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01/04/2008 | FRANCE | N°159

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0007, 01 avril 2008, 159


FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 28 juin 1963 au rapport de Maître X..., notaire à Angers, Monsieur Paul Y... avait donné à bail à usage commercial à Monsieur Denis Z..., photographe, un local situé ....

Le 1" juillet 1972 ce bail fut renouvelé pour une durée de neuf années et fut à nouveau renouvelé à son terme.

Dans le courant de l'année 1983 Monsieur Y... et Monsieur Z... engagèrent des discussions afin de modifier les modalités du bail et le montant du loyer. Le 15 décembre 1983 Monsieur Z... confia à Maître A..., huissier de justice à An

gers, le soin de proposer un nouveau bail à Monsieur Y....

Le 28 décembre 1983 Monsie...

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant acte en date du 28 juin 1963 au rapport de Maître X..., notaire à Angers, Monsieur Paul Y... avait donné à bail à usage commercial à Monsieur Denis Z..., photographe, un local situé ....

Le 1" juillet 1972 ce bail fut renouvelé pour une durée de neuf années et fut à nouveau renouvelé à son terme.

Dans le courant de l'année 1983 Monsieur Y... et Monsieur Z... engagèrent des discussions afin de modifier les modalités du bail et le montant du loyer. Le 15 décembre 1983 Monsieur Z... confia à Maître A..., huissier de justice à Angers, le soin de proposer un nouveau bail à Monsieur Y....

Le 28 décembre 1983 Monsieur B... h notifiait à Monsieur Z... un congé pour le 1' juillet 1984 sans indemnité d'éviction pour infraction aux clauses du bail.

Par jugement du 29 février 1988 le Tribunal de grande instance d'Angers constata que Monsieur Z... était forclos à contester ce congé, le déclara bon et valable et ordonna l'expulsion du preneur. Par arrêt du 18 octobre 1989 la Cour d'appel d'Angers confirma ce jugement et, par arrêt du 10 juillet 1991, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre cet arrêt par Monsieur Z....

Monsieur Z... engagea alors la responsabilité de C... GATE auquel il reproche d'avoir manqué à son devoir de conseil en omettant d'attirer l'attention de son client sur la nécessité de contester le congé délivré malgré la poursuite des négociations sur les conditions du nouveau bail.

Par jugement du 8 octobre 1996 le Tribunal de grande instance de Nantes ordonna un sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant le Tribunal d'instance d'Angers dans le litige opposant Monsieur Z... à Monsieur Y.... L'affaire fut radiée par ordonnance du 6 février 1997 puis rétablie le 1" juillet 1999 à la demande de Monsieur Z... et, par jugement du 11 septembre 2001 le Tribunal de grande instance de Nantes constata la péremption de l'instance.

Par acte du 10 juin 2003 Monsieur Z... engagea à nouveau une action contre Maître A... et la SCP GatéetMaingot.

Par jugement du 12 septembre 2006 le Tribunal de grande instance de Nantes :

déclara recevable et non prescrite l'action de Monsieur Z...,

la déclara mal fondée,

débouta la SCP A... et Maingot de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamna Monsieur Z... aux dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Z... forma appel de ce jugement.

POSITION DES PARTIES

* MONSIEUR Z...

Dans ses dernières conclusions en date du 12 mars 2007 Monsieur Z... demande à la Cour :

- de réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- de le déclarer recevable et bien fondé en sa demande d'indemnisation formée à l'encontre de Maître A... et de la SCP GatéetMaingot sur le fondement des articles 1147 et 1992 du code civil,

- de condamner solidairement Maître A... et la SCP GatéetMaingot à lui payer la somme de 1.625.105,40 € à titre de dommages et intérêts, soit :

434.479,00 € au titre de la perte du droit au bail,

91.469,00 € au titre de l'indemnité d'occupation,

1.099.157,40 € au titre des autres conséquences financières,

:11 de condamner solidairement Maître A... et la SCP

GatéetMaingot aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* MAÎTRE A... ET LA S.C.P. GATÉet MAINGOT

Dans leurs dernières écritures en date du 6 juin 2007 Maître A... et la SCP GatéetMaingot demandent à la Cour :

d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur Z... recevable en sa demande et déclarer l'action prescrite par application de l'article 2270-1 du code civil et confirmer le jugement pour le surplus,

- subsidiairement de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- de condamner Monsieur Z... à payer à la SCP GatéetMaingot la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

1:1 de le condamner à payer à la société GatéetMaingot une somme

de 15.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* SUR LA PRESCRIPTION

Aux termes de l'article 2270-1 du code civil les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

Dans le cas présent Monsieur Z... fonde ses demandes sur les articles 1147 et 1992 du code civil en exposant qu'il avait donné mandat, en décembre 1983, à Maître A... de négocier à ses lieu et place un nouveau contrat de bail.

