Sixième Chambre
ARRÊT No426
R.G : 07/01977
M. Claude Louis Marie François X...
C/
Y... Francine Marie Z... épouse X...
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Pourvoi C 0816180REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 MARS 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Joseph TAILLEFER, Président,
Madame Elisabeth MAUSSION, Conseiller,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
GREFFIER :
Huguette A..., lors des débats et lors du prononcé,
DÉBATS :
En chambre du Conseil du 12 Février 2008
devant Madame Elisabeth MAUSSION, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par Monsieur Joseph TAILLEFER, Président, à l'audience publique du 25 Mars 2008, date indiquée à l'issue des débats.
****
APPELANT :
Monsieur Claude Louis Marie François X...
né le 29 Mai 1947 à BOUVRON (44130)
...
44250 ST BREVIN LES PINS
représenté par la SCP GUILLOU et RENAUDIN, avoués
assisté de Me Maurice B..., avocat
INTIMÉE :
C... Francine Marie Z... épouse X...
née le 28 Janvier 1948 à LA FERTE MACE (61600)
La Hanterie
61140 LA CHAPELLE D'ANDAINE
représentée par la SCP CASTRES, COLLEU, PEROT et LE COULS-BOUVET, avoués
assistée de Me D..., avocat
Monsieur Claude X... et Madame Francine Z... se sont mariés le 09 septembre 2000 à Briouze (61) sous le régime de la séparation de biens.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Autorisé par ordonnance de non conciliation en date du 24 mai 2005, Monsieur X... a, le 05 juillet 2005, fait assigner son épouse en divorce sur le fondement des dispositions de l'article 233 du Code Civil.
Par jugement en date du 27 novembre 2006, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Saint Nazaire a:
- Prononcé le divorce des époux sur le fondement des dispositions de l'article 233 du Code Civil,
- Dit que, dans les rapports entre époux, le divorce prendra effet au 24 mai 2005,
- Homologué l'acte liquidatif établi par Maître E..., notaire à Putanges Pont Ecrépin, en date du 21 mars 2006, portant règlement des intérêts indivis des époux,
- Dit que la soulte, à charge de l'époux, devra être versée dans sa totalité, dès que le divorce a acquis force de chose jugée, par régularisation de l'acte définitif,
- Dit que Monsieur X... devra verser à son épouse une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 48 000 euros,
- Partagé les dépens par moitié entre les parties.
***
Monsieur X... a interjeté appel de cette décision.
POSITION DES PARTIES
Monsieur X..., par conclusions en date du 27 juillet 2007, demande à la Cour:
- De réformer le jugement déféré en ce qu'il a:
- Homologué l'état liquidatif établi par Maître E...,
- Dit que la soulte, à charge de l'époux, devra être versée dans sa totalité dès que le divorce a acquis force de chose jugée, par régularisation de l'acte définitif,
- Dit que l'époux devra verser à sa femme une prestation compensatoire sous forme d'un capital de 48 000 euros,
Statuant à nouveau,
- De débouter Madame Z... de sa demande de prestation compensatoire,
A titre subsidiaire,
- De réduire dans de notables proportions la prestation compensatoire allouée,
- D'homologuer le projet d'état liquidatif établi par Maître E... sauf à écarter de cet état liquidatif la maison sise ...,
Subsidiairement,
- De dire qu'en tout état de cause l'évaluation de ladite maison devra tenir compte des avances réglées par lui et notamment des prêts engagés pour la rénovation et des remboursements d'emprunts,
- De condamner Madame Z... à lui verser 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- De la condamner aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Madame Z..., par conclusions en date du 08 janvier 2008, demande à la Cour:
- De déclarer Monsieur X... mal fondé en son appel et de le débouter de toutes ses demandes,
- De la recevoir en son appel incident,
A titre principal,
- De fixer la prestation compensatoire à la somme de 400 000 euros,
A titre subsidiaire,
- De lui accorder une somme largement supérieure à celle attribuée par le premier juge,
En tout état de cause,
- De condamner Monsieur X... au paiement des frais afférents à ladite pension,
S'agissant des intérêts patrimoniaux des époux,
- De dire que Monsieur X... sera tenu de lui payer la somme de 44 866,72 euros dès le prononcé de l'arrêt à venir, à défaut sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard avec intérêts au taux légal,
- De condamner Monsieur X... à lui payer 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- De le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prestation compensatoire
Le divorce des époux ayant été prononcé sur le fondement des dispositions de l'article 233 du Code Civil, leur situation financière sera appréciée à la date du jugement, le prononcé du divorce étant acquis à cette date.
Il résulte des articles 270 et suivants du Code Civil que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
En l'espèce le mariage a duré 6 ans.
Il résulte des procédures communiquées aux débats que 14 mois après la célébration du mariage, Madame Z... a saisi le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'Argentan d'une demande en divorce contre son époux, lequel s'est porté demandeur reconventionnel.
Par jugement du 23 octobre 2002 les époux ont été déboutés de leur demande en divorce.
Un appel ayant été engagé devant la Cour, les époux ont renoncé à la poursuite de la procédure en mars 2003.
Il n'est nullement justifié de ce que la vie commune aurait repris entre eux, Madame Z... ayant, en septembre 2004, présenté une nouvelle demande en divorce devant le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'Argentan dont elle s'est désistée, mais cette procédure permet de vérifier qu'elle vivait à cette époque séparée de Monsieur X....
Elle produit d'ailleurs ses déclarations de revenus depuis 2003 établissant qu'elle faisait une déclaration de revenus distincte de celle de son mari ce qui confirme la cessation de la vie commune entre époux.
La vie commune postérieurement au mariage n'a donc duré que 17 mois, (la première ordonnance de non conciliation étant intervenue en septembre 2002).
Madame Z... reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de la totalité de la durée de la vie commune entre les époux, et ce dans la mesure où avant le mariage ils vivaient en concubinage depuis 1992.
Toutefois, si pour déterminer les besoins et les ressources des parties permettant de fixer la prestation compensatoire, le juge peut prendre en considération la durée de la vie commune, en l'espèce la durée de la vie commune avant mariage ne saurait avoir aucune incidence sur la situation de Madame Z... et ce dans la mesure où durant cette vie commune avant mariage elle n'a pas sacrifié son activité professionnelle et pas davantage consacré son temps à élever des enfants.
C'est donc à juste titre que pour évaluer la situation des parties le premier juge n'a tenu compte que de la durée du mariage, la situation antérieure de concubinage n'ayant eu aucune incidence sur la situation de Madame Z....
La situation des époux est la suivante:
Le mari
Monsieur X... est, au jour du divorce, âgé de59 ans.
Il est directeur de société et justifie, (par la production de son avis d'imposition) d'un revenu net mensuel moyen de 4 527 euros, outre de revenus fonciers de 1 125 euros par mois et de revenus de capitaux mobiliers de 3 894 euros, portant son revenu mensuel moyen, à la somme de 9 546 euros.
Il a une charge d'emprunts de 3 768,23 euros et une charge fiscale de 3 478 euros.
Aux termes de sa déclaration d'ISF son patrimoine est évalué à la somme de 1 878 046 euros (biens immobiliers et parts ou actions de sociétés).
L'épouse
Madame Z... est, au jour du divorce, âgée de 58 ans. Elle est secrétaire de mairie.
Elle perçoit un salaire mensuel moyen de 1 836 euros (selon déclaration de revenus 2005 produite aux débats).
Elle a déclaré en 2005 une somme de 6 164 euros au titre des revenus de capitaux mobiliers ce qui porte son revenu mensuel moyen à la somme de 2 350 euros.
Elle est propriétaire indivise avec son mari, à hauteur de moitié, de parts dans la S.C.I. ROBTESS, laquelle est propriétaire d'un immeuble évalué à 222 200 euros et a dégagé en 2005 un résultat net de 14 687 euros.
Elle est également propriétaire indivise avec son mari d'une maison sise ..., évaluée à la somme de 259 000 euros.
Elle possède en propre une maison à La Chapelle d'Andaine qu'elle évalue à la somme de 112 812 euros, dans sa déclaration sur l'honneur et de meubles évalués à 5 000 euros.
Elle possédait en propre une maison sise ... vendue en 2001 au prix de 71 961,81 euros.
Elle possédait une autre maison sise ..., vendue en décembre 2006 au prix de 44 954 euros.
Elle était propriétaire à Bagnoles de l'Orne d'un appartement vendu en avril 2004 au prix de 48 783 euros, et d'un second appartement situé au même endroit vendu en juin 2004 au prix de 42 539 euros, sommes investies selon elle dans l'acquisition de sa maison de la Chapelle d'Andaine, pour laquelle elle rembourse un prêt de 646,25 euros par mois.
En 2006 elle possédait, sur ses divers comptes bancaires, des liquidités à hauteur de 43 481 euros.
Lors de sa mise en retraite elle percevra une pension de 1 047 euros.
Au vu de ces éléments, s'il apparaît qu'il existe une disparité dans la situation respective des époux, au détriment de l'épouse, force est de constater que cette disparité n'est pas la conséquence de la rupture du mariage.
La disparité dont se prévaut Madame Z... existait antérieurement au mariage, compte tenu de la situation de fortune respective des époux, lesquels ont d'ailleurs, en se mariant sous le régime de la séparation de biens, entendus maintenir cette disparité.
Le mariage, dont la durée a été très brève, n'a eu aucune incidence sur la situation patrimoniale de Madame Z..., laquelle a continué à exercer son activité professionnelle et à bénéficier de ses revenus propres.
Le divorce n'étant donc pas à l'origine de la disparité dans la situation des époux, Madame Z... se verra débouter de sa demande de prestation compensatoire.
Sur les intérêts patrimoniaux
Maître E..., notaire à Putanges Pont Ecrepin a été désigné par le juge conciliateur pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial des époux.
Maître E..., dans son projet, a évalué l'immeuble indivis situé ..., à la somme de 259 000 euros, et , compte tenu du financement de cette acquisition assuré par le seul Monsieur X... à hauteur de 169 266,56 euros, a prévu d'attribuer l'immeuble à Monsieur X... à charge pour lui de verser une soulte à Madame Z... d'un montant de 44 866,72 euros.
Monsieur X... soutient que cette propriété ayant été acquise antérieurement au mariage fait partie d'une indivision conventionnelle et ne peut de ce fait être concernée par l'état liquidatif.
Toutefois, aux termes des dispositions de l'article 840-1 du Code Civil, lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, un partage unique peut intervenir.
Maïtre E... ayant été désigné pour procéder à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, c'est à bon droit qu'il a fait figurer dans son projet d'état liquidatif l'immeuble indivis sis ....
Monsieur X... conteste en outre le calcul effectué par le notaire aux termes duquel, il serait redevable à Madame Z... d'une soulte de 44 866,72 euros.
Aux termes des dispositions conjuguées des articles 1 543, 1 479 et 1 469 alinéa 3 du Code Civil, la créance de Monsieur X... à l'encontre de Madame Z... ne peut être inférieure au profit subsistant, quand la valeur empruntée à servi à acquérir le bien.
En l'espèce, l'immeuble en cause a été acquis au prix de 900 000 francs (137 204 euros). Il est établi que Monsieur X... a financé l'acquisition de cet immeuble à hauteur de 169 266,59 euros.
Au vu des articles précités, sa créance à l'encontre de Madame Z... est donc de 209 940 euros (137 204 x 259 000 / 169 266).
Soit une soulte revenant à Madame Z... de 24 530 euros (259 000 - 209 940 / 2).
Le jugement déféré sera en conséquence réformé en ce qu'il a homologué le projet d'état liquidatif fixant le montant de la soulte à la somme de 44 866,72 euros.
La soulte devant revenir à Madame Z... sera payable dès que la présente décision aura acquis force de chose jugée, sans qu'il soit nécessaire de prévoir le prononcé d'une astreinte.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
C'est à juste titre que le premier juge, compte tenu de la nature du divorce a partagé les dépens par moitié.
Chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel, sans qu'il y ait lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant après rapport à l'audience,
- Infirme le jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Saint Nazaire en ce qu'il a alloué à Madame Z... une prestation compensatoire d'un montant de 48 000 euros et homologué l'acte liquidatif établi par Maître E... le 21 mars 2006, prévoyant le versement à Madame Z... d'une soulte de 44 866,72 euros,
- Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- Déboute Madame Z... de sa demande de prestation compensatoire,
- Homologue le projet d'état liquidatif établi par Maître E... le 21 mars 2006, sauf en ce qu'il a mis à la charge de Monsieur X... une soulte de 44 866,72 euros,
- Dit que le montant de la soulte due par Monsieur X... à son épouse est de 24 530 euros,
- Dit que cette soulte sera exigible dès que la présente décision aura acquis force de chose jugée,
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
Le Greffier Le Président
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