Cinquième Chamb Prud'Hom
ARRÊT No426
R.G : 06/06434
Mme Monique X...
C/
S.A. MAX Y...
POURVOI No 68/08 DU 29.08.08
Réf. Cour de Cassation
No Z 0870112
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 01 JUILLET 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Louis-Marc PLOUX, Président de Chambre,
Madame Simone CITRAY, Conseiller,
Madame Catherine LEGEARD, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Guyonne Z..., lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 11 Mars 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 01 Juillet 2008; date indiquée à l'issue des débats:
06 mai 2008.
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APPELANTE :
Madame Monique X...
La Touche
35320 SAULNIERES
Comparante en personne, assistée de Me Mikaël A..., avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
S.A. MAX Y...
...
B.P. 204
22002 SAINT- BRIEUC CEDEX
représentée par Me Sylvie CHENAIS-GUILLAS, avocat au barreau de RENNES
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Par acte du 3 octobre 2006, Madame X... interjetait appel d'un jugement rendu le 6 septembre 2006 par le Conseil de Prud'hommes de Rennes qui, dans le litige l'opposant à la société SA MAX Y..., déclarait que le licenciement de Madame X... était fondé sur un motif économique mais que l'ordre des licenciements n'avait pas été respecté, il lui accordait la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.
Madame X... sollicite l'infirmation du jugement, elle conteste le caractère économique de son licenciement , selon elle son employeur n'a pas recherché à la reclasser dans l'entreprise et n'a pas respecté les critères de licenciement. Elle demande à la Cour de faire droit à ses prétentions , elle réclame à la société MAX Y... à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif la somme de 60 000 euros et à titre subsidiaire la même somme pour non respect des critères de l'ordre de licenciement et celle de 2000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société MAX Y... maintient que le licenciement de cette salariée a bien un fondement économique ainsi que cela est justifié, que les dispositions de l' articles L 321-1 du Code du Travail concernant le reclassement et l'ordre des licenciements ont bien été respectées. Il est demandé d'infirmer pour partie le jugement et de débouter Madame X... de toutes ses demandes et de la condamner à verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour un exposé plus complet de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère au jugement déféré et aux conclusions régulièrement communiquées à l'adversaire qui ont été déposées et développées à l'audience des plaidoiries du 11 mars 2008 puis versées dans les pièces de procédure à l'issue des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Rappel sommaire des faits:
Madame X..., initialement engagée par contrat à durée indéterminée par la société LA BROSSE et J DUPONT REUNIS le 4 septembre 1969 en qualité d'ouvrière, à la suite du rachat du site de Rennes en 1991, devenait salariée de la société OUEST PINCEAUX FINS par application des dispositions de l'article L 122-12 du Code du Travail, puis au cours de l'année 2001 à la suite d'une fusion avec la société filiale Ouest Pinceaux Fins, elle devenait salariée de la société MAX Y..., affectée au site de Rennes en qualité de magasinière matière première.
Le 27 février 2004, la société MAX Y... lui proposait d'aller travailler sur le site de Saint-Brieuc à la réception des matières premières et au colisage..Après plusieurs échanges de courrier , Madame X... n'étant pas satisfaite des conditions de ce transfert, refusait le 25 mars 2004 d'accepter cet emploi. Elle faisait l'objet d'un licenciement économique par lettre du 3 mai 2004. Elle contestait cette décision devant le Conseil de Prud'hommes de Saint-Brieuc qui la déboutait en partie de ses demandes.
Sur le licenciement économique:
Considérant que la lettre de licenciement du 3 mai 2004 très détaillée et les documents qui l'accompagnent permettent d'établir que depuis 2003, en raison d'une conjoncture économique très mauvaise, de la concurrence des pays de l'Est et de l' Asie , la majorité des entreprises françaises de fabrication de pinceaux fins d'art, de couleurs et autres produits destinés aux artistes peintres, qui étaient principalement implantées dans le département des Côtes d'Armor, a disparu, ce qui a obligé les rares entreprises encore sur le marché à prendre impérativement des mesures drastiques pour survivre, dont celle de réduire leur personnel.
Considérant que s'agissant de la société MAX Y..., elle justifie que l'activité du site de Rennes qui accusait une baisse du chiffre d'affaire de 8 % a été abandonné , que le poste occupé par Madame X..., qui ne se justifiait plus, a été supprimé et que l'ensemble des services a été regroupé sur Saint Brieuc en 2004, ce qui imposait entre autre une réorganisation du service commercial, en particulier celui de la distribution et la suppression de certains emplois,
que selon l'étude en date du 10 février 2005 de l'expert comptable du CE " le chiffre d'affaire de la société se détériore depuis les 4 dernières années et devrait tendre vers 0 au titre de l'année 2004 ( CA - 66,6 % par rapport au CA de 2003);"
qu'enfin, l'inspection du travail consulté dans le cadre du plan de sauvegarde qui concernait 32 salariés a autorisé le licenciement de deux salariés protégés en poste à Rennes.
Considérant que cette réorganisation, nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise qui, impérativement, devait adapter ses structures pour répondre aux demandes de la grande distribution qui entend imposer aux fabriquants ses conditions et pour prévenir des difficultés économiques, entre bien dans les prévisions de l' article L 321-1 du Code du Travail, le motif économique doit être retenu, d'ailleurs Madame X... ne conteste pas sérieusement le caractère économique de son licenciement.
Sur l'obligation de reclassement:
Considérant que la société, avant de procéder au licenciement de Madame X... dont le poste à Rennes allait être supprimé, lui a proposé les 27 février et 21 avril 2004 un emploi d'ouvrière au magasin d'expédition à Saint Brieuc , poste qui entrait dans ses compétences , ce qu'elle a refusé pour des raisons liées à l'organisation de ses horaires; or, Madame X... ne saurait exiger de son employeur d'avoir les mêmes conditions de travail qu'à Rennes, alors que du fait du regroupement de toutes les activités de MAX Y... à Saint-Brieuc , elle entrait dans un nouveau service et devait se plier aux nouvelles contraintes de son emploi.
Considérant que l'employeur, compte tenu du refus de Madame X... qui a même refusé de venir travailler à Saint-Brieuc pendant une période probatoire pour se rendre compte de ses nouvelles conditions de travail et des contraintes quotidiennes liées à l'éloignement de son domicile (Rennes - Saint-Brieuc: 98 kms ) ne pouvait que tirer les conséquences de ce refus catégorique et procéder à son licenciement.
Sur l'ordre des licenciements:
Considérant qu'après consultation des représentants du personnel, lors de la réunion du 26 février 2004, il a été retenu les critères suivants :
charges de famille, caractéristiques sociales (âge et handicap), ancienneté, qualités professionnelles.
Considérant que contrairement à ce que soutient l'employeur dans ses écritures , Madame X... devait entrer en compétition avec tous les salariés (ées) de sa catégorie professionnelle des trois sites, Rennes , Saint-Brieuc et Hillion et non pas avec les seules personnes chargées des approvisionnements et des livraisons; or, en réduisant à quatre personnes, Mesdames X..., B..., C... et D..., la société MAX Y... dans l'application des critères de choix n'a pas fait preuve d'impartialité et d'objectivité, mais a choisi d'avantager les salariées rattachées au siège social de Saint- Brieuc , alors qu'il est possible que, si l'échantillon avait été plus large, un autre poste aurait pu être proposé à Madame X... dont on ignore quelle aurait été sa réponse; pour ces raisons, il n'y a pas eu respect des dispositions de l'article L 321-1-1 du Code du Travail.
Sur les droits de Madame X...:
Considérant qu'en réparation de son préjudice, outre les indemnités de rupture , compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise, 34 ans et 3 mois, de son âge, de sa rémunération mensuelle 2 082,86 euros et de sa situation actuelle , il lui sera accordé à titre de dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subi du fait de son licenciement la somme de 27 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement,
Infirme pour partie le jugement du 06 septembre 2006;
Dit qu'il y a eu violation des dispositions de l'article L 122-1-1 du Code du Travail sur l'application des critères de licenciement
Condamne la société MAX Y... ISABEY à verser à Madame X...
- à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L 321-1-1 la somme de 27 000 euros.
- au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile: 1500 euros
Condamne la société MAX Y... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT