, la responsabilité de la société BIO 3 G ne sera retenue qu'a concurrence de 90 % ;

Considérant que l'expert B... expose que toutes les plantes ont péri ; que, pour apprécier le préjudice subi par la société HARMONIE VEGETALE, il a comparé les prix pratiqués par cette pépinière avec ceux pratiqués par des pépinières locales ;

Qu'eu égard aux prix couramment pratiqués, il apparaît que le prix par plante réclamé par la société HARMONIE VEGETALE est très souvent exagéré et doit être revu à la baisse ; que la cour évalue ainsi la valeur totale des plantes détruites, à laquelle s'ajoutent le coût de la main d'oeuvre pour la manutention et destruction des plants en cause et le montant des factures réglées à BIO 3G, à la somme globale de 180.000 euros TTC ;

Considérant par ailleurs qu'il est constant que la destruction des plantes a eu des conséquences à plus long terme sur la société HARMONIE VEGETALE ; que la cour ne saurait toutefois entériner le chiffre de la perte d'exploitation par rapport aux bilans prévisionnels que réclame l'appelante en produisant un document émanant de FID'OUEST, dans lequel il est d'ailleurs admis qu'une partie de cette perte peut être imputée aux aléas de l'activité économique d'une entreprise qui n'a jamais été florissante ni la somme résultant de l'attestation de perte de chiffres d'affaires de son expert-comptable ; qu'eu égard aux pièces comptables versées aux débats, la réclamation sera ramenée à la somme de 30.000 euros de ce chef ;

Et considérant qu'après application du partage de responsabilité, il convient, en infirmant le jugement, de condamner la société BIO 3 G à payer à la société HARMONIE VÉGÉTALE la somme de 189.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement ;

Dit la société BIO 3G responsable à concurrence de 90% du préjudice subi par la société HARMONIE VEGETALE à la suite de l'utilisation des produits fertilisants qu'elle lui a vendus ;

Condamne la société BIO 3 G à payer à la société HARMONIE VÉGÉTALE la somme de 189.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société BIO 3 G à payer à la société HARMONIE VÉGÉTALE la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne société BIO 3 G aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais de référé et d'expertise et qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0014
Numéro d'arrêt : 484
Date de la décision : 04/07/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Saint-Brieuc, 16 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-07-04;484 ?
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