Huitième Chambre Prud'Hom
ARRÊT No177
R.G : 07/01512
POURVOI no33/2008 du 15/05/2008 Réf Y 0842212
M. Eric X...
C/
S.A. GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE
Réformation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 MARS 2008
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
-Madame Monique BOIVIN, Président,
-Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, Conseiller,
-Monsieur Bernard LANGLADE, Conseiller, délégué par ordonnance de M. le Premier Président en date du 06 février 2008,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Février 2008
devant Madame Monique BOIVIN et Madame Marie-Hélène L'HÉNORET, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé par l'un des magistrats ayant participé au délibéré, à l'audience du 20 Mars 2008, date indiquée à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur Eric X...
...
44119 GRANDCHAMP DES FONTAINES
représenté par Me Catherine PENEAU, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMEE :
La S.A. GROUPE VOLKSWAGEN FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
11, Avenue de Boursonne
02600 VILLERS COTTERETS
comparant en la personne de M. Benoît Z..., Directeur des Ressources Humaines, assisté de Me Patrick A..., Avocat au Barreau de PARIS
Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par Monsieur Eric X... d'un jugement rendu le 5 février 2007 par le Conseil de Prud'hommes de NANTES.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur Eric X... a été engagé le 1er janvier 1998 par VOLKSWAGEN FINANCE en qualité de chargé d'affaires et développement flottes.
Le 29 janvier 1999 il a signé un nouveau contrat de travail avec le Groupe VOLKSWAGEN FRANCE pour occuper un poste de conseiller d'affaires région ouest.
En juillet 2002 il est devenu conseiller commercial grands comptes VW au sein de la direction ventes marketing puis en mars 2003 conseiller ventes grands comptes au sein de la direction développement et opération réseau.
En arrêt de maladie pendant près d'un an le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail, le 15 juin 2004n par le médecin du travail, l'issue de la 2ème visite de reprise.
Le 19 juillet 2004 il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement qui lui a été notifié le 6 août 2004 en raison de son inaptitude physique et de l'impossibilité de procéder à son reclassement.
Contestant le bien fondé de son licenciement et estimant avoir fait l'objet d'une mise à l'écart en 2002 et ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de NANTES pour obtenir une indemnité de préavis, des dommages intérêts, un rappel de salaire et des remboursements de frais.
Par jugement en date du 5 février 2007 le Conseil de Prud'hommes de NANTES a considéré que le licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de l'ensemble de ses réclamations.
Monsieur X... a interjeté appel de ce jugement.
OBJET DE L'APPEL ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur X... conclut à l'infirmation de la décision déférée et présente devant la Cour les demandes suivantes :
- préavis et congés payés y afférents : 13.079,67 euros + 1.307,97 euros,
- dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 52.560 euros,
- dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 52.560 euros,
- remboursement de frais : 2.429 euros,
- rappel de salaire et congés payés y afférents : 871,98 euros + 87,20 euros,
- remise des documents sociaux sous astreinte,
- capitalisation des intérêts,
- article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile : 3.000 euros.
Il fait valoir :
- que la société VOLKSWAGEN ne lui a pas fait de réelles propositions de reclassement précises et n'a effectué aucune recherche au sein du Groupe dont elle fait partie,
- que les offres d'emploi qui lui ont été montrées au cours de l'entretien préalable ne constituent pas des propositions précises de reclassement et qu'aucun descriptif des postes ne lui a été remis,
- que son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- que le préjudice qu'il a subi est important,
- qu'ayant voulu alerter la Direction au sujet d'importants dysfonctionnements qu'il avait constatés, il a fait l'objet en rétorsion d'une véritable mise à l'écart au cours de l'année 2002 (message adressé à tous les commerciaux grands comptes à propos d'un audit dont il est le seul à ne pas être destinataire - absence d'invitation à un séminaire où l'ensemble de ses collègues sont conviés - absence d'information concernant un projet de partenariat avec la MAIF. - absence d'invitation à une visite organisée à DRESDE pour les clients dont 3 d'entre eux sont ses propres clients - modifications de son contrat),
- que les brimades dont il a été victime constituent une exécution déloyale du contrat de travail et ont eu des répercussions sur son état de santé ce qui justifie les dommages intérêts qu'il réclame sur le fondement de l'article 1147 du Code Civil,
- qu'à compter du 14 janvier 2002 il a cessé de percevoir l'indemnité de 14,55 euros qui était versée aux commerciaux itinérants pour leurs déjeuners, que l'usage en vigueur dans l'entreprise n'a jamais été dénoncé et qu'il est en droit d'obtenir un rappel à ce titre,
- qu'il a travaillé les 21 juin, 19 juillet, 16 août et 23 août 2002 alors qu'il s'agissait de journées de RTT.
La société VOLKSWAGEN conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des prétentions du salarié.
Elle soutient :
- qu'elle a respecté son obligation de reclassement en prenant l'initiative de contacter le médecin du travail pour lui demander des précisions et ses préconisations, le médecin du travail lui précisant qu'en réalité Monsieur X... était inapte à tous les postes de l'entreprise et insistant sur le fait qu'il n'y avait pas de reclassement possible, même après aménagement d'un poste,
- que le 28 juillet 2004, lors de l'entretien préalable, elle lui a proposé 11 postes rattachés à plusieurs Directions et remise les descriptifs correspondant,
- que Monsieur X... n'a pas donné suite à ces offres en soulignant qu'il ne pouvait plus revenir travailler au sein du Groupe en raison d'expériences qu'il aurait mal vécues dans le passé et qu'il s'est renseigné auprès de personnes pour obtenir davantage de précisions,
- que compte tenu du refus exprimé par le salarié le licenciement était inévitable et parfaitement justifié,
- que Monsieur X... ne fournit pas la moindre preuve de nature à établir la mauvaise foi de l'employeur dont il est fait état,
- que l'indemnité forfaitaire de repas n'était due que lors que les salariés étaient en déplacement et que Monsieur X... a été rempli de ses droits à ce titre,
- qu'il a bénéficié de tous ses jours de RTT.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties la Cour se réfère expressément aux conclusions déposées et développées oralement à l'audience.
DISCUSSION
Sur la rupture du contrat de travail.
Considérant que Monsieur Eric X... a été licencié le 6 août 2004 pour inaptitude totale et définitive à son poste et impossibilité de le reclasser au sein du Groupe VOLKSWAGEN FRANCE ;
Considérant que Monsieur X... a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail à l'issue des 2 visites de reprise qui se sont déroulées les 1er et 15 juin 2004 ;
Considérant qu'interrogé à plusieurs reprises par la société VOLKSWAGEN le médecin du travail a fait savoir à cette dernière qu'en réalité Monsieur X... était inapte à tous les postes au sein de cette entreprise et que son reclassement n'était pas possible ;
Considérant qu'il convient de rappeler que ces avis du médecin du travail ne dispensent pas l'employeur, quelle que soit la position prise alors par le salarié, de rechercher les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et le cas échéant du Groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation ou transformation ou aménagement du poste de travail ;
Qu'il est également constant que les offres de reclassement doivent faire l'objet de propositions précises, concrètes et personnalisées ;
Considérant d'une part que si l'employeur a adressé plusieurs courriers au médecin du travail, il ne justifie pas toutefois des démarches et des recherches qu'il a pu entreprendre pour tenter de procéder au reclassement de Monsieur X... tant au niveau de l'entreprise que du Groupe ;
Que d'autre part lors de l'entretien préalable il s'est borné à présenter au salarié un certain nombre de fiches d'offres d'emploi types libellées ainsi : "Groupe VOLKSWAGEN FRANCE recherche...", mentionnant les missions, les taches clés et le profil recherché (études, expérience, maîtrise de l'anglais, de l'outil informatique..) et précisant que les candidatures étaient à adresser à la Direction des Ressources Humaines et de la formation qui ferait un premier tri sélectif ;
Considérant que la présentation (ou la remise, peu importe) de tels documents ne peut être assimilée ni à une réelle recherche de reclassement, ni à une proposition écrite individualisée et précise, ces fiches ne faisant en outre état ni de la rémunération ni du lieu de travail et n'étant pas personnellement destinées à Monsieur X... ;
Considérant qu'il s'ensuit qu'au regard de ces éléments la société n'a pas respecté son obligation de reclassement étant précisé :
- qu'elle ne pouvait uniquement se baser sur les avis et conclusions du médecin du travail pour éluder ses obligations,
- qu'elle ne peut davantage se prévaloir de la position du salarié consistant à dire qu'il ne souhaitait pas réintégrer la société en raison de problèmes liés au comportement de l'employeur à son égard d'autant qu'en l'absence de propositions écrites et détaillées et le concernant personnellement l'intéressé n'avait pas été en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause ;
Que le licenciement se trouve en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse et que Monsieur X... est fondé à obtenir une indemnité de préavis et des dommages intérêts dont le montant sera fixé à la somme de 31.000 euros eu égard au préjudice subi par l'intéressé qui avait 5 ans d'ancienneté et était âgé de 38 ans.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail.
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats :
- en premier lieu qu'au cours de l'année 2002 Monsieur X... a été peu à peu mis à l'écart en cessant d'être destinataire d'un certain nombre de courriels adressés pourtant à l'ensemble de ses collègues pour les informer de la mise en place d'un audit, d'une étude de partenariat avec la MAIF...et en n'étant pas convié à certaines réunions, visites ou séminaires qui le concernaient au même titre que ses collègues et ce sans qu'aucune explication valable ne lui soit fournie,
- en second lieu qu'après avoir été muté à la direction vente marketing VOLKSWAGEN à compter du 1er août 2002 et soumis à une période probatoire de 3 mois renouvelable une fois à l'issue de laquelle en janvier 2003 il a été confirmé dans ses fonctions, il lui a été demandé en mars 2003, soit 2 mois après, de rejoindre son ancienne direction du développement stratégie et opérations réseau pour travailler sur l'ensemble des marques, toujours sans explication,
- en troisième lieu que l'entretien annuel de performance (développement de 2002 qui s'est déroulé au début de l'année 2003 n'a porté que sur la période d'août 2002 à décembre 2002 sans prendre en compte les 7 premiers mois de l'année,
Considérant que l'accumulation de ces faits et de ces brimades qui ont eu en coutre des répercussions sur l'état de santé de Monsieur X..., contraint de prendre un arrêt de maladie relève d'une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail de la part de l'employeur qui justifie l'octroi de dommages intérêts qui seront fixés à la somme de 4.000 euros.
Sur les autres demandes.
Considérant que si le remboursement des frais de déjeuner était forfaitisé pour les salariés itinérants qui n'avaient pas à produire de justificatifs, encore fallait-il que ces derniers soient en déplacement ;
Que pour ce faire les intéressés remplissaient des notes de frais dans lesquelles ils déclaraient les repas pris à l'extérieur, notes de frais qu'ils signaient ;
Qu'au vu des notes de frais établies par Monsieur X... lui-même, il apparaît que les remboursements auxquels il pouvait prétendre lui ont été réglés dans leur intégralité ;
Que la demande formée à ce titre ne peut être accueillie ;
Considérant par ailleurs que les journées de RTT devaient être prises le vendredi selon un planning établi en début d'année et que le report d'une journée de RTT était soumis à une dérogation émise par le Directeur du collaborateur ;
Considérant que Monsieur X... réclame le paiement de jours RTT qui sont 3 mardis et un mercredi, qu'il ne justifie d'aucune demande de dérogation et que ses bulletins de salaire font apparaître la prise de 24 vendredis de RTT sur l'année ;
Que la demande sera également rejetée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à Monsieur X... une indemnité de 1.800 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Que la société VOLKSWAGEN qui succombe pour l'essentiel supportera les entiers dépens.
DECISION
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Réforme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau.
Dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Groupe VOLKSWAGEN FRANCE à verser à Monsieur X... :
- 13.079,67 euros + 1.307,97 euros à titre d'indemnité de préavis et congés payés y afférents,
- 31.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article L 122-14-4 du Code du Travail,
- 4.000 euros à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Précise que les sommes à caractère social produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.
Ordonne la capitalisation des intérêts.
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire, d'une attestation ASSEDIC et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte.
Déboute Monsieur X... de ses autres demandes.
Condamne la société Groupe VOLKSWAGEN FRANCE à verser à Monsieur X... la somme de 1.800 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT