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01/04/2008 | FRANCE | N°

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre commerciale, 01 avril 2008,


Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 07/00079

S.A.S. DESTOUCHES DOMINIQUE

C/

S.A. CHAMPAGNE LOUIS ROEDERER

SA BELLEVUE DISTRIBUTION

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 AVRIL 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoi

se COCCHIELLO, conseiller,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport,

GREFFIER :

Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉ...

Deuxième Chambre Comm.

ARRÊT No

R.G : 07/00079

S.A.S. DESTOUCHES DOMINIQUE

C/

S.A. CHAMPAGNE LOUIS ROEDERER

SA BELLEVUE DISTRIBUTION

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 AVRIL 2008

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président,

Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller,

Madame Véronique BOISSELET, Conseiller, entendu en son rapport,

GREFFIER :

Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 12 Février 2008

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l'audience publique du 01 Avril 2008, date indiquée à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

S.A.S. DESTOUCHES DOMINIQUE

9, rue du Baron Chouard

67700 MONSWILLER

représentée par la SCP D'ABOVILLE DE MONCUIT SAINT-HILAIRE et LE CALLONNEC, avoués

assistée de la SCP SCHWAB - SCHIRER, avocats à Paris

INTIMÉES :

S.A. CHAMPAGNE LOUIS ROEDERER

21, boulevard Lundy

51100 REIMS

représentée par la SCP GAUVAIN et DEMIDOFF, avoués

assistée de Me MOATTY, avocat à Paris

SA BELLEVUE DISTRIBUTION

1, Rue Brizeux

29780 PLOUHINEC

représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués

assistée de Me Gérard BRIEC, avocat à Quimper

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Champagne Louis Roederer (ci-après CLR) est propriétaire de deux marques françaises déposées en couleur et constituées par la collerette et l'étiquette or et bordeaux du champagne "BRUT PREMIER LOUIS ROEDERER".

Dûment autorisé par ordonnance du président du tribunal de Quimper, un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 9 décembre 2004 a révélé la présence dans un magasin Intermarché de Plouhinec exploité par la société Bellevue Distribution de six bouteilles de champagne Louis Roederer dont le code d'identification apposé sur l'étiquette était masqué.

La facture intéressant ces bouteilles émanait de la société Dominique Destouches.

Estimant être en présence d'une altération illicite de ses marques, CLR a assigné les sociétés Bellevue Distribution et Destouches devant le tribunal de grande instance de Quimper, auquel elle a demandé d'interdire de commercialiser et de confisquer les bouteilles portant des marques altérées, et de condamner les défenderesses à réparer le préjudice causé.

Par jugement du 21 novembre 2006, le tribunal a :

• déclaré valable le procès-verbal de saisie contrefaçon du 9 décembre 2004,

• dit que les dispositions de l'article L.713-2 b) du Code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables, la marque n'étant pas affectée en elle-même,

• dit qu'en détenant dans leurs locaux commerciaux et en vendant des bouteilles de champagne Louis Roederer dont le code d'identification avait été dissimulé, les sociétés défenderesses ont sciemment contrevenu aux dispositions de l'article L.217-3 du Code de la consommation,

• fait interdiction aux défenderesses de mettre en vente ou de détenir des bouteilles de champagne Louis Roederer ayant leur code d'identification masqué sous astreinte,

• ordonné la confiscation des bouteilles portant un code d'identification masqué et leur remise à CLR,

• ordonné la publication par extraits du jugement dans deux journaux pour un coût maximum de 2 000 € par insertion,

• dit que dans leurs rapports entre elles les deux défenderesses conserveront chacune à leur charge 50 % du montant des condamnations prononcées in solidum à leur encontre,

• ordonné l'exécution provisoire,

• rejeté le surplus des demandes,

• condamné in solidum les défenderesses à payer à CLR la somme de 3 000 € au titre du Code de procédure civile.

Les sociétés Destouches et Bellevue Distribution en ont relevé appel les 5 et 8 janvier 2007.

Par conclusions du 14 mai 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la société Dominique Destouches demande que:

• le procès-verbal de saisie-contrefaçon et les actes qui l'ont suivi soient annulés, au motif que la notification de l'ordonnance du 9 décembre 2004 autorisant la saisie est irrégulière,

• subsidiairement, les demandes de CLR soient rejetées,

• reconventionnellement, CLR soit condamnée à exécuter les commandes qui lui seront faites par la société Destouches aux conditions habituelles de ses tarifs publiés, sous astreinte de 1 500 € pour tout refus de vente constaté, et à lui payer la somme de 50.000 € en réparation du préjudice né tant de la saisie-contrefaçon, que des refus de vente pratiqués,

