La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2008 | FRANCE | N°53

France | France, Cour d'appel de Rennes, Ct0007, 29 janvier 2008, 53


EXPOSE DES FAITS ET DE LAPROCEDURE

Reprochant à son avocat, Maître X..., de ne pas avoir saisi la Cour de renvoi après cassation d'un arrêt de cette Cour du 9 Février 2000, de sorte qu'elle avait dû exécuter un jugement du Conseil des Prud'hommes de LORIENT du 29 Septembre 1994, la condamnant à payer à son ancien salarié, M Y..., dont le licenciement avait été jugé sans cause réelle et sérieuse, 139 917 € en principal et 54 219,48 € en intérêts, la SA MAGASINS BLEUS l'a assigné en déclaration de responsabilité et en réparation.

Par jugement du 26 Juin 200

6, le Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE a dit que Maître X... a engagé sa...

EXPOSE DES FAITS ET DE LAPROCEDURE

Reprochant à son avocat, Maître X..., de ne pas avoir saisi la Cour de renvoi après cassation d'un arrêt de cette Cour du 9 Février 2000, de sorte qu'elle avait dû exécuter un jugement du Conseil des Prud'hommes de LORIENT du 29 Septembre 1994, la condamnant à payer à son ancien salarié, M Y..., dont le licenciement avait été jugé sans cause réelle et sérieuse, 139 917 € en principal et 54 219,48 € en intérêts, la SA MAGASINS BLEUS l'a assigné en déclaration de responsabilité et en réparation.

Par jugement du 26 Juin 2006, le Tribunal de Grande Instance de SAINT NAZAIRE a dit que Maître X... a engagé sa responsabilité professionnelle à l'égard de la SA MAGASINS BLEUS mais l'a déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts en considérant qu'elle n'établissait pas l'existence d'un préjudice. Maître X... a été condamné à lui payer 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.

Appel de cette décision a été interjeté par la SA MAGASINS BLEUS.

Elle approuve le Tribunal d'avoir considéré que Maître X... avait engagé sa responsabilité professionnelle mais lui fait grief d'avoir considéré qu'elle ne démontrait pas l'existence d'un préjudice alors que le dossier gardait toutes ses chances d'être réexaminé favorablement par la Cour de renvoi et qu'à tout le moins, si elle avait succombé sur le caractère abusif du licenciement, les dommages et intérêts auraient été calculés sur la base de 10 mois de salaire brut et non de 48 mois comme l'avait fait le Conseil des Prudhommes

Elle sollicite en conséquence, la condamnation de Maître X... à lui payer 139 917 € et 54 219, 48 € correspondant aux sommes payées à M Y... en exécution du jugement du Conseil des Prud'hommes ou, à titre infiniment subsidiaire, 93 200 € et 30 905 € et ce avec intérêts au taux légal à compter du 10 Juillet 2002, outre 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Maître X... conclut à la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il estime que sa cliente a elle-même commis des fautes en ne l'avisant pas de la notification de l'arrêt de la Cour de Cassation, en passant outre à l'ordonnance de référé du Conseil des Prud'hommes du 30 Novembre 1993 ordonnant le maintien de M Y... à son poste, ce qui rendait sa défense particulièrement délicate, et en refusant de transiger.

2

Il considère qu'elle avait perdu toute chance de voir réformer la décision de première instance ou subsidiairement, demande que soient réduites à de plus justes proportions les indemnités réclamées.

Il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures en date des 7 Novembre 2006 et 21 Mai 2007.

DISCUSSION

Attendu que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont retenu que Maître X... a commis une faute en saisissant la Cour d'Appel d'ANGERS, désignée par l'arrêt de la Cour de Cassation du 9 Février 2000 comme Cour de renvoi hors délai, le 22 Août 2000, ce que cette dernière a constaté dans son arrêt du 27 Juin 2002 ;

Attendu que chargé par télécopie du 3 Avril 2000 de la poursuite de la procédure devant cette Cour, Maître X... a prié sa cliente dans sa lettre d'acceptation du 6 Avril 2000 de lui faire parvenir " l'avis de la Cour d'Appel d'ANGERS devant laquelle l'affaire devra revenir" précisant même que "c'était au greffe de la Cour d'Appel d'ANGERS de (la) convoquer";

Attendu que professionnel du droit, tenu d'une obligation de diligence, Maître X... ne saurait sérieusement reprocher à la SA MAGASINS BLEUS de ne pas lui avoir transmis la notification de l'arrêt de la Cour de Cassation, en date du 28 Février 2000, dès lors que non seulement il ne justifie pas le lui avoir demandé, contrairement à ce qu'il prétend, mais qu'au contraire, cette lettre était de nature à lui laisser croire faussement que la Cour d'Appel d'ANGERS avait été directement saisie par la Cour de Cassation et qu'elle devait attendre une convocation ;

Attendu qu'ayant accepté de l'assister dans la poursuite de la procédure devant la Cour de renvoi, sont pareillement inopérants les griefs qu'il fait à sa cliente de n'avoir pas respecté les termes de l'ordonnance de référé du Conseil de Prud'homme de LORIENT du 30 Novembre 1993 ou tenté une transaction après l'arrêt de la Cour d'Appel de RENNES du 2 Juin 1994 ;

Attendu que la faute de Maître X... est bien seule à l'origine de la perte de chance de la SA MAGASINS BLEUS de voir réformer le jugement du Conseil des Prud'hommes de LORIENT du 20 Septembre 1994 qui a dit que le licenciement de M Y... est sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à lui payer 384 000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 384 000 F à titre du préjudice

3

moral découlant du caractère brutal et vexatoire du licenciement, 68 000 F à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 48 000 F à titre d'indemnité de préavis, 28 000 F à titre de congés payés et 5 000 F en remboursement de ses frais irrépétibles ;

Attendu que selon les motifs de ce jugement, le non respect de l'ordonnance du référé du 30 Novembre 1993, laquelle ordonnait la suspension des sanctions prises à l'encontre de M Y..., rendait la rupture du contrat de travail imputable à l'employeur ;

Attendu que pour infirmer cette décision le 27 Juin 1996, la Cour d'Appel de RENNES a considéré au contraire que la mutation proposée à M Y... s'inscrivait dans le cadre de la clause de mobilité prévue à son contrat et qu'en la refusant, il s'était rendu responsable de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que cette décision a été cassée le 9 Février 2000 aux motifs "qu'en l'état de l'ordonnance de référé du 30 Novembre 1993, qui avait ordonné la suspension de l'exécution des sanctions prises par l'employeur, celui-ci ne pouvait par lettre du 5 Janvier 1994, confirmer l'affectation du salarié à COLMAR, au poste de directeur des ventes ; que le refus du salarié, justifié par une décision de justice exécutoire, ne peut constituer une faute de sa part" ;

Attendu qu'eu égard à ce motif, le Tribunal a considéré à juste titre que la SA MAGASINS BLEUS n'avait aucune chance de faire juger par la Cour d'Appel de renvoi que la rupture du contrat de travail était imputable au salarié ;

Attendu cependant que la SA MAGASINS BLEUS fait pertinemment valoir qu'elle aurait pu discuter devant la Cour de renvoi le montant des dommages et intérêts alloués, qui correspondent au total à environ 48 mois de salaire brut ( 768 000 F : 16 088 F = 47,74 ), alors que M Y... n'a été sans emploi que durant 10 Mois ;

Attendu que si Maître X... soutient qu'eu égard à l'ancienneté de M Y... (17 ans), aux conditions vexatoires et brutales de la rupture et surtout au non respect par l'employeur d'une décision exécutoire, l'évaluation de la réparation aurait été la même, la SA MAGASINS BLEUS produit aux débats deux décisions de cette Cour chiffrant, dans des cas d'espèce voisins, les dommages et intérêts à l'équivalent de 14,5 mois et 12 mois de salaire alors que de son côté, l'intimé ne se prévaut d'aucune jurisprudence ;

Attendu au demeurant, que l'on imagine mal que Maître X... ait accepté d'assister la société MAGASINS BLEUS devant la Cour de renvoi s'il estimait nulles les chances de réformation du jugement ;

4

Attendu qu'eu égard à l'ancienneté de M Y... et aux circonstances particulières de la rupture, l'on doit estimer que la société MAGASINS BLEUS avait 90% de chance de voir ramener les dommages et intérêts à 41 700 € et 17 000 € au lieu de deux fois 58 540 € ;

Attendu que le jugement sera réformé et Maître X... sera condamné à payer à la SA MAGASINS BLEUS, au titre de cette perte de chance, 52 500 € ;

Attendu que l'équité commande d'allouer à la SA MAGASINS BLEUS une somme complémentaire de 2 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Réformant partiellement et ajoutant,

Condamne Maître X... à payer à la SA MAGASINS BLEUS 52 500 € à titre de dommages et intérêts et 2 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,

Confirme le jugement en ses autres dispositions,

Condamne Maître X... aux dépens et dit que ces derniers seront recouvrés par la SCP GUILLOU-RENAUDIN conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER- LE PRESIDENT.-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Ct0007
Numéro d'arrêt : 53
Date de la décision : 29/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Saint-Nazaire, 26 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.rennes;arret;2008-01-29;53 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award