Huitième Chambre Prud'Hom
ARRÊT No297
R. G : 06 / 06779
POURVOI No42 / 2008 du 10 / 07 / 2008 Réf U0843243
CRAM DES PAYS DE LA LOIRE
C /
- Mme Véronique X...
-Mme Véronique Y...épouse Z...
-M. Christian A...
-Mme Isabelle B...
-FEDERATION CFDT PROTECTION SOCIALE EMPLOI
-D. R. A. S. S. DES PAYS DE LA LOIRE
-MONSIEUR LE PREFET DE REGION
Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 MAI 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Monique BOIVIN, Président,
Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller,
Monsieur François PATTE, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Mars 2008
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience publique du 15 Mai 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La C. R. A. M. DES PAYS DE LA LOIRE prise en la personne de son représentant légal
2, Place ...
44932 NANTES CEDEX 9
représenté par Me Anne Sophie LE FUR substituant à l'audience Me Jean-François MARTIN, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMES :
Madame Véronique X...
......
44240 LA CHAPELLE SUR ERDRE
Madame Véronique Y...épouse Z...
...
44360 VIGNEUX DE BRETAGNE
Monsieur Christian A...
...
44800 SAINT HERBLAIN
comparant en personne
Madame Isabelle B...
...
44840 LES SORINIERES
représentés par (ou assistés de) Me Jean-Christophe DAVID substituant à l'audience Me Fabienne E..., Avocats au Barreau de NANTES
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
La FEDERATION C. F. D. T. PROTECTION SOCIALE EMPLOI prise en la personne de son représentant légal
2 / 8 rue Gaston Rebuffat
75940 PARIS CEDEX 19
représentée par Me Jean-Christophe DAVID substituant à l'audience Me Fabienne E..., Avocats au Barreau de NANTES
DE LA CAUSE :
La D. R. A. S. S. DES PAYS DE LA LOIRE prise en la personne de son représentant légal
6 rue René Viviani
BP 86218
44062 NANTES CEDEX 02
non comparante ni représentée à l'audience bien que régulièrement convoquée
MONSIEUR LE PREFET DE REGION
6, Quai Ceineray
44000 NANTES
non comparant ni représenté à l'audience bien que régulièrement convoqué
FAITS ET PROCEDURE
Madame X...a été embauchée le 1er mars 1984 par la CRAM des Pays de Loire ; elle travaille à temps partiel sur 3 jours (24 heures par semaine).
Madame Z...a été embauchée le 30 juin 2002 ; elle travaille à temps partiel sur 3 jours (28 heures par semaine).
Monsieur A...a été embauché le 2 septembre 1975 : il travaille à temps partiel sur 4 jours (32 heures par semaine).
Madame B...a été embauchée le 9 avril 1982 ; elle travaille à temps partiel sur 4 jours (29 heures par semaine).
Leurs contrats de travail sont soumis aux dispositions de la Convention Collective Nationale des Organismes de Sécurité Sociale dont l'article 38 prévoit :
- qu'il est accordé aux agents une demi-journée de congés payés supplémentaire par tranche de 5 années d'ancienneté,
- qu'il est accordé aux agents un congé supplémentaire de 2 jours ouvrés par enfant à charge de moins de 15 ans.
En application de ces dispositions :
- Madame X...devait bénéficier de 4 demi-journées de congés supplémentaires (ancienneté supérieure à 20 ans) et 4 jours de congé supplémentaire (2 enfants à charge de moins de 15 ans).
- Madame Z...devait bénéficier de 4 jours de congés supplémentaires (2 enfants à charge de moins de 15 ans).
- Monsieur A...devait bénéficier de 5 demi-journées de congés supplémentaires (ancienneté supérieure à 25 ans).
- Madame B...devait bénéficier de 6 jours de congés supplémentaires (3enfants à charge de moins de 15 ans).
La CRAM des Pays de Loire qui ne conteste pas que ces agents remplissent les conditions fixées pour bénéficier des congés supplémentaires à partir du 1er juin 2004 a décidé de procéder à la proratisation des congés supplémentaires des salariés à temps partiel conformément aux directives de l'URSSAF.
Les salariés ont saisi le Conseil de Prud'hommes de NANTES pour faire dire que leur droit conventionnel à congés supplémentaires ne saurait être proratisé en raison du nombre de jours travaillés prévu au contrat de travail à temps partiel.
Par jugement du 28 septembre 2006 le Conseil de Prud'hommes de NANTES a fait droit aux demandes des agents de la CRAM des Pays de Loire, condamné la CRAM à verser à chacun des salariés la somme de 1. 000 euros à titre de dommages intérêts, déclaré recevable l'intervention volontaire principale de la Fédération CFDT PROTECTION SOCIALE EMPLOI, ordonné la publication du jugement dans deux quotidiens locaux aux choix de la Fédération PROTECTION SOCIALE EMPLOI, aux frais de la CRAM.
La CRAM DES PAYS DE LOIRE a interjeté appel.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La CRAM DES PAYS DE LOIRE dans ses écritures reprises à l'audience, sollicite l'infirmation du jugement, le débouté des demandes de ses agents, ainsi que de la FEDERATION CFDT et forme une demande de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Au soutien de son appel elle expose que :
- jusqu'en 2003 elle avait adopté une position très favorable vis à vis des agents à temps partiel pendant plusieurs années : le décompte des congés supplémentaires en jours ouvrés s'imputait sur les seuls jours effectivement travaillés ; ces accords étaient dérogatoires aux directives de l'UCANSS,
- le 13 mai 2004 un nouvel accord a été conclu avec les organisations syndicales, qui n'a pu recevoir application à raison d'un refus d'agrément ministériel,
- par note de service du 24 mai 2004, il a été prévu de proratiser le décompte des congés supplémentaires,
- sa méthode de décompte des congés supplémentaires en jours ouvrés est conforme à l'article 38 de la Convention Collective Nationale, qui a été dénaturé par le Conseil de Prud'hommes lequel a confondu le droit à congé et le décompte des droits à congés,
- son calcul n'a pas pour effet de modifier le droit à congés qui reste identique à celui des salariés à temps complet,
- l'article 38 de la Convention Collective s'il ne prévoit aucune restriction du droit à congés supplémentaires des agents à temps partiel, reste silencieux quant à la méthode de décompte à appliquer aux congés principal ou supplémentaires,
- l'UCANSS préconise le décompte des congés en jours ouvrés, règle de décompte appliquée pour le congé principal avec proratisation entre les droits des salariés présents 5 jours et ceux présents que quelques jours, ce qui ne pose aucun problème,
- cette méthode est conforme au principe d'égalité de traitement entre salariés travaillant à temps plein et salariés exerçant à temps partiel,
- en l'espèce selon la méthode de l'UCANSS le décompte des congés supplémentaires des agents à temps partiel est le suivant :
* Madame X...qui a droit à un congé de 6 jours bénéficie d'une absence d'une semaine et 1 jour, absence identique à celle d'un salarié à temps complet,
* Madame Y...épouse Z...qui a droit à un congé de 4 jours bénéficie d'une absence de 3 jours et demi sur une semaine, soit 0, 5 jour de présence dans la semaine, alors qu'un agent à temps plein bénéficie de 4 jours d'absence soit un jour de présence dans la semaine,
* Monsieur A...qui a un droit à congés de 2, 5 jours bénéficie d'une absence de 2 jours dans la semaine, soit moitié de la semaine, semaine identique à l'absence de 2, 5 jours pour un agent à temps complet,
* Madame B...qui a un droit à congés de 6 jours bénéficie d'une absence d'une semaine et 1 jour, identique à celle d'un agent à temps complet,
- L'accord du 13 mai 2004 qui a un caractère collectif n'a pas valeur d'engagement unilatéral.
- Un usage ne peut être assimilé à un accord collectif ; l'usage a été dénoncé le 18 février 2003.
Les salariés, dans leurs écritures développées à la barre, concluent à la confirmation du jugement en précisant que :
- la proratisation des congés supplémentaires pour les salariés à temps partiel est en parfaite contradiction avec les dispositions de l'article L 212-4-5 du Code du Travail,
- un accord collectif non agréé à la valeur juridique d'un engagement unilatéral qui n'a pas été en l'espèce régulièrement dénoncé, sollicitent chacun une indemnité de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ils sollicitent la capitalisation des intérêts de droit.
Les intimés répliquent que :
- la proratisation des congés supplémentaires selon le temps travaillé est une pratique récente au sein de la CRAM,
- un accord signé en 2004 sur la détermination du droit et décompte de congés annuels en jours a rappelé l'opposition de la Cour de Cassation à la proratisation des congés supplémentaires des agents à temps partiel,
- cet accord n'a pas reçu l'agrément du Ministère de Tutelle ; la CRAM a alors proratisé les congés supplémentaires conformément aux directives de L'UCANSS.
- l'article 38 de la Convention Collective ne prévoit pas que le congé, se trouve réduit quand le salarié travaille à temps partiel ; la proratisation des congés supplémentaires est contraire aux dispositions conventionnelles applicables en ce qu'elle rajoute des conditions au texte.