• le jugement soit confirmé sur le surplus,

• lui soit allouée la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 4 avril 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la société Bellevue Distribution demande que:

• il soit jugé qu'elle n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L.217-3 du Code de la consommation,

• les sociétés CLR et Destouches soient condamnées in solidum à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts,

• subsidiairement, la société Destouches soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée contre elle,

• les sociétés CLR et Destouches soient condamnées in solidum à lui payer la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions du 25 septembre 2007, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, la société CLR demande que :

• le jugement soit confirmé sur le rejet de la demande d'annulation du procès-verbal, et en ce qu'il a retenu les demandes fondées sur la violation de l'article L.217-3 du Code de la consommation,

• le jugement soit également confirmé sur les mesures de publication, interdiction de commercialisation et confiscation,

• sa demande au titre de la violation de l'article 713-2-b du Code de la propriété intellectuelle soit accueillie,

• les sociétés Destouches et Bellevue Distribution soient condamnées in solidum à lui payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts,

• chacune des appelantes soit condamnée à lui payer la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la régularité du procès-verbal de saisie :

La mention relative à la faculté de former un recours en rétractation figurant au point 15 de l'ordonnance notifiée est suffisante au regard des prescriptions de l'article 680 du Code de procédure civile. La précision selon laquelle ce recours en rétractation ne pourrait être formé qu'après accomplissement des opérations de saisie, en effet mal formulée, ne constitue en réalité qu'un rappel de la règle édictée par l'article 495 alinéa 1 du Code de procédure civile, qui dispose que les ordonnances sur requête sont exécutoires au seul vu de la minute. Dès lors le moyen de nullité soulevé ne peut être accueilli et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les fautes commises :

L'article L.713-2 b) du Code de la propriété intellectuelle interdit la suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.

La marque graphique 97/693959 appartenant à CLR déposée en couleurs comporte une collerette et une étiquette sur fond or. Dans le coin inférieur droit de l'étiquette, CLR inscrit habituellement un code composé de chiffres, improprement qualifié par les premiers juges de "code barre", dont il n'est pas contesté qu'il lui sert à identifier ses produits et à en assurer la traçabilité. C'est sur ce code qu'a été portée la rature litigieuse, qui consiste en un épais trait noir masquant les chiffres composant le code.

Si le code en lui même n'est pas protégé par le dépôt de marque, l'étiquette qui en constitue le support est au contraire reproduite au certificat d'enregistrement, et est dès lors couverte par la protection attachée à la marque. L'apposition du trait litigieux, qui constitue une modification de la marque sans autorisation de son propriétaire, entre bien dans les prévisions du texte susvisé, d'autant plus qu'elle constitue incontestablement une atteinte à l'esthétique de l'étiquette, en lui donnant un aspect taché.

En second lieu, l'article L.217-3 du Code de la consommation réprime la vente, la mise en vente ou la simple détention dans des locaux commerciaux de marchandises dont les signes distinctifs servant à les identifier ont été altérés d'une façon quelconque.

Les pièces produites par CLR, non contestées par les appelantes, établissent qu'en effet, elle a mis en place un identifiant unique sur chaque bouteille, qui lui permet d'établir la traçabilité du produit, et notamment son circuit de commercialisation, par l'apposition d'un code client. Ainsi, l'apposition de la rature litigieuse porte un préjudice commercial certain à CLR qui se trouve ainsi privée du moyen de contrôle de la qualité des produits revêtus de la marque et de l'étanchéité de ses circuits de distribution. La dissimulation de cet identifiant ne peut dès lors être le fait du hasard, et révèle ainsi en elle même son caractère intentionnel. La société Destouches reconnaît d'ailleurs que cette altération, qu'elle impute à d'autres, était la conséquence du refus de CLR de voir ses produits vendus en grande distribution. L'éventualité d'un changement d'emballage ne pouvant être exclue, seule l'apposition du code sur la bouteille elle même est susceptible de répondre au but recherché, et les sociétés appelantes ne peuvent donc utilement se prévaloir du fait que le code était intact sur le coffret contenant la bouteille.

Est ainsi démontrée la réalité d'une atteinte fautive tant à la marque de CLR qu'aux mentions d'identification qu'elle appose sur ses produits marqués.

Les premiers juges ont exactement retenu que rien n'établissait que les appelantes en étaient l'auteur.

Il est cependant constant que les marchandises litigieuses ont été vendues par la société Destouches à Bellevue Distribution, et détenues dans les locaux commerciaux des appelantes dans le cadre de ces opérations.

Le fait que la rature litigieuse n'ait été portée que sur l'étiquette habillant la bouteille, et n'ait pas été apparente compte tenu de l'existence d'un emballage clos intact, est indifférent, les sociétés appelantes étant, en leur qualité de professionnelles, et qu'elles soient ou non les auteurs de la modification prohibée, tenues de vérifier la conformité des marchandises qu'elles revendent ou proposent au public, soit en l'espèce l'absence d'altération des marque et codes d'identification figurant sur la bouteille, nonobstant l'existence d'un emballage. Il sera d'ailleurs observé qu'il est habituel en grande distribution que l'adéquation entre la bouteille achetée et son emballage soit vérifiée lors du passage en caisse du consommateur, et qu'il n'est ainsi pas admissible que la même vigilance ne soit pas mise en oeuvre en amont par les revendeurs successifs.

Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu l'existence d'une faute à l'encontre des deux appelantes, à l'origine d'une atteinte aux droits de CLR. C'est tout aussi justement qu'ils ont rejeté la demande de la société Bellevue Distribution tendant à être garantie de toute condamnation par son fournisseur, au regard du manquement à son obligation de vigilance qui peut lui être personnellement reproché, et qui justifie sa condamnation in solidum avec ce dernier, la charge de l'indemnisation de CLR pesant, dans leurs rapports entre elles, par moitié sur chacune.

Sur les mesures réparatrices et l'indemnisation du préjudice :

L'interdiction de la commercialisation de bouteilles ayant leur code d'identification masqué, ainsi que leur confiscation au profit de CLR constituent des mesures appropriées à la cessation du trouble causé et seront confirmées.

En revanche, les faits litigieux établis ne concernant qu'un nombre limité de bouteilles, la publication du jugement ou de l'arrêt n'est pas opportune et la demande de CLR sera rejetée sur ce point.

La cour trouve dans les pièces versées aux débats les éléments suffisants pour fixer la réparation du préjudice subi, toutes causes confondues, à la somme de 5 000 €.

Sur la demande reconventionnelle de la société Dominique Destouches :

Les pièces versées ne démontrent aucunement la matérialité d'un refus de vente qui lui aurait été opposé par CLR, laquelle d'ailleurs est parfaitement libre de choisir le mode de distribution de ses produits, et ses co-contractants. Le jugement sera donc également confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de la société Bellevue Distribution :

Une omission fautive étant retenue contre elle, la présente procédure n'a aucun caractère abusif, et le jugement sera également confirmé sur le rejet de cette demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile :

Les sociétés Dominique Destouches et Bellevue Distribution, qui succombent, supporteront in solidum les dépens, ainsi que les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel par CLR à hauteur de 4 000 €.

PAR CES MOTIFS :

Réformant partiellement le jugement,

Dit que les sociétés Dominique Destouches et Bellevue Distribution ont commis une faute portant atteinte aux droits de la société Champagne Louis Roederer en commercialisant des produits revêtus de cette marque porteurs d'une altération du code d'identification apposé sur les bouteilles,

Les condamne in solidum à payer à la société Champagne Louis Roederer la somme de 5 000 € en réparation du préjudice subi,

Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt,

Confirme le jugement sur le surplus,

Condamne in solidum les sociétés Dominique Destouches et Bellevue Distribution aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres Gauvain et Demidoff, avoués,

Les condamne également in solidum à payer à la société Champagne Louis Roederer la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt :
Date de la décision : 01/04/2008
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

FRAUDES ET FALSIFICATIONS - Tromperie - Tromperie sur la nature, l'origine, les qualités substantielles ou la composition - Marchandises - Identification - Exposition, mise en vente, vente de marchandises dont l'identification a été altérée

Aux termes de l'article L. 217-3 du code de la consommation, est réprimée la vente, la mise en vente ou la simple détention dans des locaux commerciaux de marchandises dont les signes distinctifs servant à les identifier ont été altérés d'une façon quelconque. L'altération susvisée est constituée en présence d'une rature sur le code chiffré de produits privant le propriétaire de la marque de pouvoir contrôler la qualité des produits revêtus de cette marque, ainsi que de l'étanchéité de ses circuits de distribution. L'altération est ensuite imputable aux revendeurs des produits litigieux, dès lors d'une part que la dissimulation de cet identifiant ne peut être le fait du hasard et au contraire établit son caractère intentionnel, et d'autre part, du fait que les revendeurs, du par de leur qualité de professionnel, étaient tenus de vérifier la conformité des marchandises proposées au public, étant dès lors indifférent qu'ils soient ou non les auteurs des altérations litigieuses.


Références :

Article L. 713-2 b) du code de la propriété intellectuelle

article L. 217-3 du code de la consommation.
ARRET du 19 janvier 2010, Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 janvier 2010, 08-70.036, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Quimper, 21 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-04-01; ?
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