La responsabilité des intimés étant recherchée sur le plan contractuel, et plus précisément sur les dispositions légales relatives au mandat, la décision du premier juge sera confirmée en ce qu'elle a constaté que l'article 2270-1 du code civil n'a pas vocation à s'appliquer et que l'action de Monsieur Z... n'était pas prescrite.

Les intimés ne sauraient reprocher à Monsieur Z... de violer la règle du non-cumul des responsabilités qui interdit à la victime lorsque les conditions d'application de la responsabilité contractuelle et délictuelle sont cumulativement réunies d'invoquer les règles délictuelles ou de panacher les

deux régimes au motif qu' il avait invoqué, dans l'instance aujourd'hui périmée, les règles de la responsabilité délictuelle dès lors qu'en application de l'article 389 du code de procédure civile on ne peut jamais opposer aucun acte de la procédure périmée ou s'en prévaloir.

* SUR LES MANQUEMENTS DE MAÎTRE A...

Lorsqu'un mandat est confié à un huissier de justice ce dernier est tenu non seulement des obligations pesant sur tout mandataire conformément aux dispositions des articles 1991 et suivants du code civil mais également à l'obligation de renseignement et de conseil mise à la charge des professionnels à raison de leurs compétences dans le domaine juridique, notamment lorsque l'huissier est requis en dehors des fonctions qui lui sont dévolues par la loi.

En cas de litige, il appartient au professionnel du droit de rapporter la preuve qu'il a respecté le devoir de conseil pesant sur lui.

Par ailleurs les compétences personnelles du client n'exonèrent pas le professionnel du droit de ses obligations.

Dans le cas présent Monsieur Z... reproche à Maître A..., huissier de justice à Angers, auquel il avait donné mandat de négocier en son nom et pour son compte un nouveau bail commercial avec Monsieur Y..., d'avoir failli à son devoir de conseil en omettant d'attirer son attention sur la nécessité, malgré les négociations en cours, de contester le congé sans indemnité d'éviction qui lui avait été notifié le 28 décembre 1983.

Maître A... conteste avoir engagé sa responsabilité en soutenant que son client qui ne l'avait mandaté qu'aux fins de négocier les nouvelles conditions d'un bail, ne l'a jamais avisé de la délivrance de ce congé et l'a rapidement déchargé de sa mission.

Le 15 décembre 1983 Monsieur Z... donna mandat à Maître A... de proposer un nouveau bail à Monsieur Y... et en avisa ce dernier le jour même. Quelques jours plus tard, soit le 28 décembre 1983, Monsieur Y... notifiait à Monsieur Z... un congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction.

L'examen des courriers échangés entre les parties du 15 décembre 1983, date du mandat confié à l'huissier au 24 juin 1987, date d'expiration du délai ouvert pour contester le congé, fait apparaître que dans aucun d'eux Monsieur Z... n'évoqua le congé qui lui avait été délivré par son bailleur.

Il n'est pas davantage fait état de ce congé dans les correspondances échangées entre Monsieur Z... et Monsieur POUS D..., expert vers lequel Maître A... avait dirigé son client à compter du mois de juillet 1984, le seul point évoqué concernant le montant du loyer commercial.

Toutefois dans un courrier du 13 septembre 1989 Maître A... indiqua à Maître RICHOU, avocat de Monsieur Z... : "A la suite du congé reçu par Monsieur Z..., celui-ci m'avait demandé de bien vouloir me mettre en rapport avec Monsieur Y..., et ce, à titre amiable, pour discuter du nouveau prix de loyer que ce dernier envisageait de proposer à Monsieur GUIRA E...".

Si ce courrier du 13 septembre 1989 est largement postérieur au contentieux relatif au congé et si son contenu ne concorde pas avec les données objectives du dossier qui font apparaître que le mandat avait été donné, non pas à la suite du congé, mais avant sa notification, il en résulte néanmoins que Maître A... avait eu connaissance dudit congé au cours de son mandat.

En outre, en sa qualité de professionnel du droit, C... GATÉ qui avait été saisi par Monsieur Z... d'un litige afférent à un bail commercial se devait de s'informer de la situation juridique liant son client à son bailleur, du contenu du bail, des dates de renouvellement et il lui appartenait de questionner utilement son client afin de s'assurer qu'aucun congé n'avait été délivré.

Or Maître A... ne justifie pas avoir sollicité de Monsieur Z... de tels renseignements.

Enfin Maître A... ne saurait utilement soutenir que Monsieur Z..., qui est un commerçant, était suffisamment informé du délai qui lui était imparti pour contester le congé au motif que ce délai était mentionné dans l'acte de notification dès lors que les compétences du client n'exonèrent pas le professionnel du droit de ses obligations et qu'en outre Monsieur Z... avait pu légitimement penser que les négociations en cours le dispensaient de contester le congé.

Il en résulte que Maître A... a manqué à son devoir de conseil.

* SUR LE LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE LA FAUTE ET LES PRÉJUDICES ALLÉGUÉS

Un manquement au devoir de conseil constitue une violation d'une obligation de moyen qui ne peut être sanctionnée qu'au titre de la perte de chance.

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Le préjudice né d'une perte de chance d'éviter une condamnation s' apprécie uniquement au regard de la probabilité d'une décision plus favorable.

Dans le cas présent Monsieur Z... reproche à Maître A... d'avoir omis de lui conseiller de contester le congé sans indemnité d'éviction qui lui avait été notifié, ce qui a engendré des décisions de justice aujourd'hui définitives le déclarant forclos en ses contestations. Il estime donc que Maître A... doit le dédommager au titre de la perte du droit au bail, de la perte du fonds de commerce et il lui réclame également paiement des indemnités d'occupation qu'il a été amené à régler pour avoir continué à occuper le local commercial outre le remboursement des travaux qu'il avait réalisés dans les lieux.

Le congé avait été délivré à Monsieur Z... au motif que, contrairement à une clause du bail lui interdisant de faire aucun percement de gros murs sans le consentement préalable du bailleur, et éventuellement du syndic de l'immeuble, et sans que les travaux soient effectués sous la surveillance de l'architecte de l'immeuble, il avait percé un gros mur porteur pour permettre une communication entre le local commercial et l'immeuble voisin.

L'arrêt de la Cour d'appel d'Angers en date du 18 octobre 1989 confirma le jugement du Tribunal de grande instance d'Angers ayant déclaré Monsieur Z... forclos mais précisa encore dans ses motifs : " Le percement du gros mur en violation de la clause du bail n'est pas discuté (...) Il est établi que Monsieur Z... a passé outre à l'absence d'autorisation et a pratiqué une ouverture dans le gros mur (...) Il n'est pas établi qu'après le constat du 5 juillet 1983 et donc après la découverte de l'infraction au bail, Monsieur Y... ait ratifié cette situation, qu'au surplus il ne pouvait la ratifier sans l'accord de la copropriété".

Il résulte amplement des motifs de cet arrêt que si Monsieur Z..., dûment informé par Maître A..., avait contesté le congé litigieux dans le délai légal, son action n'aurait pu prospérer dès lors qu'il existait des motifs graves et légitimes justifiant un congé sans indemnité d'éviction pour infraction grave aux clauses contractuelles.

Dès lors Monsieur Z... ne démontrant pas que le procès aurait pu avoir une issue plus favorable sans la faute retenue contre Maître A..., le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes.

* SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS

La preuve n'étant pas rapportée que le droit de Monsieur Z... d'agir en justice ait dégénéré en abus, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la S.C.P. GatéetMaingot de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

* SUR LES DÉPENS

Les dépens seront supportés par Monsieur Z... qui succombe en son appel.

Monsieur Z... sera débouté de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à la S.C.P. GatéetMaingot une somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en date du 12 septembre 2006 rendu par le Tribunal de grande instance de Nantes en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Déboute Monsieur Denis Z... de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Monsieur Z... à payer à la S.C.P. GatéetMaingot une somme de mille euros (1000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile, somme qui s'ajoutera à celle déjà accordée par le premier juge sur le même fondement.

Condamne Monsieur Z... aux dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENT

LE GREFFIER

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Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 159
Date de la décision : 01/04/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Nantes, 12 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-04-01;159 ?
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