- l'article 212-14-5 du Code du Travail pose le principe d'égalité entre salariés employés à temps partiel et salariés employés à temps complet.
- l'avis de L'UCANSS n'a pas valeur normative.
- l'accord d'entreprise du 13 mai 2004 a valeur d'engagement unilatéral.
- la dénonciation de cet engagement unilatéral n'est pas régulier.
- jusqu'en 2004 / 2005 il existait un usage consistant à ne pas proratiser les congés supplémentaires des salariés à temps partiel ; cet usage n'a pas été dénoncé individuellement à tous les salariés ni au comité d'entreprise.
La FEDERATION CFDT PROTECTION SOCIALE EMPLOI conclut à la confirmation du jugement, sollicite une indemnité de 1. 000 euros au titre de ses frais irrépétibles faisant valoir que le refus de la CRAM est porteuse de conséquences pour tous les salariés à temps partiel et concerne les organismes de Sécurité Sociale.
DISCUSSION
Attendu que selon l'article L 3123-11 du Code du Travail les salariés employés à temps partiel bénéficient des droits reconnus aux salariés à temps complet par la loi, les Conventions Collectives ou les accords collectifs d'entreprise, sous réserve, en ce qui concerne les droits conventionnels, de modalités spécifiques prévues par une convention ou un accord collectif ;
Que l'article 38 de la Convention Collective Nationale des organismes de Sécurité Sociale prévoit le droit à des congés supplémentaires pour les agents répondant à certaines conditions (ancienneté, enfants) sans aucune distinction entre les agents travaillant à temps plein et ceux travaillant à temps partiel :
- une demi-journée de congés supplémentaire par tranche de 5 ans d'ancienneté,
-2 jours ouvrés par enfant à charge de moins de 15 ans,
Attendu que les droits à congés revendiqués par les intimés, agents à temps partiel reconnus par la CRAM, sont identiques aux droits des agents qui auraient travaillé à temps complet ;
Attendu qu'outre le droit à congé qui a été calculé conformément aux dispositions de l'article 38 de la Convention Collective, il convient de se prononcer sur la méthode de décompte des jours ouvrés des congés supplémentaires ;
Attendu que l'article 38 de la Convention Collective qui prévoit que les jours de congés supplémentaires sont décomptés en jours ouvrés ne contient aucune disposition quant à la méthode de décompte (proratisation ou non) à appliquer aux congés supplémentaires des agents à temps partiel ;
Attendu que l'article L 3123-12 dispose que pour la détermination des droits liés à l'ancienneté la durée de celle-ci est décomptée pour les salariés employés à temps partiel comme s'ils avaient été occupés à temps complet, les périodes non travaillées étant prises en compte en totalité ;
Que la Cour de Cassation a jugé que lorsque la Convention Collective prévoyait des congés supplémentaires en jours ouvrés, ceux-ci ne devaient s'imputer, pour les travailleurs à temps partiel que sur les jours où ils devaient normalement travailler en vertu de leur horaire ;
Attendu que dans l'accord d'entreprise relatif à la détermination du droit à congés du 13 mai 2004 qui n'a pas reçu agrément ministériel, les partenaires sociaux ont rappelé la jurisprudence de la Cour de Cassation qui s'oppose à la proratisation des congés supplémentaires des agents à temps partiel ;
Qu'il est constant que jusqu'en 2004 / 2005 il existait un usage, reconnu par la CRAM dans ses propres écritures, correspondant à ne pas proratiser les congés supplémentaires des salariés à temps partiel, usage dont les caractères de généralité, de fixité et de constance ne sont pas contestables ;
Que faute de dénonciation de cet usage individuellement à chaque agent avant application de la circulaire de l'UCANSS qui n'a pas valeur normative, l'usage consistant à ne pas proratiser les congés supplémentaires des salariés à temps partiel continue à produire effet ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de chacun des intimés leurs frais irrépétibles qui seront indemnisés par la somme de 700 euros ainsi que ceux de la FEDERATION CFDT.
DECISION
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déboute la CRAM des PAYS DE LOIRE de son appel.
Confirme le jugement du 28 septembre 2006.
Tout en précisant qu'il n'y a pas lieu dans le décompte des congés supplémentaires pour les salariés à temps partiel de faire application de la méthode de proratisation.
Condamne la CRAM DES PAYS DE LOIRE à verser respectivement à mesdames X..., Z...et B..., à Monsieur A...et à la CFDT DES PAYS DE LOIRE la somme de 700 euros au titre des frais irrépétibles.
Condamne la CRAM DES PAYS DE LOIRE aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT