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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par jugement du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES en date du 13 Février 1986, M Jean Paul X..., pris en sa qualité de gérant majoritaire de la SARL Bâtiment et Plâtrerie, a été condamné sur le fondement de l'article L 266 du Livre des Procédures Fiscales à payer à l' Administration Fiscale 1 787 601,46 F outre intérêts de droit.
Selon acte du 14 Juin 1986, M Jean Paul X... et son épouse, Mme Y... aujourd'hui divorcée et remariée Z..., ont fait donation à leurs enfants, Denis, Véronique épouse HENRY, Christophe, Caroline épouse A..., Florence épouse B... et C..., de divers biens immobiliers et mobiliers dépendant de leur communauté et notamment d'une maison située à LA TURBALLE, s'en réservant le droit d'usage et d'habitation.
Sur appel de M Jean Paul X... et par arrêt du 8 Juillet 1987,1a Cour d'Appel de VERSAILLES a réformé le jugement du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES et l' a condamné au paiement de 1 285 156 F outre intérêts au taux légal à compter du jugement.
Par jugement du Tribunal de Commerce de CHARTRES en date du 15 Décembre 1987, M Jean Pierre X... a été déclaré en liquidation judiciaire, procédure qui a été clôturée pour insuffisance d'actif le 27 Octobre1998.
Soutenant que la donation avait été faite en fraude de ses droits, le Comptable des Impôts de CHARTRES a obtenu, par arrêt de la Cour de Cassation du 8 Octobre 1996, cassant sans renvoi un arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES du 28 Janvier 1993, confirmant un jugement du Tribunal de Grande Instance de CHARTRES du 26 Novembre 1991, qu'elle lui soit inopposable.
Le Trésor Public a inscrit une hypothèque sur l'immeuble de la TURBALLE le 8 Juillet 1996 et a ensuite saisi le Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE lequel a, par jugement réputé contradictoire du 23 Mars 1998, ordonné le partage de l'indivision existant entre M Jean Pierre X..., ses six enfants et son ex épouse sur l'immeuble, commis pour y procéder le Président de la Chambre Départementale des Notaires de LOIRE ATLANTIQUE avec faculté de délégation et pour y parvenir a ordonné la licitation à la barre du Tribunal.
C'est dans ces conditions que l'immeuble a été adjugé le 8 Octobre 1999 à M et Mme Y....
Le prix a été séquestré entre les mains de Maître D..., désigné par le Président de la Chambre des Notaires, qui a établi un projet de
partage, suivi le 3 Octobre 2000, d'un procès verbal de difficultés. *****
En l'absence de conciliation devant lui, le Juge Commissaire a, par procès verbal du 30 Janvier 2001, renvoyé les parties devant le Tribunal de Grande Instance à l'audience du 19 Mars 2001.
MM Jean Paul et Christophe X... ayant soulevé la caducité du jugement du 23 Mars 1998 ordonnant le partage, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats pour permettre à la Recette Divisionnaire des Impôts de répondre à ce moyen par jugement du 7 Mai 2001.
Celle-ci a assigné les consorts X... en partage alors que M Jean Pierre X... assignait pour sa part M et Mme Y... afin de les voir déclarer occupants sans droit ni titre et obtenir leur expulsion ainsi que leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation.
Les procédures ont été jointes et par jugement du 29 Mai 2006, le Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE a :
* déclaré irrecevable la demande d'annulation du jugement d'adjudication du 8 Octobre 1999 par application des dispositions de l'article 30-5 du décret du 4 Janvier 2005,
* débouté en conséquence les consorts X... de leurs demandes d'expulsion, condamnation à une indemnité d'occupation et restitution du prix,
* débouté les consorts X... de leur demande de répartition du prix de vente conformément aux termes de la donation,
* débouté les consorts X... de leur demande de main levée de l'inscription d'hypothèque prise le 8 Juillet 1996,
* débouté les consorts X... de leur demande visant à voir déclarer prescrite la créance fiscale,
* homologué le projet d'état liquidatif annexé au procès verbal de difficultés sous réserve de réintégration des intérêts dans la masse à partager,
* débouté M et Mme Y... de leur demande en dommages
et intérêts,
* débouté le Comptable des Impôts, M Jean Paul X..., Mlle Céline X..., Mme A..., Mme B..., Mme E... ainsi que M Christophe X... de leur demandes fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,
* condamné M Jean Paul X..., Mlle Céline X..., Mme A..., Mme B..., Mme E... et M Christophe X... à payer :
- 1 200 € à Mme Jeanne Z...
- 1 200 € à M et Mme Y...
* débouté les parties de leurs autres demandes,
* condamné M Jean Paul X..., Mlle Céline X...,
Mme A..., Mme B... et Mme E... ainsi que MM Christophe et Denis X... aux dépens qui seront payés par les indivisaires sur les sommes nettes à leur revenir an qualité de co partageants.
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Appel de cette décision a été interjeté par M Jean Paul X... et ses filles, d'une part, et par M Christophe X..., d'autre part, procédures jointes par ordonnance du Conseiller de la mise en Etat du 8 Septembre 2006.
Les premiers font valoir que le Tribunal a omis de se prononcer sur la caducité du jugement 23 Mars 1998 ordonnant le partage et demandent à la Cour de la constater. Ils soutiennent que cette caducité entraîne la nullité du jugement d'adjudication et réitèrent leurs demandes visant à voir expulser M et Mme Y..., auxquels le prix sera restitué, et obtenir leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation. Subsidiairement, ils concluent à ce que ce prix soit réparti conformément aux termes de la donation. Par ailleurs, ils demandent à la Cour d'ordonner la main levée de l'hypothèque, prise selon eux en violation des dispositions de l'article L 621-50, de constater l'irrégularité des poursuites au regard des dispositions des articles L 622-23 et L 622-32 du Code de Commerce, de déclarer prescrite la créance fiscale par application de l'article L 274 du Livre des Procédures Fiscales, faute d'actes interruptifs de prescription entre le 5 Avril 1997 et 5 Avril 2001, de débouter la Recette Divisionnaire de toutes ses demandes et de la condamner au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
M Christophe X... sollicite l'annulation du jugement attaqué, qui n'a pas statué sur sa demande visant à voir prononcer la caducité du jugement du 23 Mars 1998 ordonnant le partage et demande subsidiairement à la Cour de la prononcer. Il fait valoir qu'il n'a pas été informé de la procédure d'adjudication et prétend, comme les autres appelants, que la caducité du jugement du 23 Mars 1998 doit entraîner l'annulation du jugement d'adjudication, avec restitution du prix de vente, déduction faite des indemnités dues à l'indivision, et condamnation de M et Mme Y... à libérer les lieux. Subsidiairement, il réclame aussi le partage du prix conformément aux termes de la donation Il sollicite la main levée de l'hypothèque pour les mêmes motifs que les autres appelants. Il conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M et Mme Y... de leur demande de dommages et intérêts et la Recette des Impôts de sa demande en remboursement de frais irrépétibles mais à son infirmation en ce qu'il l'a condamné à payer 1 200 € à M et Mme Y... et à Mme Z... sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Il réclame 1 500 € en remboursement de ses frais irrépétibles.
M et Mme Y... concluent à la confirmation de la décision attaquée, sauf à se voir allouer 5 000 € à titre de dommages et intérêts et 10 000 € en remboursement de leurs frais irrépétibles. Subsidiairement, si la caducité du jugement d'adjudication devait être prononcée, ils sollicitent la condamnation du Comptable de la Direction Générale des Impôts de
CHARTRES à les indemniser de leur préjudice, lequel serait alors à déterminer par expertise.
Le Comptable de la Direction Régionale des Impôts de CHARTRES sollicite la confirmation de la décision attaquée ou, à titre subsidiaire, si le caractère non avenu du jugement du 23 Mars 1998 est reconnu, demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'il reprend sa procédure initiale, d'ordonner le partage de l'indivision existant entre M Jean Paul X..., son ex épouse et ses enfants et d'homologuer le projet de partage sauf à l'actualiser. Si par impossible, le jugement d'adjudication était annulé, il réitère sa demande en licitation et sollicite la garantie des appelants de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre au profit de M et Mme Y.... En toute hypothèse, il réclame 1 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.
Assignée à personne selon acte du 7 Juin 2007, Mme Z... n'a pas constitué avoué, non plus que M Denis X..., assigné à domicile selon acte du 6 Juin 2007 et réassigné à personne selon acte du 20 Août 2007.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures en date des :
- 24 Janvier 2007 pour M Jean Paul X... et ses filles
- 28 Janvier 2008 pour M Christophe X...
- 25 Septembre 2007 pour M et Mme Y...
- 14 Janvier 2008 pour le Comptable de la Direction Générale du Trésor
DISCUSSION
Attendu que devant le Tribunal, M Christophe X... ainsi que M Jean Paul X... et ses filles avaient sollicité que soit constaté le caractère non avenu du jugement du 23 Mars 1998 ; qu'il est constant que le premier juge n'a pas répondu à cette prétention, ce qui constitue une omission de statuer, qui n'est pas de nature à entraîner la nullité du jugement, mais qu'il appartient à la Cour, saisie de l'appel, de réparer ;
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Attendu que le jugement du 23 Mars 1998, ordonnant le partage, a été rendu sur les seules assignations à personne de M Jean Pierre X... et de Mme E... et déclaré réputé contradictoire ;
Attendu que M Christophe X..., en sa qualité d'indivisaire, a qualité et intérêt à agir pour voir reconnaître le caractère non avenu de cette décision qui a ordonné le partage et la licitation et à laquelle rien ne démontre qu'il ait acquiescé ;
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Attendu qu'en application de l'article 478 du Code de Procédure Civile, le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date ;
Attendu qu'il résulte des procès verbaux versés aux débats que ce jugement a été signifié:
- le 10 Décembre 1998 à M Jean Paul X..., Mlles Céline, Isabelle et Florence X...,
- le 27 Novembre 1998 à Mme E...,
- le 3 Décembre 1998 à M Denis X...
- le 25 Novembre 1998 à M Christophe X...
- le 26 Novembre 1998 à Mme Z...
Attendu qu'eu égard à l'indivisibilité du litige, il doit être déclaré non avenu à l'égard de toutes les parties ;
Attendu que pas plus que devant le Tribunal, les appelants ne justifient avoir publié leur demande tendant à l'annulation du jugement du 8 Octobre 1999 prononçant l'adjudication ; qu'à bon droit, cette demande a été déclarée irrecevable de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'interroger sur les conséquences de la constatation du caractère non avenu du jugement du 23 Mars 1998 à son égard ;
Attendu que M et Mme Y..., adjudicataires, n'étant pas occupants sans droit, ni titre, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes d'expulsion et paiement d'une indemnité d'occupation dirigées à leur encontre, ce qui rend sans objet les demandes en indemnisation formées par ces derniers à l'encontre de la Recette Divisionnaire des Impôts ;
Attendu que le fait de les avoir intimés sans procéder à la régularisation de la procédure présentant un caractère abusif, il y a lieu de leur accorder outre une somme complémentaire de 1 500 € en remboursement de leurs frais irrépétibles, la même somme à titre de dommages et intérêts en réparation des troubles occasionnés par la procédure ;
Attendu qu'eu égard à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour de Cassation du 8 Octobre 1996, déclarant inopposable à l'administration fiscale la donation consentie par M Jean Paul X... et Mme Z... à leurs enfants, le Tribunal a considéré à bon droit que la répartition du prix ne pouvait s'opérer conformément à celle-ci ;
Attendu qu'en application de l'article 478 alinéa 2 du Code de Procédure Civile, le Receveur Divisionnaire des Impôts de CHARTRES était fondé à reprendre l'instance en partage par ses assignations délivrées les 30 et 31 Mai et 1" , 6,7 et 12 Juin 2001;
Attendu que les appelants soutiennent à bon droit que le recouvrement de la créance fiscale est soumise à la prescription quadriennale prévue par l'article L 274 du Livre des Procédures Fiscales, ce texte ne faisant pas de distinction selon l'origine du titre ;
Attendu cependant que la caducité du jugement n'emporte pas l'anéantissement de tous les actes de la procédure ; qu'ainsi l'assignation originaire conserve ses effets interruptifs de prescription ;
Attendu dès lors que l'assignation délivrée le 10 Juin 1997 constitue l' acte interruptif valable ayant interrompu la prescription entre le 5 Avril 1997 et le 5 Avril 2001, précision étant apportée que M Jean Paul X... a reçu à sa personne l'assignation en reprise le 6 Juin 2001; que la créance n'est pas éteinte ;
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Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, le Tribunal a exactement considéré que l' inscription d'une hypothèque par le Trésor Public sur l'immeuble litigieux le 8 Juin 1996 à l'encontre de M Jean Paul X..., c'est à dire postérieurement au jugement ouvrant sa procédure collective, en date du 15 Décembre 1987, ne se heurtait pas aux dispositions de l'article L 621-50 ancien du Code de Commerce ; qu'en effet, l'arrêt de la Cour de Cassation du 8 Octobre 1996 n'a pas eu pour effet de faire réintégrer l'immeuble dans son patrimoine et celui de Mme Z..., mais uniquement de rendre inopposable au seul Trésor Public l'acte de donation du 14 Juin 1986, ce qui l'autorisait à poursuivre le recouvrement de sa créance sur ce bien, libre de droits ;
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Attendu que pour le même motif, l'immeuble appartenant aux enfants X..., les appelants ne peuvent se prévaloir des dispositions de l'article L 622-23 ancien du Code de Commerce ; que par ailleurs, l'action en partage, qui est la conséquence du succès de l'action paulienne, n'est pas soumise aux dispositions de l'article L 622-32 ancien du même code ;
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Attendu qu'il y a donc lieu d'ouvrir les opérations de compte liquidation et partage de l'indivision existant sur le prix d'adjudication et de commettre pour y procéder Maître D..., notaire à LA BAULE, sous la surveillance du Président du Tribunal de Grande Instance de SAINT
NAZAIRE avec faculté de délégation ;
Attendu que le projet de partage établi par Maître D... antérieurement au précédent arrêt le commettant ne peut être homologué, observation étant faite qu'il doit être actualisé pour tenir compte des intérêts ; que de ce chef, le jugement sera réformé ;
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Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit d'une autre partie que M et Mme Y...;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Réformant partiellement,
Condamne in solidum MM Jean Paul et Christophe X..., Mines A... B... et E... ainsi que Mlle Céline X... à payer à M et Mme Y... 1 500 € à titre de dommages et intérêts,
Déboute Mme Z... de sa demande en remboursement de frais irrépétibles,
Dit n'y avoir lieu à homologation du projet de partage, Ajoutant,
Déclare non avenu le jugement du Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE du 23 Mars 1998,
Déclare sans objet les demandes d'indemnisation formées par M et Mme Y... à l'encontre du Comptable de la Direction des Impôts de CHARTRES,
Ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre MM Jean Paul X..., Mme Z... et leurs six enfants sur le prix d'adjudication de l'immeuble,
Commet pour y procéder Maître D..., Notaire associé à LA BAULE, sous la surveillance du Président du Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE, avec faculté de délégation,
Condamne in solidum M Jean Paul X..., M Christophe X..., Mmes BROYARD B... et HENRY ainsi que Mlle C...
X... à payer 1 500 € à M et Mme Y... en remboursement de leurs frais irrépétibles d'appel,
Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Condamne in solidum M Jean Paul X..., M Christophe X..., Mmes A..., B... et HENRY ainsi que Mlle Céline X... aux dépens et dit que les avoués de la cause pourront les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT